VENDREDI 13 OCTOBRE

13/10

Camille va être interrogée sur la question des explosifs pour clôturer la « thématique ». La plupart des questions portent sur sa relation avec F. et sa complicité supposée. Est aussi abordé son rôle dans la confection de pétards à Parcoul.

Juge: avant toute chose, elle informe que le Tribunal a délibéré sur la demande de la veille (faire une requête à la DGSI pour obtenir les enregistrements vidéo des GAV), elle noie encore une fois le poisson en disant que cette demande sera jointe aux autres demandes « sur le fond » et qu’on en saura pas plus pour l’instant.

« Si ca vous intéresse, W. ce que je dis ? »

L’avocate Alice Becker : « Avez-vous reçu un mail de ma part ? » Le mail a été envoyé tôt dans la matinée et arrive « à l’instant » (13h49) sur la boîte mail de la Présidente. La DGSI l’aurait-elle intercepté ?

CAMILLE est à la barre

La présidente annonce les points sur lesquels elle sera interrogée. Principalement les essais de pétards à Parcoul.

Juge: « On ne vous voit pas apparaître tout de suite mais de manière indirecte dans la procédure préliminaire ».

Quelques conversations brèves qui disent peu de choses, des écoutes téléphoniques, une géolocalisation du téléphone, sa voix apparait dans les sonorisations du camion de Florian.

Une sonorisation lui est lue, dans laquelle on entend un appel entre elle et Florian. Il lui explique quelque chose à propos d’une action « à l’arrache », pas bien organisée, avec des Talkie-Walkie, etc. Il dit qu’il aime les trucs « plus pro ». 

– « On vous entend dire « Ouais » à plusieurs reprises », commente la Présidente.

C : F. a un certain goût de la mise en scène. A ce moment-là ce que je sais c’est que l’esprit fanfaronnade, ça ne m’intéresse pas.

J : « Oui, vous ne relancez pas ».

C : « Oui à la fois fanfaronnade et truc inconséquent : ne pas se faire prendre bêtement sur un truc inconséquent ».

J : « Il dit « il aime les trucs bien organisés ». C’est un gars bien organisé F ? »

C : « Je ne sais pas et ça dépend des sujets. Très désordonné ou très organisé selon ses centres d’interêt. Ca ne prédomine pas ». 

Autre sonorisation, le soir du vol d’engrais. F. envoie quelques messages audio à C., sans lui donner de détails, mais il la prévient qu’il part en petite « mission » et que si il ne donne pas de nouvelles le lendemain, c’est qu’il est « en prison ».

Juge : « Est-ce que vous étiez au courant du weekend avec S ? »

C : « Non je ne connais pas S »

J : « Paulnay, vous connaissez ? »

C : « Non. »

J : « Vous n’avez pas idée de l’emploi du temps de F ? »

C : « On ne se tient pas au courant de tout ce qu’on fait ».

J : « Est-ce que vous avez le souvenir de cette conversation ? »

C : « En dehors de la procédure, non. »

J : « Et maintenant ? »

C : « Bah je l’ai eu sous les yeux, donc oui, mais je ne suis pas capable d’en dire plus ».

J : « Une conversation classique ? »

C : « Pour recontextualiser, dans nos milieux on parle souvent de « mission », mais ça n’a rien à voir avec quelque chose de grave. Par exemple, dans nos réseaux de squats ou d’associations, il y a des façons de vivre autour de la récup. Ce vocabulaire ne me surprend pas ».

J : « Est-ce qu’il y a une manière de s’organiser ? Pour la récup ? »

C : « Oui, on prend toujours des précautions car on sait que pour de la récup, ou pour un collage d’affiches, on peut finir en GAV. Je n’ai pas pris au sérieux son message, ça m’a pas alarmée plus que ça ».

J : « Vous allez être géolocalisée, votre camion et ligne téléphonique. C’est comme ça qu’on sait que vous descendez en Dordogne. On s’assure de votre présence à Parcoul, on fait des recherches notamment sur vos achats. Vous n’avez pas contesté votre présence ».

C : « Je n’ai jamais contesté ».

J : « Vous préparez ce déplacement avec l’aide de votre père : il vous envoie des justificatifs par sms. Organisation pour permettre de bouger ».

C : « Oui, c’est ça ».

J : « On a la synthèse de cette communication : déplacement professionnel. Ce n’est pas ce que vous faites ? »

C : « Non, mais c’est le début du confinement, il y a des contrôles stricts et je n’ai pas de raison valable donc j’ai demandé ça ».

J : « Vous vous faites flasher en avril et vous donnez l’adresse du moulin ? »

C : « Non pas du tout. J’ai donné mon adresse à Rennes mais c’était la voiture de Will » (carte grise avec adresse du Moulin).

J : « C’était plus sûr d’avoir une attestation, pourquoi pas sur l’application ? »

C : « Je n’utilise pas ce genre d’application sur mon téléphone. C’est une question d’éthique ».

J : « Vous arrivez le 5 avril au soir, repartez début mai, vous y allez en juillet, y retournez fin juillet… Vous êtes retournée ensuite à Parcoul ? »

C : « Oui, une fois dans l’été. Voir une amie Audrey qui vivait à cette coloc. On s’est rencontrées aux vendanges également. Le weekend était pour organiser un séjour vacances avec une association de personnes sans-papiers du Périgord. J’y suis restée 3 jours. W était là. B n’était pas là ».

J : « Vous êtes partie avant Florian, pourquoi ? Vous vous y ennuyiez?

C : « On en revient toujours à cette histoire de hasard. A la base on devait se voir juste un week-end, puis il y a eu les annonces de confinement donc on a voulu le passer ensemble, c’était plus long que prévu. J’avais pas mes affaires. C’était chouette, mais j’avais pas mes ami.es proches, pas mes activités à Rennes. Financièrement j’étais juste. Je cherchais du boulot. Je suis restée quelques semaines à Parcoul mais j’ai choisi de rentrer chez moi à un moment ».

J : « Quand vous êtes en GAV vous avez répondu mais pas à tout, surtout quant à votre vie privée. On a plus d’informations sur votre parcours, moins sur vos activités. Votre droit au silence est respecté ». 

* Interrogatoire sur la connaissance des explosifs*

J : « Avez-vous des connaissances sur la question ? » 

C : « Non ».

J : « Attirée ? »

C : « Non ».

J : Des questions plus précises vous sont posées à la 5ème audition : vous choisissez de ne pas vous exprimer. Tentative à la 7ème audition sur les explosifs, vous ne voulez pas répondre. Vous vous êtes exprimée très brièvement sur ça devant le juge d’instruction. Vous évoquez la possibilité d’avoir participé. Vous vous rappelez ? »

C : « Oui, mais je voudrais préciser ou nuancer sur la GAV et la première comparution. Je ne m’étends pas sur les conditions d’arrestation. On refusait de me dire pourquoi j’étais arrêtée. Quand l’OPJ s’apprêtait à le faire, on l’a coupé. Au moment de l’énoncé du chef d’inculpation, et pendant le temps de la procédure, je l’ai contesté. J’ai toujours demandé qu’on m’explique les faits reprochés. C’est pourquoi j’ai refusé de parler. A plusieurs moments j’ai également refusé de répondre à des questions politiques ou sur mon intimité que je trouvais déplacées. Quand on a commencé à parler airsoft, j’ai expliqué, mais je n’étais pas écoutée. A un moment donné c’est une machine à broyer. J’ai arrêté de répondre parce que mes réponses ne changent rien à ce qui est en marche ».

J : « Ça figure pourtant clairement dès la première audition, votre chef d’inculpation ».

C : « Vous pouvez comprendre que cela semble complètement déconnecté de ma vie. Je ne comprenais absolument pas le rapport entre ces mots et ma vie ».

J : Pas de connaissance, d’attrait pour les armes ? »

C : « NON ».

J : « On en vient à cette histoire de bateau. Est-ce lié à votre arrivée ? »

C : Je ne crois pas que cette cérémonie du bateau a eu lieu le soir-même, parce que mon arrivée était tardive. Il y avait un effet d’accueil et de joyeuseté qui prédominait notre arrivée. Telle que je ressens notre arrivée – une visite du lieu, lieu magique, joie des habitant·es de nous faire découvrir la prestance du lieu. L’idée est d’investir ce lieu, le rendre joli, faire un bar, dépoussiérer, etc. C’est dans ce cadre la cérémonie du bateau ».

J : « Vous vous souvenez de comment germe l’idée de nouveaux pétards ? »

C : « C’est l’effet d’émulation, d’enthousiasme du groupe pour améliorer l’idée du bateau ». 

J : « Vous avez déclaré en 2020 : « De ces choses là, activités, on a fait de l’airsoft et des expérimentations d’explosif. Ca peut paraitre bizarre mais il y avait un engouement pour le feu et les pétards. Un effet d’émulsion ».

J : « émulation plutôt. Et cette recette, elle ne vient pas de vous ? Est-ce que c’est Florian ? 

C : « A peu près clair. Deux substances dont TATP (mais je ne savais pas) et engrais + sucre

2 substances testées : une dont Flo connaissait la recette mais ne la maitrisait pas, et une recette à base de cristaux. On a fait des recherches internet sur place ».

J : « Mais cette histoire de bateau arrive très vite ». 

C : « Le bateau est le point de départ festif de nos essais ». 

J : « Dans votre souvenir, qui est celui ou celle qui connaissait le plus ? »

C : « Je suis incapable de dire ».

J : « Mais qui en a parlé en premier ? »

C : « C’était une émulation collective, c’est venu spontanément. Il y a eu un engouement pour la fabrication de pétards ».

J : « Essais, expérimentation ratée, puis gros boum, puis ça s’arrête. Pouvez-vous expliquer ? Combien de jours ?

C : « Ca n’a pas duré plus de 2-3 jours. On a fait ça par curiosité. Si ça avait pas marché, on aurait arrêté de toute façon. »

J : « Qui participait ? »

C : « F. Moi. B. W. So. H., présent.es à différents moments, différentes étapes, pas toustes en même temps. Il y avait du temps d’attente, on faisait autre chose pendant ce temps ».

J : « On a compris, tout le monde tatônne, chacun y va de son commentaire… Vous saviez ce que ça allait donner ? »

C : « Ah bah on s’attendait à une explosion de pétard. On ne savait pas ce que ça allait donner chimiquement ».

J : « Vous vous souvenez des étapes ? Dans quelle ambiance ? Conscience de la dangerosité ? »

C : « Le fait que ça prenne feu, c’était pas bien on savait. Le but était de faire une poudre. Il y avait un esprit de confiance, bon enfant. Peut-être une sorte d’inconscience du danger. On aurait pu se faire mal ! On était dans une ambiance guillerette au début, puis après le gros boom on a été surpris.es ».

J : « Qui a transporté l’explosif ? »

C : « On y était tous. C’est sûrement F. qui a pris dans ses mains le produit ».

J : « Les mèches, d’où elles venaient ? »

C : « Je sais pas ».

J : « Pourquoi W. n’est pas venu ? »

C : « Il a prétexté vouloir garder les chiens, j’ai pas cherché à en savoir plus, ça me paraissait logique ».

J : « Qui a allumé le pétard ? »

C : « Je ne me souviens plus ».

J : « Et donc on comprend que ça fait boum, et tout le monde a eu peur ? »

C : « Je pense pas qu’on ai eu peur. Je dirais plutôt, j’ai été surprise, pas fière. Un peu comme une gamine qui a fait un bêtise ».

J : « L’idée de ne pas recommencer, comment c’est venu ? »

C : « Pour moi, c’était une évidence, chacun l’a exprimé plusieurs fois, à différents moments. Tout a été rangé et le reste de matière a été détruite ».

J : « On vous entend, le 11 avril, dire « T’es grave », il y avait une certaine dangerosité dans le comportement de M. D. ?

C : « Non pas du tout, c’était une blague qu’il a dû faire. D’ailleurs, on entend que je suis particulièrement attentive à prendre des précautions : « t’as le temps de t’éloigner », « on commence à s’ennuyer », etc ». 

J : « Vous connaissiez le TATP ? Vous n’avez pas fait le lien ? »

C : « J’en avait peut-être déjà entendu parler, je ne sais pas. Je n’ai pas du tout fait le lien ».

JUGES ASSESSEUSES

J2 : « Ça vous a paru simple à fabriquer ? »

C : « Non pas si simple, on a quand même bien galéré ». 

J2 : « Cette simplicité ne vous a pas fait peur ? »

C : « Oui, disons qu’après on s’est rendu compte qu’on aurait pu se blesser gravement ».

J2 : « Qu’est-ce que vous en avez tiré, comme expérience ? »

C : « Bah… j’en ai rien tiré ! »

J3 : « Pourquoi ne pas avoir arrêté avant ? Vous dites que vous vous ennuyez à un moment ».

C : « Oui l’ennui est venu à un moment, l’amusement initial est retombé ».

J3 : « Qui avait fait les recherches sur internet ? Chacun avait son accès personnel à internet ? »

C : « Je ne sais pas, je n’y ai pas participé ». 

J3 : « C’est F. qui a proposé la recette ? »

C : « Je ne sais pas, l’idée à dû émerger au fil de discussions mais ça ne m’a pas marqué ».

PROCUREUR

Porc : « Bonjour C., M. D. a été sur une zone de guerre, il en parlait souvent ? On peut penser qu’il en a retiré certains troubles, une fragilité ».

C : « Bah oui ça arrivait qu’on en parle. Non je n’ai pas remarqué de troubles quelconques ».

Porc : « N’y a t-il pas une incohérence, une contradiction à faire des activités liées à la guerre, comme l’airsoft et les explosifs ? »

C : « Non, comme il l’a expliqué, ça n’a rien à voir avec la guerre ».

Porc : « Nous savons que vous avez des contacts réguliers mais on n’y a pas accès car vous utilisez Signal, cependant on peut écouter grâce aux sonorisations de son camion des messages audio qu’il vous laisse. On entend par exemple qu’avant sa rencontre avec S. il vous dit « j’ai pas mal de boulot », « je vais bosser », « je suis bien arrivé », vous savez donc ce qu’il fait à ce moment ? Quand il « bosse », de quoi il parle là ? »

C : « Non, je ne connais pas les détails de sa vie, ni où il est ni avec qui. C’est l’inverse que montrent les sonorisations, on voit bien qu’on ne se donne aucun détail de nos vies. Ces accusations remettent en question tout ce que je porte dans ma vie ».

Porc : « Il vous dit pourtant préparer une « petite mission » ça ne vous intéresse pas plus que ça ? »

C : « C’est un mot qu’on utilise tout le temps ».

Porc : « Vous saviez que c’était un vol d’engrais ? Il a volé de l’engrais ? Oui mais l’engrais ? L’engrais vous comprenez ???? ENGRAIS ! (il dit 15 fois le mot en 3 minutes)

C : « Non je ne savais pas du tout, comme je l’ai déjà dit ».

Porc : « En GAV, dès qu’on aborde Parcoul, vous ne répondez-plus, pourquoi ? Vous comprenez, au moment où on vous parle de la confection d’explosifs, vous gardez le silence, c’est étrange… »

C : « C’était au bout de 3 jours, j’étais épuisée. Je pourrais m’étaler sur les menaces d’agression sexuelle et les kilos que j’ai perdus en GAV, mais ça risque de prendre du temps et je ne suis pas sûre que ça vous intéresse, mais allons-y M. le procureur ! »

Porc : « Et la recette d’explosif, elle vient de qui ? »

C : « J’y ai déjà répondu ».

Porc : « Et l’eau oxygénée, pourquoi 3L ? Vous avez dit-être en situation financière compliquée, on a du mal à comprendre cet achat… »

C : « Je n’étais pas en situation financière compliquée mais en effet je commençais à devoir chercher du travail. Et ça ne coûte pas cher du tout, quand je commande, quitte à payer des frais de port, je préfère en prendre un peu plus.

Porc : « Vous avez conscience de la différence entre un pétard et un explosif ? » 

C : « Explosif ce n’est pas le terme que j’ai employé ».

Porc : « En interrogatoire vous dites explosifs ».

C : « A force de répéter ce terme j’ai été prise par l’aspect performatif, mais je le réaffirme aujourd’hui nous voulions fabriquer des pétards ».

Porc : « Certes. Et quand F. sort son engrais, vous savez donc qu’il en a !! (il jubile de sa tautologie) Et après le test, il garde tout ? Ca vous fait rien de savoir ça ? »

C : « Non. Ça ne me regarde pas ».

Porc : « Vous dites avoir eu peur après le boum, et finalement ça ne vous inquiète pas qu’il garde tout dans son camion ? L’engrais, les mèches, les produits… »

C : « Je ne pense pas qu’on a eu « peur », mais on était surpris, oui. Mais de quoi j’aurais dû m’inquiéter ? Aucun de nous n’a acquis un quelconque « savoir-faire » après Parcoul. Il n’y avait pas d’envie d’en refaire. J’en ai aucune idée de ce qu’il a dans son camion, je ne le range pas tous les jours si c’est ça que vous imaginez ! »

AVOCATS

Avocate : « Rappelez-vous combien de fois vous voyez F., en tout ? » 

C : « 3-4 fois maximum ».

Avocate : « Ah, c’est intéressant parce que le PV de judiciarisation de la DGSI en février 2020 nous parle d’une « relation étroite », c’est donc totalement faux. Et votre date de rencontre aussi est fausse.

Vous échangez principalement par Signal, en témoignent les sonorisations du camion de F. Là encore, rien sur les explosifs, rien sur S., rien sur les armes. Sur quoi échangez-vous principalement ?

C : « Principalement de nos « timming de bougeage », pour se croiser à l’occasion ».

Avocate : « Parcoul c’est un peu un hasard non ? Vous arrivez très tard le 5 avril, vous ne faites pas de courses avant d’y aller ? On voit que ce n’est pas préparé du tout ».

C : « On a dû se motiver trois jours à l’avance en effet ».

Avocate: « Puis vous partez le 7 mai, dès fin avril on le voit par l’interception de vos SMS, vous préparez votre départ ».

C : « Oui ».

Avocate : « L’eau oxygénée que vous avez achetée, une partie a servi à Parcoul (trousse de secours), et l’autre partie était dans votre chambre n’est-ce pas ? » 

C : « Oui l’eau oxygénée était sur une étagère dans ma chambre, avec ma boite à couture ».

L’avocate sort les photos de sa perquisition : la chambre est saccagée.

Avocate : « Donc les enquêteurs retournent votre chambre violemment, votre lit est même cassé, pourtant ils ne prennent pas votre eau oxygénée (un précurseurs du TATP), mais repartent avec un poster sur le Rojava ? »

C : « Oui c’est ça… »

Avocate : « On voit que dans les écoutes, personne ne prononce le terme de TATP,  vous même vous connaissiez ce terme? Le Juge d’Instruction semble prétendre que vous feignez ne pas connaitre ».

C : « Non, je l’ai appris dans cette enquête. J’en avais peut-être entendu parler vaguement dans les journaux, mais aucun souvenir ».

Avocate : « Et qu’en pensez-vous maintenant ? »

C : « Bin on aurait pu se blesser salement ».

Avocate : « Quand vous recroisez Florian, vous ne refaites pas d’explosifs ? »

C : « Non pas du tout, quand on se voit, on part en vacances, on randonne, on discute de tout et de rien ».

Avocat : « Quel est le lien que vous entretenez à Parcoul avec le voisinage ? »

C : « Les voisins sont passés plusieurs fois ! Une voisine est arrivée par la rivière une fois, on est allé.es saluer les voisins ».

Avocat : « Donc, les voisins pouvaient passer à tout moment, même quand vous faisiez vos expériences ? En somme, rien de bien clandestin n’est-ce pas ? »

C : « Tout à fait ».

La thématique des explosifs est close, la juge souhaite poursuivre sur les armes et l’airsoft avec C., elle lui laisse le choix de refuser et de passer un autre jour. Elle refuse et c’est W. qui prend la suite au sujet des armes.

WILLIAM à la barre

W. a obtenu son permis de chasse en 2019

Il est en possession d’une carabine 6 coups et d’une carabine 12 mm, armes de catégorie C déclarées auprès de deux préfectures. 

En GAV W. s’est exprimé sur ses armes.  Sa famille et lui collectionnent les objets militaires, lorsqu’il était jeune il tirait avec son grand-père au fond du jardin. 

W. a également fait 6 ans de tir à l’arc, et s’était récemment inscrit à un club de tir, proche de Parcoul, où il se rendait une à deux fois par semaine.

La présidente lui demande si être en possession d’un permis de chasse ne l’a pas amené à chasser et souligne la contradiction avec sa défense de la cause animale, W. répond qu’il n’en a pas eu le temps à cause du confinement, qu’il ne connaissait aucun chasseur dans la région et que pour lui le tir est un hobby. Concernant son engagement pour la cause animale, il n’est plus végétarien aujourd’hui et souhaitait chasser dans un but d’autonomie (notamment, nourrir ses chiens). Sur le fait qu’il soit en possession d’armes « opérationnelles », W. précise que seule l’une des carabines est vraiment létale, les autres n’étant pas assez létales pour la chasse et donc utilisables uniquement pour le tir sportif.

Sur le fait qu’un stand de tir ait été mis en place à Parcoul, W. explique qu’il s’agissait seulement d’un tréteau pour s’appuyer avec une cible posée plus loin. Ses ami.es se sont essayé quelques fois au tir mais toujours en sa présence, pour assurer leur sécurité, et sur des temps courts. F. n’a tiré que 3 ou 4 cartouches. 

S’agissant de la pratique de l’airsoft, W. dit ne pas être très intéressé, cela n’a rien à voir avec le tir, certes l’aspect « mise en scène » est amusante, mais pas plus que ça. Il a néanmoins participé à quelques parties à Parcoul sur une journée, les parties ont eu lieu dans la maison. 

W souligne que cela n’a absolument rien à voir avec un véritable entraînement militaire : « Mon père m’aurait ri au nez si on lui avait parlé d’entrainement militaire ».

Tout le monde a participé sauf une personne.

L’objectif de ces parties était de s’amuser, de « jouer à la guéguerre », soit en avançant tous ensemble vers un objectif commun, soit en faisant deux équipes qui s’affrontent.

La présidente insiste pour savoir qui a proposé et savoir si c’est F. qui a « pris les choses en main ». 

C’est F. qui a proposé la partie d’airsoft, il leur a montré comment s’introduire dans une pièce et la sécuriser, mais en aucun cas il ne leur a transmis un savoir-faire militaire ni tactique, c’était pour s’amuser et passer le temps au bout d’un mois de confinement. Il en a retenu une bonne partie de rigolade.

La juge lui demande s’il était au courant que F. avait d’autres armes à sa disposition, W. lui répond que non. 

S’agissant de la volonté de F. de passer le permis de chasse, W. se rappelle en avoir parlé avec lui, pour des questions d’autonomie alimentaire. La juge cherche à savoir si F. a sollicité W. pour qu’il l’aide à obtenir une arme, il répond que non. 

Elle lit une sonorisation qui aborde le sujet du permis de chasse de F. et du choix de la meilleure arme « pour tuer des poulets », W. répond que c’est une blague, F. ne restant pas souvent sérieux plus de 5 minutes, mais qu’il s’agit d’acheter de quoi chasser le sanglier et du gros gibier. Elle souligne que dans cette conversation ils paraissent déçus de ne pas avoir les moyens d’acheter une arme adaptée, W. répond « qu’en général, on veut ce qui coûte le plus cher ». F. fait une blague sur la Turquie et dit qu’il va « aller à la source pour s’en procurer une ».

La présidente mentionne un appel téléphonique au sujet du permis de chasse que F. aurait faite précédemment chez l’armurier le 5 juin.

Puis la juge demande à W s’il sait si F. a acquis une arme, W. répond qu’il ne sait pas.

Elle cite une conversation avec B. au sujet de l’achat d’une arme pour F., un fusil à pompe, d’un montant de 300 à 400 euros « à la louche ». Elle s’étonne que F. envisage d’acheter une arme avant d’avoir obtenu son permis de chasse, W. explique que c’est parce qu’il s’agissait d’une très bonne affaire (plusieurs centaines d’euros de réduction). B. aurait acheté l’arme pour F. mais a souhaité la garder car il l’aimait bien et s’y était habitué au stand de tir.

Le juge demande à W. s’il était au courant que L. avait fait des rencontres airsoft et s’il avait connaissance des ateliers avec M. et L. : « Non. »

Devant le JI, W. aurait dit de ses camarades qu’ils étaient des « mauvaises fréquentations », ce à quoi W. répond : « Ce n’est pas lui qui a apporté le bordel dans ma vie, c’est l’enquête de la DGSI qui a foutu le bordel dans ma vie ».

La juge aborde « L. et son petit délire survivaliste » et demande si son souhait était de former de petits groupes survivalistes. Elle cite des morceaux de conversation portant sur l’autonomie, un possible crack boursier, le souhait d’occuper une ferme abandonnée, ce à quoi W. répond que dès qu’ils regardaient les informations, ils voyaient des gens « s’entretuer pour du PQ ». 

W. confirme qu’il y avait bien un projet de vivre en autonomie alimentaire et de faire des activités, mais que le reste relève du délire lié au confinement et à ce qui se passait alors dans le monde.

Avec le Covid et le confinement les prix de l’immobilier ont flambé, et il leur était impossible de trouver un terrain ou une bâtisse de l’ordre de ce qu’iels cherchaient. 

Juge assesseuse de droite : 

JA : « F. parle beaucoup de Rojava. Comment passe-t-on du récit à une mise en situation ? » 

W. : « Je ne comprends pas la question ».

La juge cite des déclarations de So. sur le fait « d’apprendre à se déplacer », du fait que F. « était fan de tout ça », « voulait qu’on fasse ses entrainements », « était obnubilé par les armes ». 

W. déclare que cela ne reflette pas du tout ce qu’il a vécu et regrette qu’elle ait vu les choses comme ça. 

Procureure : 

Elle se demande pourquoi faire toutes ces démarches pour obtenir l’autorisation d’une chasse gardée et sous-entend que c’est bizarre.

W. lui rétorque que non, et la remet à sa place en lui expliquant les réalités de la campagne, il ne souhaite pas s’attirer des problèmes en déclarant son terrain « réserve interdite à la chasse » (provoque l’hostilité des chasseurs), il évoque la nécessité de pouvoir chasser les nuisibles sur son terrain, et sa volonté de pouvoir être auto-suffisant en viande.

La proc lui demande quel investissement financier cela représente, autant d’armes !

Il répond que ça ne lui a pas couté très cher, environ 600€, que la plupart de ses fusils ont été donnés ou achetés d’occasion, pas cher du tout. Il se rend à des bourses aux armes et cherche chez les antiquaires.

Elle lui redemande combien de fois par semaine il s’entraîne au tir, même réponse, une à deux fois par semaine.

La proc évoque une conversation entre F., M., et L. au sujet des armes et de la chasse, W. rétorque qu’il n’était pas au courant.

Des soupçons sur la volonté de F. de se procurer une arme alors qu’il serait végétarien : W. estime que si F. cherchait à obtenir une arme sans vouloir chasser, alors il n’aurait pas besoin du permis de chasse,

Il est beaucoup moins coûteux d’aller s’entraîner au stand de tir, c’est donc qu’il s’intéressait à la chasse.

La proc cite alors une sonorisation sur la crainte de la montée du fascisme, W. rétorque que cela n’a aucun rapport, qu’en aucun cas il n’est question de s’armer pour tirer sur des gens.

Elle cite un extrait de conversation entre F. et C. au sujet des parties d’airsoft où F. évoquerait un « partage de connaissances » et ferait le lien avec le Rojava, ce à quoi W. répond qu’il n’y a pas eu de debriefing après les parties d’airsoft et qu’à ses yeux il n’y avait pas de notion de partage d’une expérience particulière.

Au sujet des séances de tir, avec F. ce n’est arrivé qu’une seule fois, parfois W. en faisait tout seul.

La proc cite à nouveau les propos de So. et Ma. sur le fait qu’il s’agissait « d’entraînements paramilitaires », que « tout tournait autour de ça ». Cela semble totalement disproportionné aux yeux de W. qui rappelle que les parties d’airsoft ont eu lieu sur seulement une après-midi. 

Elle insiste et se questionne sur le fait que Ma avait deviné que c’était F. qui avait été arrêté le 8 décembre 2020.

Avocate

L’avocate prend la parole et insiste sur le fait que W. est extrêmement attentif aux questions de sécurité s’agissant de la pratique du tir. 

A la question de savoir pourquoi il pratique le tir, W. répond que ça le détend, qu’il est dans sa bulle, se concentre et qu’il aime ça. Il pratique le tir au stand de tir avec un gendarme, qui préside l’association. Il pourrait avoir fait des démarches pour avoir accès à des armes de catégorie 2 mais cela ne l’intéresse pas.

Le 12 mai 2020, jour du déconfinement, W, F, et B se rendent au bar, font du lèche-vitrines. Ils font un tour à l’armurerie et B acquiert une carabine à poudre noire de 1820. Sur les sonorisations on entend parler de « gratter le numéro de série avec une pièce », W. rétorque que cela n’a aucun sens, on ne parle pas de fusil, ce n’est même pas son calibre, et en aucun cas on ne peut gratter un numéro de série d’une arme avec une pièce.

Sur la question du survivalisme, le  25 mars est « le début de la fin du monde », l’autonomie revêt un caractère pacifiant. Il est question d’acheter un terrain sur lequel faire un potager, avoir l’accès à l’eau, vivre en collectivité et en autosuffisance. L’avocate souligne le fait que cela n’a aucun rapport avec une AMT.

Sur les déclarations de So., W. répond qu’elle n’aime pas du tout les armes, ni les douilles qu’il lui offre. (il a l’habitude de récupérer des douilles usagées et d’en offrir à tout le monde).

« Si on fait le décompte des activités de gauchistes machiavéliques au long du séjour on compte 3 jours de pétards et 1 jour d’airsoft. » déclare-t-il pour remettre un peu les choses à leur place.

Me Bouillon : 

Lors de la GAV, la DGSI a affirmé que l’élément de roquette (tubulaire) servant d’élément de décoration chez vos parents se trouvait chez M. Fraga. Lors de sa perquisition, des armes ont été retrouvées dans le matériel d’airsoft. Vous lui avez-vous prêté ? 

On apprend là qu’un élément de lance-roquette de collection a été laissé pendant la perquiz chez ses parents, puis, avant de partir, un gradé de la DGSI a dit : « Prends, ça peut toujours servir », et que des agents de la DGSI ont utilisé cette « saisie » pour prétendre lors d’une GAV que cette arme avait appartenu à F. et qu’il l’avait stockée chez quelqu’un. W. déclarera : « C’est honteux, c’est ce que j’appelle une barbouzerie ». 

Me Bonaglia : 

Sur la question de posséder un permis de chasse, il est indispensable y compris pour chasser les nuisibles sur son propre terrain. 

Me Meyniard : 

Elle dit que W. est passé d’un monde urbain au monde rural, et qu’il a découvert le monde de l’élevage.

Elle évoque une autre barbouzerie. W était visé par une enquête du SNEAS : il avait écopé d’une condamnation il y a longtemps pour la défense de la cause animale, le SNEAS trouvait ça étrange qu’il obtienne un permis de chasse et a demandé à ce que ses armes lui soient retirées. La DGSI a alors donné pour instruction de ne pas lui confisquer ses armes. C’est à la fois la preuve qu’il n’était pas considéré comme dangereux par la DGSI, mais aussi que la DGSI avait besoin que des armes soient présentes dans le dossier pour habiller les arrestations prévues plus tard.