MERCREDI 11 OCTOBRE

11/10

L’audience commence par l’annonce d’un changement de programme:

    – avant de faire intervenir l’expert, la présidente souhaite d’abord entendre tous.tes les inculpés au sujet des explosifs.

    – la journée de jeudi sera consacrée aux armes.

    – les outils de communication cryptées et « projets »ne seront pas traités avant mardi prochain (17.10).

FLO

La présidente appelle ensuite F. à la barre. Elle commence par lui demander comment il a renoué les liens avec S.

F. explique qu’il avait un peu coupé les ponts avec le milieu squats/collectifs/etc. dont S. faisait partie. Quelqu’un lui a dit que S. souhaitait le revoir pour parler du Rojava, ils se sont donc vu en décembre (2019). Lors de ces retrouvailles ils ont parlé de tout et notamment de faire des essais ensemble. F. assume qu’il avait une recette qu’il n’avait pas encore essayé. Celle-ci ne venait absolument pas du Rojava – comme S. a pu le dire (il avait lui même parler de quiproquo vendredi dernier)- mais d’une vidéo visionné avant son départ avec un ami agriculteur. De la vidéo F. dit avoir retenu les proportions d’ »amonitrate » et « sucre » via une blague servant de moyen mnémotechnique. 

« Je n’ai pas la même passion que S., mais j’aime bien les pétards. » D’autant que c’est plutôt banal, dit F., même les agriculteurs utilisent ces produits pour désoucher les arbres.

La présidente demande si il y avait une sorte de répartition entre F. et S. sur qui amenait quoi à ces essais.

F. n’est plus certain de comment ils s’y étaient pris. Il se rappele qu’il avait amené des engrais et S. des spatules.

La juge est curieuse du terrain sur lequel ils ont réalisé ces essais, en terme d’isolement et de sécurité.

F. répond qu’il n’y avait pas de maison à moins de 5 km et que quoi qu’il arrive le bruit ne choquerait personne du fait de la présence régulière de chasseurs. Il rappelle aussi que le weekend passé avec S. n’était pas dédié uniquement aux explosifs. Ils devaient aller à la fromagerie, à la coopérative de vin et passer du bon temps ensemble. Il rapelle qu’il n’avait jamais fait ce genre d’essai auparavant.

De la retranscription des écoutes la juge ressort la phrase « c’était quoi qu’on a fait », prononcée par S. Pour elle cela implique qu’ils auraient déjà fabriqué des explosifs. C’est une erreur de la retranscription de la Dgsi déjà soulignée auparavant (écoute inaudible)

En fait non, S. demandait juste la recette que F. sortait de ses souvenirs de la vidéo. La juge insiste sur le fait qu’il aurait pu avoir déjà fait ou essayer avant. F. dit avoir été tenté de l’essayer auparavant mais qu’il n’avait pas revu son ami agriculteur et qu’il avait attendu de retrouver S.

D’ailleurs, depuis l’interrogatoire de S. à la barre vendredi (6.10) F. sait que ces essais étaient légaux puisque vu le métier de S. il pouvait engager sa responsabilité et ses agréments.

La présidente insiste sur une écoute au sujet d’explosions.

F. répond qu’il a parfois eu besoin de parler de ce qu’il avait vu au Rojava et que cela lui faisait du bien d’en parler avec des ami.es. Il fait le parallèle avec l’airsoft qui peut permettre « d’ancrer quelque chose dans un truc ludique ».

L’interrogatoire continue au sujet des essais avec S. La juge s’interroge sur les difficultés rencontrées.

F. répond que l’aspect de l’engrais ne correspondait pas à ses souvenirs de la vidéo et aux explications de son ami à l’époque. Il insiste aussi sur le fait qu’il y a une part de vantardise dans leurs discussions.

Et la juge d’insister; « on a vraiment l’impression que vous aviez déjà fait ou vu faire des explosifs? ». Ce à quoi F. répond qu’il avait simplement vu la vidéo.

La juge poursuit en demandant quelle urgence F. et S. ressentaient pour aller voler de l’engrais à Gamm Vert. Pour F. ce ne sont que des actes de « grands gamins », des « comportements débiles de mecs » se croyants un peu capables de tout. L’engrais utilisé pour les tests ne correspondait pas à celui de la vidéo et ce n’est pas possible d’en acheter en petite quantité (cela se vend à la tonne)

La présidente interroge ensuite F. au sujet des précautions prises autour de ce weekend d’essai, de la façon dont ils en avaient parlé autour d’eux.

Pour F. c’était surtout concernant le vol. En effet il avait envoyé un message à quelqu’un pour dire que si il ne donnait pas de nouvelles le lendemain c’est qu’il y avait un problème.

F. était au courant que S. allait venir en mode « mystère », un peu caché, du fait de la situation avec sa copine.

« Comment s’est déroulé le vol? »

Pour S. l’alcool est redescendu (conduite) et il s’est dégonflé, F. n’avait pas prévu de faire ça seul.

« Aviez vous des craintes au sujet de la compagne de S.? »

Cela avait traversé l’esprit de F., il ne l’avait pas vu depuis des années.

La présidente enchaine sur une question au sujet de l’aide matérielle que F. sollicitait pour envoyer au Rojava.

F. répond qu’il cherchait du matériel en tout genre, notamment du matériel militaire comme des gilets, des protections, mais pas des armes. Il continue en précisant qu’il n’y avait aucun besoin de fournir des armes aux gentes du Rojava puisqu’elles étaient envoyées par les USA…

La juge questionne F. sur l’intérêt de continuer ces essais infructueux et des retrouvailles avec S. et sa copine quelques mois plus tard en juillet. F. précise qu’ils n’en n’ont pas reparlé car il s’était fait peur entre temps avec l’essai fait à Parcoul.

Sur Parcoul (interrogatoire en deux temps) : 

Le séjour s’est fait sur invitation de W.

L’idée était d’améliorer un essai de spectacle proposé par W. pour inaugurer la construction de leur bar au Moulin. C’est un petit bateau qui brûle sur l’eau avec une fusée nautique.

F. dit que c’était juste une proposition, qu’iels n’ont pas fait que ça à Parcoul en un mois.

La vidéo du bateau les a beaucoup amusés mais le résultat était nul, donc iels ont eu l’idée de faire mieux. 

Les essais étaient effectués juste par envie de s’amuser, de jouer, tout simplement. 

« On cherchait à s’occuper pendant le confinement, tout comme on s’occupait des animaux, on sortait faire des balades.

Les essais de Parcoul m’ont fait peur ».

La question est posée sur des recherches effectuées pour fabriquer un détonateur. F. répond que la recherche s’est faite sur internet mais qu’il ne se rappelle plus, iels étaient plusieurs dans la coloc du Moulin. M. était plutôt à part.

L’interrogatoire se poursuit au sujet de la mise en œuvre. 

Un premier essai a été effectué en mélangeant de l’ammonitrate avec du sucre, le mélange s’est enflammé.

Un second essai a été effectué et ressemblait plus à ce qu’on voit sur la vidéo.

Iels recherchent ensuite de quoi faire détoner le mélange, ce qui a mené à des recherches sur internet où une recette a été trouvée, composée d’oxygène, d’acide et d’acétone.

F. décrit ces essais comme des moments de rigolade, et les compare à « une bande de mômes ».

Néanmoins, iels ont fini par réaliser la dangerosité de ce qu’iels étaient en train de faire. Iels étaient dans l’amusement mais aussi inconscients.

La juge insinue que F. donne les instructions et lit une retranscription. F. Lui fait remarquer qu’elle a choisit ce passage mais qu’iels prennent tous l’initiative à tour de rôle. Iels font même un chifoumi

F. se retourne pour regarder W. dans la salle, il est repris par la Présidente. 

Il affirme qu’iels ne savaient pas exactement ce qu’iels faisaient, au cours des étapes des cristaux apparaissaient comme dans les recherches qu’iels avaient effectuées. Iels avaient beau savoir que c’était potentiellement dangereux, sur le moment iels n’avaient pas pleinement conscience du degré de dangerosité de ce qu’iels faisaient. 

Kempf fait remarquer que dans les nouveaux passages cités ce n’est plus F. qui donne les instructions.

Encore une erreur de retranscription des sonorisations, l’un des protagonistes étant surnommé « Melvil » alors qu’il s’agit tout simplement de « mais Will… »

Au sujet du lieu des essais : 

Les essais de détonateurs auraient eu lieu à proximité des camions. L’essai final avec le mélange et détonateur aurait eu lieu près de la forêt (500m de la maison).

L’interrogatoire se poursuit au sujet de prétendus «gilets balistiques ». Il n’a jamais été question de gilets balistiques mais de lunettes balistiques, indispensables lors de la pratique de l’airsoft et qui, dans ce cas permettait juste de se protéger les yeux. F. rapelle que dans le rapport du Pnat ces lunettes balistiques, changés en gilets balistiques au cours de la retranscription de la Dgsi sont alors qualifiés de « gilets explosifs » !!

S’agissant des quantités de produit utilisées, cela reste approximatif, mais se compte en grammes et en millilitres. 

Puis les questions portent sur la « grosse » explosion, afin de comprendre comment elle a eu lieu. F. explique que c’est lorsque le détonateur a fonctionné avec le mélange d’amonitrate. Tout le monde était présent sauf W. et M.

L’interrogatoire en vient à la fabrication de TATP : F. affirme ne jamais avoir entendu ce terme avant la procédure mais se souvenir uniquement des trois produits utilisés pour la fabrication, qui sont des produits courants que l’on peut trouver dans toutes les maisons. 

A aucun moment il n’a parlé de ces essais à S. parce qu’il a eu peur et qu’il ne voulait pas en parler pour son ego. La juge feigne ne pas comprendre et lui fait remarquer qu’il en parle aujourd’hui devant ce tribunal. F. Lui rétorque que les enjeux ne sont pas les mêmes aujourd’hui.

Les personnes présentes étaient à environ 50 mètres de l’explosion, qui les a surprises et leur a fait peur. L’explosion n’a pas fait de dégâts (pas de cratère ni d’arbre abîmé), mais s’est posée la question de ce qui aurait pu arriver s’iels avaient été plus près. Chacun.e est parti.e dans son coin après cet essai. Nous avons décidé que nous n’en parlerions à personne et ne donnerions pas la recette, car cela les rendrait responsable de ce qui pourrait éventuellement se passer. 

A la question de savoir pourquoi ne pas s’être débarrassé du matériel par la suite, F. répond qu’il ne souhaitait plus y penser mais qu’il aurait dû le faire.

Questions du procureur : 

Le procureur demande s’il s’agissait de transmettre un savoir acquis au Rojava, ce à quoi F. répond qu’il n’a rien appris à ce propos là-bas.

Le proc cherche à savoir combien de temps ont duré les essais et combien il y a eu d’échecs. F. ne peut répondre précisément, car iels ont vraiment tâtonné. Le proc fait remarquer que l’explosion était impressionnante, ce à quoi F répond que c’est surtout le bruit de l’explosion qui l’était.

Le proc cherche à savoir si F a cherché à importer un savoir au sujet d’explosifs à son retour du Rojava. Ce à quoi F répond que non, il ne cherchait absolument pas à partager un savoir militaire mais plutôt son expérience sur un plan politique. 

Le proc cherche à comprendre d’où lui vient son expérience, F explique qu’il est simplement bricoleur et a le sens de la logique.

Sur le vol d’engrais, le proc demande si c’est lié au fait de ne pas pouvoir en acheter autrement qu’à la tonne, et pour ne pas être remarqué à acheter du nitrate sans être agriculteur, ce à quoi F répond que non.

Il lui demande combien il en a volé, « un sac à dos ».

Le proc fait remarquer que F utilise un vocabulaire « professionnel » en parlant de « protocole », de surveillance, ce à quoi F répond que c’est pour impressionner.

A la question de savoir pourquoi il avait gardé le matériel, F répond que son camion est sa maison, qu’il y a toutes ses affaires dedans.

Le proc fait remarquer qu’à son arrivée à Parcoul les essais débutent rapidement, ce à quoi F répond qu’il s’est passé une semaine entre son arrivée et les essais et qu’iels ont aussi arrêté très rapidement.

S’agissant  de son rôle, le proc désigne F comme étant quelqu’un qui donne des instructions, ce qui contredit ses déclarations affirmant que c’était participatif. Le proc souligne des incohérences avec les déclarations d’autres prévenu.es, F souligne qu’il a donné la recette mais que toustes ont participé.

Sur le fait que l’explosion a surpris et « tétanisé » tout le monde, F reconnaît qu’il a été très surpris et a pensé à ce qui aurait pu arriver si l’explosion avait eue lieu dans un moment incontrôlé.

Le procureur l’amène sur les discussions autour de la « cause », du Kurdistan, et essaie de faire le lien avec les essais d’explosifs. F répond que cela n’a rien à voir. Le proc lit des écoutes, F répond que ce sont là des discussions de gens bourrés, qui « refont le monde » complètement alcoolisés.

Au sujet d’un concert de soutien au Rojava, le proc parle de détournement d’argent pour acheter des armes. F répond que c’était uniquement destiné à acheter du matériel médical et militaire mais certainement pas des armes, puisqu’iels en ont déjà.

Questions Me Bouillon : 

Elle rappelle qu’avant Paulnay (rapport de judiciaire action du 7/02/20), aucune écoute ou surveillance n’est en lien avec les explosifs (Krav maga et air soft dans le rapport). Entre avril 2020 et les arrestations, de nombreuses conversations dans le camion sonorisé mais aucune au sujet des explosifs.

L’avocate lui demande de raconter le vol : j’ai enjamber un petit muret, je me suis rendu sous le préau et j’ai rempli l’engrais depuis le big bag vers mon sac à dos.

Elle revient sur le fait d’evoquer l’appel à un avocat. F. Répond que c’est courant dans les milieux militants lors d’une manifestation ou ouverture de squats.

Elle l’interroge ensuite sur le type d’explosif qu’il a pu observer au Rojava. F.explique qu’il n’a jamais vu la fabrication ni la composition de ceux ci mais a Raqqa, pour éviter les mines posées par Daesh certains explosifs étaient utilisés en prévention lors d’avancée tactique. Ils devaient être composés de poudre métallique car après explosion une poudre de métal brillante se répandait partout.

Questions Me Kempf : 

Me Kempf demande à F s’il se souvient de la nature des questions qui lui ont été posées en GAV, ce à quoi F répond qu’elles portaient essentiellement sur ses opinions politiques, et qu’il pensait que cela outrepassait les lois de juger les gens sur leurs idées politiques. 

Au sujet de l’article de Mediapart (2019), F dit s’être senti désigné et criminalisé. Et surtout il pensait à l’époque que son séjour au Rojava était illégal et n’a appris que plus tard que légalement parlant ça ne l’est pas. 

Kempf demande à écouter des extraits audio pour rétablir la réalité de certaines retranscriptions, la juge ne fait aucun effort et se plaint de rien entendre. La Défense lui demande alors comment rétablir la vérité au sujet des erreurs de retranscriptions. Elle demande donc (saoulée) à la Greffière de prendre note de ces modifications. 

Est souligné le fait qu’à Paulnay, 554 enregistrements ont été effectués et seulement 29 ont été retranscrits depuis le camion. Au cabanon, 5,23% des enregistrements sont retranscrits, et à Parcoul, seul 1,13 % des enregistrements ont été retranscrits.

Au total, 0,72% des enregistrements ont été retranscrits entre février et décembre 2020.

M. B, EXPERT EN EXPLOSIF

L’audience est suspendue. Elle reprend à 19h44 par l’intervention de l’expert en explosifs qui a réalisé deux expertises dans ce dossier. Il commence par prêter serment, main levé et tout et tout…

L’expert commence par expliquer qu’il a réalisé les expertises à partir des scellés, des perquisitions où il était présent (Toulouse, Paulnay) et des retranscriptions de sonorisations et d’écoutes. Il arrive avec un petit power-point… 

On y apprend notamment que le fulminate de mercure est un explosif primaire très sensible. A noter qu’il n’a pas été utilisé lors des essais mais évoqué dans les retranscriptions. Idem pour le nitrate d’amonium/aluminium.

Pour la poudre noire (on connaîtra tous la recette d’ici la fin du procès ^^), il reconnait qu’il y a peu de savoir requis et que l’accès aux produits est assez simple.

Concernant le mélange nitrate d’ammonium fondu & sucre, l’expert estime qu’il faut des compétences et un savoir-faire important, mais peu répandu, pour en fabriquer. En revanche les précurseurs (engrais et sucre) sont simples d’accès. C’est un mélange peu utilisé en France mais plutôt dans la région du Caucase (zone de conflit, on reviendra plus tard la dessus avec les avocats).

L’expert est difficile à suivre, il parle très vite…la juge lui fait remarquer

Au sujet du TATP il estime que le produit est très instable mais qu’il faut très peu de compétences pour en fabriquer et que l’accès aux précurseurs est simple (acétone, eau oxygénée, acide). Il reconnait que les étapes décrites dans les retranscriptions montre que ça tâtonne, réalisé avec difficulté pas à pas.

Globalement il considère que pour le mélange nitrate d’amonium fondu & sucre il faut avoir testé auparavant vu la complexité.

S’en suit un long passage de présentation avec des résultats d’analyse des composants trouvés dans les différents endroits perquisitionnés, dont de l’encens… Puis l’expert projette un grand tableau récapitulant les traces de produits trouvés sur les gazinières, les poêles, les gants, les spatules… Des traces de produits ont été retrouvés sur deux spatules, un plan de travail, la gazinière et des gants, alors que sur une dizaine d’autres objets il n’y a pas de traces.

Vient ensuite un autre montage photo avec des objets pyrotechniques, des inflammateurs, des mèches, des pétard Bison, des fusées de signalisation nautiques… au passage il se permet de commenté « peut être utilisé en manifestation contre les forces de l’ordre.

L’expert note la présence lors des perquis’ d’autres objets pouvant entrer dans la fabrication d’engins explosifs: piles, interrupteur, quincaillerie, fils électriques… cela ressemble plus à une liste de matériaux de bricolages qui trainent chez des personnes bricoleuses.

Enfin il montre à l’écran des factures qui pourraient être liées à une activité d’artificier de divertissement.

Les juges regardent l’écran avec intérêt, les sourcils un peu froncés, en hauchant la tête.

En conclusion: « l’ensemble des éléments qu’on m’a présenté permet d’affirmer que nous sommes en présence de personnes en capacité de fabriquer des engins explosifs, ils ont les connaissances et le matériel ».

Ensuite l’expert fait un pronostic de dégats avec 20kg d’ANFO (explosif à base de nitrate d’amonium et fuel) alors que F. et S. avait 12kg d’amonitrate seul (qui reste un engrais vendu légalement) et 258g d’Anfo (uniquement dans le camion de S.) Sa simulation, conclusion de son rapport, montre les dégâts qu’aurait pu faire une hypothétique explosion Place Vendôme à Paris.

La présentation terminée, la présidente prend la main et démarre avec une question sur le nitrate d’amonium.

L’expert raconte qu’aucun de ses collègues européens n’a jamais vu ce mélange (nitrate sucre). 

Le nitrate d’amonium aurait plutôt été utilisé au 20ème siècle dans le monde agricole pour dé-soucher et briser des roches. Ce n’est pas forcément illégal.

Au sujet du TATP il estime que l’appellation est connue de tous, surtout depuis les attentats de 2015 après lesquels les médias parlaient souvent de ce type d’explosifs. Il note, malgré tout, que son regard est peut-être biaisé par sa profession.

La juge demande à l’expert si l’Anfo peut rentrer dans la catégorie de l’artifice de divertissement. Sans surprise, l’expert en explosif du laboratoire central de police répond à la négative et dit que cela relève du domaine civil avec l’obligation d’un certificat de préposé au tir (CPT) (on a appris depuis que la formation dure une semaine sans pré-requis)

La juge se demande si 2-3 jours d’expérimentations suffisent pour savoir fabriquer du TATP. Ce à quoi l’expert répond que oui, contrairement au nitrate d’amonium fondu qui demande plus de connaissances. Pour lui, il y a 3 chances sur 4 de ne pas réussir l’opération, il parle du « magmatage » difficile a obtenir.

 « Les recettes de TATP peuvent-elles se trouver sur internet? »

Expert – « Oui, en accès libre. »

 « Et la poudre noire? C’est assez facile à fabriquer? »

Expert – « De qualité un peu médiocre, oui. »

Questions du procureur

Les juges laissent la parole à leur cher procureur.

Proc – « Est ce que vous diriez que l’on peut utiliser le TATP dans le monde du divertissement? »

Expert – « Le TATP? Non. »

Il dit ça d’une voix rauque avant d’expliquer que le TATP est trop sensible pour cela et peut exploser rien qu’en le laissant au soleil. En revanche il est facile à fabriquer et donc beaucoup utilisé pour les attentats.

Il en profite pour faire une classification (qui nous parait officiel à ce moment là) des différents types d’artifices et explosifs:

    1. Les produits de divertissement, poudre noire, perclorate, tout ce qui réagit à la flamme, c’est d’après lui le plus sensible mais aussi le plus accessible, il faut alors avoir le F4 T2 (formation artificier) qui permet d’acheter, mettre en oeuvre, transporter…

    2. Les produits militaires : destruction, explosif secondaire, amorçage par détonateur, uniquement dans le domaine militaire

    3. Les produits du domaine civil comme l’ANFO, la dynamite, certains explosifs secondaires, il faut alors un certificat de présupposé au tir (CPT) et certaines autorisations. Carrières, stations de ski…

    4. La fabrication artisanale, c’est illégal

Le procureur lui demande où placerait il là dedans l’ANSU (nitrate/sucre), il lui répond nul part car officiellement ça n’existe pas (????)

Le procureur insiste en lui demandant si dans le cadre des effets spéciaux, pour les films, on peut se permettre certaines expérimentations. D’après l’expert, sur les films (il précise même très gros budget), tous les produits sont officiels, de fabrication industrielle (LOL!!!)

Proc – « F. parle d’une vidéo, montrée par un agriculteur, vue deux ans auparavant. Est-possible qu’il se rappelle de la recette? »

Expert – « Quand on fait de la pyrotechnie ou des explosifs, on ne retient que ce qu’on fait. Alors une vidéo vue il y a deux ou trois ans, non non non, je n’y crois pas. »

Il rajoute que si c’est la vidéo qu’il a vu circuler, elle contenait trop peu de détails pour être utiles.

L’expert enchaine en expliquant que la recette « nitrate d’amonium & sucre » est arrivée par le Caucase dans le milieu Djihadiste. « Mes collègues européens et américains n’ont jamais vu ça sur leur territoire ». A la demande du procureur il dit qu’en 20 ans de métier il n’a jamais vu cette recette en France.

Proc –  » Quels types de dégats peuvent occasionner 400g d’ANSU+ TATP? »

En réponse l’expert montre un trou de 20cm de diamètre et ajoute « madame la présidente ne serait plus capable de continuer le procès, le premier range non plus, tandis que le deuxième rang serait protégé par le premier ».

Questions substitut du procureur

Elle commence par rectifier une grosse erreur de l’expertise, qui se base sur le fait que 2kg d’ANFO ont été retrouvé chez S. Elle reconnait qu’il n’y a que 258g et que le reste était du nitrate d’amonium c’est a dire de l’engrais. Depuis 2h l’expert nous parle de 2kg d’ANFO et cette information est erroné. Elle devance donc les avocates…

« Pouvez-vous me donner un exemple de crime de masse perpétré avec de l’ANFO? »

L’expert répond par de nombreux exemples dont un attentat à Oslo.

Questions des avocat.es

C’est la défense de C. qui commence par une question sur l’urgence du premier rapport. Elle demande si l’expert en avait parlé avec le juge d’instruction à l’époque. L’expert répond que certainement même si il n’en a plus souvenir.

Avocate – « Est-ce fréquent qu’on vous demande de travailler à partir de retranscriptions? »

Expert – « Non, c’est la première fois. »

L’avocate exprime l’étonnement de la défense concernant le fait que l’expert n’ait eu accès ni à l’entièreté des retranscriptions ni aux sons. Ce à quoi l’expert répond que le magistrat lui transmet les pièces qu’il juge nécessaire. L’avocate poursuit en se disant surprise que certains passages de ces retranscriptions aient été préalablement surlignés en jaune. Elle demande à l’expert si cela aussi est fréquent. « Euuuuh, je ne sais plus », répond l’expert en disant que parfois les documents sont épais et que les passages importants sont pointés du doigt, même si évidemment il faut tout regarder.

L’avocate de W. enchaine – « vous travaillez pour la préfecture de police, pour la cours d’appel de Paris. Je voulais savoir si vous aviez des pratiques paysannes monsieur? » Elle veut savoir si il a des connaissances au sujet des explosifs utilisés dans le milieu paysan. Ce à quoi il répond en parlant d’explosifs utilisés contre les taupinières, mais il ne veut pas reconnaitre l’utilisation de l’amonitrate + sucre dans le milieu agricole.

Elle lui montre ensuite une douille, utilisée à Parcoul comme contenant pour le TATP et lui demande quelle quantité max peut on mettre dedans? Il répond environ 2g

Puis elle lui demande le bruit que cela peut faire, il répond « un bruit sec qui va claquer »

C’est l’avocat de B. qui prend la suite.  – « Le mélange nitrate d’amonium et sucre, si ce n’est pas bien réalisé ça n’explose pas? »

Expert – « Si, le melange du sucre et nitrate non fondu explose facilement »

Avocat – « Alors il n’y a pas besoin d’une grande connaissance pour en fabriquer? » Il veut savoir si « une bande de bras cassés », avec des connaissances approximatives, peuvent obtenir une explosion sans être carré sur chaque étape.

L’expert répond en disant que oui mais que selon lui les connaissances n’étaient pas approximatives.

L’avocat de C. demande ensuite simplement si il est possible d’acheter des précurseurs en magasin de bricolage ou en pharmacie pour passer sous les radars.

Expert – « Oui. »

L’avocat demande si acheter un produit précurseur avec un carte bancaire c’est passer sous les radars.

Expert – « Non… »

Au tour de l’avocate de L. de prendre la parole. Elle interroge l’expert sur les artifices de signalisation qu’il a décrit comme pouvant servir dans le nautisme ou en tant que fumigènes mais aussi comme arme de destination contre les « forces de l’ordre ». Elle se demande pourquoi il a mis l’accent sur cette utilisation particulière. De plus elle aimerait savoir de quand datent les objets trouvés lors des perquisitions.

L’expert répond qu’ils sont périmés, pour certains depuis 1971 et qu’il y a une chance sur deux pour qu’ils fonctionnent pas.

C’est maintenant l’avocate de S. qui prend la parole. Elle commence par pointer du doigt le fait que la diapositive de conclusion de la présentation de l’expert est restée plus d’une heure à l’écran dans la salle d’audience (simulation d’explosion). La demande est faite de remettre la diapo à l’écran. On y voit une estimation, réalisée par l’expert, des dommages potentiels de 20kg d’ANFO.

L’avocate demande si l’estimation est faite sur la base des 258gr d’ANFO retrouvés chez S. et des 12kg d’engrais retrouvés chez F. L’expert répond que oui.

L’avocate insiste et s’étonne qu’on parle d’ANFO alors qu’il n’apparait nul part dans les écoutes. Et surtout comment 12kg+258g peuvent donner 20kg?

Il explique alors qu’il est parti sur le mélange amonitrate /aluminium qui avait été cité dans une retranscription et qui est un mélange en proportion 50/50. 

Mais ce mélange n’a jamais été réalisé ni retrouvé dans les scellés? 

Non

Donc votre simulation mélange des produits trouvés, des mélanges évoqués et des tests d’explosifs réalisés sans aucune proportion réaliste?

« Si je devais reprendre cela diminuerait cette simulation par 2 ». Il rappelle que pour l’ANFO (qu’il a pourtant décidé de mettre en avant pour cette simulation), les proportions sont de 94% amonitrate 6% fuel

L’avocate de S. demande ensuite si l’expert était au courant des arrestations et que son expertise était attendu dans ce contexte. Il répond juste qu’il avait connaissance d’une urgence et qu’il a participé aux arrestations.

L’avocate poursuit en se demandant pourquoi il y avait une urgence en Novembre alors que les dernières écoutes dataient de Mai. Ce à quoi l’expert répond qu’il ne sait pas.

Au sujet des essais à Paulnay l’avocate note que l’expert a eu accès aux retranscriptions des 14 et 15 Février et demande si on peut en conclure qu’il n’y a pas eu d’explosifs par la suite.

Expert – « Non »

Avocate – « Dans votre conclusion vous dites que F. et S. ont fabriqué du nitrate d’amonium/sucre et du TATP. Aujourd’hui vous feriez la même conclusion? »

Expert – « Oui. »

Avocate – « Mais ils n’ont pas fabriqué de TATP… »

Expert – « Ah… »

Avocate – « On vous demande d’analyser le bruit des expériences, comment faites vous avec comme base des retranscriptions, sans le son? »

Expert – « Une fois ou deux le bruit était précisé dans les retranscriptions »

Elle l’interroge alors sur le test à la flamme, qui à été effectué par les démineurs sur l’ANFO présent dans le camion de S. et qui n’a rien donné, il se rattrape en disant que c’est une question de sensibilité.

Avocate – « Vos conclusions (rapport) sont un peu hâtives, il n’y a pas eu de TATP à Paulnay et vous concluez qu’ils ont probablement fait des « pipe bomb » alors qu’ils l’évoquent seulement. Comment faites vous monsieur la différence entre ce qui est fait et ce qui est dit? »

Elle le cite ensuite, sur le fait que le mélange amonitrate fondu sucre est difficile à réaliser et que 3 fois sur 4 c’est un échec. Elle lui rappelle que à Paulnay, F et S font 4 tentatives et elles echouent toutes. « On peut conclure de leur inexpérience non? »

L’expert ne veut pas le reconnaitre et dit que cela vient du produit.

L’avocate lui demande pourquoi le taux d’azote a été analysé sur certains scellés seulement. Il répond que les démineurs ont détruits le reste des produits et qu’il n’a pas pu faire l’analyse. C’est uniquement parce qu’il était présent à la perquisition du camion de F que l’amonitrate trouvé a été analysé.

Il reconnait que l’amonitrate est un simple engrais et que tout le monde peut en transporter et en avoir.

Elle l’interroge ensuite sur la classification qu’il a présenté au procureur précédemment (divertissement, militaire, civile, artisanale) et si les mondes peuvent parfois se croiser. Il nous explique alors que c’est pas du tout une classification officiel, c’est lui qui pense comme ça. Pour lui ces différentes branches sont parfaitement distinctes. Pourtant elle lui parle de Ruggieri/Lacroix qui fait du divertissement et fabrique les grenades et autres pour les forces de sécurité.

Elle finit par lui demander pourquoi est il là? L’expert lui répond que c’est à la demande du PNAT et que c’est la première fois de sa vie qu’il témoigne en correctionnel.

C’est au tour de l’avocat de F. de prendre la parole. Il commence par demander pourquoi les bâtonnets d’encens ont leur place dans le rapport de l’expert. Celui-ci répond qu’ils peuvent servir à l’allumage. L’avocat demande si des traces suspectes on été retrouvées dans les casseroles du camion de F.

« Non », répond l’expert.

Avocat – « A quoi sert une casserole? »

Expert – « A cuisiner. »

Avocat – « Pourquoi ne pas l’avoir mentionné dans votre rapport? »

Expert – « Cela ne me semblait pas nécessaire. »

Avocat – « Vous dites que la recette circule dans le conflit Irako-Syrien? Chez les Kurdes? »

Expert – « Je suis accrédité secret-défense, je ne peux pas en parler. »

Avocat – « Si vous ne pouvez étayez vos propos et que vous ne pouvez pas en parler ne le mentionnez pas dans votre rapport alors ! »

Les dernières questions tournent autour du choix de la place Vendôme comme simulation. L’avocate de S. est surprise de ce choix et se demande si ce n’est pas parce que le ministère de la Justice est justement place Vendôme. L’expert semble dire que c’est un pur hasard, qu’il a choisi une place emblématique de Paris (LOL).

Il est 23h, l’audience est levée.