VENDREDI 6 OCTOBRE: LES EXPLOSIFS

06/10

Demande d’ajout de vidéos au dossier : Les avocates ont sollicité l’ajout de vidéos au dossier, enregistrées  à Parcoul. La séquence, reçue le matin même d’une personne présente sur place, montre un petit bateau sur l’eau produisant un son risible, un pétard. Bien que le procureur ait consenti à l’ajout, il a stipulé que seuls de courts extraits seraient acceptés. La visualisation complète de la vidéo est prévue d’ici le mardi prochain, le 10 octobre.

Questions de la juge à Simon : 

 Métier d’artificier : Simon, spécialiste en feux d’artifice, est interrogé sur son métier et ses essais individuels, soulignant leur caractère artisanal. La juge explore le RDV anticipé avec F en février et énumère les éléments saisis lors des perquisitions, dont des équipements pyrotechniques. Simon informe sur son passage à Paulnay, soulignant la nature amicale de sa visite, survenue dans une période difficile de sa vie, marquée par des problèmes conjugaux et un burnout.

 La juge interroge Simon sur le contexte des retrouvailles en amont de son passage à Paulnay. Il mentionne que F, avec qui il s’était réuni en décembre, était potentiellement fiché S et sous surveillance après son retour du Rojava. Simon précise qu’ils ne s’étaient pas vus depuis au moins deux ans avant le départ de F vers le Rojava. La rencontre de février visait à renouer des liens amicaux dans un contexte personnel complexe pour Simon.

 La juge interroge Simon sur la connexion entre son expertise des explosifs et celle de Flo. Simon explique que ces discussions étaient anodines, centrées sur son intérêt pour les effets pyrotechniques. La découverte d’un explosif de guerre aurait pu lui permettre de découvrir de nouveaux effets, intéressants par exemple pour de la reconstitution, des films de guerre… Durant leur rencontre à Paulnay, Simon a apporté son équipement d’artificier de base, sans connaître les éléments que F allait fournir, et ils ont saisi l’occasion pour expérimenter, un matin.

La juge poursuit en interrogeant Simon sur sa fabrication d’explosifs et les matériaux utilisés. Simon confirme qu’il fabrique des explosifs selon les demandes qu’on lui fait dans le cadre professionnel, en utilisant divers éléments tels que la poudre noire, des chandelles à gâteau, un ventilateur, de l’essence, du gasoil, un mortier ou du gaz. Il regarde beaucoup de vidéos et de tutos sur le sujet.

Ses expérimentations ont lieu en hiver au camping ou sur le terrain de sa mère lorsque les gîtes sont inoccupés, afin de ne déranger personne.

Simon explique également avoir acheté du nitrate de sodium et du potassium (perquisition), nécessaire car, paradoxalement, les artificiers ne peuvent pas acquérir de la poudre noire en armurerie avec leur certificat. La recette de fabrication de la poudre noire a été trouvée sur WikiHow.

Enfin, la juge questionne Simon sur la présence de poudre noire à Paulnay. Simon précise qu’il n’a pas fabriqué la poudre en amont, mais a apporté l’équipement nécessaire. La poudre utilisée était de la poudre d’étoile récupérée à Disneyland, provenant de feux d’artifice défectueux où les étoiles sont des retombées non brûlées.

On précisera que la poudre qui a été trouvée en perquisition, a été fabriquée après Paulnay, donc ça n’a rien à voir…

La juge explore ensuite la question des tentatives de Florian pour fabriquer des explosifs.

Simon pensait que Florian avait cette compétence, mais ce n’était pas le cas. Pour Simon, c’était une opportunité d’apprendre quelque chose de nouveau, bien que le test nitrate d’ammonium et sucre n’ait pas abouti. Il souligne que ses aspirations à apprendre témoignent d’elles-mêmes.

Aviez-vous conscience du danger ?

Simon explique qu’il était conscient des risques pour lui-même, mais il était catégorique sur le fait de ne jamais mettre autrui en danger. Ils sont d’ailleurs tous les deux conscients des risques, lui en raison de son métier, et Florian en raison de son expérience au Rojava.

La juge questionne Simon sur le choix de Paulnay comme lieu de rencontre.

C’est juste un compromis pratique en termes de distance.

La grande question inutile : et comment communiquiez-vous ?

Ils utilisaient l’application Signal. La juge répond que ce mode de communication n’est en effet pas interdit. Maître Kempf demande a la juge de répéter la phrase pour être sûr d’avoir bien entendu 🙂

Puis, concernant ses audiences avec le juge d’instruction puis au tribunal, la juge semble s’interroger sur la peur que ce qu’il dise soit mal interprété.

Simon exprime qu’au début, lors de son premier interrogatoire, il avait cette appréhension, craignant que tout soit retourné contre lui. La pression de la prison et la complexité de la procédure ont également contribué à cette inquiétude. Aujourd’hui, bien qu’il soit plus à l’aise pour discuter, la juge rappelle que ce n’est pas une simple conversation.

Enfin, la juge interroge Simon sur une mission confiée à son amie.

Simon confirme, expliquant qu’il avait demandé à son amie de publier sur Facebook à sa place avec son compte. C’était un stratagème pour créer du mystère autour de leur rencontre afin qu’elle ne lui en veuille pas. Il a éteint son téléphone pendant cette période.

La juge interroge Simon sur le vol d’engrais et ses intentions.

S confirme, « On devait dérober de l’engrais, mais je me suis dégonflé et je suis parti me coucher. » La juge cite un passage d’une retranscription : « C’est maintenant ou jamais qu’il faut se prendre des objectifs ».

S : Oui, c’était le plan, mais j’ai changé d’avis et ai décidé de ne pas participer. La citation reflète probablement mon état d’esprit à ce moment-là.

En ce qui concerne la perspective de se revoir avec Florian, Simon précise qu’ils avaient envisagé de se revoir, mais pas nécessairement pour refaire des essais. 

La juge cite une écoute, à propos d’une tierce personne : « Elle n’est pas du genre à poukav, elle ne connaît même pas ton nom de famille. » À cette période, les inquiétudes tournaient en réalité autour d’un potentiel envoi d’argent au Rojava, pour l’achat d’armes ou d’équipement, mais qui a ensuite évolué vers le soutien à l’association humanitaire Roja Sor. 

La juge revient sur le sujet du vol d’engrais.

Simon relate avoir tenté de contacter une amie au téléphone, C, pour obtenir un alibi, mais n’ayant pas obtenu de réponse, il a renoncé après que l’effet de l’alcool avait diminué, et est parti se coucher. Il reconnaît n’avoir eu aucune connaissance de la provenance du produit recupéré dans le camion de F. 

Concernant la journée du 15/02/2020, la juge cite des sonorisations, relatives à une recette détaillée avec du nitrate d’ammonium et du sucre. 

S. émet des doutes sur les connaissances de Florian, suggérant que ce dernier cherchait davantage à se mettre en avant qu’à contribuer à un véritable apprentissage. Après l’échec initial, ils ont cherché en vain d’autres types de nitrate dans des magasins.

La juge aborde ensuite la journée du 16/02/2020.

Simon explique qu’ils ont discuté de l’échec de la veille, constatant que le produit ne séchait pas comme prévu. Il exprime sa déception et note n’avoir jamais retrouvé cette recette spécifique sur internet.

Quelques courts échanges sur des éléments des écoutes et sonorisations :

La juge interroge Simon sur l’utilisation des talkies.

C’était au cas où pour le vol d’engrais, mais on se chauffe mutuellement.

La juge demande des clarifications sur les mentions de « big brother. »

C’était pour vérifier s’il y avait des caméras.

La juge aborde la question de prévenir les avocats.

C’était au cas où on se ferait prendre.

Sur un truc à cacher ?

Les téléphones portables.

La juge veut des précisions sur la mise au point de certains codes.

Tout cela se réfère uniquement au vol d’engrais.

La discussion porte ensuite sur des propos saisis lors d’écoutes concernant des réactions en manifestation, notamment des propos violents envers les forces de l’ordre.

S : Il s’agit de discussions virilistes, « juste qui a la plus grosse. » Ce ne sont que des fictions, des hypothèses. Dans ce genre de discussion, il faut surenchérir pour être à la hauteur. Et je suis face à quelqu’un que j’admire. Mais ça reste des conversations de gens à moitié bourrés.

L’avocate intervient alors pour signaler qu’il y a 30 minutes de pause entre les 2 conversations dans cette écoute.

De nouvelles questions concernant le couple de S ou portant sur la confiance que Florian pourrait avoir en C., même si on est sensé aborder les faits (explosifs) et si la juge a pris le soin de préciser qu’elle n’était pas là pour questionner ses relations privées, les questions reviennent très souvent sur la vie privé et les relations… 

Questions du procureur à Simon :

Le procureur national antiterroriste interroge Simon sur les circonstances de ses retrouvailles avec Florian.

Simon explique qu’ils trainent de toute façon dans le même milieu, donc forcément, au fil des discussions avec des amis communs, il apprend que Florian est parti au Rojava. Inquiet de son retour, cela devient le catalyseur pour renouer le contact. Le rendez-vous a lieu sur le terrain à Bollène le 08/12/2019. Ces retrouvailles ne sont que des rencontres amicales et des discussions, avec naturellement des sujets liés aux explosifs, domaine professionnel de Simon.

Le procureur argue que les déclarations de Flo ne coïncident pas sur ce sujet. S lui explique donc qu’ils sont de vieux amis et qu’ils parlent d’un peu de tout…

Le procureur interroge Simon sur une écoute où ce dernier évoquerait de manière mystérieuse son intérêt pour le Rojava.

Simon explique qu’il avait déjà effectué des recherches sur la région et s’était posé la question de partir là-bas. Ses discussions avec Florian ont fourni des réponses à ses interrogations, mais finalement, cela l’a dissuadé d’envisager sérieusement cette option.

Le procureur aborde une autre écoute où Simon et Florian mentionneraient « l’ennemi. »

Simon clarifie qu’il s’agissait d’un abus de langage, probablement en référence à Daech.

La discussion se tourne vers une publication Facebook de Simon : « 2020, pas mal de décisions à prendre »

Simon souligne que c’est typiquement le genre de phrase (qui l’énerve parce que depuis le début on nous refuse des accès aux écoutes pour des questions de respect de la vie privée, et là, vous l’étalez et le détournez) peut aisément être détournée ! Il explique qu’en l’occurrence cette déclaration était relative à des problèmes de couple, sans aucun lien avec des activités suspectes.

Le procureur questionne Simon sur une conversation portant sur des tests d’ammonitrate antérieurs.

Simon rejette ces allégations en soulignant les différences notables entre les enregistrements audio et les retranscriptions de la DGSI.

Le procureur aborde le sujet de potentielles discussions sur des violences contre l’Etat.

Simon admet qu’il s’agissait simplement d’une conversation entre deux personnes sous l’influence de l’alcool, échangeant des propos virils sans réelle intention d’action : « Mettez deux gauchistes ensemble dans un camion avec des bières et voilà ! »(rires dans la salle)

Le procureur cite les déclarations d’un autre artificier interrogé par la DGSI.

Simon lui expose la loi en matière de transport de matière active, en sa qualité d’artificier. C’est assez agréable de voir le prévenu expliquer la loi au procureur ! 

Un artificier a le droit de transporter jusqu’à 333 kg de matières actives.

S précise que l’ammonitrate est en vente libre, que ses projets de tests étaient conformes aux règles, même si il est aussi parfois en dehors des clous. Un artificier de niveau 2 engage sa propre responsabilité lors de tests, réalisables sur tout type de terrain. Lui faisait les siens une fois le camping fermé, pour ne déranger personne.

Le procureur veut alors savoir si S est au courant de potentiels « buts » de Flo…

S se dit qu’il voulait peut-être s’entraîner pour retourner au Rojava. Mais le fait que les essais ne marchent pas n’est pas étonnant, il reconnait mieux là son vieux pote, c’est plus logique.

Le procureur, peu convaincu sur ses volontés d’apprentissage, souligne qu’on dirait que c’est plus lui qui vient lui donner des coups de main que l’inverse. En fait, S. et F. se voyaient en effet, et S. pouvait lui filer des coups de main, mais c’était pour organiser des concerts de soutien pour le peuple du Rojava. 

Questions des avocates à Simon :

    Maitre Camille Souleil Balducci remet en évidence l’origine douteuse des sonorisations du terrain de Paulnay :

La DGSI apprend l’existence de ce terrain quatre jours avant la venue de F et S sur les lieux et demande dans la foulée la sonorisation et la pose de caméras sur ce terrain en justifiant qu’ils vont certainement s’y rendre et probablement tester des explosifs… La DGSI aurait donc des dons de médium? Ou bien nous n’avons pas connaissance de l’entièreté de la surveillance qui leur était imputée.

    Deuxième point soulevé par l’avocate, la vidéo prise a Paulnay par la DGSI est récupérée sur les lieux le 17/02/20. Des mois s’écoulent et le 30/11/20, à la veille des arrestations, alors que la vidéo devrait être expertisé, retranscrite et mise sous scellés depuis longtemps, la DGSI écrit un PV pour signaler que cette vidéo a été effacée suite à une erreur, et qu’il n’y a jamais eu de retranscription. Du jamais vu…

    Autre question sur des hypothétiques « tirs de rafale », séquence de « tirs d’airsoft » qui apparaissent dans les rapports de surveillance des agents alors que les retranscriptions des écoutes stipulent des bruits de marteaux et de spatules. (ce qui correspond aux tests de fabrication en cours). Ces tirs en rafale ont largement été repris par le PNAT alors qu’il était évident à la lecture des PV que c’était une erreur de retranscription.

    Maitre Alice Becker interroge Simon sur une conversation avec Carglass intercepté durant son séjour à Paulnay au sujet d’une explosion de vitre et qui a engendré de la part de la DGSI des filatures multiples les jours suivants. Simon explique que pour un projet de court métrage, la demande était de faire exploser une vitre de voiture et qu’il a appelé Carglass pour se renseigner sur les débris de glace et autres précautions à prendre.

    Autre question de l’avocate, au sujet d’une photo considérée comme suspecte par la DGSI : un empaquetage, entouré de scotch marron avec des tiges de métal qui en sortent = PIPE BOMB ?? et bien non, c’est un colis reçu quelques jours avant composé des tiges de métal pour construire une étagère industrielle en kit.

  Fin des 4h d’interrogatoire.