VENDREDI 27 OCTOBRE

27/10

13h40, reprise de l’audience.

MATEO BONAGLIA (BASTIEN)

Nous avons eu une longue procédure administrative, une longue procédure judiciaire, avec un spectre : la résurgence du terrorisme d’ultra-gauche.

On nous dit : « Si F. n’avait pas été arrêté, peut-être, un jour, il se serait probablement passé un acte potentiel ».

Je ne vais pas défendre F., parce que mes consœurs et confrères le feront très bien, et parce que sinon le parquet nous dira que nous faisons bloc derrière « le camarade F. ».

Tout cette procédure est d’une grande violence pour B. 

La peine est infâmante. Infâmante par proximité, par capillarité.

On nous dit : « Voilà des gauchistes incapables de la moindre distance avec la violence politique, qui n’attendent qu’une chose, une personne, pour pouvoir s’y engouffrer ».

C’est violent également car quand mon client conteste les modalités de recueil de ses paroles par la DGSI – cette parole dont on nous dit dès la première année de droit qu’il nous faut nous en méfier – quand on la conteste, alors on nous dit qu’on instrumentalise.

Pourquoi B. est un malfaiteur terroriste ? Parce qu’il aurait dû deviner qu’il y avait un hypothétique passage à l’acte supposé ? 

« Non, non, non. », nous dit le PNAT. « C’est avéré. Pas dans les enregistrements. Mais dans les paroles des agents de la DGSI. Et si vous avez un doute, regardez les brochures ! Et puis à peine le confinement levé, il se précipite dans une armurerie pour acheter une arme avec son permis de chasse ! Et puis il y a le « Djihad des classes » ! »

N’en jetez plus, la culpabilité est pleine et avérée !

L’accusation se contente de peu.

C’est exact que l’information judiciaire a montré des comportements « limites ». Et c’est tout à fait exact que les faits sont reconnus.

B. reconnait avoir fait des explosifs. Et il n’a pas attendu la DGSI et le PNAT pour arrêter.

Ce que conteste B., c’est le récit de l’accusation.

Parce que c’est d’une grande malhonnêteté intellectuelle de dire qu’il s’agit d’une instrumentalisation de la défense.

Les actes, sans le récit, ne sont que ce qu’ils sont : un vol, des armes et la fabrication d’explosifs.

On colore les actions par les opinions a posteriori.

« La recherche de la vérité se base sur des preuves » : il est bienheureux que le PNAT le rappelle !

Mais ici, on n’a que des potentialités : il va falloir les démontrer !

B. ne connait pas F. avant le confinement. 

Elle est quand même extrêmement contagieuse cette velléité de F. Je m’inquiète pour moi-même, qui vient de passer un mois avec lui, ne vais-je pas me précipiter pour m’en prendre à un représentant des forces de l’ordre en sortant du tribunal ? Rassurez-vous…

L’AMT débouche de l’interprétation magique des faits passibles du tribunal correctionnel.

L’agenda politique permet d’interroger la notion de terrorisme.

La marque d’une démocratie c’est de pointer les biais d’interprétation.

Et ici au aurait un complot judéo-bolcho-gaucho-maçonnique !

On voudrait vous pousser à suivre une fausse lecture faite par l’accusation.

La défense va se concentrer maintenant à pointer les différentes lacunes et les nombreuses interprétations dans le dossier concernant B.

Ce qui relève du lapsus d’abord, et qu’on laissera pour ce qu’il est : le procureur parle de « tourisme » pour dire « terrorisme ».

Ce qui relève de l’erreur de la procédure ensuite, et doit être entendu :

    – dans l’exploitation du téléphone de B. : s’agissant de l’application Signal, les techniciens ont trouvé 54 captures d’écran, lesquelles, dans les mains des fonctionnaires de la DGSI, deviennent alors « aucun échange sur Signal ». C’est une carence conséquente, quand on sait que les accusations sont en partie basées sur l’usage de cette application.

    – B. n’aurait jamais évoqué sa consommation d’alcool, il aurait fallu attendre une défense collective pour que cela apparaisse, or c’est faux. On en a d’autres mentions dans ce dossier.

Ce qui relève du biais enfin, et qu’il faut entendre comme des préjugés, des contournements, qui nous éloignent de la vérité : 

    – lors de la perquisition de Cubjac, un fonctionnaire de police trouve un carnet placé dans l’isolation ; tout à son empressement, il note « carnet note manuscrite, mouvance ultra-gauche ». Étonnant de voir que quand un autre fonctionnaire l’exploite, il s’avère que c’est le carnet d’un gendarme !

    – l’expert en explosifs nous explique, sur la base d’une mauvaise sonorisation, que ce sont des explosifs très difficiles à faire, qu’il n’a jamais vu ça sur le territoire français, qu’il faut nécessairement avoir des contacts à l’étranger pour y parvenir. Le biais c’est d’apprendre qu’en réalité ça n’est pas compliqué. Et que ça fait boum, même si c’est mal fait ! C’est un biais de l’investigation, il faut l’écarter d’un revers de main. En « source ouverte » – elle est drôle l’utilisation de cette notion, c’est comme si c’était un peu mystérieux, en fait ça veut dire « Google », ou ici « YouTube » – quand vous tapez « ANSU », vous trouvez de nombreuses vidéos décrivant la fabrication de ce mélange, particulièrement dans le milieu agricole.

    – Les billes de plomb retrouvées : selon l’expert, ajoutées au mélange, cela serait susceptible de faire des dégâts humains considérables. Sauf que c’est un raccourci malhonnête, parce qu’elles n’ont pas été retrouvées au même endroit. Elles ont été retrouvées à leur place, à côté de l’arme, parfaitement entretenue, pour lesquelles elles sont faites.

    – quand on nous dit « le PDF sur l’anarchie a été retrouvé dans un dossier projet », on omet de dire que dans ce dossier il y a aussi de nombreuses photos de famille.

    – quand on dit B. savait ce qu’il faisait, qu’il avait une brochure sur la justice antiterroriste, qu’il était préparé à la GAV, c’est fallacieux. N’importe quel trotskiste de première année s’en serait mieux sorti que lui en GAV, il n’a pas gardé le silence, il a refusé de voir le médecin, il a donné ses codes de téléphone et son ADN ! Il a parlé, face aux suggestions des interrogateurs de la DGSI, avec l’idée de s’en sortir le plus vite possible. Il conteste ce qu’il a dit en GAV, et on cite tout le temps les GAV !

    – on trouve également un biais idéologique dans ce dossier : dès février 2020, le PNAT est destinataire d’un document de la DGSI « mouvance ultra-gauche radicale » : c’est une compétition de superlatifs.

A écouter le PNAT, la DGSI et Darmanin, la contestation institutionnelle, dans l’arc républicain, ce serait le Parti Socialiste ; la contestation institutionnelle hors de l’arc républicain, ce serait la France Insoumise. Mais là, comme on n’est jamais avare de superlatifs, on parle « d’ultra-gauche radicale’ !

Cette note de la DGSI se poursuit : ces « activistes français ont un « leader », ayant combattu au Rojava auprès des YPG, considéré par la Turquie comme des terroristes ». Se référer aux qualifications utilisées par la Turquie, sérieusement ? Un état oppressif, qui a limogé 4000 juges et magistrats pour contestation, c’est ça l’indicateur fiable de la DGSI pour déterminer ce qui relève du terrorisme sur le territoire français ?

« Iels n’ont aucune cible, mais un passage à l’acte violent, conforme à leurs idées, n’est pas exclu. » : voilà pourquoi il a fallu trois heures au Proc pour essayer de nous en convaincre !

Sans la filiation avec Action Directe, le PNAT est bien en peine pour qualifier la potentialité !

Et ce ne sont que quelques PDF qui viendraient changer les choses ? Ce sont des brochures sur le polyamour et sur le crochetage de serrures ?

Je n’irai pas jusqu’à affirmer que l’accusation est nostalgique des années de plomb, mais le PNAT érige ici la contestation sociale en tant « qu’ennemi intérieur ». Vous allez devoir faire attention. L’ennemi intérieur ici ce serait une cooptation entre des zadistes, des féminisites, des écolos, un ultra-jaune et un combattant du Rojava.

Il faut rappeler que la DGSI et le PNAT sont les courroies de transmission du pouvoir politique.

Ce qui caractérise l’AMT : la DGSI aurait-elle l’exclusivité de la désignation de ce qu’est l’AMT et serait la seule à pouvoir la définir ?

« Il faut en finir avec le fantasme de la persécution » dit le Procureur.

Il s’agit ici de permettre la critique. La justice se doit de contrôler ce qu’est une justice d’exception et policière.

Isabelle Sommier, chercheuse au CNRS – qui n’est pas un haut lieu de l’ultra-gauche ! – exprime les mêmes craintes que nous s’agissant de la criminalisation de la critique des institutions et de l’Etat. Dans un article du 16 décembre 2020, elle appelle à la prudence : « Ce coup de filet arrive à point nommé, en pleine discussion à l’Assemblée nationale autour de la loi « Sécurité globale ». Attention, il faut être très prudent.es lorsqu’on agite cette menace ! ».

Si toute pensée contestataire peut désormais être qualifiée de terroriste, alors mesdames les juges, vous allez crouler sous les dossiers de terrorisme d’ultra-gauche !

On fait de F. une figure quasi christique, il réunirait ses apôtres, pour les armer. Pourtant ici tout est flou.

Les prévenu.es ont plutôt semblé convaincu.es d’un effondrement dans un avenir proche, iels ont perçu la police comme étant une alliée du fascisme, dont au pire il fallait se défendre, et face à laquelle il était nécessaire de s’organiser, par solidarité. Les faits prennent place en pleine crise du Covid. Et c’est cela qui ressort des discussions. 

Plus iels sont bourré.es, plus il y a onanisme intellectuel dans leurs discussions, et plus la DGSI a cru à une attaque potentielle.

S’agissant de la seconde discussion, après le départ de Camille, elle a été utilisée à tort et à travers par l’accusation. Son objet n’est pas de trouver des armes, son objet est « comment on s’organise si les fachos arrivent au pouvoir ». Dans n’importe quel bar, aux 4 coins du pays, on peut entendre ce genre de discussion.

La somme de pas grand chose, avec une lecture postérieure de la DGSI, c’est cela qui donne l’AMT.

Moi, la nature terroriste du groupe, je la cherche encore.

Pour B., ce qui lui est reproché n’est pas clair, y compris pour les juges : 

    – « se former militairement » : où ça ? Sauf peut-être avec les parents de Will ?

    – « survivalisme » ? Nous préférons parler de la recherche d’autonomie par l’acquisition d’un terrain.

Ils parlent de réquisition de maisons bourgeoises, ce sont les plus motivés pour acheter ensemble un terrain (B., W. et L.), ils travaillent à un montage financier pour ça, leurs parents en ont témoigné.

On dit : « Il y a contradiction entre défense de la cause animale et permis de chasse » : B. a passé son permis de chasse avant de rencontrer le « dangereux leader » F., il n’a pas d’intérêt pour les armes de catégories B, plutôt pour les armes de catégories C. Il est méticuleux et soigné avec ses armes, il prend la sécurité très au sérieux. Elles sont toutes parfaitement entretenues, et très bien rangées. S’il a toujours été dégoutté par la chasse sportive, il a toujours dit qu’il était en accord avec une chasse éthique, dans le cadre de l’autonomie liée à l’acquisition d’un terrain. Quant à ses entrainements au stand de tir, ils sont légaux !

S’il y a un projet d’atteinte à la sécurité de l’Etat, reposant sur la possession d’une carabine 3 coups et des mousquets, ce n’est vraiment pas gagné !

Sur la question de la volonté de F. de les recruter : c’est une suggestion de l’enquêteur de la DGSI lors de son 5ème interrogatoire. B. va s’y engouffrer, pensant ainsi pouvoir mettre fin à son calvaire.

Et puis, quelle volonté de F. est apparue ?

Dans l’arbitrage que vous devrez faire, choisissez les paroles qu’il a tenues devant vous.

L’airsoft a suffisamment été plaidé ici. C’est dans le cadre d’un moment ludique, il est à peu près clair pour tout le monde que tout cela a tourné à la franche rigolade.

S’agissant des explosifs : il est heureux que ces bras cassés n’aient pas perdu une main !

L’aide apportée à F. pour acquérir une arme ? Cette arme n’a jamais été rétrocédée. Pourquoi, si le but réel était bien de s’armer, cette arme ne lui a-t-elle pas été rendue plus tôt ? Elle a été retrouvée en perquisition chez B.

Quant au cryptage, il ne peut être retenu parce qu’il n’a pas été exploité.

Enfin, il n’y a aucune connaissance d’un éventuel projet de F.

Les déclarations en GAV seraient supérieures à celles tenues devant ce tribunal ? Ne faites pas comme l’accusation qui ne souffre pas la défense, et n’a jamais douté de la DGSI.

Vous ne pouvez pas détourner les yeux des conditions de GAV. Ce ne sont pas des larmes de crocodile ! Elles sont inhérentes au chef d’inculpation terroriste et aux conditions de recueil de la parole.

B. a été adressé à un psychiatre qui a conclu que, indépendamment du contenu même de ces déclarations, si les conditions de la GAV décrites sont exactes, alors il tend à douter sérieusement de la véracité de propos obtenus dans de telles conditions.

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dans un rapport sur les biais des gardes à vue, et plus précisément sur les GAV anti-terroristes, alerte elle aussi sur la possibilité de déclenchement d’un choc traumatique, lié aux conditions de détention : cellules aseptisées et déshumanisantes, seuls interlocuteurs armés, violation de l’intimité lors des douches aux parois vitrées et sous le regard constant d’agents, transport au vu et su de toustes, avec un sac sur la tête.

Vous comprendrez alors les réactions de B. en GAV, et le fait qu’il ait cherché à dire ce qui était attendu par la DGSI.

Vous le relaxerez de l’AMT. Il reconnaît la fabrication d’explosifs, ce fait n’est pas contesté, mais pas en bande organisée. Et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire afin qu’il puisse continuer le tir sportif. Les conditions pour qu’il puisse continuer à posséder une arme sont réunies.

CAMILLE SOULEIL-BALDUCCI (SIMON)

Que retiendrez-vous de ces quatre semaines ? De ces longues réquisitions ?

Où est ce projet ? Où est le passage à l’acte ?

Ils n’étaient « pas à exclure », et néanmoins ils n’étaient pas établis après Paulnay. On n’avait pas besoin d’attendre l’expert ! On le sait depuis avril 2020. On sait qu’il y a des discussions. Tout est déjà retranscrit depuis février 2020.

La DGSI à ce moment-là nous dit : « aucun projet défini ». Et maintenant on nous dit que Paulnay démontre un projet !

Huit mois d’information judiciaire. Qu’en résulte-t-il  de plus précis ? Rien !

Force est de constater qu’après les réquisitions, on n’est pas plus avancé.es.

Pour le procureur, le but ici serait « d’importer la guérilla ». F. est porteur d’un projet. Puis on a glissé : il n’y a plus « un projet », mais des projets d’actions violentes ou mortifères. A quel moment dans le dossier on a constaté un passage à l’acte ?

Il faut s’y résoudre, cette procédure n’a débouché sur rien.

Nous ne faisons pas ici le procès de la DGSI.

Ce n’est pas elle qui est sur ce banc, pas elle qui a été humiliée, pas elle qu’on interroge sur ses idées, ses valeurs, ses opinions… Ce n’est pas elle qui a vécu ces trois années terribles, qui a été incarcérée, qui a été isolée, qui a souffert.

Il est vrai que nous nourrissons à l’égard de cette procédure des critiques féroces et sérieuses. Elle méconnait gravement les principes du contradictoire, de l’égalité des armes.

On nous a dit « point Godwin » au sujet de l’article 6 de la CEDH : cela me met en colère ! Ce texte a vocation à asseoir le Droit humain. 

Cela montre – hélas ! – qu’il est loin le jour où la défense et l’accusation seront à armes égales.

Cette procédure est à charge, il s’agit d’un procès déloyal dans l’administration de la preuve.

Ce procès ne repose que sur la défiance.

Contre F. d’abord. Comme si le Rojava était transposable ici.

Défiance à l’égard de toustes les autres, lié.es par amitié, par leurs idées de gauche, présentées comme « extrêmes », « ultra »…, qui nourrissent des critiques à l’égard du monde, et tentent d’y répondre par des solutions politiques, dont toute société a besoin pour débattre et grandir.

Défiance à l’égard des juges, à qui il reviendra de statuer. On leur avait réservé les Assises !

Vous serez arbitres, mais on biaise les règles. On vous donne des miettes, un dossier incomplet, pour aller dans le sens de l’enquête. On vous prend par la main, à l’image de cet expert à qui on a souligné des passages à lire. Vous devez sortir de ces lignes toutes tracées par le Ministère public.

La charge la plus importante, ce n’est pas l’ANFO, ce n’est pas le TATP. La charge la plus importante, c’est l’enquête. Elle est l’endroit où se logent les déloyautés : l’infime quantité des retranscriptions, où l’on fait dire aux mots ce qu’ils ne signifient pas, la suppression de la vidéo, les perquisitions…

Selon l’article 706-95-18 de la procédure pénale, il y a une obligation à « transcrire les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité », et non uniquement les éléments à charge. Pour S., on a 5% de ce qu’il a dit. 26 conversations retenues sur 600 enregistrées. 50 et quelques sur les 999 enregistrements de la sonorisation du cabanon.

Dans ces sonorisations, il n’y a pas de discussion de plus de trois phrases. 

Comment comprendre ce qui s’y dit vraiment quand on nous en donne un part si congrue ? Comment s’en satisfaire ?

Ce procédé, il doit vous interpeller.

Prenons l’affaire de Viry-Chatillon, où les prévenus ont finalement été acquittés. L’ancienne procureure générale de Paris déclarait : « Avoir fait une sélection a été de nature à décrédibiliser l’enquête. La question sera de savoir si les retranscriptions sont à ce point réduites qu’elles en deviennent mensongères ».

Ce qu’on vous transmet ne suffit pas.

La procureure nous a dit : « Pour tout comprendre, il faut prendre le tout » ; nous sommes bien d’accord.

Surtout quand ce « tout » résiderait uniquement dans l’intention.

On nous cite des morceaux, des bribes de conversation, une phrase, pour prouver une conspiration. Une phrase isolée de son contexte ne veut rien dire !

On nous dit : « Ça suffit cette excuse de l’ivresse ». On vient diffuser un morceau de conversation, en prétendant qu’ils n’auraient pas une élocution altérée ? Et le bruit de la bouteille de vin qui fait glouglou en fin de conversation ? On ne diffuse pas le passage ou S. et F. chantent en chœur du Johnny Halliday. Quand deux punks en viennent à chanter Johnny !!!…(RIRES)

Il faut prendre les phrases dans leur contexte.

J’en passe. Vous avez compris.

Vous ne pourrez pas juger sans comprendre leur langage. Parler, ici, c’est un divertissement. On fait tous ça. A quoi passe-t-on notre temps ? A parler ! Le but n’est rien d’autre qu’entretenir la conversation.

Après Jakobson, on peut aller plus loin. Erving Goffman, lorsqu’il étudie les « small talk », qu’est-ce qu’il nous dit ? Accrochez-vous, Jakobson, c’était facile ! Il met en avant que dans l’interaction sociale qu’est le langage, le dévoilement n’est pas forcément authentique, ni même sincère, parce qu’on ne dévoile que ce que l’on croit positif pour l’autre. Le dévoilement est parfois un voilement. Les paroles, les interactions sociales ont tant de sens, tant de sincérités. Évidemment qu’ils ne vont pas parler de pavillons ou de PMA mais, puisqu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps, ils vont parler de leur avant : des propos politiques. Ce qu’on peut tirer des paroles et des mots, c’est uniquement des paroles et des mots.

Comment aurait-on traité dans ce tribunal les propos suivants : « C’est un usage bien établi, dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. En voyant ces braves pandores à deux doigts de succomber, moi j’bichais, car je les adore sous la forme de macchabés ». Ces mots sont ceux de Georges Brassens, grand prix de poésie de l’Académie française.

Arrêtons de nous offusquer pour des mots !

Ce n’est pas notre seule critique s’agissant de cette enquête.

Dans ce dossier, nous faisons face à quelques éléments administratifs à la chronologie mystérieuse.

On découvre le terrain de Paulnay le 10 février 2020. On diligente une enquête fiscale pour vérifier à quel point F. en est propriétaire. 

Toutes ces réquisitions sont sous scellés. On n’a rien dans ce dossier ! Il faut faire des demandes d’actes pour obtenir les éléments de la procédure ! On demande.

Ce qui nous gêne dans cette demande, c’est la date de la réponse de l’administration, le 11 février 2020, pour le document imprimé.

On a un PV du 10 février 2020 pour une demande qui est faite le 11 février… Le terrain de Paulnay est sonorisé grâce à cette information, et le PV est antérieur à l’information. 

Le 12 février, ils savent déjà ce qu’est ce terrain, ils l’ont repéré.

Et la DGSI nous dit « il nous paraît probable que ce terrain puisse servir aux explosifs et aux entrainements ». Comment fait la DGSI ????

Dans ce dossier, la casquette de la DGSI n’a jamais été ôtée.

La chambre d’instruction nous dit : « Pas de problème, le dossier peut ne pas être lu par nous ou vous. »cad que certaines demandes du dossier n’y figure pas, la DGSI peut contacter des organismes et recevoir des réponses sans que cela apparaisse au dossier. 

Comment accepter qu’une partie du dossier nous soit cachée ?

Et sur la vidéo de Paulnay : qui bande les yeux de ce tribunal ?

La séquence vidéo dure du 13 au 17 février 2020. Elle permet de signaler les présences des prévenus. Sauf que son placement sous scellés ne se fait pas. Plus grave, la séquence ne sera placée sous scellés que le 23 novembre 2020, soit quatre jours après qu’ait été lancée l’opération visant à l’interpellation.

Pourquoi le juge Herbaut n’a pas la vidéo dans son dossier ? On ne fait pas de copie. On ne fait pas de transcription. Alors qu’on en a l’obligation ! Et en prime on efface la vidéo…

Il en a fallu de l’énergie du côté de la défense pour obtenir des réponses. On fait des demandes en juin 2022, puis en septembre. De qui se moque-t-on ?

Celui qui a effacé la vidéo, c’est celui-là même qui va répondre au juge d’instruction pour dire ce qui s’est passé : un effacement non intentionnel.

Ce n’est pas satisfaisant ! Ni pour nous, ni pour vous !

Sur l’absence des deux agents de la DGSI à l’audience : ce n’est pas pour rien que nous avons demandé leur présence. Iels sont à l’origine de l’écrasante majorité des PV de l’enquête, et à l’origine de ce PV sur la vidéo de Paulnay. On veut remplir les vides !

– Comment fait-on pour écrire un PV de renseignement avec des renseignements qu’on n’a pas encore demandés ?

– Pourquoi on détruit l’engrais retrouvé chez Simon ? (pas de comparaison possible avec l’engrais de F.)

– Pourquoi dites-vous « pas de projet défini » en avril 2020, pour ensuite prétendre que le projet date de Paulnay?

– Pourquoi démonte-t-on le dispositif de sonorisation du terrain de Paulnay ? Comment savez-vous qu’ils ne reviendront pas ?

– Pourquoi, alors que les écoutes disent qu’il va y avoir un vol au GammVert, la surveillance du terrain est interrompue ?

Autant de questions sans réponse, dont la liste démontre que leur présence étaient nécessaires à votre juridiction.

Nous sommes dans la déloyauté de l’administration de la preuve.

On détourne, on vicie la preuve. On trie, on coupe, on cache, on supprime.

Vous devrez sanctionner ce procédé.

Voilà notre critique sur ce qu’a été cette procédure.

Beaucoup d’éléments sont interprétés avec mauvaise foi. Vous les écarterez.

Sur l’application Telegram : le 10 décembre 2020, S. donne ses codes pour y accéder. On note : « Etrangement, aucune communication avec les autres n’est constatée. Pour rappel, il est possible de supprimer un appel. »

Ainsi, même quand il n’y a rien, il pourrait tout de même y avoir quelque chose. Comment s’en sort-on ?

Sur les outils et fichiers numériques : j’ai compté 382.641 fichiers, pour ceux qui ont été relevés. Et pourtant on ne trouvera rien ! Rien !

Alors on extrait une photo, qui me fâche beaucoup. Un colis entouré de scotch, contenant des tuyaux métalliques. On dit « précisons que de tels tuyaux sont susceptibles de servir dans la réalisation de bombes tuyaux ». On parle ici d’une étagère en kit ! 

Les efforts qu’il faut employer pour se défaire de leur manières de présenter les choses !

Le rapport du PNAT (RDTC) pour dire qui sont K. (sa compagne) et S. : K. est présentée comme étant connue pour vol (multi-récidiviste). Non ! En réalité elle en a été victime ! S. va en manif avec un masque à gaz : c’est une preuve qu’il serait un « Black Bloc ». Mais… Oui ça devient difficile de nos jours, les manifs. On en voit moins des poussettes, on y sent le gaz lacrymogène à des kilomètres.

Comment croire que cette enquête sert la manifestation de la vérité ?

On n’a rien. Alors on va aller chercher un projet.

Lors de la 6ème audition de GAV, Simon garde le silence.

On lui dit : « Vous avez pleuré. Pourquoi ? Vous vous inquiétez pour vous ? Vous estimez que votre place est avec nous en GAV ? Vous pleurez ». 

« Votre petite amie est elle impliquée dans tout cela ? Quel projet de vie avez vous avec elle ? Comprenez-vous que la situation est très difficile pour elle, actuellement gardée à vue ? Est-ce que cela vous pose problème de faire risquer la prison à votre compagne si vous la dédouanez pas ? Vous pleurez. « 

(Silence dans la salle, c’est hardcore…)

Il est où le droit au silence ?

On a gardé K. en GAV pour faire craquer S. La GAV c’est pas seulement « inconfortable » ! On essaie d’obtenir des aveux aux forceps.

Nous posons une question : cette procédure déloyale est-elle inévitable ? 

Est-ce que cette procédure vous apporte des preuves ? 

Les agents de la DGSI auraient pu venir témoigner devant ce tribunal. Nous l’avons demandé.

Aucune condamnation ne peut se fonder sur les accusations d’agents anonymisés. Le procureur nous dit que ce serait « une interprétation personnelle du droit ». 

Ce que nous y lisons : les témoignages de la DGSI sont anonymes, on ne peut pas fonder une condamnation uniquement dessus.

Vous seule, Madame la Juge, avez le pouvoir de transformer ces éléments non probants en preuves.

La défense ne peut être garante seule de l’équité de ce procès.

C’est votre responsabilité !

Cette procédure ne repose que sur la base d’éléments qui ne constituent pas des preuves.

Les mathématiques sont formelles : 

1 PV anonyme ne vaut rien.

1400 PV anonymes ne valent rien.

Qu’est-ce qu’il reste ?

L’expert en explosifs, M. B., cité par le Ministère public, est finalement le meilleur témoin de la défense. 

Il a fallu qu’il nous explique qu’il avait tout mélangé. Quelle est la rigueur scientifique de cette expertise ? Et le fait de prendre pour exemple pour sa simulation la place Vendôme ? Pas la place Beauvau ! La place Vendôme ! Celle de votre ministère, de notre ministère. C’est à vous qu’on veut faire peur !

Cette expertise, vous la dénoncerez.

Vous ne trouverez pas de TATP chez Simon. Vous ne retiendrez pas les pipe-bombs.

Vous ne pourrez pas retenir l’ANFO. Cela réagit négativement à la flamme quand les démineurs s’y intéressent. Le procureur parle d’une poudre, il n’en est rien, ce sont juste des billes d’engrais baignant dans du fuel qui ont été trouvées !

Dans les scellés, il y aurait une recette ? Faux ! Une page wikipédia. Rien qui ne permette sa fabrication.

Qu’est-ce qu’il reste ? Quatre essais manqués, après lesquels on ne persiste pas.

C’est finalement ardu de contredire le vide.

Il n’y a eu qu’une tentative de fabrication d’explosifs. 

Pour cette raison vous ne l’inscrirez pas au FIJAIT, et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire.

On nous a dit d’elleux qu’iels ne se remettaient pas en cause ; mais c’est la qualification qui doit être remise en cause.

ALICE BECKER (SIMON)

La référence répétée à Action Directe, qui n’a aucun rapport avec les inculpé.es, est un procédé malhonnête. 

Et puis, lorsqu’on fait référence à une affaire plus récente, l’affaire Tarnac, on devrait remarquer que les journalistes sentaient venir le fiasco. Le parquet dénonçait la mansuétude des journalistes.

(elle cite les articles des media actuels sur l’affaire 8.12) 

J’ai trouvé choquant que le procureur attaque la défense sur sa stratégie de défense. 

S. est décrit comme un « punk à chien »: crête, boisson, musique… C’est assez cocasse qu’un punk rêve d’ascension sociale… chez Disney. Il vivent en couple avec K. depuis 17 ans… Elle revient sur son message dans lequel il dit en avoir « marre des normes », datant du 31 décembre 2019, alors qu’il travaille ce soir-là a Disney (paye ton punk anarchiste).

Le mouvement des Gilets Jaunes, pour n’importe quelle personne concernée, c’était un bol d’air.

S. se fait arrêter en manif lors du mouvement de 2019 contre la réforme des retraites et subit une GAV qui aboutit sur un rappel à la loi à cause de la présence d’un masque à gaz dans son sac.

S. s’intéresse au Rojava, et son pote de longue date F. en revient justement. Ils prévoient de se voir, se voient, puis ils rentrent chacun chez eux. 

Le week-end avec son pote : il va faire 2h50 de route et non pas « traverser la France » comme a pu le dire le PNAT. Il va acheter une spatule, et ils vont faire des explosifs (ce n’est un secret pour personne). A partir des enregistrements sonores, on ressent que c’est la première fois qu’ils se retrouvent depuis longtemps. Ils sont ivres, leurs propos doivent être analysés sous ce prisme-là. Ils parlent de la révolution, des valeurs de la République que l’on « conchie ». Je trouve ça surprenant pour une conversation, plutôt modérée à mon goût, qu’on ne puisse pas critiquer la révolution française. (elle énonce les détails de la conversation). Ils parlent des manifs des Gilets Jaunes et S. regrette de ne pas avoir profité des manifs. 

La journée du lendemain, lorsqu’ils font des essais, ils blaguent : « tant pis pour la nature… ». Ces propos sont interprétés comme étant de « l’écoterrorisme » !

On se dit qu’il y a quelque chose qui va se passer, ils parlent du vol à GammVert. Alors pourquoi, les flics partent-ils et les enregistrements prennent-ils fin ?

Par la suite a lieu leur départ à la cave de Controis en Sologne pour deux jours avec des ami.es, puis il rentre chez lui.

Week-end conspiratif ? On a parlé des tests, des copines, des frustrations… La tentative de production d’explosifs n’est pas répréhensible.

S. s’inquiète de ne pas avoir l’agrément à temps pour un évènement. Cela tarde, il insiste, il le reçoit finalement. Cet agrément est une vérification de la préfécture en prévention du risque terroriste. Il l’obtient alors qu’il est sous une instruction terroriste. Et puis plus rien ne se passe.

D’autres professionnels l’ont confirmé, le métier d’artificier, y’a pas d’école pour ça, il faut apprendre en faisant des tests.

Lors des perquisitions chez lui, on trouve des inflammateurs, des mèches et des déclencheurs, de la poudre noire. Il n’y a pas de TATP – mais des éléments qui sont utilisés pour sa profession et pour les travaux de la maison.

Il y a bien des armes chez lui : trois carabines, sans munitions, donc cela en fait de simples objets. Elles ont été récupérées bien avant de revoir F.

Elle demande la relaxe.

RAPHAEL KEMPF (FLO)

Sifflement lorsque les procureur·es rentrent pour la reprise de l’audience. La juge, agacée, indique au public qu’elle va faire inscrire cet incident à la note d’audience. 

Reprise de l’audience, Kempf se lève pour commencer sa plaidoirie : 

K – J’ai noté que vous avez ajouté à la note d’audience les sifflements. 

Je me demande une chose. À quoi va-t-elle servir, cette note ? 

Qui va pouvoir la lire ? Pas nous, a priori, cela nous a été refusé quand nous avons demandé les comptes-rendus d’audience.

Peut-être sera-t-elle étudiée dans plusieurs années, lorsque des historien·nes se pencheront sur l’histoire de la répression politique en France. 

C’est sur la base de ce genre d’archives qu’il est possible de réaliser un film sur le procès Goldman.

La Justice ne vit pas en autarcie. Elle vit avec la société. Si le PNAT provoque un sentiment de défiance, je pense qu’il faut l’entendre. Parce que la confiance ne se décrète pas. Les institutions  sont respectables parce qu’elles montrent qu’elles respectent le droit.

Il y a deux jours, madame la procureure, dans la deuxième partie des réquisitions, a annoncé qu’elle allait examiner la situation prévenu.e par prévenu.e. Les temps accordés à chacun.e sont éloquents : 

F. : 1 heure et 57 minutes

S. : 4 minutes

W., B. : 3 minutes

C. : 2 minutes

M., L. : 1 minute 

Si nos défenses étaient proportionnelles à ces temps, Mme la Présidente, nous en aurions pour très longtemps..

Du procès d’un groupe, et cela a été largement rappellé par mes consoeurs·frères, on est passé au procès d’un homme, F. 

On a beaucoup parlé de récit, y compris du côté de la défense. 

Un récit, c’est une relation de faits, réels ou imaginaires. 

Et en l’espèce, le récit du PNAT comporte une part d’imaginaire : on vous demande d’imaginer ce qui serait arrivé si les prévenu.es n’avaient pas été interpellé.es. Ce qu’on ne voit pas est plus inquiétant que ce que l’on voit. 

Ce dossier ne sera pas à traiter en terrorisme. 

Il ne s’agit pas d’humilier qui que ce soit. Le jugement est à rendre en Droit, et nous espérons que personne n’aura à faire appel, car le jugement sera juste.

Hier, Me Tort a dit qu’elle avait confiance en vous pour vous confier son client. 

Ces mots résonnent en moi. Je me demande, en tant qu’avocat de F., si moi aussi j’ai confiance en vous. 

En toute sincérité, non, je n’ai pas confiance.

Il fait une citation de Thierry Lévy :     

« L’audience apparaît non pas comme un moment de vérité, mais comme l’adaptation sonore d’un texte déjà écrit ».

J’ai dit au premier jour que ce procès avait mal commencé,  et je le redis au dernier jour : ce procès a mal continué. 

Je suis obligé de le repréciser, mais dans ce procès, on a porté atteinte à l’article 6 de la CEDH s’agissant des droits de la défense ! Dans ce dossier, on nous a dit « non » à à peu près à tout. Impossible de porter un regard neuf sur le dossier, d’y amener certains de nos éléments. 

Moi ce que je sais, c’est qu’à partir du moment où la personne sait qu’elle a été surveillée, il n’y a pas de raisons que les méthodes de surveillance utilisées à son encontre et que les pièces ainsi récupérées restent dans l’ombre. 

Au cours de cette audience, s’agissant des GAV, on a entendu toustes les prévenu.es dire qu’elles s’étaient mal passées. Sont-ils tous en train de mentir ? N’y a-t-il pas une part de vérité ? Votre rôle est de l’entendre ! 

Je vais revenir sur la loi du 9 septembre 1986. Le PNAT en a parlé dans son réquisitoire. C’est elle qui fait passer la GAV antiterroriste à 4 jours au lieu de 2. Pourquoi ? Pourquoi 2 jours de plus ? 

Je pense que c’est uniquement pour obtenir des aveux ou des dénonciations. Sinon cela n’aurait aucun sens. 

On sait que la privation sensorielle et la privation de liberté n’ont que cet objectif. 

D’après les travaux parlementaires qui ont eu lieu lors de la préparation de cette loi, ce qui a motivé l’enregistrement vidéo des GAV atiterroristes, c’est la volonté de protéger les enquêteurs des dénonciations calomnieuses.  

Mais c’est exactement pour ces mêmes raisons que nous aussi demandons l’accès à ces vidéos. C’est peut-être pour montrer à la salle qu’iels se trompent, que la DGSI a raison. (ironique)

C’est votre rôle, dans le cadre du délibéré, de savoir si cette affaire est ou non terroriste. 

Nous le contestons, bien sûr. 

Le ministère public s’offusque lorsqu’un professeur d’Université refuse d’utiliser le terme de « terrorisme », et en fait un argument tendant à dire que tout son témoignage serait à jeter à la poubelle. Mais heureusement que des universitaires dénoncent l’emploi de ce terme ! On ne peut passer à côté de ce fait social et massif de l’emploi à outrance de la qualification de « terrorisme », qui est utilisée pour désigner des ennemis. C’est une notion malléable qui a pour conséquence qu’il n’y a pas de dialogue possible. 

Et je constate que cette définition ne fait pas l’unanimité, pour l’ensemble des acteurs de cette procédure.

Dans la 6ème déclaration de F., en avant-dernière page, l’enquêteur lui donne une définition du terrorisme : ce n’est pas la définition donnée par le Code Pénal. C’est donc que le droit n’est pas leur boussole. Ils ont d’autres motivations, des biais. On en a tous des biais, un regard particulier sur le monde, singulier. 

En 1986, le député qui a rapporté la loi a déclaré : « Nous nous sommes borné.es à constater le terrorisme, pas à en donner une définition. » 

Puis Me Kempf fait une citation de Jean François Ricard, le premier procureur du PNAT, dans laquelle il dit que le PNAT a établi une série de critères permettant de distinguer ce qui relève du terrorisme ou de l’action radicale violente. Cette doctrine n’est pas publique.

Le PNAT nous a donné un indice : il a fait une distinction entre « haute intensité » et « basse intensité  » d’action… C’est quoi ça ? De quoi parle-t-on ?

Il n’y a pas cette distinction dans le Code Pénal en terrorisme. 

Une dégradation peut y figurer au même niveau qu’un fait de violence sur les personnes. 

De la même manière, le reclassement de cette affaire pour être jugée au tribunal correctionnel a été justifié par l’absence de projet d’action imminente. Cette notion d’action imminente n’existe pas non plus en droit ! 

Le PNAT s’est autonomisé de la loi, pour définir de façon arbitraire ce qui relève du terrorisme ou non. 

Mais la qualification de terrorisme viendrait ici du fait de vouloir s’en prendre à des policiers…

Quelle est la jurisprudence quant à ces accusations-là ? 

On a évoqué des manifs, avec des situations plus ou moins graves. 

Lorsque lors du mouvement des Gilets Jaunes un tractopelle a défoncé la porte du ministère de M. Griveaux, cela a été qualifié en « trouble à l’ordre public », pas en acte de terrorisme. 

De même s’agissant de l’incendie d’une caserne de gendarmerie à Grenoble en 2017, qui a été jugé en droit commun. 

Tout acte contre les policiers n’est pas qualifié de terrorisme.

Et nous, dans cette affaire, on a juste des bribes de conversations et des interprétations d’intentions, et c’est qualifié comme étant du terrorisme…

La question des engagements des prévenu·es reste centrale dans ce dossier. On nous dit que ce n’est pas le procès d’opinions politiques. Pourtant, de multiples questions sont posées aux prévenu.es en GAV sur leurs idées politiques. Le parquet nous dit : « C’est normal, on doit connaitre leurs idées ». D’accord, donc le fait que la DGSI soit une police politique est reconnue par le parquet, au moins on avance.

Des parallèles ont été faits avec les djihadistes. Il n’y a pas vraiment de liens. 

Du côté de la défense, on a un peu du mal à définir ce terme d’ultra-gauche… (on a essayé d’amalgamer des éléments épars ensemble, mais ça n’a rien donné…)

On a donc demandé à Jean-Marc Herbaut de nous dire ce que cela signifiait pour lui. 

Et cela a donné une recherche en source ouverte de Enedeka Maska… qui serait la définition de l’ultra-gauche. 

On a par la suite eu des éléments un peu plus fournis : ZAD, lutte contre les OGM, revues, maisons d’édition (La Fabrique). 

Qu’est ce qu’on doit comprendre de tout ça?  Que maintenant quand on va lire ou écouter certains contenus, cela va radicaliser les gens et leur faire commettre des meurtres ? 

F. serait dans un engagement violent. Sinon ce procès n’aurait pas lieu d’être. 

Alors, si on reprend ses engagements : 

    – Sivens. Oui, ça a été difficile là-bas, mais il a dit ne pas y avoir commis de violences. Et je le crois, il n’a pas été poursuivi pour ce fait ! 

    Et une deuxième chose : celleux qui à un moment ont occupé la ZAD de Sivens, iels avaient raison ! Iels avaient raison avant tout le monde, et même en droit !! Et si ça avait été compris plus tôt, Rémi Fraisse ne serait peut-être pas mort ! 

Imaginons que, comme pour l’isolement de F., on se rende compte a posteriori que cela ne servait à rien ? Et bien ce sera trop tard, le mal aura déjà été fait… (Il refait le même style de phrases concernant les peines requises par le PNAT). 

– On sait qu’il était dans la jungle de Calais, qu’il y donnait des cours dans une école. 

Et c’est tout à son honneur !

Le défenseur des droits a dénoncé de nombreuses fois les conditions de vie indignes dans la jungle de Calais.

Voilà le parcours militant d’un homme qui se conjugue avec la Justice et le droit. 

Sur les objets récupérés chez sa mère (bouclier et Tonfa), nous affirmons que c’est parce qu’il était acteur (jeux de rôle). 

De fait, F. n’a jamais été interpellé pour des faits de violence avec ces objets et les Black Blocs ne viennent pas en manifestation avec des boucliers. 

Les enquêteurs voient que F. et son ami·e collent une affiche sur un mur, le 6 mars 2020 à Toulouse. On ne sait toujours pas de quelle affiche il s’agit, quel est son contenu. Est-ce qu’elle avait pour but et aurait permis de recruter des gens pour la lutte armée ?… Ou est-ce plutôt le signe d’un engagement militant banal ? On ne le saura pas, la DGSI n’ayant pas pris de photo de cette affiche lors de sa filature. 

Est ce que participer à l’ouverture de squats est un engagement violent ou est-ce banal ?

Le récit de la DGSI, relayé par le PNAT, c’est l’idée selon laquelle les volontaire au Rojava viendraient ramener la guérilla en fRance. 

Ce que je suis obligé de constater, c’est qu’en suivant cette idée, ils véhiculent un récit qui est fait à ce propos depuis 2016. Et aujourd’hui le seul moyen de véhiculer ou de confirmer cette idée, c’est le PNAT et in fine, c’est vous. 

Ils ont tenté un premier canal pour véhiculer cette idée. André Hebert s’est vu confisquer son passeport pour l’empêcher de retourner au Rojava, sous prétexte de vouloir retourner les armes contre l’Etat. Le tribunal administratif a statué et reconnu l’erreur de la DGSI.

Par ailleurs je rappelle ici que, contrairement à ce qu’a dit le PNAT, les YPG, le PKK et le terrorisme sont des choses distinctes qu’il est important de ne pas mettre sur le même plan. 

Le deuxième canal utilisé pour véhiculer cette idée a été Médiapart. L’article au sujet des « revenants » du Rojava montre bien qu’il n’y a pas que F. qui est visé, mais que cette idée concerne tout le monde : les « revenants » reviennent en France pour perpétrer des attaques, pour faire du terrorisme. 

Et le troisième canal, c’est ce procès. 

Une fois qu’on adhère à cette idée, ce récit, est-ce qu’on a des éléments qui permettent de le justifier ? 

Non. 

Olivier Grojean est venu présenter à cette barre les résultats d’un travail scientifique, d’une étude réalisée qui se base sur plusieurs entretiens. 

De quelle manière raisonnent ces combattants? 

« Lucidité », « distance », « critique du romantisme révolutionnaire », « critique de la lutte armée ». Il n’y en a pas un qui souhaite ou qui se soit engagé dans la lutte armée. 

Il n’y a pas d’éléments. 

André Hébert a répondu ici à vos questions, sur ses opinions : oui il est « anti-capitaliste », c’est son droit, mais non il ne croit pas à la lutte armée.

Ce récit ne tient pas.

Alors pourquoi ce récit ? La DGSI fait quand même un travail sérieux, elle taffe et tout…

Elle est confrontée à du terrorisme djihadiste depuis des années. Ses agents ont donc un schéma de pensée. À force de voir le monde ainsi, ils ont ce biais, ce mode de réflexion et d’interprétation là. 

« Returny », c’est une idée qui vient du djihadisme. Et on retrouve ce terme ici, dans le contexte de combattants volontaires du Rojava… 

Il cite une déclaration de Flo  » j’ai lu, je me suis intéressé à la lutte kurde… » 

Et selon le PNAT F. serait parti juste pour apprendre le maniement des armes et se serait fait retourner le cerveau par Öcalan… 

Dans le dossier, on a des photos d’un certain nombre de livres présents dans son camion. Mais pourtant la DGSI ne va se focaliser que sur un fichier PDF que F. n’a même pas lu. Par contre, les bouquins, on s’en fout ! 

Par exemple, s’y trouvait un livre de Serhildan, « Le soulèvement au Kurdistan » (aux éditions Niet si ça intéresse du monde). C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de PV d’exploitation de ce livre dans le dossier !

Ce livre était sur la table de chevet de F., et il vient confimer tout ce qu’il a dit à cette barre !

Mais manifestement, l’accusation n’a pas souhaité en faire état. 

0,72% des sonorisations constituent se dossier… Ce chiffre n’a pas été contesté, ce qui est intéressant ! 

C’est donc le rôle de la défense de remplir les 99% manquants. 

C’était quoi la bataille de Raqqa en 2017 ? C’était quoi de libérer une ville du joug islamiste ? 

Ici F. a été incapable de se livrer, et je peux totalement le comprendre, car dans un lieu pareil, on peut constamment avoir peur de « déraper », et que des personnes puissent se méprendre sur le sens de vos mots. Pour raconter cette expérience, il faut une qualité d’écoute qui n’exsite pas ici. Il n’a pas pu dire comment il a procédé à Raqqa, dans le détail du geste. Je l’ai déjà dit, et ça a fait sourire le PNAT, mais sur place il a combattu au sein de la Coalition internationale, aux côtés de l’armée française !

Quelle crédibilité peut-on accorder aux propos déclarant qu’il veut s’en prendre aux institutions alors qu’il a agit en bonne intelligence avec l’armée française ?

Et le ministère public a déclaré cette Coalition internationale comme étant « informelle », ce qu’elle n’est pas !

Et F. voulait y repartir… C’était pas j’y vais, j’apprends et je reviens pour tout casser ! Voilà l’idée de F. au Rojava.

Ce dossier, cette enquête, donnent une image de ce qu’est « l’impressionnisme judiciaire » : on a des points, et on trace des traits entre chaque, sauf qu’à la fin ça ne ressemble pas à grand chose… 

Cette expression a été utilisée par Nicolas Braconnay, l’avocat général durant les plaidoiries du procès des attentats du 13 novembre 2015. 

Il cite des extraits d’un article du Monde (Au procès des attentats du 13-Novembre, des plaidoiries contre « l’impressionnisme judiciaire ») : « Il faut refuser les constructions fumeuses », « L’impressionnisme judiciaire n’a rien d’artistique », « C’est un péril pour l’intitution judiciaire elle-même ».

 Il parle de l’alcoolisation des personnes écoutées dans la majorité des sonorisations utilisées à charge.

Il rappelle que les prévenu.es sont accusé.es de ne pas avoir évoqué volontairementle terme « TATP », alors qu’iels n’en connaissaient pas le nom. Pour l’ANSU, F. dit ne jamais en avoir fait avant. Le Parquet, lui, affirme qu’il en aurait déjà fait. André Hébert a pourtant bien répété qu’il n’a jamais été question de cela au Rojava. 

Pour continuer sur la confection des explosifs, à Parcoul (des tests infructueux) et Paulnay, F. a participé aux essais pour en fabriquer, mais ensuite il décide de ne plus y revenir. 

Il est dit par le parquet que soi-disant F. sélectionnerait des personnes qui pourraient le suivre et participer à une révolution armée. Or dans une écoute du 2 avril 2020, avant qu’il aille à Parcoul, il n’y a aucune certitude sur l’endroit où F. va passer le confinement. Il y avait 2 possibilités, et il dit vouloir aller à Parcoul « s’iels (les habitant·es) sont sympas ». Est-ce que je recrute des gens dans le but de mener une lutte armée parce que je les trouvent « sympas » ? (se retournant vers les inculpé-e-s :  « Voilà, il vous a trouvées sympas… Et vous êtes là ! »)

Pour moi, il ne les sélectionne pas, parce qu’il est allé chez elleux un peu par hasard. 

Sur la confection d’explosifs qui a eu lieu, tout le monde met la main à la pâte. Et moi, ce que je retiens de tout ça, c’est que F. n’a plus du tout envie d’en refaire. 

Du côté du ministère public, la seule preuve de sa prétendue volonté d’en refaire, c’est que dans son camion il gardait les éléments pouvant servir d’ingrédients. Moi, je pense que tout cela y a été juste oublié. 

Dans le deuxième rapport de l’expert, à la dernière page, le résultat d’analyse de la cuisinière du camion est négatif. Il est dit que potentiellement, si la manipulation date d’il y a plusieurs mois, les traces deviennent moins visibles, voire imperceptibles. F. n’en a donc pas refait depuis plusieurs mois… On va régler la question de la restitution des scellés maintenant, ce sera fait : on voudrait récupérer les poèles, une marmite intégrale et les bâtons d’encens.

Moi ce que je vois, c’est qu’il n’est pas mentionné dans le dossier que F. aurait refait des essais d’explosifs. On vous demande de condamner F. là-dessus alors qu’il n’en a pas refait, et que visiblement il n’en avait pas l’intention. 

Dans le réquisitoire, au début le projet serait la « destruction de la civilisation ». Et maintenant, qu’est-ce qu’on a comme éléments pour établir ce fameux objectif ?  Un texte en grec pour l’ouverture de squats ? (il fait le lien avec un livre).

Il évoque un manifeste : « Le soleil se lève toujours ». Jusque-là, ce manifeste n’avait pas intéressé et maintenant il devient la colonne vertébrale de ce dossier ! On en apprend l’existence en août 2021, lors d’une exploitation de scellés. Et on nous dit : « Tout est là ! ». Il s’agit d’un fichier sur les plus de 1400 fichiers PDF que contenait ce scellé. 

D’ailleurs, on mentionne aussi que s’y trouve un dossier nommé « pour aller plus loin », qui contient un livre sur la révolution au Rojava, un livre de Michel Foucault… 

Dans ce dossier on a 2 types de sonorisations :

– certaines où on décrit une action

– des conversations à une certaine heure et dans un certain état, alcoolisé

Ces manifestations d’opinions interviennent dans un cadre privé, intime, et ne sont pas suivies de faits. Le trait qui permet de relier les points ce sont les sonorisations. 

Mais moi je me demande : est-ce que c’est légal ou non d’avoir des discussions en privé ? Parce que pour moi, ces propos ne tombent pas sous le coup de la loi. 

Ça arrive à chacun dans un cadre privé de tenir des propos virulents.

Quand Nicoals Sarkosy dit à Jacques Chirac au restaurant qu’il souhaiterait pendre De Villepin à un croc de boucher, est-ce que c’est un délit ? Je ne crois pas.

Il ajoute : « Avec mes consoeurs et confrères le soir quand on a bu un coup, est-ce qu’on a pas déjà dit qu’on voulait abolir le PNAT ? ». (rires dans la salle)

Les conversations à propos « des chiens de garde » sont pleines de trous. De très nombreuses mentions sont inaudibles. Kempf s’est « amusé » à remplir ces trous avec d’autres propos pour que la conversation ait un sens. C’est bluffant, cela change complètement le sens donné par la DGSI et le PNAT. Cela vient démontrer à quel point ce dossier ne se base que sur de l’interprétation.

Me Kempf :  « Nous allons remplir les trous nous-mêmes ».

Juge : « C’est une proposition ? » 

Kempf : « Oui, c’est une proposition ! Je n’ai pas non plus les bons mots à ma disposition ! 

Ça donne une toute autre teneur à la conversation. 

Il n’y a pas de projet. Pas de terrorisme. 

Au sujet d’une prétendue volonté de « dissimulation » : il y en a beaucoup dans le dossier. Il montre une photo de F. avec un sac sous le bras. « On dit qu’il « dissimule un sac », au lieu de dire simplement qu’il porte un sac sous son bras.

Il dit que F. a été très affecté par ce procès, et lui aussi. 

Il a terminé sa plaidoirie. A côté de la plaque, la présidente demande comment a été effectué le calcul qui a été donné par la défense concernant la proportion des sonorisations qui ont été transmises. Il lui explique qu’il a simplement pris les chiffres et appliqué le produit en croix comme pour toute règle de trois, c’est magique…

COLINE BOUILLON (FLO)

Je préfère vous prévenir que je vais être très longue.

Tout d’abord, sachez que c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour défendre F.

Dans un 1ᵉʳ temps : il n’y a jamais d’entrainement militaire par F. Il n’y a rien qui montre que F ait incité les autres inculpé.es à acheter une arme. Quel.les sont celleux qui ont déjà en possession leurs armes avant de le rencontrer ou de le revoir? Toustes.

L’accusation a construit un récit, et je vais vous le démontrer.

F. n’a jamais fait d’airsoft avant son départ au Rojava, mais il l’a pratiqué après. Donc ce n’est pas lui qui incite, car d’autres en avaient déjà fait avant.

Le PNAT se fonde sur deux parties d’airsoft pour établir qu’il s’agirait d’un entrainement paramilitaire. L’airsoft a été utilisé pour colorer le dossier de l’accusation. Il y a seulement trois parties d’airsoft sur une durée de quatre mois, puis plus rien (huit mois s’écoulent), jusqu’aux arrestations, et on le transforme en « entrainement para-militaire ». Ce dossier me permet de me reconsidérer moi-même, avec mes 4 séances de footing au printemps, en fait je me prépare au Marathon de Paris !

Il suffit d’une seule session d’airsoft à Parcoul-Chenaud, et la DGSI romantise déjà un groupe radical. Pour la DGSI et le PNAT, il est parfaitement crédible de confondre le bruit d’une spatule dans une casserole avec un bruit de tir en rafale. On a voulu vous donner coûte que coûte une version, fantasmée par la DGSI.

Sur le site web des jeux d’airsoft, « Airsoft attitude », on peut trouver une vingtaine de scénarios, tels que « Comment commander un trinôme ? ». On y retrouve les notions de « chef d’équipe », de « débriefing » et de « pédagogie ».

Ensuite, il nous est dit que C. n’a pas apprécié cette partie d’airsoft, je la comprends, ce n’est pas évident lorsqu’on ne connait pas bien. C’est un jeu à la fois ludique et complexe. C’est un jeu de rôle avec une implication intense.

L’association « La passion des ami.es » aurait été utilisée pour cacher des activités ? Il n’y a aucune activité. Parfois, dans la rue, il peut nous arriver de voir une vitrine où le mannequin n’a plus de vêtement. Là, il n’y a même pas de mannequin ! Vous la percevez comme une vitrine vide ? L’association ne fait pas d’évènements, même pas de réunion. Elle n’a servi à rien. Pourquoi autant s’accrocher à cet élément dans ce cas ? 

Car pour le PNAT, c’est elle qui fait tenir le scénario dans lequel, F. serait revenu du Rojava pour mener une guérilla terroriste. C’est une honte d’imposer cette image au sujet d’un homme qui a combattu Daesh pendant 10 mois.

Cette association a été créée en 2018. Dans la chronologie c’est un élément utile pour le scénario de la DGSI. On vous explique que cette association cache des choses, on s’y accroche parce que l’accusation ne veut pas perdre la face, elle permet de relier les deux ans entre son retour du Rojava et le début de la procédure.

Serait-il rassurant que F. arrive à mettre de côté ses expériences du Rojava ?

Devons-nous nous étonner que l’airsoft soit utilisé comme une catharsis ? Le ministère de l’intérieur dit qu’il faut mettre en place des suivi psy pour les vétérans. 

Un autre vétéran du Rojava a témoigné à la barre, pour nous dire qu’il aurait aimé faire des séances de tir lorsqu’il est revenu en France, mais ce ne fût pas possible car cela lui a été interdit par l’État français. Pour F., c’est un exutoire, il fait continuellement des switchs. 

En France, il y a 10 millions d’armes illégales, F. en avait une. Cachée ? Oui, il vivait dans son camion (c’est sa maison), ce qui expose aux insécurités et au vol. Pour le PNAT, tout est bon pour incriminer F. Il ne s’est pas procuré d’armes illégales entre 2018 et 2020, pourquoi ne le fait-il pas s’il a pour but de « renverser la civilisation » ?

Il aurait essayé de se cacher de plus en plus, d’entrer dans la clandestinité, alors qu’il a fait les démarches pour passer son permis chasse ?! Il a passé son permis de chasse parce qu’il a passé du temps avec B. et W. et pas l’inverse ! Il est donc dans une recherche de légalité par rapport à la détention d’armes, il souhaite faire la déclaration en préfecture, etc…

Qu’est-ce qui arrive après qu’il ait « recruté » des personnes ? Une séance de tir ?

Pourquoi B. ne voulait pas lui donner le fusil comme prévu ? W. et B. nous ont dit que B. s’était habitué à cette arme et ne souhaitait plus la donner.

Il n’y a pas eu de phase d’interpellation internationale, alors qu’il est mis en examen pour des faits qu’il aurait pu commettre en Belgique, Croatie, République Tchèque, Grèce… Dans ces différents pays, il s’y rend avec son camion ou en avion, avec des billets achetés avec sa carte bleue, et effectue de nombreux retraits avec sa CB. 

Elle raconte comment elle a rencontré F.. Elle n’a jamais pu s’entretenir avec lui en GAV (auditions de l’après-midi uniquement) donc elle l’a découvert d’une part dans la description faite par la DGSI (leader, emprise sur les autres…) et d’autre part à travers les descriptions des autres inculpé.es en GAV (plein d’énergie, bout-en-train, joyeux, guilleret…)

Les conditions d’incarcération et particulièrement en quartier d’isolement sont très dures. Lors de sa première visite à la prison de Bois-d’Arcy, dans le quartier d’isolement, elle a été frappée par les cris permanents des détenus. Des cris qui ne cessent jamais. Elle fait part de sa sidération lorsqu’elle a vu à quoi ressemblait la « promenade », cet espace réduit et grillagé d’où on ne peut voir le ciel. Elle décrit des conditions de vie indignes, sans accès au soin. Tout le monde s’en foutait… sauf les soutiens de F. L’isolement requiert un accès au soin immédiat. Sa santé en a pâti, comme il a pu le décrire dans ses lettres. Elle en lit plusieurs extraits : “je n’arrive pas à matérialiser mes pensées”, “j’ai des pertes de mémoire […] je n’arrive pas à faire certaines connexions dans mon cerveau”. Il n’a vu personne de décembre 2020 à mars 2022. Elle décrit les séquelles qu’elle observe avec le temps, elle ne cache pas comment ça l’a profondément touchée, humainement.

Pour 16 mois de traitement inhumain, reconnu comme illégal, il a reçu une compensation de 3000 euros de la part de l’Etat.

Elle revient sur ce qu’elle nomme la prison « au carré », la prison dans la prison qu’est l’isolement.

Une tribune a été publiée avec de nombreux signataires pour dénoncer ses conditions d’incarcération. Cette période visiblement dérange, car il n’y en a strictement aucune mention dans vos rapports. La dimension humaine de F. n’intéresse pas le procureur, il s’en est même moquée lorsqu’il a affirmé : « ils ont osé parler de « torture blanche ». Au contraire, il cherche constamment à le déshumaniser. Le terme “torture blanche” est utilisé précisément pour décrire des conditions d’isolement inhumaines. Lorsque l’isolement est infligé pendant des longues périodes, cela produit une altération des sens, des décompensations psychologiques, une détérioration grave de la santé de l’individu.e. 

La Commission des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe met en garde : l’isolement doit être appliqué « uniquement en dernier recours et pendant de courtes périodes ». Le terme « torture blanche » est également utilisé par Amnesty International.

Au long de ces 16 mois, F. a effectué 75 recours pour tenter de sortir d’isolement avant d’entamer une grève de la faim. Une grève de la faim de 37 jours, lors de laquelle il a failli perdre la vie. Son pronostic vital était engagé. La situation s’est aggravée jusqu’à la menace d’une réanimation, et il a dû être transféré dans un hôpital comprenant un service spécialisé car l’hôpital pénitentiaire de Fresnes n’était plus en mesure de le prendre en charge. Au terme de cette grève de la faim, il a enfin pu être libéré.

Nous contestons l’association de malfaiteurs. Il y a certaines infractions qu’il reconnait, et nous savons qu’il y aura condamnation. 

Depuis le début du procès, j’apprécie de le voir en dehors de la prison. Me Bouillon explique alors l’avoir mieux découvert depuis la fin de sa détention. Elle décrit son évolution, son cheminement, humain, militant, elle découvre quelqu’un qui souhaite un monde sans oppressions, sans répression, une personne généreuse, altruiste, loyale, qui mesure la valeur de la vie, investie auprès des autres. Une personne qui tient à ses proches.

Depuis qu’il est sorti de prison, il a renoncé au mode de vie qui était le sien, certes dur par certains aspects car il vivait en camion et pas dans le confort matériel, mais un mode de vie qu’il vivait par conviction, en accord avec ses valeurs et ses principes. Il est très difficile de renoncer à tout cela. 

A sa sortie, il a trouvé un travail, et pas n’importe quel travail, un travail qui lui plaît et fait sens pour lui ; il s’est occupé de sa santé. Et ce, malgré les nombreux contrôles et contraintes qui rythment son temps, sans répit. 

Tout cela mérite d’être salué, et pas seulement par la défense. 

Le magistrat instructeur a remarqué son respect de l’ARSE et son implication pour se “ré-insérer”. Il en a résulté qu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il retourne en prison, il lui a même fait retirer son bracelet électronique il y a un an. 

A écouter le PNAT, F. n’a jamais pris conscience de la dangerosité de ce qu’il faisait. Ce n’est pas vrai et il en a témoigné à de multiples reprises. Le traumatisme que porte aujourd’hui F. lui vient de son temps passé à l’isolement, et non du Rojava.

Lorsque le PNAT, dit : “On ne prend pas en compte le mode de vie des un.es et des autres”, de qui se moque-t-on ? Le PNAT n’a aucunement considéré la grève de la faim (sauf pour dire que c’était bien là la preuve qu’il était « jusqu’au-boutiste » donc dangereux), les risques et la souffrance qu’elle a engendrés.  

Le parquet vous a requis une peine qui n’est pas aménageable. On le sait bien en droit, qu’en matière de terrorisme la peine n’est pas aménageable. C’est une peine d’exécution. Est-ce une peine à la juste valeur des faits ?! Sans aucun rapport avec l’orientation politique « d’ultra-gauche » ?! J’ai failli en tomber de ma chaise ! On lui requiert une peine plus élevée que pour les Barjols (groupe d’extrême-droite jugé pour AMT et soupçonnés d’avoir fomenté des attentats contre Macron, des élu.es, des migrant et, des mosquées) ! Nous n’avons pas besoin de peine pour l’exemple.

Nous vous demandons une peine mixte (sans retour en prison) qui exclurait tout suivi socio-judiciaire et pas d’inscription au FIJAIT.

Procureur : A la demande de la juge nous répondons quant au fichier de son casier judiciaire : il n’y aura pas d’exclusion du B2.

DECLARATION INCULPE.ES

Nous ferons un résumé ici des déclarations des inculpé.es. Iels peuvent prendre la parole en dernier. Il y a des applaudissements après chaque déclaration et la Présidente essaye à chaque fois de faire taire la salle en la grondant.

B. nous parle de sa vie actuelle, de sa reconstruction après le traumatisme de la GAV et de la procédure.

W. rappelle l’impact que les 4 mois de détention ont eu sur lui, qu’il n’a pas pu communiquer avec ses meilleurs amis pendant plusieurs années. Il demande à ce qu’on le laisse tranquille et finit en rappelant que personne dans cette salle n’est un-e terroriste.

F. s’excuse pour son comportement auprès des femmes présentes à Parcoul : C., S., M. et H. et a hâte de rentrer chez lui pour se reconstruire. 

L. regrette ne pas avoir pu offrir le fond de sa pensée, auprès des potes aussi, n’aurait jamais imaginé que quelque chose comme cette affaire entre un jour dans sa vie et finit sur sa conviction que nous sommes toutes et tous complémentaires, qu’il est évident que l’on peut fonctionner ensemble.

C. : Ces 3 dernières années ont été les plus dures de sa vie, beaucoup d’inquiétude face aux caricatures portées dans ce dossier et ses répercussions. Elle rappelle qu’elle n’a jamais été une terroriste, mais qu’elle est fière des luttes politiques qu’elle porte et des idées qu’elle défend. « Je sais qui je suis et je partirai de ce tribunal avec ça. »

S. rappelle qu’il a fait 11 mois de détention, 3 ans d’instruction pour une accusation portant sur 3h de tentatives ratées d’explosifs : « Ma passion débordante a débordée « . Et que, si l’accusation terroriste est maintenue, il devra pointer tous les 3 mois, pendant 10 ou 20 ans et si une nouvelle loi d’exception passe, ce sera toute sa vie, « coupable devant l’éternel ». Il ajoute qu’il n’a jamais eu besoin de quelconque injonction pour travailler et que le Fijait nuirait à son projet professionnel, notamment pour les déplacements.

M. commence par  » 2 ans, 324 jours et 15h depuis que l’on s’est fait arrêté… on est tou-tes fatigué-es ». Il préfère ne pas faire perdre plus de temps et  conclura par une phrase des Béru :  » L’AVENIR C’EST PAS LA VIOLENCE, C’EST LA SOLIDARITÉ ! »

Verdict du délibéré le 22 décembre à 10 heures