L’ISOLEMENT CARCERAL DE LIBRE FLOT RECONNU ILLEGAL

En passant

L’ISOLEMENT CARCERAL DE LIBRE FLOT RECONNU ILLEGAL

Ce 4 avril 2023, au Tribunal Adminstratif de Versailles1, 2 ans et 3 mois après le 1er recours déposé au Tribunal Administratif, mais aussi 1 an après la fin de la grève de la faim de Libre Flot ayant déclenché sa sortie de l’isolement et de prison, a eu lieu une audience pour juger de la légalité de la mise à l’isolement carcéral de Libre Flot pendant un an et demi. Ce recours, pour lequel le jugement en référé/en urgence lui avait été refusé, s’attaquait au renouvellement du régime d’isolement lors de son incarcération en préventive en décembre 2020, validé tous les 3 mois par le directeur de la prison de Bois d’Arcy ainsi que par ses supérieurs de l’administration pénitentiaire. Mais ce recours portait également contre le renouvellement validé par le garde des sceaux, Dupont-Moretti, à l’issue d’un an d’isolement pénitentiaire.

Pour rappel, le directeur du Centre pénitentiaire, lors d’une audience à ce sujet, avait lui-même reconnu que peu importe les démarches légales qui seraient entreprises, il ne serait pas décisionnaire, ayant des directives venant « d’au-dessus », cherchant par là à faire comprendre à Libre Flot et ses avocat.es que la décision était politique et par là-même à se dédouaner de sa propre responsabilité.

C’est donc en s’appuyant sur ce contexte et sa détermination à retrouver sa liberté, que Libre Flot s’engageait le 27 février 2022 dans une grève de la faim de 36 jours dont l’issue fut celle de sa sortie de prison. Le 4 avril 2023, l’isolement de Libre Flot a donc été reconnu illégal, les faits et motifs retenus contre lui ne pouvant justifier légalement de la mise à l’isolement d’un détenu. L’Etat a été condamné à 3000€ de dommages et interêts pour un an et demi d’isolement dont l’impact est extrêmement lourd (voir lettres). Pourvu que cela fasse jurisprudence, bien qu’on doute de l’impact réel sur l’administration pénitentiaire quand on voit la volonté à faire traîner ce genre de procédure. Mais nous observons une fois de plus que l’Etat et l’adminsitration pénitentiaire n’ont cure de respecter les droits des prisonnier.es, au pire ils payeront quelques dommages pour compenser a posteriori.

Contrôle et Surveillance : créer la rupture et déstabiliser

Le 4 avril 2022 Libre Flot sortait de prison après un an et demi enfermé, avec un contrôle judiciaire très strict (CJ) qui court toujours. Il passait les 6 premiers mois avec un bracelet électronique. Les CJ des 6 autres accusé.es dans l’affaire du 8 décembre 2020 sont graduellement différents, mais fort contraignants aussi, induisant par leur différence de traitement une sorte de hiérarchie entre elleux, toujours imposée par les constructions délirantes de la DGSI.

Les contrôles judiciaires sont en soi une forme de peine car ils comprennent une restriction des déplacements et des liens, un contrôle exercé par le pointage régulier au commissariat, la menace de retourner en prison au moindre faux pas ou oubli, mais aussi des absurdités entraînant stress et difficultés matérielles.

La modification d’un CJ peut entraîner la perte de droits acquis précédemment : par exemple l’un.e des accusé.e obtient de pouvoir changer de lieu de vie dans un autre département auquel iel n’avait pas accès. Mais cet accord s’accompagne d’une obligation de déposer ses préavis de départ pour son logement et son travail dans un délai de seulement 5 jours, avec 1 seule journée légale pour déménager… Le tout sans avoir la possibilité de retourner par la suite dans le département dans lequel iel vivait depuis sa libération, perdant le peu de liberté de circulation qu’iel avait réussi a obtenir (quelques départements limitrophes) lors des dernieres modifications de CJ. Autre exemple, l’un.e obtient la levée d’interdiction de communication avec l’ensemble des autres accusé.es, mais de leur coté les accusé.es ne peuvent pas forcément communiquer avec ellui.

Le CJ impose un mode de vie sous contrôle, reflet d’une société capitaliste méritocratique à gerber : le fameux « métro-boulot-dodo ». Quand le proc’ se permet lors d’une audience de déclarer que « la réussite de ce dossier c’est que maintenant ils ont un logement et un travail », c’est une violence de plus envoyé à la gueule de celleux dont la vie a été mise en cage par cette répression politique : tout projet de vie ayant été anéanti et considéré même comme suspect, les liens amicaux et familiaux impactés et limités voir coupés, des boulots imposés, sans compter la charge mentale pour les personnes soutiens restreintes, la difficulté de construire sereinement de nouvelles relations de confiance, coincé.es dans une vie dont on perd la maîtrise. Le CJ a un fort impact matériel, relationnel et psychologique et pouvoir se projeter sur une suite s’avère très compliquée ne sachant pas les aboutissants du procès a venir.

On retient aussi cette phrase assassine qui illustre la vision étriquée et superficielle des liens familiaux selon le procureur qui dira lors d’une audience pour modifier son CJ : « s’il en avait quelque chose à faire de sa mère, il ne serait pas parti combattre en Syrie2 ni fait une grève de la faim ». Quand on sait la douleur qu’on enduré les familles de voir leur proches accusé.es par la DGSI de terrorisme et enfermé.es loin d’elleux par une justice bornée et sourde, c’est une violence de plus à encaisser.

Au delà des CJ, partie apparente du contrôle exercé sur les vies des accusé.es (et impactant leurs proches) il y a cette partie gardée cachée qu’est la surveillance qu’intériorisent les accusé.es d’autant plus quand iels ont connaissance des moyens mis en œuvre pour monter une telle affaire contre elleux : mises sur écoute, surveillance des déplacements, filatures, prise d’images, IMSI catching…

L’utilisation de ces moyens de surveillance induit des comportements de méfiance constante que l’on intériorise, ce qui permet par ailleurs de constater que cette surveillance est avérée : quand on remarque que l’on est suivi ponctuellement, que des agents peu discrets font des captations lors d’événements de soutien, que la présence policière augmente subitement dans le village lorsqu’on s’y installe, etc.

Ce climat de surveillance déjà fort et intégré dans l’environnement urbain ou dans les outils de communication et internet, s’insinue partout et crée un climat délétère et angoissant autour de soi. Ne pas sombrer tout en vivant sous surveillance et sous contrôle est un défi constant.

Les accusé.es ont appris récemment les dates du futur procès, qui devront être confirmées dans l’été, dont la qualification est « association de malfaiteurs terroriste » requalifiée de criminelle en correctionnelle et pour les refus de donner accés à leurs matériel informatique chiffré. Le procès devrait s’étendre tout le mois d’octobre 2023 à Paris.

Par ailleurs, une autre démarche légale a été intentée au Tribunal Administratif pour dénoncer l’illégalité des fouilles à nu subies en prison par l’un.e des accusé.es, présentées comme systématiques par le personnel pénitentiaire (avant et/ou après chaque parloir et de façon aléatoire lors de la détention3) là où ces fouilles à nu impliquent humiliations et violences banalisées dans le contexte carcéral et intériorisées comme normales par les prisonnier.es. Une date d’audience est toujours en attente.4

ICI, une brochure réalisée par le comité de soutien de Paris reprend différents textes écrits autour de cette affaire dite du 8 décembre (ou 8.12), ainsi qu’une chronologie, que nous vous invitons à diffuser autour de vous. Toute forme de solidarité reste bienvenue.

Force et soutien à tous.tes les enfermé.es et a celles et ceux qui luttent contre la prison, dedans et dehors !

ICI, lettre de Libre Flot du 30 mars 2023, 1 an après l’isolement

1 Dont dépend la prison de Bois d’Arcy.

2En tant qu’internationaliste au coté du peuple kurde révolutionnaire.

3Parmi les personnes enfermées en isolement, une fouille à nu par jour doit être réalisée par les matons, celle ci ont donc lieu de façon aléatoires au sein de cette aile. Les fouilles à nus systématiques avant et après les parloirs sont des mesures imposées pour les détenu.es particulièrement surveillé.es (DPS)

4Voir l’article : http://soutien812.blackblogs.org/category/nouvelles-du-8-12/

7 avril 2022 // Sortie de Libre Flot! //

C’est avec un ÉNORME soulagement que nous avons appris le transfert de Flo dans un hôpital civil de la région parisienne ce jeudi 7 avril.


Lundi 4 avril, alors que des actions de solidarités et des rassemblements avaient lieu un peu partout en France et en Europe suite à un appel international, ses médecins s’inquiétant de ne pouvoir assurer son suivi médical ont demandé son transfert dans un service spécialisé en nutrition. Pour cela il fallait négocier avec la justice pour lui permettre de quitter les services pénitentiaires. Le juge d’instruction qui avait fermement décidé de maintenir Libre Flot à l’isolement et en détention en février a du accepter après négociations avec les avocat.es sa libération pour raisons médicales.


Pour Libre Flot sa santé étant gravement en jeu il avait décidé de se réalimenter le 4 avril au soir, au 37ème jour de sa grève de la faim, dépité de ne voir rien bouger. Il n’était pas informé des négociations en cours, l’accès au téléphone étant relativement compliqué au sein de l’hôpital pénitentiaire.
Il nous fallait le voir pour le croire et c’est dans un suspens absolu que ses proches ont attendu son transfert dans un hôpital civil ainsi que la notification de sa libération sous bracelet électronique ce jeudi. Après son hospitalisation pour se rétablir de ces 37 jours sans s’alimenter, sa liberté sera soumise à des conditions strictes : travail, interdiction de circuler librement et de sortir du département, interdiction de communiquer avec certaines mis.es en cause, pointage et surveillance continue de sa position avec le bracelet électronique. Cela n’est donc pas équivalent à une véritable libération, et cette période sera comptabilisée dans la durée de « sa peine » déjà accomplie en plus des 16 mois à l’isolement…


Nous croyons que c’est l’ensemble de nos actions et de nos déterminations conjointes avec celle de Flo qui nous permettent de aujourd’hui de relever la tête et de crier enfin une première Victoire! Le combat est en revanche loin d’être terminé, puisque l’instruction est toujours en cours, que tout.es les accusé.es sont toujours contraint.es à des contrôles judiciaires plutôt strictes et que les accusations de terrorisme pèsent encore sur elleux. Nous n’avons toujours aucune idée de quand aura lieu le procès.


Les combats contre la prison et les quartiers d’isolement sont encore longs mais ne sont pas vains, continuons d’exprimer notre solidarité avec tous.tes les enfermé.es, les prisonniers et prisonnières. Un énorme Big up à l’Envolée, pour votre force et votre soutien !


CRÈVE LA TAULE ! LIBERTÉ POUR TOUS.TES !

Des ami.es de Toulouse

Libre Flot stoppe sa grève de la faim, le combat continue

Hier lundi, alors que rassemblements et actes de soutien se tenaient entre autres à Lille, Albi, Paris, Toulouse, Limoges, Strasbourg, Rennes (le samedi), mais aussi en Grèce, au Danemark, en Allemagne, en Angleterre, au Portugal et avant le rassemblement marseillais aujourd’hui à 19h, notre ami et camarade Libre Flot a décidé de stopper sa grève de la faim.

Nous sommes à la fois soulagé.es pour lui et écœuré.es qu’elle n’ait pu mener, malgré quelques petites victoires, à sa libération.

La fin de sa grève n’entame bien sûr en rien notre détermination. Nous continuerons à nous battre pour la libération de Libre Flot, pour les inculpé.es du 8 décembre, et contre le système policier, judiciaire et carcéral responsable de leur situation.

Communiqué de Libre Flot

Alors que ces presque 16 mois de détention en isolement m’ont laissé beaucoup plus de séquelles à la fois physiques mais surtout mentales et psychologiques que 10 mois de guerre en Syrie,

Alors même que j’ai survécu à la libération de Raqqa, face aux troupes de Daesh défendant bec et ongles la capitale de leur califat,

Je reste estomaqué non seulement de la censure qui est faite autour de ma situation, mais surtout devant le silence vis-à-vis de ma légitime et raisonnable requête au gouvernement français, au PNAT (Parquet National Anti-Terroriste), au juge d’instruction Jean-Marc Herbaut, démontrant ainsi leur choix de me laisser mourir !

Pourtant en ce jour d’anniversaire, après 36 jours de grève de la faim à un moment où mon état de santé devient plus hasardeux que jamais, je fais le choix de la vie comme une renaissance, une nouvelle vie qu’accompagne ce printemps et tourne le dos à un potentiel dénouement fatal. Ce 4 avril 2022 à 18h, j’ai décidé de me réalimenter.

Mais rien ne s’achève maintenant, je demeure enfermé, enterré vivant et plus que jamais, j’espère votre soutien et appelle à la solidarité.

Je réitère que je ne demande qu’à être traité comme tou·te·s les co-inculpé·e·s, à savoir être mis en liberté le temps de pouvoir démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation terroriste qui ne tient pas la route.

Salutations et respect. Libre Flot.

Ressources militantes : affiches, brochures, podcast

Ressources à télécharger pour faire connaitre la situation de Libre Flot. Cet article sera régulièrement mis à jour

Affiches :

Podcasts :

La première lettre de l’isolement de Libre Flot en mp3 :

Cette lecture a été réalisée pour l’émission de Canal Sud autour des inculpé.es du 8 décembre et de Libre Flot diffusée le 22 mars et écoutable ici : https://www.canalsud.net/force-a-libre-flot-en-greve-de-la-faim-apres-15-mois-d-isolement

Brochures :

2 lettres de Libre Flot :

Lettre de Libre Flot annonçant sa grêve de la faim :

CRÈVE LA TAULE, GRÈVE POUR LA FIN…

A toi camarade qu’on laisse croupir dans une cage, à toi camarade qui lutte, qui résiste dans un 9m2.

Nous sommes nombreux-ses à être solidaires de ton engagement et de tes convictions ! Tu n’es pas seul, notre soutien reste et restera sans faille face à cette machination.

Nous resterons debout, la tête haute et nous n’abandonnerons pas, quoi qu’il arrive.

Crève la taule, grève pour la fin… de cette mascarade au seul but de nous diviser, nous soumettre, nous détruire, ainsi que nos idées.

Mais sachez, VOUS, le soi disant juge, défenseur de l’absurde, que peu importe ce que vous direz, peu importe ce que vous ferez, nous en serons encore plus uni-es, plus fort-es et plus déterminé-es.

Nous ne plierons pas !

Nous avons la rage, et vos actions n’alimenteront que notre détermination.

Force et courage à notre ami, à notre frère sous les verrous ! Nous ne t’oublions pas, et sommes là à tes côtés en ces temps difficiles.

Hèz ji te re heval, Azadi

Nous continuerons à nous battre afin de se réapproprier l’entièreté de nos vies ! Nous envoyons nos pensées et tout notre amour à tous-tes nos sœurs et frères qui luttent en toutes circonstances face à l’enfermement.

Valtra, inculpé du 8 décembre.