JEUDI 5 OCTOBRE

05/10

3ème journée d’audience, débutée exceptionnellement à 14h30. Cette journée sera consacrée à l’audition de 4 prévenus non entendus, comme prévu, la veille : F, W, S et L.

Avant le début des auditions, petite menace de la Cour : le Procureur veut que « le monsieur qui respire fort » et qui applaudit (expulsé la veille), ne revienne pas dans la salle. La Juge y va de sa morale au public : c’est le dernier avertissement, sinon elle fera évacuer la salle. 

Dans ce théâtre, seuls les initié-e-s sont autorisé-e-s à commenter ou réagir. Les autres sont spectateurices d’une justice qu’on rend « en leur nom ».

Les auditions commencent.

FLORIAN

 On commence par les mentions au casier judiciaire : deux, sur lesquelles F s’expliquera après avoir fait une déclaration.

 Il se sent insulté par cette accusation, il est ému, stressé, et dans l’appréhension.

 Il s’explique ensuite sur les deux mentions au casier : un usage de stupéfiants (cannabis) et un outrage. 

 [A noter que depuis 2020, la consommation de stupéfiants est punie d’une amende forfaitaire délictuelle – bientôt payable en liquide ou en carte bancaire direct aux flics ! – et que ça remplit bien les caisses de l’Etat…]

Concernant l’outrage, cela se passe à Calais, il est malade, il sort de la salle de classe où il donne des cours de français à des jeunes réfugié•es et crache par terre. Les flics le prennent pour eux, l’accusent d’être ivre, alors que le test alcoolémie est négatif. F a toujours réfuté cette accusation.

La présidente entame avec l’enquête de personnalité, elle cite une déclaration de F suite au dernier interrogatoire de fond en février 2022 : « Quand je vois le dossier, je ne reconnais pas 1% de ma personnalité. »

F explique le contexte de l’enquête de personnalité et pourquoi il y était d’abord réticent : il est incarcéré, à l’isolement total. On va au parloir, on s’attend à y voir un visage qu’on connait et on se retrouve avec un inconnu en face. 

A cette évocation beaucoup d’émotion.

La juge, évidemment, défend l’intérêt de cette enquête de personnalité. Par la suite, il s’est plié à l’exercice : « Vous vous êtes montré tout à fait… « adapté ». En langage de juge, va savoir ce que ça veut dire…

Evocation ensuite du parcours scolaire, formation durant laquelle il rencontre M., des boulots et début de la vie itinérante et l’orga de concerts. Cette vie itinérante a duré jusqu’à l’arrestation. Acquisition d’un terrain en 2009 avec sa partenaire de l’époque, relevée par la juge, explications sur le souhait de pouvoir se poser en camion, faire pousser des légumes. Puis reprise de la vie itinérante au bout d’un certain temps. Evocation des dépendances.

F revient sur les interrogatoires : « dès le premier interrogatoire on reformulait tout ce que je disais, ça ne m’a pas mis en confiance ». La juge enchaine sur sa discrétion à propos de ses amis, à quoi F fait valoir qu’il se sent insulté par cette procédure, qu’il est critique sur la manière dont l’enquête a été menée et qu’il ne souhaite pas mêler ses amis à ça. »

Les questions vont maintenant pointer certains lieux de vie, choisis par les juges.

Sivens : passages sur des temps plutôt longs, de janvier au début d’été 2014 : des rencontres, participation à des constructions, des échanges, des liens qui se créent et qui permettent « à sa sensibilité de s’exprimer ». Un second passage en août 2014, pendant lequel il se concentre plus sur l’aspect légal de l’occupation. Pas présent pour le début de l’évacuation, mais revenu parce qu’il était touché de ce que vivaient les copaines sur place. Puis il est reparti parce que trop dur de voir la foret être rasée et de se sentir impuissant. Il évoque quelques actions de désobéissance civile qu’il a faites.

Calais : Y est allé sans trop savoir ce qu’il allait y faire. Au départ distribution de vetements, puis ensuite donne des cours de français, le contact est plus humain plus proche, cela donne du sens à sa présence là-bas.

On en vient, on s’en doutait, au Rojava.

La juge interroge sur la raison du départ.

F. explique que cela fait suite aux attentats de Charlie Hebdo ; à ce moment là qu’il prend conscience de ce qu’est Daesh. Il lit tout ce qu’il peut et découvre le mouvement kurde, la politique mise en place. Ce que Daesh fait ici, mais aussi ce qu’ils font ailleurs. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. 

– « Si vous voulez les raisons de mon départ, ça va forcément gratter au fond des tripes ». F est très ému. 

La juge d’en conclure : « Le fait que ça vous émeuve à ce point est une démonstration de votre personnalité »…

F explique avoir eu envie de voir concrètement ce qu’il se passait là-bas, s’être documenté, lire tout ce qu’il pouvait, puis avoir informé sa famille quand sa décision était prise, malgré la peur que cela pouvait leur causer.

Il dit très nettement qu’il se sent piégé dans cette affaire : parce qu’il a des idées politiques, parce qu’il est allé au Rojava et qu’il y a manié des armes, que cette affaire n’existe que parce qu’il est allé au Rojava. 

La juge prétend à nouveau qu’il n’est pas mis en examen pour son engagement au Rojava (rires étouffés dans la salle). Il rétorque que la DGSI prétendait la même chose, tout en ne lui parlant que du Rojava. « Si on ne me reproche pas le Rojava, alors ne parlons pas du Rojava. »

Avec finesse, la juge enchaine : « Vous avez manipulé des armes au Rojava ? »

-« J’ai rejoint une unité de force armée, je n’avais aucun entrainement militaire. J’ai récupéré une arme pour m’entrainer parce que je n’avais jamais tiré un seul coup de feu. »

– « Vous avez pris un grand risque. »

– « Oui. C’est quelque chose un peu fou. Je prenais beaucoup de temps pour réfléchir, méditer, être sûr de ce que j’allais faire. A mon arrivée j’ai eu un mois de formation sur l’histoire du mouvement, la langue, un peu d’entrainement. »

– « Pourquoi êtes-vous rentré ? »

– « Vous ne voulez pas que je vous raconte ce que j’ai fait là-bas ?? »

– « Dans votre personnalité c’est votre arrivée et votre départ qui m’intéressent. » (cette réponse de la juge, comment la comprendre ? C’est d’une violence incroyable. F a raison, la seule chose qui importe ici c’est d’être allé au Rojava).

F d’expliquer qu’il avait promis à ses proches qu’à une certaine date il rentrerait, et qu’au bout d’un moment on n’en peut plus. 

La juge va insister avec plusieurs questions ensuite sur le traumatisme, sur la nécessité  d’accompagnement psychologique après cette expérience. F se dit conscient à son retour d’être chanceux, de ne pas avoir vu le pire, il ne se sent pas traumatisé, ne fait pas de cauchemars. Il parle, mais avec des ami-e-s.

Incrédulité de la juge : « Comment on peut reprendre une vie normale après ça ? »

F explique que la vie normale, il a bien essayé, reprendre les vendanges, voir des ami.es, se rapprocher de Toulouse, mais qu’il n’est pas serein par rapport à la police. Les contrôles sont différents, les flics pâlissent, ça dure longtemps, ils s’enferment dans leur voiture. Il sent qu’il y a quelque chose de pas normal. Il comprend pourquoi.  

– « Ce n’était pas le cas avant ? » 

Avant l’interpellation il a senti la pression policière, il se sent sur la sellette. Il a peur d’être criminalisé à cause de son séjour au Rojava, et c’est exactement ce qu’il se passe actuellement. Il dit à sa mère « J’ai peur de finir en prison ou qu’on me tue. »

La juge tique sur le fait qu’il ait peur qu’on lui « nuise ».

Elle le questionne sur ses projets après ça.

– « J’essaye de partager sur le Rojava, mais je n’y arrive pas, parce que j’ai l’impression de faire monsieur-j’ai-tout-vu. Je me laisse aller par le courant. Je vais au squat de Toulouse. j’ai pas de projet ».

– Juge : « Est-ce que vous rencontrez des gens pour les conseiller sur le Rojava ?

–  » Je ne les conseillais pas, je leur racontais. Je n’avais pas envie que les gens partent sans savoir où il mettaient les pieds. Qu’ils ne partent pas sur un coup de tête, une idée romantique. Les mettre au courant sur ce qui les attend ».

– Juge  : Vous vous considérez comme une personne violente ? 

– Non, je ne suis pas impulsif. Les seuls actes violents que j’ai posé c’était contre Daesh.

Il n’a pu voir de psy en détention malgré ses demandes incessantes

Une assesseuse veut revenir sur une condamnation antérieure. Kempf intervient et note qu’elle est réhabilité de plein droit, donc son client ne répondra pas.

— Assesseuse de droite : Période de la Grèce. 2 mois avant le départ. 

– « Un sas entre l’annonce du départ à mes proches et le départ. Des personnes rencontrées à Calais m’ont accueillies. C’était sur le chemin. J’ai fait un peu d’aide à des migrants, des cantines collectives. Mais sans trop m’engager, car j’avais la tête prise vers où j’allais ».

Elle note une contradiction entre le fait qu’il voulait parler du Rojava aux personnes qui voulaient en partir, mais pas les conseiller. 

– « Je n’ai pas de conseil à donner, ils ont fait leur choix. Je ne suis pas un soldat. Je n’ai pas grand chose à dire à part mes expériences et mes mises en gardes. 

– « Qu’avez-vous dit à Manu ? » 

– « Il a dit qu’il continuait sa route tout seul. Il voulait faire son expérience. Sur les sonorisations on nous entend surtout parler de où trouver des bons piments au marché ». 

– « Avez-vous dit des trucs pour comment faire ? Des conseils plus techniques ? Sur le maniement des armes ? »

–  » Non ».

— Asseusseuse de gauche : 

– « Comment ça se passe de passer d’un terrain à l’autre, d’un terrain de solidarité à un terrain de guerre ? Les destructions, ça ne vous a pas dissuadé de partir ? » 

– « Pas de lien entre les 2. Ce sont des choses différentes ».

Procureur :

– « Est-ce qu’il vous est arrivé de participer à des violences sur les ZAD par exemple ? » 

– « Non ». 

– « Manif ? » 

– « Non. La seule chose que j’ai fait lors des expulsions c’est une attitude de guignol, de faire courir les flics, pour faire perdre du temps à la destruction ».

– « On a trouvé chez votre mère des épaulettes, jambières, bouclier de policier ». 

– « C’est pour du jeu de rôle. » Le PNAT a en effet fait fuiter ces éléments dans la presse d’extrême-droite à plusieurs reprises, en laissant entendre que c’étaient des équipements de flics. F revient méthodiquement sur chaque élément en démontrant que ce ne sont pas ceux de flics. Il explique les jeux de rôles.

– « C’est de la violence, mais ludique, c’est ça ? » 

– « Ca s’appelle jouer. »

Le procureur cite une écoute de discussion. 

« Il s’agit d’un moment où je vois des personnes en manif qui se prennent en photo ». 

Flo le remet en contexte : « Il s’agit plus du fond que de la personnalité. Et il faudrait reprendre toute la conversation. »

– « Vous avez dit que votre motivation de partir au Rojava était en lien avec les attentats de Paris ». 

– « C’est un des éléments mais ce n’est pas le seul. »

– « Ce n’est pas neutre le combat, et il y a d’autres façons d’aider ! » 

– « Et ? »

– « Comment se fait-il que vous ayez réagi de cette manière aux attentats : à cette période, les écoles d’infirmiers se sont remplies, les rangs de la police aussi… Pourquoi vous avez considéré que c’était la meilleure réaction ? Vous êtes une personne non-violente et vous choisissez de donner la mort. C’est une situation où vous risquez la mort et risquez de la donner ». 

– Oui il y a différentes façons d’aider, mais c’est celle que j’ai choisi. Je ne pense pas que vous demanderiez cela à un militaire.

– L’armée c’est encadré.

-J’étais avec la coalition internationale.

– Non, c’est informel, ce n’est pas comme l’armée où vous êtes salarié. Ce n’est pas l’armée d’un État.

– Si, on était avec la coalition internationale.

–Avocat.es

Bouillon revient sur la relation proche entre F. et sa mère. Il y a un an, lors d’une audience pour modification de CJ pour demander de pouvoir se rapprocher de sa mère suite à des problèmes de santé, le procureur (Benjamin Chambre) a osé dire « il se souciait moins de la santé de sa mère quand il est parti au Rojava ou quand il a fait une grève de la faim!  » et la demande de modification a été refusé. Le procureur n’assume pas du tout et refute ce qu’avance Coline Bouillon. Le procureur n’est pas du tout a l’aise, il passe pour un gros con…

Kempf revient sur la ZAD de Sivens et lui demande comment cela s’est terminé. Flo rapelle la mort de Rémi Fraisse et le projet de barrage reconnu illégal deux ans plus tard.

Kempf revient sur l’engagement auprès des YPG et rappelle qu’ils étaient sur le terrain, en lien étroit avec la Coalition Internationale, qu’il  » travaillait en bonne intelligence  » avec les militaires.

Il enchaine sur le pourquoi repartir au Rojava en 2019, F explique que même si Daesh est officiellement vaincu à cette époque, ils restent actifs dans certaines régions.

Will

La juge commence par parler des parents de W. en expliquant qu’ils sont tout les deux dans l’armée, et demande si c’est bien ses parents qui lui ont donné le gout pour la collection d’armes. Puis dit qu’elle n’en dira pas plus avant de le questionner sur ses études en affirmant qu’il a eu un parcours universitaire poussé.

W. atteste qu’il détient un master en Géographie et Environnement. Il détaille un peu les cours, à sa demande. Elle demande pourquoi il n’a pas exercé ensuite. « On se faisait passer devant par les personnes sortant des écoles privées. Face à eux, un vulgaire cursus universitaire ne valait pas grand chose. »  » Ce n’est pas vulgaire ! » « En tout cas face aux employeurs… » La juge hoche la tête, puis se veut rassurante :  » la fac c’est avant tout pour la réflexion personnelle… » La juge demande à W. de confirmer qu’il a tiré de ses études des choses sur le plan culturel mais peu sur le plan professionnel. W. confirme qu’il n’a pas travaillé en lien avec son cursus.

 Puis elle continue à le questionner sur son parcours et demande ce qu’il a fait à la suite de ses études .

W explique que après 3 mois chez ses parents, la Zad de Sivens est en train de se monter début 2014 et qu’il s’y rend par curiosité.

La juge questionne sur le temps qu’il y a passé et affirme qu’il s’agit d’une  » période qui vous a marqué »

W explique y être resté 2 mois, puis 1 mois , et être revenu le week-end de la mort de Rémi Fraisse.

La juge s’étonne qu’il ne soit pas présent lors des affrontements « je dormais » précise t’il.

Vient les questions sur Cubjac, et la suite du parcours de W. 

Il explique avoir entendu parler de Cubjac et du collectif par Loic. Qu’il ne connaissait aucun autre lieu collectif et qu’il n’avait pas de projet. Il explique qu’il était trop triste après Sivens « après avoir vu la forêt se faire raser »

La juge commence par se questionner sur les ressources dont il disposait pour vivre, puis se met à le questionner sur le fonctionnement dans un collectif et sur le partage des ressources entre les habitants. elle semble curieuse, en pleine expérience sociologique.  « Comment fonctionnez vous dans ce collectif ….. au niveau des ressources…?

W. n’y répond pas tellement mais explique faire les saisons et vivre du RSA. Et d’être parti après 1 an et demi / 2 ans passés à Cubjac

Il explique être parti en camion et fait chemin avec B.

 » Et c’etait quoi, le projet ? » 

W. explique avoir le projet d’un lieu collectif en autonomie et de tendre vers l’auto suffisance qui se concrétise en trouvant le moulin avec un potager et la forêt.

La juge: Vous souhaitiez acheter le bâtiment ?

W : Non c’était une colocation

La juge : « Qu’est ce qui vous guidait ? « 

W . : La possibilité de faire des saisons 

Puis la juge se prend pour une conseillère pôle emploi et lui demande pourquoi il n’a pas cherché à valorisé son diplôme , pourquoi il n’a pas postulé comme chargé d’environnement , pourquoi il n’a pas voulu compléter par une formation en horticulture… 

Il doit lui expliquer que la législation en environnement évolue tellement vite que ces connaissances se sont vite retrouvées caduques. Quand elle dit qu’il aurait pu faire une remise à niveau, il rétorque que ça n’aurait pas changé le problème de départ qui était que son diplôme ne faisait pas le poids avec certains autres.

Mais qu’il a eu une formation pour s’occuper des animaux domestiques.

La juge s’étonne: Domestiques ?

  » Oui, les chiens, les chats, chinchillas … » ( Rires) 

 « On me prêtait une maison en Bretagne où se trouvait une pension pour chiens ou je pouvais aider. »

Il cherchait plus de confort : « Quand tu commences à avoir des stalactites dans ta chambre, tu commences à te poser des questions. » 

Vient alors l’incessante question de la juge sur les dépendances.

W. répond qu’il n’a pas de problème d’alcool . «  C’est pas parce que ne n’ai pas de problème d’alcool, que je n’aime pas picoler non plus »

La Cour s’intéresse ensuite au régime alimentaire de Will

W : j’ai repris à manger de la viande, lié à différentes rencontres en fermes, techniques d’élevage et production, mais je garde une sensibilité. Aujourd’hui, je préfère passer par des producteurs locaux. Mais je m’oppose tout de même à certains aspects de l’exploitation animale.

Il précise qu’il parle de corrida et d’expérimentation animale. Avant, la mort le dérangeait alors il ne mangeais plus de viande, pour ne pas être hypocrite. 

Elle la questionne sur son rapport aux armes.

W : « J’ai fait du tir à l’arc au collège et lycée. A côté du Moulin de pommier, il y avait un stand de tir, et du coup j’y suis allé, c’était une bonne occasion pour commencer. Je n’ai pas d’armes en ma possession . Mon père m’avait proposé de tirer au stand plus jeune, mais je n’avais pas le temps avec mes études. »

La juge : »Je sens que vous n’avez pas envie de parler de vous…

W. C’est surtout que je ne sais pas comment… Mais allez y !  [rires de la juge, et de la salle]

J. Je vais le faire par moi-même, ne vous inquiétez pas, et je m’arrêterai quand je voudrai. » 

Elle veut bien être gentille, mais c’est elle qui a le pouvoir et ça, personne ne l’oublie.

La juge enchaine par la lecture et témoignage de la mère et de la copine. Cette dernière est très élogieuse, notamment sur son intelligence, et sur la manière de s’exprimer décrite comme érudite, et que les autres ne comprennent pas toujours. Il commente : « ça la fait passer pour une cruche, mais ce n’est pas le cas » (RIRES dans la salle)

« Est-ce que c’est pour cela que vous vous exprimez peu, pour éviter d’être mal compris ? » Non.

Elle évoque la réaction des parents qui ont essayé d’imaginer pourquoi il aurait participé aux actes qui lui sont reprochés. L’un.e dit qu’il est influençable, l’autre non. « Diriez-vous que vous êtes influençable ? » Non.

La juge soulève qu’à une époque il a voulu s’inscrire dans une formation d’artificier.

W : « Vu que le projet d’installation n’avançait pas, et que j’en avait marre de me casser le dos aux vendanges, que j’aime bien le spectacle, je me suis dit que c’était une bonne solution financière, et que ça serait moins dur physiquement. J’ai toujours aimé les pétards, et cela me permettait de garder mon mode de vie. Au final ça ne s’est pas fait »

La juge pose son éternel question sur l’anxiosité pendant la période de confinement.

W : « Ca nous touchait pas trop, puisqu’on était à la campagne… On était un peu inquiet pour les grands-parents. »

Juge Assesseure de droite :  « Vous avez des parents militaires, qui ont eu un poste en Allemagne à Baden Baden et vous avez vécu en caserne durant votre enfance, pendant 3 ans. En avez-vous gardé quelque chose ? » 

W : « Un peu d’allemand . On n’était pas séparé de la ville, ce n’était pas une caserne mais une base militaire. » 

Elle insiste longuement sur le fait que pour elle ça n’est pas anodin de vivre avec des militaires, elle creuse, elle s’embourbe… 

W : « Je ne me souviens pas d’être entouré de militaires, j’avais entre 6 et 8 ans !… »

J : « Vous avez déjà été à la ZAD de NDDL ? »

W : « Je suis allé aider aux troupeaux qui avaient peur lors de l’expulsion, et qui s’étaient dispersés.

J : Est ce que cet épisode de ZAD, a impacté votre vie ? »

W : « Dans le cadre de faire une activité avec des gens, mener une vie tranquille, en collectivité

J : Etes vous allés aux affrontements ? »

W : « Non, je ne suis pas du tout attiré par la violence »

JA : « Etes vous allés dans les stands de tirs à plusieurs ? »

W : « Oui, avec Bastien « 

JA : « Oui, on a compris que vous étiez ensemble »

W : « C’est Pumba! » (RIRES dans la salle)

Procureure : 

Elle le questionne sur des propos qu’il aurait eu auprès du juge d’instruction, sur un fossé idéologique entre différentes formes de lutte, différentes postures militantes. Il répond qu’il ne saurait pas du tout développer. Elle insiste en disant que ce sont ses mots. « Je pense que j’ai eu des propos pédants devant ce juge d’instruction… »

P : »Est-ce que vous avez tiré une leçon depuis votre arrestation (antécédent judiciaire 2010)?  » W : « Rester dans la légalité ».

Evocation d’une ou plusieurs action(s) de libération animale : revendiquées comme des actions de FLA = Front de Libération Animale. Il assume ces actes mais dit qu’il ne la revendiquée ALF que par mimétisme des actions de l’époque, sans faire parti de ce mouvement.

« Diriez-vous que vous êtes antispéciste ? »

« Non »

Avocates :

A propos de son activité au stand de tir, il répond que c’est une activité de loisir, cela lui procure la même sensation que le tir à l’arc, détente, concentration…

L’avocate revient sur la formation d’artificier envisagé un temps, il répond que ces antécédents judiciaires lui aurait empêcher de mener à bien ce projet.

Simon

—- S débute par une déclaration spontanée :

    « Je ne me reconnais pas dans les accusations portés contre moi. Ma vie a été brisée sur le plan professionnel, amical et personnel. Depuis l’arrestation, où je me suis retrouvé braqué par un fusil d’assaut à 10cm du visage, à la détention jusqu’à aujourd’hui, j’en garde des séquelles irréparables. J’espère que ce procès pourra, à moi ainsi qu’aux autres prévenu.es, nous permettre de retrouver un semblant de dignité. »

La juge revient sur l’expertise psy en prison

Simon dit s’être fait piéger ce jour là car il attendait un rdv médical et s’est en fait retrouvé coincé avec l’experte psy. Il a ressenti qu’elle n’était pas là pour l’aider dans une démarche de soin, il a donc refusé le rdv suivant.

Les conclusions de l’experte lues par la juge :

        – parle facilement

        – n’a pas conscience des conséquences de ses actes

        – image de « rebelle » qu’il se donne

        – engagement professionnel dans le milieu du spectacle

        – tatouages

        -« énervé »

Lors de l’expertise, vous aviez envie d’exprimer au juge ce que vous pensiez des policiers, que vous souhaitiez pouvoir critiquer les institutions.

La juge le questionne alors sur le tatouage « d’une expression peu favorable à la police », ACAB, il lui répond : « Je l’ai fait quand j’avais 22 ans, période où on pouvait encore provoquer, ce qui est l’essence du punk. Ça permettait d’engager des discussions avec des gendarmes ou autres et de pouvoir partager les critiques de l’institution. Depuis les Gilets Jaunes en gros, je le cache pour éviter de me faire casser la gueule, l’époque a changé. » 

La juge revient sur le rapport psy qui catalogue S comme « personne énervée », mais admet qu’il n’est pas connu pour faits de violences.

Intervention de Becker : elle considère que l’experte est arrivé avec des préjugés. Elle rappelle la conclusion de l’expertise confirmant que S. est dans le dialogue, la communication et le questionnement.

La juge reprend ces questions à propos de l’itinérance, à laquelle il répond que ces différentes étapes de sa vie l’ont ensuite amené à plus de stabilité.

A propos de ses envies de travailler dans le spectacle, il explique que cela remonte à très tôt. On lui demande alors d’expliquer le fonctionnement du Lycée autogéré de Paris (LAP).

ll explique que le LAP est « d’un type particulier ». Il y a de nombreuses réunions où on apprend à débattre avec les profs (« on s’engueulait beaucoup »), il y avait une salle de répétition c’est là qu’il commence à se former

S mentionne une amie du LAP qui ne veut plus lui parler plus parce que son copain « s’est fait terroriser par la DGSI ». « C’est un interrogatoire qu’il a très mal vécu, ça lui a fait très peur ». cette personne sera citée plus tard par le procureur.

La juge aborde son métier. Elle le questionne sur les produits explosifs dans le cadre de son métier. 

S explique ce qu’est le travail d’artificier, dans lequel y a plusieurs spécialités. Il travaille comme technicien SFX sur les spectacles Disney et comme artificier pour Ruggieri qui a en charge le feu d’artifice tous les soirs à Disney. A côté, il travaille comme technicien SFX sur les tournages de cinéma, clips et pubs.

Il distingue deux manières d’exercer ce métier. Les feux d’artifices classiques, comme il fait à Disney, ne demandent pas de mélange de produits car les produits sont fabriqués en usine, et ont des champs d’application précis, définis. En revanche, pour les effets spéciaux, on doit utiliser des produits extérieurs. Dans ce domaine, il est courant de détourner des produits d’usage, pour essayer de faire des effets. En tant qu’indépendant, chaque artificier est amené à se constituer un portfolio d’effets spéciaux, pour pouvoir répondre au plus de demandes possibles. Il doit donc s’entrainer, faire des tests, pour mieux maîtriser les produits, et avoir toute une gamme d’effets à proposer, en s’adaptant aux budgets. 

Il évoque le travail avec sa compagne, qui est vidéaste, avec qui il fait des clips.

La juge lui demande s’il a des problèmes de santé.

S mentionne un accident adolescent avec multiples fractures et liste les problèmes engendrés par l’accident. Lors de sa détention, l’état de son genou se dégrade.

Puis elle lui demande s’il a un problème avec l’alcool.

Il lui répond qu’il n’a pas de problème particulier et que parfois il ne bois pas d’alcool pour être plus vite bourré par la suite. RIRES

La Juge Assesseure de gauche veut revenir sur l’accident de scooter mentionné auparavant. « Vous avez été victime d’un policier ? »

S explique que le policier en question était hors service mais que des policiers sont venus le voir à l’hôpital pour tenter de lui faire avouer que c’était lui qui avait grillé le stop.

JA : « Vous ne l’avez pas dit pour éviter qu’on ne fasse un raccourci et qu’on dise que ça aurait pu nourrir une volonté de vengeance ? « 

Elle insiste sur ses tatouages ACAB et les trois points et lui demande s’il les a faits juste après. Il rappelle qu’il les a faits alors qu’il était âgé de 22 ans.

Puis elle reparle de son père, alors que S avait clairement spécifié qu’il ne voulait pas en parler. Elle lui dit qu’il aurait de bonnes raisons d’être contre la violence. Elle insiste, alors que ça le tend visiblement, et la salle aussi. « C’est plutôt à décharge ! » dit-elle

C’est au tour de la Juge Assesseure de droite  : « Vous avez été arrêté en manifestation avec des vêtements noirs dans votre sac ».

Simon répond qu’il est content de pouvoir parler de ça pour faire arrêter ces fantasmes.

Je suis toujours habillé en noir, comme beaucoup de gens dans mon métier (spectacle). Ce serait un peu stupide [si j’étais un blackbloc] de se changer de noir pour noir, et qui plus est d’échanger un pull noir avec un t-shirt noir en hiver.

Procureur

Vous avez fait une formation d’artificier dans laquelle vous avez appris les règles de sécurité ?

S : la formation était de 5 jours

Vous reconnaissez que c’est une activité à risque ?

S : Pas si c’est fait correctement.

P : Mais on ne se procure pas soi-même des produits ?

S : Bah… Si. 

Il demande à son avocate de lui amener le document dispensé lors de sa formation 

P : On se procure pas soi-même les ingrédients ? Vous amenez toujours des inflammateurs, des mèches… sur un chantier?

S : Si il faut [liste] … Je peux vous retrouver la liste des choses à emmener.

Questions et réponses sur les règles de sécu, les différences de règles en live ou sur un tournage…

S : les règles sur un tournage sont floues, ça passe… jusqu’à ce qu’il y ait un problème. (évoque un accident aux USA avec une arme chargée sur un tournage )

P : Mais si on utilise du matériel factice, il ne devrait pas y avoir d’accident ?

S : Si, même avec du matériel factice, si c’est mal utilisé il peut y avoir des accidents. (exemple arme à blanc) 

Avocates :

Av : PMA vs en êtes où ?

S : Je ne suis pas papa, merci de m’avoir fait perdre un an avec la détention.

Av : Sur la prétendue animosité de S. suite à l’accident de scooter : votre mère parle d’un policier qui loue son gîte, et à qui vous avez donné une place pour un feu d’artifice.

S : Oui, il s’est fait fouiller le sac à l’entrée du feu d’artifice je lui ai demandé « ça fait quoi de se faire fouiller ? ».

Av : Quand avez-vous obtenu votre agrément d’artificier ?

S : Je l’ai obtenu le 31/07/2020

Av : vous ne trouvez pas ça étrange ? alors que vous êtes, sans le savoir, dans une instruction pour terrorisme?

S : Un peu paradoxal oui…

Av : Quelle est votre explication ?

S : C’est normal que j’ai eu mon agrément, la préfecture a mené son enquête et me l’a donné.

Av : Vous ne représentiez donc pas un danger à cette date ?

S : C’est ce qui écrit oui.

Av : Mme la présidente vous a questionné sur l’accident et vous a laissé le choix d’en dire plus. Puis Mme l’assesseur a précisé que l’auteur de l’accident était policier. Auriez-vous peur que cet évènement dont vous êtes la victime puisse vous être reproché ?

S : Oui, on a peur que ce genre d’évènement se retourne contre soi puis devienne un élément à charge.

Av : En avez-vous nourri un ressentiment ?

S (rire) : Non, ça reste un accident banal. 

Av : Comment vous situez-vous ? Comment définiriez-vous vos opinions politiques ? Vous dites être de gauche et d’extrême-gauche sur certains sujets.

S : J’aime pas me définir dans tel ou tel courant politique. On fait ses propres choix.

Av : Et vous travaillez pour Disney ?

S : J’aime l’autoflagellation. Il y a Disney et les personnes qui y travaillent c’est différent

Av : C’est là la preuve de l’homme de compromis que vous êtes.

LOIC

Permis de conduire retiré à cause d’usage de stupéfiants

– « J’en consommais de manière très irrégulière ».

Rapport de personnalité. 

– « Vous êtes dans cette commune de Cubjac où vous avez grandi et toujours habité avec votre mère ? 

Projet professionnel ? » 

– « Lycée du bâtiment, pour faire maçon comme mon père. Je n’aspire pas à grand chose à part avoir plus de liberté, je voulais juste passer à la vie active.

– « Vous avez beaucoup voyagé avec vos grands parents ».

– « Oui, iels ont pris le rôle de mon père absent ».

– « Vous êtes particulièrement sensibles aux effets du cannabis. Quand vous en êtes-vous rendu compte ? »

– « Vers 18 ans ».

– « C’est pour manifester la colère que vous étiez dans le mouvement punk ? »

– « J’ai une tendance à être anxieux des humains, je developpe d’abord une forme de retrait puis quand je me sens en sécurité je suis très sociable. 

La période de la rue a duré 2 ans, puis il y a eu le camion en 2011/12, j’avais fais le choix de faire une rupture avec ma famille, trop colérique ».

– « Vous êtes devenu sédentaire ? » 

– « Premier appart en Ariège en 2017. Pour la première fois je m’entendais penser et j’ai pu me pencher sur mon développement personnel ».

– « Passage à Sivens ? »

– « Après le collectif à Cubjac. J’en ai marre de ce lieu et de ma mère, je me rapproche de Toulouse pour faire du maraîchage, j’entends alors parler de Sivens comme d’une nouvelle aventure, les gens étaient sympas alors j’y suis allé. » 

– « Vous êtes en colère à ce moment là ? » 

– « Colérique oui mais violent non. Il y avait une cause qui permettait de canaliser cette énergie dans un projet constructif ».

– « Projet de fabriquer du jus de fruit ? avec W et B ? »

– « Oui, mais le projet n’est pas arrivé au bout car trop de désaccords sur la manière de s’y prendre, même si nous étions tous d’accords sur le fond. »

– « Pourquoi ce projet n’a pas abouti ? »

– « De manière générale, les choses ont du mal à aboutir dans mon parcours ».

– « Alcool ? »

– « Auto sevré petit à petit ».

– « Le confinement, quelle a été votre réaction ? » 

– « Paradoxale. A la fois c’était une période où j’allais bien, où j’étais dans un endroit que j’aimais, et à la fois chaque fois que j’allumais la télé ou internet ou que je parlais avec des gens j’avais l’impression que tout allait mal ».

– « La collectivité ? Vous aimez bien ? Vous la subissez ? » 

– « Un peu de tout ».

– « airsoft ? entraînements ? » 

– « On joue. Je ne peux pas qualifier d’entraînement une initiation de quelques heures ».

– « Problèmes de santé ? » 

– « J’ai une tendance à somatiser beaucoup, surtout depuis le début de cette enquête.

Avec les arrestations et la répression, j’ai développé des douleurs aux cervicales ». 

– « Armes ? »

– « J’ai essayé une fois avec W à Parcoul »

Assesseuse :

– « Association « la passion des amies » : délire de survivalisme ? » 

– « C’est le jeu dans lequel je me suis mis pour faire ça, j’avais envie de passer du temps avec mes potes. Je n’ai jamais pris ça au sérieux

– « Zad sivens / nddl ? contexte d’affrontements ? » 

– « Ca m’a donné encore plus envie de déplorer cette violence, des deux côtés, car elle fait du mal des deux côtés. J’en retire une grande expérience militante, des valeurs, du lien social, mais aussi des séquelles par rapport à la mort de Rémi. Après ce qui lui est arrivé je ne pouvais plus écouter un feu d’artifice sans avoir les larmes qui coulent ». 

Procureure :

– « Je crois que ce que vous avez dit est très intéressant et que vous vous êtes pas mal livré.

Vous répétez beaucoup « fatiguant », cette lutte vous a t elle pesée ? »

– « Un peu. A ce moment là j’ai envie de faire une rupture avec tout ». 

Est-ce que cette rupture avec vos ami•es à ce moment peut être liée avec une volontés de rompre avec une atmosphère de violence et de haine envers la police et l’État ?

L répond sur son cheminement personnel et émotionnel, il parle de valeurs humaines et non d’idéologie.

– « Quel est votre problème avec la trahison ? »

– « C’est de l’anxiété, anxiété que des proches puissent faire des choses à mon encontre, anxiété générale. Une fois que je fais confiance, s’il y a quelque chose qui entrave cette confiance je peux me sentir trahi ».

L’avocate fait le rapprochement entre ce sentiment de trahison et la petite enfance.

L : « C’est évident ».

L’avocate reprend la déclaration de personnalité de sa mère: qu’a-t-elle dit sur vous ? 

L: Que j’etais chiant?

Elle a déclaré que vous étiez le meilleur fils du monde. 

Liens : 

    M 2020

    S pas du tout

    F 2013

    W sivens

    B sivens

Déclaration : « Si j’ai gardé lien avec F W et B c’est parce qu’ils ont quelque chose que je n’ai pas, c’est leur humour. C’est eux qui m’ont fait découvrir le plaisir de jouer ».