JEUDI 19 OCTOBRE

19/10

FLO

Deux témoins sont présents aujourd’hui, la juge veut prioriser le passage des prévenu.es donc il n’est pas garanti qu’ils puissent passer, pour l’instant ils attendent.

La journée commence par le passage de F. sur les questions des armes et des parties d’airsoft. 

L’audience débute par une déclaration spontanée de F., qui dit qu’il appréciait la séparation prévue initialement entre les questions sur les armes et celles sur les répliques d’airsoft. Il est déçu que la juge ait changé d’avis et que les deux sujets soit finalement discutés en même temps et donc constamment mis en parallèle. Il rappelle que la confusion des termes est dangereuse. Le tribunal a donc choisi le même prisme que la DGSI.

La juge répond que  » effectivement la sémantique est importante  » et qu’elle va essayer d’utiliser les bons termes. Mais que si le thème des armes et des répliques airsoft ont été rassemblés, c’est justement pour essayer de voir comment ils sont liés.

La juge est malade et sous-entend qu’elle a attrapé la maladie au tribunal, elle porte un masque.

Un point est fait sur ce qui a été trouvé dans son camion au moment de la perquisition : une arme à canon et crosse sciées détenue illégalement, cachée dans un compartiment du camion, des cartouches, ainsi que plusieurs répliques d’armes d’airsoft dans des mallettes. La juge utilise le terme « dissimulé », F. la reprend pour dire « rangé ». Les répliques d’airsoft ont été acquises en 2018 et 2019. Trois autres pistolets airsoft étaient  également présents mais n’ont pas été saisis. 

La juge demande à F. quand a démarré son intérêt pour la pratique de l’airsoft.

F. explique avoir fait du paintball en étant plus jeune jusqu’à ce que son arme de paintball se casse, il n’avait pas les moyens de la réparer donc il a arrêté, il s’est ensuite intéressé aux jeux de rôle, puis il a eu l’occasion en 2018 de faire de l’airsoft. La juge se demande ensuite si il y a besoin de faire de l’airsoft en club et F. lui répond qu’il n’y a pas besoin mais qu’il faut trouver un endroit non visible du public pour y jouer, c’est même ce qui est recommandé par la fédération d’airsoft (maison abandonnée…).

L’arme réelle retrouvée dans son camion, classée catégorie B par l’expert, a été achetée en 2016 sur une brocante. F. tient à signaler qu’il détenait une meuleuse et qu’il aurait pu effacer les numéros sur le fusil facilement s’il avait voulu. A ce moment F. voulait déjà partir au Rojava mais il n’avait jamais tiré et appréhendait un peu sa réaction face à ça,. Quand l’occasion s’est présentée il a acheté cette arme avec 5 ou 6 cartouches pour essayer, pour découvrir avant de se retrouver en zone de guerre. 

La juge demande pourquoi l’arme était cachée à ce point, F répond qu’il savait détenir cette arme de manière illégale, donc il voulait être discret et s’assurer que personne d’autre n’en connaisse l’existence et ne l’utilise, c’était plus sécurisé comme ça. 

Les cartouches qui ont été retrouvées ne correspondent pas à cette arme, il les a achetées pour un fusil de chasse qu’il voulait s’acheter après l’obtention de son permis de chasse, qu’il avait prévu d’obtenir légalement. Les cartouches ont donc été achetées légalement.

La juge parle d’un coup de téléphone qu’il a passé avec le téléphone de C. en juillet pour différer son stage d’obtention du permis de chasse. Il a déplacé la date proposée à septembre, ça lui permettait de coupler avec les vendanges car les deux se déroulaient en Loir-et-Cher. 

Elle le questionne sur sa motivation à passer son permis de chasse et pourquoi ne pas l’avoir passé avant. 

F. raconte que cette envie lui est venue après beaucoup de temps et de discussions avec W. et B., ça l’a motivé, ils ont pu avoir des échanges sur le sujet et une réflexion sur la manière de se nourrir, de nourrir leurs animaux, discussions qui ont fait évoluer l’avis de F. sur la chasse et il a fini par développer cette envie d’avoir lui-même son permis de chasse. 

La juge dit que la mère de F. était très surprise de ce permis, il répond que c’est normal, il réfléchit avant de parler de tout à sa famille, le projet n’était pas complètement abouti donc il n’avait pas prévenu sa mère, elle le sait végétarien et à ce moment le pense contre la chasse, donc forcément elle est surprise d’apprendre qu’il a obtenu un permis de chasse.

La juge demande alors ce qui l’a conduit à donner rendez-vous à M. et L. dans une maison abandonnée et veut savoir qui a trouvé cette maison. 

F. explique qu’il souhaitait jouer avec M. depuis longtemps, qu’ils avaient essayé de jouer en forêt mais que les répliques n’étaient pas adaptées au jeu en extérieur, donc ils avaient envie de trouver un lieu fermé. 

Il explique qu’avec L., ils parlaient beaucoup ensemble et qu’il a montré de l’intéret à en faire.

La juge insiste pour savoir qui a trouvé la maison. F. dit que M. a presque dit derrière la barre que c’était lui mais qu’il n’en sait rien, que c’est une habitude de regarder quelles maisons sont vides et que celle-ci se trouve sur un chemin régulièrement emprunté. Il ajoute que lui et M. sont allés la visiter avant la session d’airsoft. 

La juge revient sur l’arme à canon sciée. Si elle veut bien entendre que F. l’ait achetée pour apprendre à tirer, elle se demande pourquoi après son passage au Rojava, il la détient toujours. 

Elle repasse alors de l’arme à l’airsoft sans transition et lui demande s’il souhaite s’amuser à ce moment-là. 

F. lui explique que s’il était attiré par le jeu, il s’agissait pour lui de revivre ce qu’il a vécu avec un coté plus fun. En en faisant une pratique sportive. Il indique qu’à terme, il souhaitait monter une équipe d’airsoft. 

La juge l’interroge sur l’association de L. :  » Vous saviez qu’il avait une association ? » 

(désaccord entre F. et la juge qui doit spécifier qu’il s’agit d’une coquille vide).

F. indique que L. lui avait bien indiqué qu’il avait créé une association pour faire des choses ludiques, l’idée d’intégrer l’airsoft parmi les activités de l’association est mentionnée, mais finalement rien ne se mettra réellement en place pour le faire. 

A la question de la juge sur la présence des documents administratifs de l’association de L. dans son ordinateur, F. répond qu’il les a récupérés ultérieurement, lorsque L. lui a demandé d’en reprendre l’administration. 

Il indique que lui et L. ont bien parlé d’acheter un terrain mais que finalement l’association ne servait à rien.

La juge se demande pourquoi F. est venu à Pins Justaret avec L. alors qu’il n’était à priori pas intéressé, F. lui répond que L. a montré de l’intérêt pour ce qu’il faisait lors de leurs conversations et qu’il aime partager ce que les autres aiment. La juge insiste, F. lui redit qu’il a simplement été intéressé et qu’ils n’ont fait que deux sessions ensemble.

Aux questions sur le planning, F. répond qu’il se souvient de moments séparés contrairement à ce qu’il a entendu jusqu’ici. 

La juge rappelle qu’il a été repéré par le bornage de son téléphone une deuxième fois à cette endroit-là. F. explique s’y être rendu pendant le confinement, mais que son passage n’avait rien à voir avec l’airsoft à ce moment-là.

La juge demande à F. s’il a bien confié ses répliques à M. Fraga pendant un moment, il confirme. Néanmoins il ne l ‘a pas fait pour le vrai fusil, dont l’existence à l’époque n’était connue que de lui car il n’en avait parlé à personne.  

F. explique que seul B. a vu l’arme et qu’il fait attention à la sécurité. Il rappelle que lors du transport des répliques, il n’y avait pas l’arme au canon scié. Il explique ensuite qu’il voulait tirer avec ses répliques sur le stand de tir DIY de W. et B., et qu’elles ne tirent pas loin. F. raconte l’anecdote ou B. réagit en disant « C’est de la merde » à propos des répliques. Plus tard, il montre l’arme à B. pour avoir son avis, en prévision d’un potentiel passage de son permis de chasse. Il explique que B. lui a montré des trucs comme démonter le fusil, et que B. lui a expliqué que c’était dangereux (moins stable car crosse sciée).

La juge reprend sur les raisons pour lesquelles il ne s’en est pas débarrassée, F. doit expliquer que c’est illégal, qu’il a vu ça comme un piège (le fait de ramener l’arme en gendarmerie ou autre) et qu’il craignait des poursuites.

« Mais vous ne vous êtes pas posé la question quand vous l’avez achetée ? » lui lance la juge.

F. explique qu’avant, il souhaitait tirer sans se poser la question de « l’après ». Ne sachant pas s’il reviendrait du Rojava ou non, il se projetait peu dans le futur. 

La juge reprend l’ordre chronologique des parties d’airsoft. Elle souhaite revenir au moulin. 

Elle lit ses notes et raconte qu’au moulin, F. a commencé par une démonstration des répliques d’armes et que personne n’était très motivé par ce jeu. Elle demande : « Pourquoi vous les montrez quand même !? »

F. explique qu’il s’agit exactement de la même chose quand B. montre sa forge ou lorsque que d’autres proposent d’autres activités comme la cueillette par exemple. Lui ça ne l’intéresse pas non plus, mais tout le monde proposait des activités même si ça n’intéressait pas les autres. Ils ont eu pendant tout ce séjour énormément d’occupations différentes, découvrant à tour de rôle les centres d’intérêts de chacun.e sans que tout le monde soit forcément passionné par ça. C’est le cas de l’airsoft, sans l’imposer F. a apporté cette activité.

Il explique que lors du jeu, il a voulu expliquer les choses correctement mais que très vite ça a été n’importe quoi. 

« C’est à dire ? » La juge lui renvoie les descriptions de la file indienne qui contredisent son propos.

F. explique que c’était une initiation, qu’iels ont discuté du fonctionnement en équipe, qu’iels ont changé de binômes et de position, qu’il s’agissait d’une partie d’airsoft normale.

« C’était un gros foutoir ».

La juge relit la retranscription de la conversation avec C. le soir. Elle commente la sonorisation en disant que F. décrit ce qui s’est passé dans la journée et qu’il explique ce qui lui a plu et déplu. 

« On a le sentiment que vous prenez les choses avec sérieux ».

F. lui rétorque qu’elle n’a pas la sonorisation des autres joueurs et ne peut comparer, et qu’il avait l’habitude avec C. de débriefer des autres et de leur comportement, mais comme le reste n’est pas à charge, la DGSI n’a gardé que cet exemple.

F. défend que c’est normal car c’était lui le plus intéressé et qu’il proposait le jeu. 

La juge insiste : « Vous revenez sur plusieurs points avec sérieux,vous êtes dans l’analyse et on dirait que vous aimeriez bien recommencer ».

F. explique qu’il a l’habitude de regarder comment on se comporte les un.es avec les autres, et qu’on a l’habitude de faire ça. C’est lui qui a proposé le jeu, ça l’intéresse de savoir ce qui est ressorti de cette après-midi sans forcément prévoir d’en refaire. 

J :  » Vous êtes la personne qui lead. »

F :  « C’est moi qui présente l’activité, c’est normal, je suis responsable ». Il revient sur l’exemple de B. qui est responsable de sa forge, dont il était en charge. 

A la lecture d’une sonorisation, la juge relève un passage où elle estime que F. fait le parallèle entre le jeu et son expérience sans préparation sur un terrain de guerre. Elle se dit étonnée que ce souvenir surgisse à ce moment là : « On peut se demander à quel degré de jeu et à quel degré de passation de pouvoir vous êtes. » 

F. se défend en parlant de sa propension à parler du Rojava quand il picole et lui rappelle que cette pratique lui fait du bien. Il reprend sur le fait que ça lui y fait penser, mais que ça lui fait du bien. 

La juge le questionne sur le rôle de sniper qu’il aurait occupé. 

Il n’a pas été sniper. F. raconte qu’à Raqqa, il y a deux options : y aller la nuit mais risquer de sauter sur une mine, ou le jour où on est vu des snipers. Que lui a dû monter la garde avec une lunette thermique, puis qu’il a eu une Kalashnikov sans rien voir dans la nuit et que « c’était flippant ».

La juge revient sur les parties d’airsoft : 

J : « On dirait que vous cherchez à vous perfectionner ! »

F : « Oui je voulais progresser car je voulais monter une équipe ».

La juge reprend la sonorisation et fait remarquer qu’on y comprend qu’il a joué avec des gens différents.

F. reconnait qu’à l’écoute de la retranscription, il se rend compte qu’il parle tout seul (C. ne répond que « ouais » tout le temps) et répond à la juge qu’il s’agit de M. et L.

J : « C’est quoi les « brones » « ?

F répond qu’il ne sait pas mais que ce sont peut-être des répliques de pistolets.

La juge revient ensuite sur l’histoire de la personne qui n’a pas vu la démonstration des armes la veille du jeu et demande à F. si il n’était pas déçu.

F. insiste et réexplique que c’est une habitude et iels aiment bien discuter de leur journée et des comportements. Il redit que cela aurait pu être intéressant d’avoir d’autres discussions pour comparer et demande pourquoi elles ne sont pas jointes.

La juge répond qu’elle n’a pas d’explication.

« Parce que c’est pas à charge ! » lui lance F.

J : « Et à Pins Justaret, c’était plus organisé ? »

F : « Fun, mais oui plus sérieux ».

En évoquant le moment du lac, elle revient sur le fait que L. ne s’en souvenait pas et demande s’il s’agissait de l’organisation d’une partie d’airsoft.

F. explique que dans une vie de nomade c’est une habitude de se partager ses positions géographiques et de se rejoindre à mi-chemin.

A ce moment-là, F. bricolait avec M. sur son camion, ils voulaient faire de l’airsoft et ils ont proposé à L. de les rejoindre à mi-chemin : ce lac semblait idéal mais quand ils y sont arrivés, il y avait trop de monde pour faire de l’airsoft donc ils ont changé d’idée.

La juge revient sur les notes de M.

M. ne veut pas dire qui sont sur ces notes

J : « Saviez vous qu’il prenait ces notes ? »

F. dit être habitué à voir M. prendre des notes, il atteste qu’il n’y a pas eu de réunion mais seulement des discussions informelles. Il ajoute qu’il ne savait pas pour les surnoms et que lui appelle tout le monde par son prénom.

La juge lui demande si ça correspond à des choses discutées.

F. lui indique qu’il ne sait pas

F. indique à la juge que des discussions sur les terrains, il en a entendu plein, qu’ils ont parlé ensemble de terrain, de terrain d’airsoft, de terrain perso pour M., que la question a été retournée dans tout les sens, à de multiples reprises, et qu’il s’agit d’une chose banale.

Elle revient sur l’existence d’une réunion.

F : « Non »

La juge s’étonne de voir écrit sur le bloc de M, « réunion » et « ordre du jour » à la date du jour qu’ils ont passé ensemble.

F. insiste et témoigne que non, il n’y a a pas eu de « réunion », qu’ils ont simplement discuté de comment ils allaient jouer.

La juge demande si il y a eu des discussions sur des pseudos avec M.

F : « Je ne sais pas de quoi on a parlé, il n’y a pas eu de réunion, je ne sais pas ce qu’il a noté, j’en sais rien. »

Elle le questionne sur des papiers et F. lui répond qu’il s’agit de documents pour se déplacer pendant le confinement.

Elle s’étonne : M. « est très précautionneux » et elle se demande pourquoi autant de précautions si c’est juste pour acheter un terrain.

F : « Posez la question à M., il y avait de tout dans ses notes, des trucs du squat, des notes personnelles et on a même pas fait d’airsoft ! »

J : « C’est écrit 25 mai ! »

La juge insiste, la salle réagit, le ton monte un peu.

J : C’est quoi une session Tekmil ?

F : Les explications de M. sont bonnes. C’est une autocritique pour s’améliorer, ça se fait à la fin de chaque activité. Il y a beaucoup de gens qui cherchent à se le réapproprier. 

Il blague sur le fait que vouloir changer le nom de cette pratique en français serait de la réappropriation culturelle.

La juge parle de M. et de son objectif de retourner au Rojava.

F. explique que avec M. ils n’avaient que des discussions brèves sur le Rojava car il lui faisait des mises en garde trop persistantes. Que ça énervait M. et que la conversation tournait court.

J : « Et il n’y a pas de lien entre la brochure « monter une milice » et les notes ? »

La juge rappelle que F. avait affirmé qu’il ne connaissait pas le document.

F. répète n’avoir jamais vu cette brochure avant de la trouver dans le dossier, et tient pour preuve la présence dans la brochure d’un explosif qu’il n’a pas testé et dont il n’a jamais parlé (c’est ironique bien sûr). « Comme j’ai tendance à raconter tout ce que je connais, j’en aurait forcément parlé ».

J : « M. a fait un CR sans en parler, c’est bizarre non ? »

F. lui répond en s’agaçant qu’il pensait que les pseudos désignaient les gens du squat. 

La juge revient sur l’argent prêté à B. pour acheter son arme et lui demande : « Quel est le projet ? »

F. lui fait remarquer que le terme « projet » est un bien grand mot.

W. et B. lui en ont donné envie, ils passent beaucoup de temps sur le sites d’armurerie. Une arme qui plaisait à B. et F. était en vente avec une réduction. B. n’avait pas l’argent et lui pas de permis de chasse, mais elle lui plaisait. Le deal était que soit elle lui revient, soit B. le remboursera.

La juge lui demande s’il redoute un échec quant à l’achat de cette arme (lecture sonorisation).

F. explique qu’il parle de l’expérience d’une personne qui même avec un permis n’avait pas eu le droit d’acheter une arme car il était fiché.

F. explique avoir vérifié pour lui auprès d’un gars qui avait l’accès aux fichiers, puis il explique que certaines sonorisations sont des conversations pleines de plaisanteries (discussion avec B. et W. dans le camion).

La juge demande pourquoi il n’a pas récupéré l’arme auprès de B. après avoir obtenu le permis de chasse, F. lui indique qu’ils cherchaient à s’organiser pour que B. lui donne, mais qu’ils n’étaient pas dans les même zones géographiques et qu’ils attendaient un moment plus propice pour l’échange.

La juge revient sur ce qu’a dit B., c’est-à-dire qu’il avait peur de donner l’arme à F. car il avait peur de ce qu’il allait en faire. 

F. répond à la juge que ces propos sont faux et qu’ils avaient bien prévu de se rencarder.

La juge lui lit les retranscriptions des sonorisations où il fait la description des répliques d’airsoft. F. lui rappelle qu’il s’agit d’explications des règles de jeu de rôle.

Elle s’arrête sur des explications plus techniques et lui redemande :

J : « Il s’agit toujours de la présentation d’un jeu de rôle? »

F : « Oui !! « 

La juge revient sur la sonorisation où F. parle de « voler » des armes à B. en indiquant qu’elle trouve cela bizarre.

F. explique qu’il s’agit d’une façon de parler que c’est comme l’utilisation du mot « travailler », et que cela veut dire « emprunter ».

Elle insiste sur cette retranscription et revient sur les projets d’achats et les intentions de « voler » à son ami. F. voit dans cette retranscription des incohérences et indique qu’elle est pour lui très mystérieuse.

Il s’agace un peu et lui lance qu’il entend « coin,coin,coin » quand il écoute ces mots en reprenant l’expression utilisée par M. la veille (personnes qui parlent sans rien dire) et qu’il ne souhaite pas se fier à ses propres paroles.

La juge insiste en pointant qu’il y a des éléments vrais dans cette même phrase. 

F. est obligé de redire que des éléments se contredisent et que la phrase n’a aucun sens. 

La juge bloque sur le sujet, elle insinue qu’il souhaitait acheter une arme après le confinement, ce que F. nie en indiquant qu’il s’agissait seulement de « lèche-vitrine ».

La juge s’étonne qu’il n’ait pas acheté d’arme une fois son permis de chasse obtenu, F. lui redit qu’il attendait celle de B. et qu’il avait créé une alerte pour une autre sur une armurerie en ligne.

La juge lui demande si ça ne l’a pas rendu inquiet de ne pas récupérer l’arme de B.

F. perd patience et hausse le ton :

« J’en ai rien à foutre ! J’ai une épée de Damoclès au dessus de la tête, je risque des années de prison, on me traite de terroriste, je m’en fous de cette arme ! »

Assesseuse de Gauche

Elle commence en le questionant sur le choix qu’il a fait de manier les armes alors qu’il aurait pu choisir une autre facon d’aider au Rojava. 

F. répond qu’il ne sait pas trop. Elle insiste, il lui dit qu’il a déjà répondu mais que c’est ce qui lui a été le plus visible et qu’il s’est fait happé par ça. 

L’assesseuse le questionne sur son rapport aux armes avant de partir au Rojava. 

F. répond qu’il n’avait pas d’attirance pour les armes à feu ni de connaissance sur le sujet et qu’il avait simplement fait du paintball. Qu’il n’avait ni attirance, ni rejet à priori.

L’assesseuse parle du rôle de sniper et du désir de Flo de prendre ce rôle. Elle ajoute que ce n’est pas rien de tirer sur quelqu’un en le visant et le tuant. 

F. répond que c’est aussi une façon d’être à distance et que ça le plaçait en sécurité. Qu’il aurait donc bien aimé mais qu’ils ne recrutaient plus d’internationaux à ce poste. 

F. indique que la seule fois qu’il s’est retrouvé à ce poste, il n’a pas été amené à tirer. 

L’assesseuse revient sur les propos de F., qui dit avoir été intéressé par le maniement des armes par stimulation par la passion de ses amis. Et demande :

A : « Vous dites que le maniement des armes, c’est ludique ? » 

F. lui indique qu’il a fait plein d’autres choses dans la vie, que la plupart des choses lui sont arrivées dans la vie comme ça sans qu’il soit allé les chercher, comme par exemple, dans ce dossier, les essais d’explosifs, les jeux d’airsoft, l’idée du permis de chasse. 

A : « Je dois savoir si il y avait un but ! » 

Elle lui demande de développer quelles étaient ses autres activités.

F. revient sur le fait que la DGSI n’a retenu que moins de 1 % de ses conversations comme étant à charge. 

Il explique qu’avec S., ils ont beaucoup parlé et qu’ils se sont bourrés la gueule. Qu’ils ont aussi fait beaucoup de randonnée. Que avec M. ils picolent et… Que c’est déjà pas mal ! (rires) 

L’assesseuse lui demande pourquoi quand il est bourré il parle d’armes et de tir : « Quand on est bourré, on parle de ça !? » lance-t-elle. 

F. rappelle les 1% de conversation à charge.

L’assesseuse s’énerve et revient sur la normalité de parler de cela bourré : « Ce n’est pas drôle ! » 

F. répond que c’est du cynisme, qu’ils ont l’habitude. 

Elle insiste, il dit que ce n’est absolument pas systématique, dans des moments de grande gueule mixé à de l’humour noir et de la déconnade, oui il lui arrive de parler d’armes quand il est bourré, mais qu’il parle aussi de plein d’autres choses. Que parfois c’est n’importe quoi et parfois simplement de la grande gueule.

Assesseuse  de droite

L’autre assesseuse revient sur les notes de M., demande quel surnom il pense avoir dans ces notes, celui qui parle des réunions internationales ou celui qui parle de panneaux solaires ? F. répond qu’il s’agit d’une question piège !  Elle insiste, il répond : « Moi, c’est Flo ! » 

Il explique qu’en effet, la réunion internationale était en rapport avec les Kurdes mais qu’ils avaient décidé de ne pas s’y rendre et qu’il ne se souvient pas de tous les sujets discutés.

L’assesseuse revient sur les armes moitiés réelles et moitié airsoft dont F. parle dans une sonorisation et veut savoir de quoi il s’agit. Puis elle revient sur les passages aux frontières lors du voyage en Grèce… Elle lit des sonorisations.

F. lui répond qu’encore une fois il parle de choses qu’il ne connait pas, que c’est toujours pareil, c’est à celui qui en dit le plus.

L’assesseuse le questionne sur sa volonté de discrétion en lui disant qu’il se fait acheter des armes par d’autres, qu’un terrain est acheté pour lui mais pas pour lui…

F. lui renvoit que dès qu’il a obtenu le permis de chasse, il a cherché à acheter une arme, qu’il l’a réservée en laissant son nom sur le site en ligne : « Question discrétion, on peut faire mieux ! ». 

Procureur

Il démarre en parlant de l’association de L., F. connait-il Au. et R. ? 

F : Au., oui. 

Elle a déclaré que cette association était créée pour l’airsoft. 

F. remet en doute ce PV. La manière dont elle dit « Non vraiment c’est l’airsoft » fait penser que la réponse était orientée par les questions et qu’elle a fini par juste dire ce qu’ils voulaient lui faire dire. 

P : Au. dit qu’au moment de la création de l’association « Nous étions tous les 3 ». 

P : « Vous étiez là !  » 

F. lui renvoit qu’il y a un souci mathématique et que Au+R+L+lui, ça fait 4.

Non il n’était pas présent, au moment de la passation, oui.

Moment de rires dans la salle quand le proc lui dit qu’il a déclaré ne pas connaitre Au. en laissant un long silence s’installer derrière cette phrase… F. lui envoie : « Quelle est la question ? » 

Le proc l’interroge sur les documents retrouvés sur son disque dur (cerfa de l’asso, pv de réunion etc).

L. avait demandé à F. de l’aide administrative, donc il a en sa possession les documents administratifs de l’association. 

Le proc raconte qu’il y a plus de documents sur l’ordi de F. que sur celui de L. 

F. lui demande de regarder sur l’ordi de Au. 

Le proc lui demande pourquoi ne pas avoir avoir créé l’association à son nom. 

F. répète agacé que ce n’est pas son association !!!

Le proc dit que lors de sa première audition en GAV, L. dit ne pas avoir d’asso, à sa deuxième audition il parle de « La passion des ami.e.s ». 

Le proc lui demande pourquoi, ce à quoi F. lui répond qu’il faut demander à L.

Le proc part dans une digression en disant qu’il a l’impression que tout le monde est gêné à propos de cette association.

« Pas de question pas de réponse »  lui répond F.

P : « L’association n’a servi que pour l’airsoft ? »

F : « Ils ont mentionné l’idée mais finalement l’asso n’a jamais servi, les parties faites par F. et L. n’ont pas été liées à l’association ».

P : « Vous connaissez le témoin internationaliste ? »

F : « On c’est croisés 1 fois à Raqqa puis une autre fois à mon retour. »

M. a dit des parties d’airsoft « J’y allais pour jouer mais quand même avec l’idée de me préparer pour le Rojava », le procureur demande à F. s’il comptait le « préparer » au combat. F. déclare que c’était peut-être le cas dans l’esprit de M., mais pas dans le sien. Pour lui c’était un après-midi à jouer entre potes. 

Il revient sur le fait qu’il a discuté avec des militants qui souhaitaient se rendre au Rojava mais pour leur expliquer la réalité, qui est toute autre que les idées issues du romantisme révolutionnaire dans lequel beaucoup de militants baigent avant de s’y déplacer, sans vouloir les en dissuader complètement pour autant. 

Le proc revient sur le fait que M. ait pu voir dans les parties d’airsoft un moyen de se préparer au Rojava : « C’est une formation alors, plus qu’un simple jeu !? »

F. répète que c’est dans l’esprit de M. simplement, et que lui pense que la préparation se fait ailleurs. 

Le proc cherche à réutiliser des propos de L. tenus en GAV.

F. rappelle que L. est depuis revenu sur ses propos.

Le proc mentionne ensuite la présence de matériel médical dans leurs parties d’airsoft. C’est complètement normal dans l’airsoft, pour le jeu de rôle, pas pour s’entraîner à soigner de vraies blessures par balles. 

F. : « Je vous invite à lire les notes qui vous ont été transmises » et F. invite le proc à regarder le site d’airsoft. 

Le procureur reprend la lecture d’une déposition de L. et souligne le fait que celui-ci aurait raconté que F. apportait son expérience.

F. lui répond qu’ils ont toujours réfléchi à trois. 

Il rappelle qu’il n’a pas eu de formation militaire extensive au Rojava, il ne considère pas avoir de compétences particulières, encore moins d’expertise dans le domaine militaire. 

Le procureur parle d’une discussion entre F. et L. pendant qu’ils nettoient les répliques. F. aurait parlé des produits utilisés dans ce nettoyage avant de parler d’explosifs et de proposer à L. d’en fabriquer avec lui. F ne pense pas lui avoir proposé, il n’a pas de souvenir d’avoir parlé d’explosifs ce jour-là, ni même avoir un jour mentionné ce sujet à L., ça ne l’intéressait pas. Le proc insiste fortement sur la proposition que F. aurait fait à L., F. lui rétorque que « ça ne colle pas ! « 

Il lit la déclaration de So. à propos des parties d’airsoft au moulin, de la manipulation et de la « force psychologique » de F. (je pense qu’on la connaît par cœur à ce stade). 

F. pense qu’elle a grossi le trait, elle était poussée par les keufs, sous pression, dans le contexte de la GAV. Il revient sur les vidéos des GAV dont la diffusion été refusée à la défense et revient sur les propos qui ont été apportés autour du langage performatif. Il explique avoir eu de la chance avec son avocat commis d’office qui, lorsqu’il lui a parlé du Rojava, lui a répondu : Oh ! Et bien garde le silence ! » (rires). « J’ai utilisé le droit à garder le silence comme un crucifix », explique-t-il.

Il ajoute qu’il sait très bien pourquoi la défense demande les vidéos des GAV, et qu’il sait pourquoi on refuse de leur donner.

La salle réagit, la juge demande le silence.

Le proc mentionne la surprise de la famille de F. en apprenant qu’il a obtenu son permis de chasse. F trouve ça normal, il est végétarien, à la base pas pour la chasse. Il avait une image de la chasse performative et irrespectueuse, avant d’évoluer sur ce point à la suite de ses discussions avec W. et B. 

Le proc en revenant sur l’épisode à l’armurerie avec B. et W. lance « ce n’est pas la chasse mais c’est l’arme qui vous intéresse ! » 

F. lui redit qu’il s’agissait de lèche-vitrine. 

Le proc lit un passage de retranscription de sonorisation, « la révolution ne se passera pas sans les armes », F. dit qu’il manque des morceaux, du contexte, ils parlaient du permis, de tirer ensemble.

F. indique qu’il dit à son ami de passer le permis de chasse et il ne l’invite pas à venir tirer.

Lors de cette même discussion F. parle de l’arme qu’il doit récupérer à B. mais le proc insinue que F. avait peur qu’il ait changé d’avis.

F. ne comprend pas ces propos, pour lui à ce moment l’échange allait avoir lieu. Et qu’ils s’étaient donné rendez-vous fin décembre, début janvier.  Le proc insiste, demande pourquoi B. aurait été réticent à lui laisser. F dit que B. et W ont déjà répondu, ils sont revenus plusieurs fois sur leurs déclarations faites en GAV.

Le proc insiste fort, il estime que W. et B. ne sont pas revenus sur leurs propos mais les ont juste expliqués par le fait que F. avait bu. Il relit sans cesse les déclarations qu’ont faites W. et B. en GAV. 

F. demande au procureur : « Est ce qu’on écoute ce que disent les gens ici ? »

La juge demande le silence.

Kempf intervient et demande à ce qu’on réponde à la question de son client.

Le proc répond : « Je ne répondrai pas à la question de votre client ! » 

Il s’en fout et enchaîne une nouvelle fois avec une question déjà posée.

P : Pourquoi ne pas s’être débarrassé de l’arme ? F. réexplique que c’est parce qu’elle était illégale et que c’était dangereux. 

P : Vous connaissez beaucoup d’ex-combattants au Rojava qui sont mis en examen ?

F : J’en connais beaucoup qui savaient qu’on était tous sur la sellette et qu’il fallait bien que quelqu’un prenne.

P : Les cartouches saisies dans votre camion, c’était pour une future arme ou l’ancienne ?

F : Future, je voulais acquérir un nouveau fusil, je n’avais pas pour projet d’utiliser l’autre.

P : S. dit que vous tiriez avec vos propres armes !

F s’énerve et lance « Ce sont des répliques ! »

(retour sur la discussion de présentation d’airsoft avec l’autre Flo) 

P : C’est qui Flo ? Vous ne voulez pas nous dire ?

F: Toujours pas.

F. explique que quand il parle de plusieurs vraies armes, il s’agit de fanfaronnade et qu’il n’en détient pas plusieurs.

P : Vous lui montrez quelles armes ?

F : Les répliques de pistolets. On est à fond dans le rôle, c’est un jeu.

Le proc questionne la manière de parler, le vocabulaire utilisé dans cette échange, qui semble très pro et réaliste. Notamment quand il parle de la préférence à utiliser un pistolet pour un assassinat. F. répète que c’est le jeu. C’est le principe de base du jeu de rôle de compléter ce qui est faux à l’aide de son imagination. 

Il demande si ses infos lui viennent du Rojava ou de l’airsoft, F. répond qu’ils n’avaient pas de pistolets au Rojava.

P : L’ennemi c’est qui ?

F : L’équipe d’en face

P : On peut mourir ? (rires)

F : Oui c’est le jeu, quand on meurt, on est hors jeu.

Le procureur revient sur une écoute ou F. parle de la ZAD de Sivens, F. lui  dit qu’en effet il parle des erreurs et de comment s’améliorer.

Le proc lit des sonorisations ou F. parle de vouloir prendre un rôle de conseil technique extérieur, F. explique que comme il se sent surveillé depuis son retour du Rojava, il ne veut pas être sur le terrain des luttes mais qu’il peut apporter son aide en apportant des conseils juridiques, qu’il peut apporter son expérience avec les talkies-walkies, par exemple.

« J’ai peur de me retrouver ici en fait ! » 

Le proc revient sur un certain nombre d’écoutes en lui demandant ce que ça veut dire, les questions fusent et le rythme s’accélère.

P : « Il faut que les gens s’arment ».

F : « Je ne sais pas ».

P : « Moi, j’ai des armes ».

F : « Je parle de mes armes ».

Le proc revient encore sur l’expression « chiens de garde », et commente qu’il ne s’agit ici ni de philosophes, ni de journalistes (suite à la remarque de Kempf).

F : Je ne sais plus comment je le comprends.

P : « Nous, on sera prêts », « la force doit être mondiale ».

F. répond qu’il parle ici de la société capitaliste et de son hégémonie mondiale.

P : Qui est l’ennemi ?

F : C’est vague.

Le proc le provoque et lance que « Tout le monde n’a pas d’ennemi … » (rires dans la salle)

F : La Modernité capitaliste comme dirait Öcalan ! 

P : Votre référence c’est Öcalan ! 

F : C’est une bonne vision politique ! 

P : C’est un groupe terroriste

F : Je défend le confédéralisme démocratique.

P : Et les attentats suicide du PKK..! 

La salle réagit.

F. : Le PKK demande sans cesse des cessez-le-feu et cherche la fin de la guerre civile !

Je sais ce que ça fait et je suis contre, cette vision de révolution par la lutte armée c’est du romantisme révolutionnaire, un fantasme.

Je sais que la lutte armée est une connerie ! 

Le proc continue sur le PKK, la tension monte dans la salle.

Me Bouillon intervient :  » Nous ne sommes pas dans ce procès contre l’État turc ! »

Le proc dit a F. que ses idées se sont matérialisées et F. lui répond que c’est du montage et que cette histoire est pré-écrite. 

Proc : Donc si j’ai bien compris on ne peut pas parler des gardes à vue parce qu’elle sont manipulées et ne représentent pas la vérite, des passages devant le juge d’instruction pour les mêmes raisons, ni de vos paroles pendant les sonorisation car elles ne sont pas fiables…

F. enchaîne en réponse : « Ou on n’a pas les retranscriptions, ou on n’a pas les vidéos et on ne peut pas les étudier, ou il manque des morceaux de discussion… ».

Le ton monte de plus en plus des deux côtés. 

« Quand on prend 1% des écoutes, qu’on enlève 95% d’une personne, qu’on associe des morceaux d’éléments décousus et décontextualisés, on peut créer ce qu’on veut. Ça s’appelle du montage. » 

Le procureur parle de la brochure sur la formation d’une milice retrouvée dans les affaires de M. Il lui demande son point de vue dessus et F. réplique qu’il ne l’a pas étudiée. D’après lui on peut trouver des échos entre cette brochure et les agissements de F. Et que l’on retrouve les 9 chapitres de cette brochure dans son comportement. 

F. ne voit aucun lien, il ne recrute personne. 

Le proc commence à énumérer chapitre par chapitre.

Il lui parle du chapitre sur le partage des connaissances

F. lance : « Vous venez de m’apprendre que tout le milieu militant a lu cette brochure ! »

Quand le proc lui lit le chapitre « Éviter la vantardise » , F. réplique en lui disant qu’il s’agissait bien de la preuve qu’il n’avait pas lu le document. 

Le proc l’interroge sur sa méfiance et son désir de « discrétion ». F. ne nie pas ce point, il avoue se méfier des services de renseignement.

P : Vous confirmez avoir une boite à téléphones dans votre camion ?

F : Oui, un Tupperware.

P : Dans la brochure, on parle de « se faire passer pour une équipe de paintball ».

F : « J’ai lu de travers, j’ai fait de l’airsoft. »

P : On parle également de serment dans cette brochure, vous n’avez pas fait de serment durant votre réunion ? (en parlant du séjour avec L. et M.).

F : Ce n’était pas une réunion, il n’y a eu aucun serment, on tourne en rond, vous n’écoutez pas. M. s’est trompé, il n’y a pas de serment au Rojava.

Le proc lui parle de préceptes de Mao présents dans la brochure « Prendre les armes ou elles sont ». 

F. dit que ces préceptes sont connus mais qu’il n’entend que « stratégie/guérilla/stratégie/ guérilla » à la lecture du livre de Mao. 

Le proc lui dit que W. aurait dit que F. parlait de Mao.

F. rétorque : « Les gardes à vue sont bien faites ».

P : Toujours aucun lien avec le professionnalisme de l’échafaudage du plan de vol d’engrais ?

F : Aucun lien, quand on ouvre un squat ou autre, on essaie de ne pas se faire choper, donc on apprend à être discret. 

Le procureur lit ensuite une liste de mots trouvée dans les affaires de F., écrits en français mais avec des lettres grecques : « repérage distance », « caméra », « dommages collatéraux », « voisinage », « extirpations »…

Il lui demande la signification, l’usage de cette liste. 

C’est une procédure d’ouverture de squat. F. explique la signification de chaque point. Aucun lien avec une pseudo milice. 

P : Pourquoi l’écrire en alphabet grec ? 

F : Je trouvais le protocole très bien fait et je voulais le noter, la personne qui m’en a parlé ne voulait pas, par sécurité je lui ai proposé cette alternative. 

Il ajoute qu’il n’y a plus aucun lien ni avec les armes ni avec les airsofts. 

Le proc lui demande d’expliciter chaque point de cette liste.

Le proc le questionne sur ses différents voyages.

F. explique qu’il s’est rendu en République Tchèque pour échanger avec des personnes qui souhaitaient partir au Rojava. 

Me Bouillon

Elle revient sur l’association, « La passion des ami.es », et demande à quoi elle a servi. 

A rien, iels l’ont envisagée à un moment pour des histoires d’assurance, un projet d’acquisition de terrain, mais finalement rien n’a été fait. 

A : Vous avez pensé à passer par cette association pour faire des parties d’airsoft ?

F : Oui, sans aller plus loin que de l’évoquer.

A : En 2018, 2019, 2020 vous avez fait de l’airsoft ?

F : Oui

A : Sans passer par l’association ?

F : Non, jamais.

A : Est-ce que vous pensez qu’on peut faire une guérilla avec une association loi de 1901 ?

F : Non je ne pense pas.

A : Est-ce qu’avec deux potentielles armes, que vous n’avez pas encore et comptez acquérir légalement, vous vous sentez armé pour une révolution, préparé pour une guérilla armée ?

F : Non, et pour moi la meilleure arme pour une révolution, c’est la connaissance.

A : Vous pouvez revenir sur les différentes activités pour avez pu effectuer aux côtés de M. ?

F : Parler, boire, faire des randonnées, aller en concert, sortir et discuter sur nos façons de faire.

A : Avec C. ?

F : On se voyait peu, le moment le plus long c’est à Parcoul.

A : Avec L. ?

F: La passation de la vie nomade à la vie sédentaire, la PNL.

A : Et avec W. et B. ?

F : Avec W. et B. la base de notre relation c’est l’humour, sinon on a fait plein de choses, du pain, de la veganaise, de la forge, nourrir des chatons, réparer un ponton, etc.

A : Étiez-vous ivre pendant les sonorisations?

F : Plein de fois, sonorisation ou pas.

A : Donc vous avez vu toutes ces personnes à d’autres moments où vous étiez écouté sans que les sonorisations ne soient versées à  la procédure ? 

F : Oui bien sûr. Parce que ce n’était pas à charge.

A : Vous avez été ivre autour de ces personnes sans parler d’armes ?

F : Encore heureux. Oui, tout le temps on parle de plein de choses différentes avec tout le monde. 

Me Bouillon lit des retranscriptions incomplètes, elle spécifie « comme la plupart des sonorisations lues par l’accusation ». Elle prend l’exemple de « Je m’en fous d’aller chasser »/ »je veux tuer un sanglier ».

F. confirme que ce n’est pas cohérent. 

Elle reprend les déclarations de W. qui se contredisent. F. dit qu’ils ont dit ce qu’on attendait d’eux.

Me Bouillon liste le « protocole » et le questionne sur ce qu’il veut dire.

Me Kempf

Me Kempf souhaite revenir sur les GAV, il revient sur le fait qu’on ait tutoyé W. en GAV.

Il indique que le procureur est en charge de contrôler les GAV.

A : « Pensez-vous que le procureur ait rempli son obligation légale ? »

F : Si son rôle est le respect des personnes alors il ne l’a pas fait ! La manifestation de la vérité n’est pas le but ici, simplement de condamner une personne revenant du Rojava.

Me Kempf lui demande s’il connaît l’article de loi qui stipule que toutes les questions doivent apparaître dans la retranscription des interrogatoires.

Puis il lit certaines déclarations de F. : « Dès que j’ai des amis, vous les mettez en prison », « Vous découpez ma vie et la mettez en petits morceaux ». Il demande à F. pourquoi on n’arrive pas à savoir qui il est et indique que c’est sûrement parce qu’il manque 99,3% des sonorisations.

F répond : « On est 7 débilos », en s’excusant pour celleux qui le seraient moins.

Me Kempf : Vous connaissez la FILDH ? Ils ont écrit sur l’attitude des juges d’instruction et sur leur habitude de poser des questions très longues, la FILDH estime que cela n’est pas de nature à faire apparaitre la vérité.

F. ajoute qu’il faut ajouter à cela l’isolement. 

Me Kempf, qui admet que les questions du tribunal sont moins longues, demande à F. si elles sont plus à même de faire apparaitre la vérité , ce à quoi F. répond que non, car elles suivent le même procédé que celui de la DGSI.

Me Kempf réinsiste sur le fait que les agents de la DGSI ne sont pas venus témoigner, en mettant en parralèle le fait que le juge d’instruction ait considéré comme délictuel la non-présentation d’un témoin cité.

Me Kempf : Peut-on faire confiance à la justice turque pour qualifier des groupes comme terrroristes

F : La Turquie est une dictature.

Kempf renchérit en affirmant que la justice belge considère que le PKK n’est pas coupable d’agissements terroristes.

Kempf demande à F. de parler des problèmes qu’il a rencontré aux frontières, F. lui répond qu’on leur posait des questions à chaque frontière.

L’avocat lui reparle de son disque dur et de ce qu’il y avait dedans, à part les documents relatifs à l’association de L. F. répond qu’il souhaitait savoir ce qu’il y avait dedans car on lui reproche dans le réquisitoire de tenir un discours pour faire du recrutement alors qu’il sait qu’il s’agit de tout autre chose. 

K : Que savez-vous des critères utilisés pour choisir les éléments ?

F : Ce qu’ils peuvent mettre au service de leur récit.

Kempf le corrige et lui dit ironiquement que c’est ce qui sert à la manifestation de la vérité. Puis demande pourquoi la brochure « Le squat de A à Z » est donc choisie. 

F : Car notre orientation politique semble être à charge. 

Me Kempf demande à F. s’il est au courant que Darmanin a communiqué : « Nous avons déjoué un attentat de l’ultra-gauche fin 2020 ».

F. dit voir ici de la manipulation car il ne voit pas de quel attentat il parle. 

Kempf lui demande s’il conteste l’AMT.

F : Oui

L’avocat lui demande s’il reconnaît le vol d’engrais et les tests d’explosifs. 

F : Oui

Kempf : Vous avez dit que vous étiez opposé à la lutte armée, pensez-vous qu’il puisse y avoir une utilisation légitime de la violence? 

F lui répond que ça ne mène à rien, Me Kempf lui renvoit qu’il a bien fait usage de la violence légitime au Rojava. F lui répond qu’effectivement, contre Daesh.

Kempf : Et en France?

F : « On est à 15000 lieux de là, et il y a d’autres choses à faire. »

Reprise de l’audience 18h44, tous les médias sont partis.

Témoin F.

C’est un témoin de circonstance qui s’exprime en tant que Docteur en sociologie politique et Maître de conférences en science politique à l’Université Paris 1. 

Il décrit son parcours, ses publications, ses terrains (Irak, Syrie, Grèce, anciennement Turquie…) et explique qu’il étudie les mouvances transnationales. Il a lui-même été débriefé par la DST à l’époque (parcours classique), ces derniers effectuent la même démarche avec les activistes, les chercheurs et les étudiants se rendant dans certains de ces pays.

« Cela fait 24 ans que je travaille sur ces questions, pendant 20 ans je n’ai pas pris de position politique publique par peur de différentes instrumentalisations. Pourtant en mars 2022 j’ai rompu ce pacte en prenant partie pour F., que je ne connais pas du tout, pour trois raisons : 

    – En 2016 j’ai encadré des étudiants qui travaillaient sur 6 ex-combattants du Rojava, que j’ai suivis de près. Le profil décrit par l’accusation de F. me paraissait en décalage total avec d’autres profils qu’on a pu rencontrer, alors qu’il paraît banal. 

    – La violence contre soi, en l’occurrence la grève de la faim. A ce moment F. était à un mois de grève, à un moment où des séquelles irréversibles peuvent apparaitre. 

    – La troisième raison est liée à des expériences de Kurdes torturés en Turquie que j’ai rencontrés. Ici c’est de la torture dite « blanche », je me devais de prendre position.

J’aimerais développer 3 points :

    – La sociologie de ces trajectoires militantes.

    – Ce qu’il s’est passé au NES (Nord -Est Syrien), nom donné à cette zone qui est aujourd’hui plus grande que le territoire du Rojava, regroupant aussi des villes à majorité arabe.

Nous pourrons revenir sur les combats depuis 2014, je n’en ai pas vus directement mais je sais que les forces Kurdes travaillent avec les services français et la coalition internationale.

    – Enfin je voulais parler de la Grèce qui est importante dans l’activité transnationale pro-Kurde et de Lavrio (ancien camps de réfugiés proche d’Athènes où transitaient Kurdes, Turcs, Afghans, Iraniens, etc.). Il y a un activisme en faveur des migrants, ainsi que des squats athéniens, dans une mouvance libertaire européenne.

    1 – La sociologie de ces trajectoires militantes

C’est impossible de chiffrer, il y a peut être 2000 personnes qui sont parties combattre au Rojava, mais seulement 25 à 30 Français.es, dont 3 femmes au moins et 3 personnes tuées, sans inclure les Kurdes de Turquie vivant en France (qui peuvent avoir des motivations différentes). Ces personnes ont autour de 29 ans en général. Un des points communs de ces personnes est la disponibilité biographique : pas d’enfant, pas de stabilité, ce qui favorise la prise de décision, en plus du choc moral (Daech, bataille de Kobane, attentats en France etc.).

    J’en ai rencontré personnellement une dizaine, de plusieurs nationalités, et une quinzaine par le biais de mes étudiants. 

    En 2014 c’était plutôt des anciens militaires, ou des dits « sans histoire ». En 2015, il y avait 20 % de militant.es, le ratio augmentera vers l’activisme de gauche et libertaire. KRG pour les anciens militaires (en soutien aux chrétiens d’Orient, plus conservateurs et libéraux) plutôt que les FDS (Forces Démocratiques Syriennes). Ces militaires n’ont jamais été envoyés au front en Irak. 

Au fur et à mesure cela devient plus une pratique libertaire, en 2016 les FDS vont mieux sélectionner et mieux former : 1 mois au lieu de 15 jours par le passé, 3 mois pour un YPG, c’est différent pour les cadres, qui ont une formation beaucoup plus longue. Tous les volontaires ne vont pas au front, pour des problèmes de langue entre autre, ce qui peut créer une frustration de ne pas avoir participé à cette révolution armée (bataille de Raqqa, Deir el Zor, etc.). En 2019 le flux se tarit, Daesh est vaincu à ce moment-là, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. 

En 2016 on demande aux volontaires de rester au minimum 6 mois, les FDS veulent ainsi éviter le « tourisme guerrier ». Les frais étant payés par les FDS, il y a souvent des aller-retours, puis un retour dans le pays d’origine. 

Sur leur vécu et travail : il arrive que ces personnes souffrent du « syndrome du survivant », de stress post-traumatique, mais ce n’est pas systématique. D’autres n’ont pas de souci à retrouver une vie normale. Il y a un décalage avec leur milieu pour certain.es militant.es, surtout celleux qui étaient déjà engagé.es politiquement. Iels ne romantisent pas la lutte armée, iels ont un regard plus lucide que celleux qui n’y sont pas parti.es. Iels portent une critique de l’adoration d’Abdullah Öcalan dans le PKK et PYD. 

Iels ont également un regard critique sur les rôles de genretrès normés ; beaucoup de femmes combattent dans les FDS, ça ne se fait pas d’approcher une femme ou d’entretenir des relations affectives entre combatant.es. C’est une manière de gérer la libido (désexualisation) dans un groupe armé à forte promiscuité. C’est aussi par rapport à la Révolution au Rojava et aux conditions de la lutte. Iels savent que les conditions en France ou en Europe ne correspondent pas du tout à ce qui est fait en Syrie. 

2 – Déroulement des combats entre 2014 et 2020

Il n’y aurait pas eu de guerre possible sans les troupes au sol. Il y a 70 000 individus dans les FDS, cela dépasse largement le cadre Kurde : étaient également présents des Assiriens, des Arabes, des Turcs, etc.

Plusieurs années pour récupérer la dernière ville : Deir el Zor.

Tous ont participé à la défaite de Daesh, avec l’aide de la coalition internationale (France et États-Unis principalement). Des rencontres avec des cadres du PKK sur place ont eu lieu, entre autres. C’était organisé et hiérarchisé sous peine de sanction.

3 – Liens entres gauches radicales : en Grèce

La Grèce attire beaucoup d’activistes de partout, on y observe de grandes connexions avec le mouvement kurde, notamment sur la lutte en soutien aux réfugié.es, contre les « pushbacks ».

Il y a des rencontres au sein d’universités, dans les squats, etc. autour de la mise en place d’une gouvernementalité de populations sur un territoire non souverain, inspiré du Confédéralisme Démocratique, pratiqué dans tout le NES et théorisé par Abdullah Öcalan (proche du communalisme libertaire de Murey Boukchin, théoricien américain).

Y sont pratiquées des assemblées hebdomadaires, une répartition égalitaire des tâches, toute une expérimentation organisationnelle qui vise à faire la Révolution chez soi sous le mode de l’auto-gouvernance. 

Juge : Qu’entendez vous par « engagement politique » par rapport à F.?

O : Exprimer un avis public et apeller des signataires pour la libération de F.

Proc : Vous et vos étudiants, vous avez fait des entretiens d’une quinzaine de militant.es?

O : Oui, globalement, iels portent un discours critique et de lutte contre Daesh.

Proc : F. ne critique pourtant pas le Rojava et semble avoir une adoration pour Abdullah Öcalan, il ne parait pas correspondre à ce genre de cas ?

O : La lucidité ne veux pas dire qu’il ne peut pas y avoir une admiration pour Öcalan et l’aspect organisationnel du Rojava.

Proc : Importer le Confédéralisme Démocratique implique la confection d’explosifs et l’utilisation d’armes ?

O : La question est tendancieuse, non, ça n’implique pas de jouer avec des explosifs.

Avocat (Me Kempf ) : Merci pour votre témoignage. Connaissez-vous l’article de Médiapart paru en 2019 « Ces revenants du Rojava qui inquiètent les services de renseignement » ?

O : Plusieurs centaines de personnes sont parties combattre, inquiétées par la justice de leur pays, mais aucune n’a été inquiétée par une affaire pour terrorisme. Les Kurdes demandent de témoigner, que les ex-combattant.es témoignent, qu’iels soient leurs ambassadeur.ices à travers des écrits, des films etc.

Avocat : Ce n’est pourtant pas l’idée matérialisée dans cet article ?

O : Je ne peux ni infirmer ni confirmer. Par exemple il est dit « revenant » dans l’article alors que c’est un terme qu’on utilise pour les anciens combattants de Daesh. Ici, il serait plus juste d’utiliser le terme « ex-volontaire » lorsqu’on parle d’ancien.nes volontaires parti.es au Rojava.

Je n’ai jamais rencontré d’ex-volontaire avec un dessein de cet ordre. Déromantisation d’une zone de guerre, les ex volontaires sont plus lucides que les personnes touchées par cette cause sans s’y être rendus. A l’échelle européenne ce n’est jamais arrivé que ces personnes montent une guerrilla dans leur pays d’origine. On remarque plutôt un désengagement, pas de projet d’action violente. D’ailleurs j’ai sorti le mot terroriste de mon vocabulaire.

Proc : Alors selon vous les djihadistes ne sont pas des terroristes.

O : Je n’utilise plus ce mot, vidé de son sens, pour des raisons que je ne vais pas exposer ici.

Avocat : On a compris les liens entre FDS et coalition, est-ce qu’il y a des milices autonomes au Rojava ou est-ce plutôt une organisation très centralisée ? 

O : Le PYD, la branche syrienne du PKK, a une armée qui sont les YPG, à la base uniquement kurde. Les américains ont poussé à ouvrir des groupes armés avec plus de gens. Il existe plusieurs organisations armées comme celle composée uniquement de femmes, etc. On est loin du jihad afghan, tout est cadré et décidé.

Les YPG ne sont pas le PKK, ce dernier n’est pas officiellement là mais il y a néanmoins des cadres militaires et politiques. 

Avocat (Me Simon): M. a essayé de partir en juillet 2019, ce fût un échec. Ce n’était pas forcément pour prendre les armes. 

O : Souleymanieh est bien un point de transition pour aller au Rojava, où il est possible de patienter plusieurs semaines. J’y était en novembre, en octobre les Turcs sont intervenus, la situation était déjà très tendue, pour ma part, je n’ai pas eu besoin d’utiliser cette voie de transit vers le Rojava.

Avocat : Les américains ont essayé de retirer leurs troupes en 2020, la situation est-elle stable désormais ?

O : Non, l’Etat Islamique est partout, il est impossible d’entrer à Maxmûr (Irak) par exemple, il y a 500 à 700 combattants de l’EI autour du camps. 

Avocat : L’entrainement d’airsoft est-il cohérent pour un entrainement avant le départ ?

O : Je ne sais pas mais plus on a de compétences, plus on a de chances d’être sélectionné et intégré par les FDS. Il est aussi possible de partir sans prendre les armes.

L’attaque de la prison d’Hassaké en janvier 2022 aurait pu être catastrophique, heureusement les américains ont réussi à contenir l’évasion de la prison des membres de l’EI. L’EI se reforme de manière préoccupante aujourd’hui.

2nd Témoin F.

Le second témoin est un ex-combattant des YPG, professeur de Français et d’Histoire Géo.

Juge : Quelles sont vos liens avec ce procès ?

D : Je suis un ancien des YPG. Lors de mon retour en France, le Ministère des Affaires Etrangères m’a confisqué mes papiers, soi-disant à cause d’un risque de potentielles attaques de ma part. Je suis finalement parti de nouveau au Rojava, où j’ai croisé F. pendant 5 minutes à Raqqa, puis quelques heures à Paris.

Juge : Quelles ont été vos motivations à ce moment, qu’avez-vous fait sur place, veuillez développer les ennuis que vous avez rencontrés en revenant sur le sol Français ?

D : Je suis partie en juin 2015 rejoindre cette Révolution, qui a des valeurs communes aux miennes. Pour des raisons politiques donc, et afin de lutter contre Daesh (des vidéos d’exécutions tournaient déjà sur les réseaux). En arrivant j’ai eu une formation de 3 semaines, linguistique et théorique, plus que militaire qui fut minimaliste. J’ai été envoyé sur un front où il ne se passait pas grand chose, j’ai principalement fait des tours de garde.

J’ai participé à une offensive au Sinjar, entre l’Irak et la Syrie, pour ouvrir une route. Puis une autre offensive dans une ville tenue par Daesh. J’y ai d’ailleurs croisé des membres des Forces spéciales françaises qui formaient les Kurdes aux lance-missiles autoguidés. Et enfin beaucoup d’attente, de surveillance. 

A mon retour en Avril 2016, j’ai été convoqué par la DGSI pendant 1h environ, ils voulaient des informations sur les autres volontaires, etc… ils n’avaient rien à me reprocher.

Quand j’ai voulu repartir en novembre de la même année, des policiers son venus saisir mon passeport et ma carte d’identité en m’accusant d’avoir des liens avec l’ultra-gauche révolutionnaire. Finalement (quelques mois plus tard) le tribunal administratif a statué en ma faveur et ils m’ont rendus mes papiers et j’ai pu repartir pour la libération de Raqqa. Il y a eu beaucoup de combats urbains à courtes distances, je suis resté jusqu’à la libération de la ville. A ce moment, les Forces françaises nous demandaient des documents que l’on pouvait récupérer sur place, en échange de rations bien meilleurs que les nôtres.  Deir el Zor fût le dernier front, je suis revenu en France en Décembre 2017. J’ai donc croisé F. lors de ce second séjour à Raqqa. En aucun cas on ne m’a forcé à combattre, j’ai fait ce choix, j’avais envie d’être utile. 

Je n’ai eu aucune convocation ou question lors de ce second retour.

Juge : Que retirez-vous de ces expériences ?

D : C’est la plus importante, intéressante et dure expérience de ma vie. Ça a renforcé mon engagement auprès de cette cause. 

Je n’ai pas eu l’occasion de voir l’organisation civile mais les principes de démocratie directe sont aussi appliqués dans l’armée. Le rôle des femmes est très important dans nos offensives, il y a peu de décalages, à part culturels, et des règles de comportement vis-à-vis des femmes. Mais sur l’aspect politique et l’humanité, ce sont bien des Unités de protection du Peuple, la protection des civil.es passe avant toute chose.

Juge : Qu’en tirez-vous actuellement dans votre quotidien ?

D : J’en tire de la satisfaction d’être allé au bout de mes idées, une participation réelle à aider et une connaissance profonde de moi-même. J’ai une meilleure compréhension des autres et moins d’a priori sur l’aspect physique et humain des gens. 

Assesseuse : Que faisiez-vous avant de partir ? Vous étiez militaire, c’est bien ça ?

D : Non pas du tout, je terminais mes études.

A : Ha, je n’ai pas de question alors (???????)

Juge : Pouvez-vous nous expliquer le mot Tekmîl ?

D : C’est une assemblée militaire où on discute des aspects améliorables dans nos vies collectives.

Proc : Vous avez seulement fait l’objet d’une procédure administrative, c’est tout. Avez-vous des armes à feu ?

D : Non je n’ai pas d’arme à feu, je n’aurais pas été contre faire du tir sportif à mon retour, mais il m’est interdit de détenir une arme.

Av (Me Bouillon) : Avez-vous fabriqué des explosifs au Rojava ?

D : Non, nous n’en avions pas la nécessité, nous avions des vieilles grenades soviétiques, sans savoir la composition. Nous avions aussi de quoi déclencher des mines grâce à des explosifs artisanaux préfabriqués, je ne connais pas la composition.

Av : Vous auriez pu faire du tir sportif avant de partir pour vous entrainer ?

D : Oui cela ne m’aurait pas déplus mais je n’avais pas d’intéret pour ça avant de partir.

Av : Vous avez croisé F. là-bas si j’ai bien compris ?

D : Oui F. était à Raqqa, je l’ai croisé 5 minutes là-bas en été 2017.

Av : Merci cela confirme la version de F., pour lequel nous n’avions pas de témoin jusque-là. Pourriez-vous nous décrire ces 5 minutes ?

D : Oui, il avait un uniforme comme nous toustes, il y avait une réunion de combattant.es étranger.es. On était entré.es dans la ville, vers le stade, à mi-chemin à ce moment là. On travaillait avec la coalition qui faisait des frappes aériennes, demandées ou dictées par eux.

Av : Vous aviez donc le soutien de l’armée française, entre autre ?

D : Oui, l’aviation française était présente, nous étions des alliés de circonstance.

Av : Avez-vous depuis rencontré d’autres ex-combattant.es ?

D : Oui (il décrit les différents profils)

Av : Vous aviez des discussions politiques autour de poursuivre le combat dans vos pays d’origine ? 

D : Non aucune.

Av : Vous vous définiriez comme quoi politiquement ? 

D : Je suis anticapitaliste, c’est une question de bon sens et de survie, ce système nous tue. Dans le contexte actuel la violence n’est pas envisagée par les personnes que l’on veut convaincre, cela nous décridibiliserait.

Av : Je vous lis la note blanche « son discours et envie de retourner là-bas pourrait l’amener à des actions violentes en France ». Pourquoi la DGSI à cette idée-là, à votre avis ?

D : La DGSI a décidé que nous étions dangereux, j’étais le premier Français politisé, à ma connaissance, à revenir  du Rojava. Ils ont essayé de voir si la justice les suivrait. Et ça n’a pas été le cas.

Nous sommes quelques centaines d’internationalistes. Lors du second séjour j’étais plus expérimenté, avec un rôle en communication beaucoup plus important. En partant, on reçoit la directive de parler de leur combat pour les aider à combattre Daesh car ça regarde l’humanité toute entière. Ça a renforcé ma détermination, je m’attendais à ce que plus de Français viennent combattre après les attentats…

Juge : Le Tekmîl est utilisé dans le milieu civil aussi ? 

D : Oui.

20h17 : La séance est levée.