Affaire du 8/12: le devenir terroriste des luttes

En passant

Une belle solidarité !

Plus de 200 personnes sont présentes au rassemblement pour soutenir les ami.es. Une présence chaleureuse et solidaire, avec banderoles, pinata, boissons chaudes, gâteaux, tee-shirts, stickers et batucada. Le rassemblement sera bref, presque tout le monde s’engouffre dans cet immense immeuble de verre et de béton armé, pilier du pouvoir d’État qui trône Porte de Clichy à Paris.

La salle est pleine à craquer, la tension palpable.

Les inculpé·es entrent petit à petit et des applaudissements retentissent en guise d’encouragements.

Des proches sont présent.es, la famille et les ami·es, et également beaucoup de soutiens politiques.

Rejet des demandes de la Défense

L’alarme sonne, le Tribunal entre et exige le garde-à-vous de la salle. L’audience démarre. Brigitte Roux – la présidente -, le regard sévère, ouvre rapidement les hostilités : toutes les demandes de la Défense sont rejetées une par une.

La Question Prioritaire de Constitutionnalité (à propos de la possibilité de faire citer des agents du renseignement) : « Pas transmise ».

La récupération des données sous scellé (accès à divers supports de stockage détenus par la DGSI pour vérifier des éléments d’accusation) : « Il n’y a pas lieu vue la complétude des débats ».

Faire citer les agents 856SI et 1207SI : « pas nécessaire ».

Déclassifier les informations  « secret-défense » de l’expert en explosifs de la Préfecture de Police: « Les parties ont pu débattre », donc c’est non. 

Écarter l’expertise si les sources ne sont pas déclassifiées (car cela pose un problème de « contradictoire ») : « Il n’existe aucune disposition pénale qui permettrait d’écarter les rapports », c’est possible au Civil mais pas dans le cadre d’une procédure pénale.

Demander à la DGSI de transmettre les vidéos des GAV (durant lesquelles de nombreux actes illégaux ont été dénoncés) : « Les inculpé·es n’auraient pas exprimé une « contestation des propos », mais uniquement une dénonciation des conditions de GAV, donc c’est non ».

Ces réponses radicales et arbitraires illustrent l’orientation politique du Tribunal : tout doit être fait pour sauver cette procédure montée par la DGSI pour le Ministère de l’Intérieur.

La QPC aurait pu inscrire dans le Droit la possibilité pour le Tribunal Correctionnel de faire citer des agents du renseignement sans lever leur anonymat.

La restitution des scellés aurait permis de récupérer de nombreux éléments à décharge. Cela aurait également permis de contextualiser la détention de brochures présentées comme « la matrice idéologique » du présumé « groupe » et utilisées pour caractériser des intentions terroristes. Au lieu de cela, le Tribunal a ordonné la destruction de ces scellés afin que la vérité ne puisse définitivement plus être démontrée.

La citation des agents de la DGSI était primordiale pour mettre à jour les procédés manipulatoires et les irrégularités constatés tout au long de l’instruction. Ces agents avaient déjà été convoqués par la Défense et s’étaient soustraits à leurs obligations légales à comparaître. Dans le cadre du procès la Défense aurait pu notamment les questionner sur la suppression d’une vidéo à décharge, les erreurs de retranscription des sonorisations, les faux procès-verbaux, les nombreux horodatages irréguliers constatés, et autres barbouzeries dénoncées par les inculpé·es.

Les informations « secret-défense » concernaient la provenance de la recette de l’ANSU (ammonitrate + sucre). L’expert affirmait en effet que cette recette proviendrait de la zone irako-syrienne (Kurdistan), serait utilisée par DAESH puis aurait été apprise par les YPG. Cela lui permettait de contredire les témoignages d’anciens combattants du Rojava (qui n’acquièrent aucune compétence en confection d’explosifs sur le terrain) et aussi de Libre Flot qui affirmait que cette recette est connue de tous·tes dans le milieu agricole. La levée du secret-défense aurait permis de contredire l’affirmation inexacte de l’expert.

Enfin, le refus de verser aux débats les vidéos des GAV est l’illustration la plus perverse de la volonté politique du Tribunal. L’argument avancé par la Présidente (qu’il n’y aurait pas eu de contestation des propos tenus eux-mêmes mais seulement une dénonciation des conditions dans lesquelles ils ont été prononcés) est un mensonge pur et simple. Les propos tenus en GAV ont été contestés à de nombreuses reprises par plusieurs mis.es en examen. « Je conteste absolument tout ce que j’ai dit en garde à vue » avait déclaré Bastien. Mais là encore, l’unique preuve que ces propos ont bien été tenus mot pour mot réside dans les notes d’audience, prises par une greffière que l’on voyait somnoler régulièrement, et devant être signées par la Présidente elle-même. (Ces notes ont été transmises à la Défense plusieurs semaines après le délibéré.)

Jurisprudence AMT (association malfaiteur terroriste)

Après le mensonge sur la contestation des propos lors des GAV, l’indignation dans la salle commence à se faire sentir. La juge rappelle la salle à l’ordre et menace une première fois de la faire évacuer. Elle continue son œuvre autoritaire avec une lecture très scolaire de l’article 421 du Code Pénal afin de remédier à notre « méconnaissance » de la loi, puis elle résume (en reprenant l’interprétation exacte du PNAT) les jurisprudences  en matière d’AMT. A sa façon de lire, tout le monde comprend qu’elle maintient la qualification terroriste. Des murmures de protestations commencent à se faire entendre dans la salle.

En effet, pour constituer une association de malfaiteurs terroristes : il n’est pas nécessaire de prouver qu’un projet terroriste existe bel et bien. Il est seulement nécessaire de démontrer qu’un.e inculpé.e avait des intentions « à plus ou moins long terme », de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » pour condamner tout le monde. Il n’est pas nécessaire que chaque individu ait connaissance de ces intentions terroristes pour être coupable, mais uniquement d’y avoir « participé » d’une manière ou d’une autre.

La présidente réaffirme que les intentions terroristes sont matérialisées pour Libre Flot, et que les autres sont donc tous.te.s coupables par « association ».

Rupture de l’ordre dans la salle

À l’issue de 30 pénibles minutes d’audience, la présidente demande donc l’évacuation de la salle. Tout le Tribunal se retire et les flics se positionnent en vue d’expulser par la force les quelques deux cents personnes présentes. Certains enfilent leurs gants coqués. Les proches se lèvent et viennent serrer dans leurs bras les inculpé.es, qui, on l’a compris, vont être déclaré.es « terroristes d’ultragauche ».

Selon certain.es avocat.es, les réactions de la salle étaient minimes par rapport à d’autres audiences beaucoup plus agitées. Iels tentent d’établir un dialogue avec les juges pour trouver un compromis afin que l’audience puisse reprendre. La juge refuse de les recevoir. De nouveaux policiers rentrent en masse pour évacuer la salle, ils demandent aussi aux journalistes de quitter les lieux, personne ne bouge.

Deux inculpé.es s’expriment face à la salle. On réfléchit avec les avocat.es : tout le monde doit-il sortir ou pas ? « Oui, laissons la farce continuer toute seule ! » lance Camille. « Je dois rester dans la salle au cas où un mandat de dépôt différé se transforme en mandat d’arrêt immédiat » ajoute Florian après réflexion. Les trois quarts de la salle sortent finalement et une quarantaine de proches restent.

Ce moment de flottement dure plus d’une heure. L’ambiance est électrique, même les journalistes semblent choqué.es du résultat du jugement et de la tournure que prend l’audience.

À son retour, la juge dénonce des propos « injurieux et outrageants ». Elle répète un article de loi pour menacer les personnes qui recommenceraient. Les propos en question étaient: « Menteuse! », « C’est vous les terroristes ! », « Nos réactions sont le reflet de vos immondices « , etc.

Bouffie d’orgueil, elle constate que la salle n’a pas été totalement évacuée et essaye de réaffirmer son autorité, que plus personne ne considère légitime (même pas les flics on dirait !). Elle prétend que la salle est encore trop pleine, et exige arbitrairement que seules 3 personnes par inculpé.e soient autorisées à rester. Elle lance également : « Je ne rendrai pas le délibéré devant une audience vide ! » Puis les 3 juges repartent, on croit rêver.

Le caprice passé, les juges reviennent à nouveau (personne n’a bougé !). Furieuse, la juge passe outre ses devoirs de fonctionnaire de justice, rémunérée par nos impôts, et décide de passer directement au prononcé des peines, sans prendre la peine d’expliquer en détail ses motivations. Les avocat.es s’offusquent mais, autoritaire, elle demande aux prévenu.es de s’aligner devant elle pour annoncer les peines.

Peines

 Le verdict est tranchant et plus sévère pour la plupart que les réquisitions du PNAT (parquet national anti-terro). Tous.tes sont reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».

Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont plusieurs mois de sursis probatoire (de 15 à 30 mois). Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es (aménageables en prison à domicile sous bracelet électronique). Iels devront effectuer entre 8 à 12 mois de bracelet.

L’inscription au FIJAIT (20 ans) est actée pour tout le monde sauf pour un inculpé, « au vu de sa personnalité », autrement dit, le moins militant.

Sont également prononcées l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, et l’interdiction de porter une arme pendant dix ans.

Détails du probatoire : la période de sursis probatoire est assortie d’un panel de mesures de contrôle médico-social : obligations de soin (notamment addictologie) et obligations de travail. Six d’entre-elleux écopent d’une inscription au FIJAIT.

Florian – 5 ans dont 30 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Simon – 4 ans dont 25 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

William – 3 ans dont 20 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

Camille – 3 ans dont 2 ans avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Manuel – 3 ans dont 15 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 11 mois de bracelet.

Bastien – 3 ans avec sursis probatoire.

Loïc – 2 ans de sursis simple. Pas d’inscription au FIJAIT.

Une volonté d’enterrer définitivement les inculpé.es

Plusieurs inculpé.es avaient commencé ce procès par des déclarations spontanées. Beaucoup ont témoigné avoir été « terrorisé.es » par cette procédure qui les a affaibli.es moralement et physiquement. Plusieurs ont déclaré devoir suivre un traitement depuis, et avoir développé des douleurs physiques somatiques.

Dans leurs mots de la fin, plusieurs ont également déclaré vouloir reprendre une vie normale, développer leurs projets d’autonomie, s’occuper de leurs ami.es en situation de handicap, retrouver leur santé d’avant la répression, devenir parent, tout en restant fier.es de leurs idéaux libertaires et souhaitant continuer à militer pour leurs causes.

Pourtant, le tribunal a décidé de les écraser encore plus que le PNAT. Des peines de prison ferme ont été ajoutées concernant quatre inculpé.es, là où le PNAT n’en demandait que pour Libre Flot. 

Le summum du sadisme est atteint avec les interdictions de communiquer. Plusieurs inculpé.es, au fil de l’instruction, avaient obtenu le droit de communiquer ensemble, donc il n’y a aucun intérêt d’ordre sécuritaire derrière cette décision punitive.

On pourrait y voir une forme de vengeance perverse, d’autant plus que certaines personnes ont beaucoup insisté sur les liens forts qui les unissaient, depuis parfois de très nombreuses années, sur le fait d’avoir des ami.es en commun et même, pour certains, des projets de vie conjoints.

La probable intention derrière ces interdictions est d’anticiper l’Appel, et ainsi d’empêcher encore une fois les inculpé.es et leurs proches d’organiser leur défense collectivement, de se remémorer ensemble les faits qu’on leur reproche, de travailler sur leur dossier en échangeant, etc.

Nous faisons face à une institution qui ne supporte pas que l’on s’oppose à elle, qui monte de toute pièce des « groupes » inexistants puis cherche par tous les moyens à isoler les personnes qu’elle réprime. Il n’y a évidemment aucune notion de Justice, ni même de sécurité, qui entrent en considération dans ces calculs, mais uniquement un projet politique d’écrasement des opposant.es. Il s’agit de les empêcher de se reconstruire entre pairs.

Rappel du réquisitoire

– Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme

– Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.

FIJAIT : terroristes à vie

La condamnation pour terrorisme et l’inscription au FIJAIT (Fichier des Auteurs d’Infractions Terroristes) constituent une condamnation à vie. L’antiterrorisme étant devenu le principal moteur des politiques militaro-sécuritaires, les lois évoluent à chaque fait divers, tandis que la notion de « terrorisme » s’élargit en permanence.

Concrètement, l’inscription au FIJAIT dure 20 ans après la condamnation, il empêche l’exercice d’un certain nombre d’emplois. Pendant 10 ans, toute personne au FIJAIT doit pointer tous les trois mois au commissariat, justifier de son domicile auprès de la préfecture et signaler chaque déplacement à l’étranger au minimum 15 jours avant son départ.

Le non-respect de ces règles peut entraîner 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

La loi sur le séparatisme a élargit l’inscription au FIJAIT au délit d’ « apologie du terrorisme » et nul doute que ce n’est que le début de l’offensive du pouvoir dans le but d’élargir le champ d’application de ce fichier et les obligations qui l’accompagnent.

Dans le contexte actuel d’extrême-droitisation de l’Europe, il est évident que les mesures administratives liberticides vont se multiplier et se durcir. Le développement d’une gouvernance antiterroriste s’accompagne d’un déploiement de la répression administrative. Cette répression se décide directement dans les bureaux du Ministère de l’Intérieur sans passer par l’institution judiciaire.

En suivant la logique de guerre sociale à l’oeuvre actuellement, on pourrait facilement imaginer que, dans les années à venir, les personnes fichées seront privées de droits sociaux (RSA) voir de moyens de transport collectifs (SNCF).

Dans un tel contexte, l’inscription au FIJAIT est une condamnation à vie qui aura des répercussions pour l’instant encore impossibles à mesurer. Elle plonge les camarades dans une incertitude et une vulnérabilité extrême face à l’avenir et à leur capacité à s’impliquer dans les mouvements sociaux.

APPEL de la décision de justice

Les six inculpé.es condamné.es à du sursis probatoire et à l’inscription au FIJAIT font appel de la décision de justice. Cinq d’entre elleux ont une peine ferme aménageable en bracelet électronique avec exécution provisoire (de 8 à 12 mois), ce qui signifie que l’appel n’est pas suspensif de leur peine.

Seul l’inculpé qui écope de 2 ans avec sursis simple sans inscription au FIJAIT ne fait pas appel.

Lors des rendez-vous avec la juge d’application des peines anti-terroriste (JAPAT) du 15 et du 22/01/24, cette dernière a décidé de suspendre la peine ferme aménageable en bracelet des cinq condamné.es concerné.es, considérant que l’appel est suspensif, malgré l’exécution provisoire requise. En temps normal, la mention d’exécution provisoire est ajoutée à la peine (prononcée ici par la juge Roux) pour empêcher justement que l’appel suspende la peine à exécuter.

Pour ce qui concerne les mesures prescrites par le sursis probatoire (obligation de soins, obligation de travailler) et l’interdiction de communiquer entre les inculpé.es, la mention d’exécution provisoire est maintenue par la juge d’application des peines.

Concrètement, aucun des 6 inculpé.es (faisant appel) n’aura l’obligation de porter un bracelet électronique pour le moment. 

Tout dépend maintenant du résultat de l’appel, qui peut avoir lieu dans environ 12-15 mois, voire plus :

– Relaxe ou peine correspondant à la détention provisoire déjà effectuée : pas de nouvelle peine de prison

– Confirmation du verdict du 22 décembre 2023 : entre 8 et 12 mois de bracelet pour les inculpé.es

– Ou alors, dans le pire des cas, la peine prononcée peut être encore plus lourde… (notamment avec mandat de dépôt)

Gardes à vue antiterroristes. Comment les biais psychologiques induisent de « faux aveux ».

Un petit groupe de personnes avec des compétences diverses, professionnelles ou pas, autour du traumatisme psychologique et des effets psychologiques de la violence, a été sollicité pour prendre connaissance des témoignages d’interpellations et de gardes à vue de plusieurs des mis·es en cause de l’affaire dite du 8 décembre 2020 (7 personnes accusées d’association de malfaiteurs terroristes d’ultragauche). Au delà des expériences individuelles, ces témoignages laissent apparaître des méthodologies qui nous questionnent fortement sur le crédit qui peut être apporté à des informations obtenues lors de garde à vues longues et éprouvantes dans les locaux de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) et de la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT). Voici les analyses qui sous-tendent ces questionnements.

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MARDI 3 OCTOBRE

En passant

03/10

En début de séance la juge rappelle les règles et précise qu’elle ne manquera pas de faire usage de ses pouvoirs pour faire respecter « la sérénité des débats » en faisant sortir des personnes du public s’il le faut (ce qu’elle fera plus tard lors de la première levée de séance)

Puis les avocats ont fait des demandes et soulevé des points de droit sur la question des témoins.

Deux témoins de C (une sur la personnalité et un sur le fond) étaient présent.es dans la salle, leur identité a été vérifiée et il leur a été demandé de revenir à partir du 17 octobre. Iels ne pourront pas assister aux débats jusque là.

Le parquet a fait citer M. Barrot, l’expert en explosifs, qui devrait témoigner le 10 octobre.

Demande à été faite de faire citer trois agents de la DGSI par la défense. Un huissier a tenté d’aller porter la convocation de l’un.e d’entre-eux à la DGSI et s’est vu refuser l’entrée car il n’avait pas l’identité précise de l’intéressé.e, ce qui est logique étant donné qu’iels n’apparaissent que sous numéro de matricule dans le dossier.

Les deux autres n’ont pas répondu à la demande de comparution.

La défense a vivement formulé la demande de mettre les moyens pour faire comparaitre ces enquêteurs, car dans ce dossier apparaissent de nombreux procès-verbaux anonymes, dont on ne connaît pas l’origine, imprécis, avec de nombreuses erreurs de retranscription, qui laissent place à des interprétations, ce qui jette le doute s’agissant de leur loyauté. 

Il est nécessaire que le débat ait lieu sinon cela constitue une atteinte grave aux droits de la défense. La défense demande le renvoi du procès pour cette raison.

D’autres témoins ont été demandé à être cités : pour F, M. E qui n’est pas disponible, et trois autres : M. B. et M. G sur des questions géopolitiques sur le Rojava, ainsi qu’un autre sur l’isolement carcéral.

Pour S, il s’agit d’un collègue artificier, M. R (nous conserverons ici leur anonymat).

Puis l’identité et la situation socio-professionnelle de chaque prévenu.e ont été passées en revue, leurs droits pendant le procès ont été énoncés, ainsi que les chefs d’inculpation les concernant. 

Une autre demande de renvoi a également été demandée par la défense. Elle concerne l’appel de la décision du CNCTR qui n’est pas encore tombée. Une requête a été déposée au Conseil d’Etat le 17 juillet 2023. (CNCTR = instance qui vérifie la légalité des techniques de surveillance). 

Dans ce dossier, cela concerne l’espionnage avant le rapport de judiciarisation du 7 février 2020. La première instance (Conseil Constitutionnel) avait dit que le droit avait été respecté. Pour le moment, aucune date de rendu n’est connue s’agissant du recours devant le Conseil d’Etat.

Tous.tes les avocat.es de la défense s’associent à cette demande.

Le procureur prend la parole, évoque des procédures « dilatoires » dans le but de retarder le procès et parle des éléments non retenus dans cette procédure : le départ en Colombie d’un des prévenu et un hypothétique projet d’attentat contre le Consulat de Turquie pour un autre. Le CNCTR a déjà rendu son avis, le procureur estime donc qu’il n’est pas besoin d’attendre l’appel pour statuer sur cette affaire.

La défense rappelle que dans le réquisitoire l’accusation concernant la Colombie est maintenue, que le rapport de judiciarisation n’est pas si fiable. Le procureur répond que c’est faux.

Pause pour délibérer pendant 1h30

Rendu : refus de repousser le procès après l’appel du CNCTR et refus d’aller chercher les enquêteurs de la DGSI pour les citer comme témoins.

Sur la légalité des surveillance, la juge répond qu’il n’y a pas de nouveaux éléments apportés. Pour les témoins, que c’est leur choix de ne pas comparaître. Certes le refus de la DGSI de laisser entrer l’huissier pour faire comparaître l’un des agent est un écueil, mais les délais étaient trop courts et il fallait s’y prendre plus tôt.

Demande de copie de scellés : 

– Demande de restitution d’un disque dur appartenant à  FD, dont on a appris cet été que la DGSI avait « malencontreusement » effacé le contenu.

– Demande des sonorisations manquantes et des auditions de GAV de toustes les prévenu.es pour vérifier leurs contenus, comme pour le cas d’un prévenu pour lequel des erreurs manifestes ont été constatées dans la retranscription des échanges. 

– Demande de la défense concernant SG des sonorisations du camion et des écoutes téléphoniques. Certains fichiers ou parties de fichiers n’ont pas été versés au dossier au motif de « préserver la vie privée des concerné.es »(sic).

Arguments du procureur : 

– Ce n’est plus le moment de faire ces demandes, pour les sonorisations manquantes, les sonorisations ont été envoyées aux avocat.es et iels n’ont pas contesté tout de suite pour celles qui manquent.

– Les auditions de gav ne seraient que sur consultation, à condition qu’il y ai contestation du PV, mais dans le cas de FD par exemple, étant donné qu’il a gardé le silence tout le long de sa GAV, cela peut pas être contesté.

– Demande de refus partiel, le ministère public donne son accord pour les communications téléphoniques manquantes et pour une séquence dont le numéro a changé au cours de la procédure, mais pour le reste, qui concerne l’ensemble des sonorisations, il émet un refus.

Le procureur évoque un article publié sur les réseaux sociaux qui contient des PV (anonymisé mais tels quels)

La défense rappelle le cas du proces de Viry-Châtillon, où la défense a reçu une vidéo entre l’audience en première instance et l’appel, qui a fait tomber les lourdes charges dont étaient accusés plusieurs des prévenus.

pause 30min (délibèré)

Rendu :  le tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire de statuer ce jour. 

Le mot du jour est « di-la-toi-re », que le ministère publique a utilisé à trois reprises à propos de la défense. Dilatoire signifie que la défense tente de repousser le procès, et fait de multiples demandes de renvoi pour gagner du temps.

Puis vient le rapport d’audience : chronologie des faits et des moyens de surveillance mis en place.

Un retour est fait sur les GAV : qui a répondu ou pas et à quel moment (début ou fin), quelles ont été les décisions du Juge des Libertés et de la Détention, quelles ont été les durées des incarcérations et la nature des contrôles judiciaires, les nouvelles convocations. Sont cités les noms des membres de l’association « La passion des Amies », 

Sont mentionnés le refus de certain.es proches auditionné.es de se présenter à la DGSI par une lettre en dénonçant les pratiques, l’expertise sur les explosifs et les armes, les interrogatoires, l’analyse des supports cryptés, les contentieux sur la détention. 

Mentionné également la libération de FD suite à sa grève de la faim, la demande de récupération des de scellés, le réquisitoire définitif, et l’audience de fixation. 

Puis la juge lit la longue liste des objets recueillis lors des perquisitions, des objets décoratifs aux piles et fils électriques, des bouquins aux armes. C’est soporifique, la greffière s’endort. 

Ce qui se passe en ce moment…

Mis en avant

Le procès s’est tenu du 3 au 27 octobre 2023. Le délibéré a été rendu le 22 décembre 2023.

Voici le compte rendu de cette journée : ICI

PEINES délibéré procès

Le verdict est tranchant et plus sévère pour la plupart que les réquisitions du PNAT. Tous.tes sont reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».

Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont plusieurs mois de sursis probatoire (de 15 à 30 mois). Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es (aménageables en prison à domicile sous bracelet électronique). Iels devront effectuer entre 8 à 12 mois de bracelet.

L’inscription au FIJAIT (20 ans) est actée pour tout le monde sauf pour un inculpé, « au vu de sa personnalité », autrement dit, le moins militant.

Sont également prononcées l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, et l’interdiction de porter une arme pendant dix ans.

Détails du probatoire : la période de sursis probatoire est assortie d’un panel de mesures de contrôle médico-social : obligations de soin (notamment addictologie) et obligations de travail. Six d’entre-elleux écopent d’une inscription au FIJAIT.

Florian – 5 ans dont 30 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Simon – 4 ans dont 25 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

William – 3 ans dont 20 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

Camille – 3 ans dont 2 ans avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Manuel – 3 ans dont 15 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 11 mois de bracelet.

Bastien – 3 ans avec sursis probatoire.

Loïc – 2 ans de sursis simple. Pas d’inscription au FIJAIT.

APPEL de la décision de justice

Les six inculpé.es condamné.es à du sursis probatoire et à l’inscription au FIJAIT font appel de la décision de justice. Cinq d’entre elleux ont une peine ferme aménageable en bracelet électronique avec exécution provisoire (de 8 à 12 mois), ce qui signifie que l’appel n’est pas suspensif de leur peine.

Seul l’inculpé qui écope de 2 ans avec sursis simple sans inscription au FIJAIT ne fait pas appel.

Lors des rendez-vous avec la juge d’application des peines anti-terroriste (JAPAT) du 15 et du 22/01/24, cette dernière a décidé de suspendre la peine ferme aménageable en bracelet des cinq condamné.es concerné.es, considérant que l’appel est suspensif, malgré l’exécution provisoire requise. En temps normal, la mention d’exécution provisoire est ajoutée à la peine (prononcée ici par la juge Roux) pour empêcher justement que l’appel suspende la peine à exécuter.

Pour ce qui concerne les mesures prescrites par le sursis probatoire (obligation de soins, obligation de travailler) et l’interdiction de communiquer entre les inculpé.es, la mention d’exécution provisoire est maintenue par la juge d’application des peines.

Concrètement, aucun des 6 inculpé.es (faisant appel) n’aura l’obligation de porter un bracelet électronique pour le moment. 

Tout dépend maintenant du résultat de l’appel, qui peut avoir lieu dans environ 12-15 mois, voire plus :

– Relaxe ou peine correspondant à la détention provisoire déjà effectuée : pas de nouvelle peine de prison

– Confirmation du verdict du 22 décembre 2023 : entre 8 et 12 mois de bracelet pour les inculpé.es

– Ou alors, dans le pire des cas, la peine prononcée peut être encore plus lourde… (notamment avec mandat de dépôt)

Le procès (du 3 au 27 octobre 2023) : LIRE LES COMPTES RENDUS COMPLETS ICI

LE PROCES EN IMAGES….

La Chronique du procès par Au poste et Lundimatin

Dessin par : Crayon de luttes

Appel à rassemblement le 27 octobre à 11h en solidarité avec les inculpé.es du 8 décembre et contre la mascarade de la justice antiterro

Le 27 octobre sera le dernier jour des 4 semaines de procès.

Pour les prevenu.es il faut souvent tenir une journée entière à attendre son tour et quand il vient, passer des heures à s’accrocher à la barre pour ne pas s’effondrer de fatigue, à trouver les mots justes, garder confiance en soi face aux questions menaçantes qui fusent dans tous les sens.

Ce sentiment de mépris. De ces 2 mondes qui n’ont rien en commun, qui s’opposent et qui se retrouvent projetés dans un face à face inégal.

Le proc qui accuse la défense de faire du dilatoire mais qui va reposer les même questions aux prevenu.es que la juge 5 minutes avant. Parce qu’il n’écoute pas, affichant ouvertement son mépris pour les prévenu.es, les temoins et les soutiens qu’il traque du regard dans la salle. 

Ce sentiment de ne pas être écoutés, de devoir répéter inlassablement les mêmes choses, a été exprimé de nombreuses fois à la barre.

Les fouilles, systématiques à chaque entrée dans la salle. Les flics armés, en permanence autour ou dans la salle, qui surveillent les chocolats qu’on se glisse entre les bancs. Le tribunal est comme une salle de classe que la maitresse voudrait bien ordonnée, sage comme une image et sérieuse sans jamais faire de vagues. C’est humainement impossible. 

Depuis 3 semaines c’est une salle constamment pleine de soutiens qui envoient des vagues de chaleur discrètes, des petits remous, des éclats de rires collectifs…

C’est des potes qui distribuent les casse croute à la pause et qui attendent patiement la fin pour souffler un coup. C’est les copaines qui prennent des notes et celleux qui les retranscrivent sur les blogs et les internets. 

Nous remercions toutes celleux qui nous entourent, qui apportent leur soutien sous des formes bien diverses et multiples. Qui aident sans aucun doute les prevenu.es à tenir jusqu’au bout. Cette solidarité immense, la justice préférerait ne pas la voir et la faire taire. Un immense merci aux temoins qui sont venus recontextualliser la guerre civile contre les kurdes, le chiffrement sur internet, la passion des artifices et celle de l’engagement militant, la torture qu’est l’isolement carcéral. 

Le vendredi 27 octobre nous invitons toutes celles et ceux qui le peuvent à nous rejoindre dés 11h devant le TGI, porte de clichy. Toutes formes d’expression de soutien sont bienvenues: prise de parole, chorales revolutionnaires, banderoles, tract, son…

Contre l’antiterrorisme et son monde !

ZADistes, féministes, antifascistes, anticapitalistes, antiracistes, anarcho-punk campagnard.es nous sommes tous·tes concerné·es !

NE NOUS LAISSONS PAS ANTI-TERRORISER !

SOLIDARITÉ AVEC LES INCULPÉ·ES DU 8 DÉCEMBRE !

LES PRISES DE PAROLES DU RASSEMBLEMENT SONT ICI

Procès

MARDI 3 OCTOBRE

MERCREDI 4 OCTOBRE

JEUDI 5 OCTOBRE

VENDREDI 6 OCTOBRE

MARDI 10 OCTOBRE

MERCREDI 11 OCTOBRE

JEUDI 12 OCTOBRE

VENDREDI 13 OCTOBRE

MARDI 17 OCTOBRE

MERCREDI 18 OCTOBRE

JEUDI 19 OCTOBRE

VENDREDI 20 OCTOBRE

MARDI 24 OCTOBRE

MERCREDI 25 OCTOBRE

JEUDI 26 OCTOBRE

VENDREDI 27 OCTOBRE

VENDREDI 27 OCTOBRE

13h40, reprise de l’audience.

MATEO BONAGLIA (BASTIEN)

Nous avons eu une longue procédure administrative, une longue procédure judiciaire, avec un spectre : la résurgence du terrorisme d’ultra-gauche.

On nous dit : « Si F. n’avait pas été arrêté, peut-être, un jour, il se serait probablement passé un acte potentiel ».

Je ne vais pas défendre F., parce que mes consœurs et confrères le feront très bien, et parce que sinon le parquet nous dira que nous faisons bloc derrière « le camarade F. ».

Tout cette procédure est d’une grande violence pour B. 

La peine est infâmante. Infâmante par proximité, par capillarité.

On nous dit : « Voilà des gauchistes incapables de la moindre distance avec la violence politique, qui n’attendent qu’une chose, une personne, pour pouvoir s’y engouffrer ».

C’est violent également car quand mon client conteste les modalités de recueil de ses paroles par la DGSI – cette parole dont on nous dit dès la première année de droit qu’il nous faut nous en méfier – quand on la conteste, alors on nous dit qu’on instrumentalise.

Pourquoi B. est un malfaiteur terroriste ? Parce qu’il aurait dû deviner qu’il y avait un hypothétique passage à l’acte supposé ? 

« Non, non, non. », nous dit le PNAT. « C’est avéré. Pas dans les enregistrements. Mais dans les paroles des agents de la DGSI. Et si vous avez un doute, regardez les brochures ! Et puis à peine le confinement levé, il se précipite dans une armurerie pour acheter une arme avec son permis de chasse ! Et puis il y a le « Djihad des classes » ! »

N’en jetez plus, la culpabilité est pleine et avérée !

L’accusation se contente de peu.

C’est exact que l’information judiciaire a montré des comportements « limites ». Et c’est tout à fait exact que les faits sont reconnus.

B. reconnait avoir fait des explosifs. Et il n’a pas attendu la DGSI et le PNAT pour arrêter.

Ce que conteste B., c’est le récit de l’accusation.

Parce que c’est d’une grande malhonnêteté intellectuelle de dire qu’il s’agit d’une instrumentalisation de la défense.

Les actes, sans le récit, ne sont que ce qu’ils sont : un vol, des armes et la fabrication d’explosifs.

On colore les actions par les opinions a posteriori.

« La recherche de la vérité se base sur des preuves » : il est bienheureux que le PNAT le rappelle !

Mais ici, on n’a que des potentialités : il va falloir les démontrer !

B. ne connait pas F. avant le confinement. 

Elle est quand même extrêmement contagieuse cette velléité de F. Je m’inquiète pour moi-même, qui vient de passer un mois avec lui, ne vais-je pas me précipiter pour m’en prendre à un représentant des forces de l’ordre en sortant du tribunal ? Rassurez-vous…

L’AMT débouche de l’interprétation magique des faits passibles du tribunal correctionnel.

L’agenda politique permet d’interroger la notion de terrorisme.

La marque d’une démocratie c’est de pointer les biais d’interprétation.

Et ici au aurait un complot judéo-bolcho-gaucho-maçonnique !

On voudrait vous pousser à suivre une fausse lecture faite par l’accusation.

La défense va se concentrer maintenant à pointer les différentes lacunes et les nombreuses interprétations dans le dossier concernant B.

Ce qui relève du lapsus d’abord, et qu’on laissera pour ce qu’il est : le procureur parle de « tourisme » pour dire « terrorisme ».

Ce qui relève de l’erreur de la procédure ensuite, et doit être entendu :

    – dans l’exploitation du téléphone de B. : s’agissant de l’application Signal, les techniciens ont trouvé 54 captures d’écran, lesquelles, dans les mains des fonctionnaires de la DGSI, deviennent alors « aucun échange sur Signal ». C’est une carence conséquente, quand on sait que les accusations sont en partie basées sur l’usage de cette application.

    – B. n’aurait jamais évoqué sa consommation d’alcool, il aurait fallu attendre une défense collective pour que cela apparaisse, or c’est faux. On en a d’autres mentions dans ce dossier.

Ce qui relève du biais enfin, et qu’il faut entendre comme des préjugés, des contournements, qui nous éloignent de la vérité : 

    – lors de la perquisition de Cubjac, un fonctionnaire de police trouve un carnet placé dans l’isolation ; tout à son empressement, il note « carnet note manuscrite, mouvance ultra-gauche ». Étonnant de voir que quand un autre fonctionnaire l’exploite, il s’avère que c’est le carnet d’un gendarme !

    – l’expert en explosifs nous explique, sur la base d’une mauvaise sonorisation, que ce sont des explosifs très difficiles à faire, qu’il n’a jamais vu ça sur le territoire français, qu’il faut nécessairement avoir des contacts à l’étranger pour y parvenir. Le biais c’est d’apprendre qu’en réalité ça n’est pas compliqué. Et que ça fait boum, même si c’est mal fait ! C’est un biais de l’investigation, il faut l’écarter d’un revers de main. En « source ouverte » – elle est drôle l’utilisation de cette notion, c’est comme si c’était un peu mystérieux, en fait ça veut dire « Google », ou ici « YouTube » – quand vous tapez « ANSU », vous trouvez de nombreuses vidéos décrivant la fabrication de ce mélange, particulièrement dans le milieu agricole.

    – Les billes de plomb retrouvées : selon l’expert, ajoutées au mélange, cela serait susceptible de faire des dégâts humains considérables. Sauf que c’est un raccourci malhonnête, parce qu’elles n’ont pas été retrouvées au même endroit. Elles ont été retrouvées à leur place, à côté de l’arme, parfaitement entretenue, pour lesquelles elles sont faites.

    – quand on nous dit « le PDF sur l’anarchie a été retrouvé dans un dossier projet », on omet de dire que dans ce dossier il y a aussi de nombreuses photos de famille.

    – quand on dit B. savait ce qu’il faisait, qu’il avait une brochure sur la justice antiterroriste, qu’il était préparé à la GAV, c’est fallacieux. N’importe quel trotskiste de première année s’en serait mieux sorti que lui en GAV, il n’a pas gardé le silence, il a refusé de voir le médecin, il a donné ses codes de téléphone et son ADN ! Il a parlé, face aux suggestions des interrogateurs de la DGSI, avec l’idée de s’en sortir le plus vite possible. Il conteste ce qu’il a dit en GAV, et on cite tout le temps les GAV !

    – on trouve également un biais idéologique dans ce dossier : dès février 2020, le PNAT est destinataire d’un document de la DGSI « mouvance ultra-gauche radicale » : c’est une compétition de superlatifs.

A écouter le PNAT, la DGSI et Darmanin, la contestation institutionnelle, dans l’arc républicain, ce serait le Parti Socialiste ; la contestation institutionnelle hors de l’arc républicain, ce serait la France Insoumise. Mais là, comme on n’est jamais avare de superlatifs, on parle « d’ultra-gauche radicale’ !

Cette note de la DGSI se poursuit : ces « activistes français ont un « leader », ayant combattu au Rojava auprès des YPG, considéré par la Turquie comme des terroristes ». Se référer aux qualifications utilisées par la Turquie, sérieusement ? Un état oppressif, qui a limogé 4000 juges et magistrats pour contestation, c’est ça l’indicateur fiable de la DGSI pour déterminer ce qui relève du terrorisme sur le territoire français ?

« Iels n’ont aucune cible, mais un passage à l’acte violent, conforme à leurs idées, n’est pas exclu. » : voilà pourquoi il a fallu trois heures au Proc pour essayer de nous en convaincre !

Sans la filiation avec Action Directe, le PNAT est bien en peine pour qualifier la potentialité !

Et ce ne sont que quelques PDF qui viendraient changer les choses ? Ce sont des brochures sur le polyamour et sur le crochetage de serrures ?

Je n’irai pas jusqu’à affirmer que l’accusation est nostalgique des années de plomb, mais le PNAT érige ici la contestation sociale en tant « qu’ennemi intérieur ». Vous allez devoir faire attention. L’ennemi intérieur ici ce serait une cooptation entre des zadistes, des féminisites, des écolos, un ultra-jaune et un combattant du Rojava.

Il faut rappeler que la DGSI et le PNAT sont les courroies de transmission du pouvoir politique.

Ce qui caractérise l’AMT : la DGSI aurait-elle l’exclusivité de la désignation de ce qu’est l’AMT et serait la seule à pouvoir la définir ?

« Il faut en finir avec le fantasme de la persécution » dit le Procureur.

Il s’agit ici de permettre la critique. La justice se doit de contrôler ce qu’est une justice d’exception et policière.

Isabelle Sommier, chercheuse au CNRS – qui n’est pas un haut lieu de l’ultra-gauche ! – exprime les mêmes craintes que nous s’agissant de la criminalisation de la critique des institutions et de l’Etat. Dans un article du 16 décembre 2020, elle appelle à la prudence : « Ce coup de filet arrive à point nommé, en pleine discussion à l’Assemblée nationale autour de la loi « Sécurité globale ». Attention, il faut être très prudent.es lorsqu’on agite cette menace ! ».

Si toute pensée contestataire peut désormais être qualifiée de terroriste, alors mesdames les juges, vous allez crouler sous les dossiers de terrorisme d’ultra-gauche !

On fait de F. une figure quasi christique, il réunirait ses apôtres, pour les armer. Pourtant ici tout est flou.

Les prévenu.es ont plutôt semblé convaincu.es d’un effondrement dans un avenir proche, iels ont perçu la police comme étant une alliée du fascisme, dont au pire il fallait se défendre, et face à laquelle il était nécessaire de s’organiser, par solidarité. Les faits prennent place en pleine crise du Covid. Et c’est cela qui ressort des discussions. 

Plus iels sont bourré.es, plus il y a onanisme intellectuel dans leurs discussions, et plus la DGSI a cru à une attaque potentielle.

S’agissant de la seconde discussion, après le départ de Camille, elle a été utilisée à tort et à travers par l’accusation. Son objet n’est pas de trouver des armes, son objet est « comment on s’organise si les fachos arrivent au pouvoir ». Dans n’importe quel bar, aux 4 coins du pays, on peut entendre ce genre de discussion.

La somme de pas grand chose, avec une lecture postérieure de la DGSI, c’est cela qui donne l’AMT.

Moi, la nature terroriste du groupe, je la cherche encore.

Pour B., ce qui lui est reproché n’est pas clair, y compris pour les juges : 

    – « se former militairement » : où ça ? Sauf peut-être avec les parents de Will ?

    – « survivalisme » ? Nous préférons parler de la recherche d’autonomie par l’acquisition d’un terrain.

Ils parlent de réquisition de maisons bourgeoises, ce sont les plus motivés pour acheter ensemble un terrain (B., W. et L.), ils travaillent à un montage financier pour ça, leurs parents en ont témoigné.

On dit : « Il y a contradiction entre défense de la cause animale et permis de chasse » : B. a passé son permis de chasse avant de rencontrer le « dangereux leader » F., il n’a pas d’intérêt pour les armes de catégories B, plutôt pour les armes de catégories C. Il est méticuleux et soigné avec ses armes, il prend la sécurité très au sérieux. Elles sont toutes parfaitement entretenues, et très bien rangées. S’il a toujours été dégoutté par la chasse sportive, il a toujours dit qu’il était en accord avec une chasse éthique, dans le cadre de l’autonomie liée à l’acquisition d’un terrain. Quant à ses entrainements au stand de tir, ils sont légaux !

S’il y a un projet d’atteinte à la sécurité de l’Etat, reposant sur la possession d’une carabine 3 coups et des mousquets, ce n’est vraiment pas gagné !

Sur la question de la volonté de F. de les recruter : c’est une suggestion de l’enquêteur de la DGSI lors de son 5ème interrogatoire. B. va s’y engouffrer, pensant ainsi pouvoir mettre fin à son calvaire.

Et puis, quelle volonté de F. est apparue ?

Dans l’arbitrage que vous devrez faire, choisissez les paroles qu’il a tenues devant vous.

L’airsoft a suffisamment été plaidé ici. C’est dans le cadre d’un moment ludique, il est à peu près clair pour tout le monde que tout cela a tourné à la franche rigolade.

S’agissant des explosifs : il est heureux que ces bras cassés n’aient pas perdu une main !

L’aide apportée à F. pour acquérir une arme ? Cette arme n’a jamais été rétrocédée. Pourquoi, si le but réel était bien de s’armer, cette arme ne lui a-t-elle pas été rendue plus tôt ? Elle a été retrouvée en perquisition chez B.

Quant au cryptage, il ne peut être retenu parce qu’il n’a pas été exploité.

Enfin, il n’y a aucune connaissance d’un éventuel projet de F.

Les déclarations en GAV seraient supérieures à celles tenues devant ce tribunal ? Ne faites pas comme l’accusation qui ne souffre pas la défense, et n’a jamais douté de la DGSI.

Vous ne pouvez pas détourner les yeux des conditions de GAV. Ce ne sont pas des larmes de crocodile ! Elles sont inhérentes au chef d’inculpation terroriste et aux conditions de recueil de la parole.

B. a été adressé à un psychiatre qui a conclu que, indépendamment du contenu même de ces déclarations, si les conditions de la GAV décrites sont exactes, alors il tend à douter sérieusement de la véracité de propos obtenus dans de telles conditions.

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dans un rapport sur les biais des gardes à vue, et plus précisément sur les GAV anti-terroristes, alerte elle aussi sur la possibilité de déclenchement d’un choc traumatique, lié aux conditions de détention : cellules aseptisées et déshumanisantes, seuls interlocuteurs armés, violation de l’intimité lors des douches aux parois vitrées et sous le regard constant d’agents, transport au vu et su de toustes, avec un sac sur la tête.

Vous comprendrez alors les réactions de B. en GAV, et le fait qu’il ait cherché à dire ce qui était attendu par la DGSI.

Vous le relaxerez de l’AMT. Il reconnaît la fabrication d’explosifs, ce fait n’est pas contesté, mais pas en bande organisée. Et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire afin qu’il puisse continuer le tir sportif. Les conditions pour qu’il puisse continuer à posséder une arme sont réunies.

CAMILLE SOULEIL-BALDUCCI (SIMON)

Que retiendrez-vous de ces quatre semaines ? De ces longues réquisitions ?

Où est ce projet ? Où est le passage à l’acte ?

Ils n’étaient « pas à exclure », et néanmoins ils n’étaient pas établis après Paulnay. On n’avait pas besoin d’attendre l’expert ! On le sait depuis avril 2020. On sait qu’il y a des discussions. Tout est déjà retranscrit depuis février 2020.

La DGSI à ce moment-là nous dit : « aucun projet défini ». Et maintenant on nous dit que Paulnay démontre un projet !

Huit mois d’information judiciaire. Qu’en résulte-t-il  de plus précis ? Rien !

Force est de constater qu’après les réquisitions, on n’est pas plus avancé.es.

Pour le procureur, le but ici serait « d’importer la guérilla ». F. est porteur d’un projet. Puis on a glissé : il n’y a plus « un projet », mais des projets d’actions violentes ou mortifères. A quel moment dans le dossier on a constaté un passage à l’acte ?

Il faut s’y résoudre, cette procédure n’a débouché sur rien.

Nous ne faisons pas ici le procès de la DGSI.

Ce n’est pas elle qui est sur ce banc, pas elle qui a été humiliée, pas elle qu’on interroge sur ses idées, ses valeurs, ses opinions… Ce n’est pas elle qui a vécu ces trois années terribles, qui a été incarcérée, qui a été isolée, qui a souffert.

Il est vrai que nous nourrissons à l’égard de cette procédure des critiques féroces et sérieuses. Elle méconnait gravement les principes du contradictoire, de l’égalité des armes.

On nous a dit « point Godwin » au sujet de l’article 6 de la CEDH : cela me met en colère ! Ce texte a vocation à asseoir le Droit humain. 

Cela montre – hélas ! – qu’il est loin le jour où la défense et l’accusation seront à armes égales.

Cette procédure est à charge, il s’agit d’un procès déloyal dans l’administration de la preuve.

Ce procès ne repose que sur la défiance.

Contre F. d’abord. Comme si le Rojava était transposable ici.

Défiance à l’égard de toustes les autres, lié.es par amitié, par leurs idées de gauche, présentées comme « extrêmes », « ultra »…, qui nourrissent des critiques à l’égard du monde, et tentent d’y répondre par des solutions politiques, dont toute société a besoin pour débattre et grandir.

Défiance à l’égard des juges, à qui il reviendra de statuer. On leur avait réservé les Assises !

Vous serez arbitres, mais on biaise les règles. On vous donne des miettes, un dossier incomplet, pour aller dans le sens de l’enquête. On vous prend par la main, à l’image de cet expert à qui on a souligné des passages à lire. Vous devez sortir de ces lignes toutes tracées par le Ministère public.

La charge la plus importante, ce n’est pas l’ANFO, ce n’est pas le TATP. La charge la plus importante, c’est l’enquête. Elle est l’endroit où se logent les déloyautés : l’infime quantité des retranscriptions, où l’on fait dire aux mots ce qu’ils ne signifient pas, la suppression de la vidéo, les perquisitions…

Selon l’article 706-95-18 de la procédure pénale, il y a une obligation à « transcrire les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité », et non uniquement les éléments à charge. Pour S., on a 5% de ce qu’il a dit. 26 conversations retenues sur 600 enregistrées. 50 et quelques sur les 999 enregistrements de la sonorisation du cabanon.

Dans ces sonorisations, il n’y a pas de discussion de plus de trois phrases. 

Comment comprendre ce qui s’y dit vraiment quand on nous en donne un part si congrue ? Comment s’en satisfaire ?

Ce procédé, il doit vous interpeller.

Prenons l’affaire de Viry-Chatillon, où les prévenus ont finalement été acquittés. L’ancienne procureure générale de Paris déclarait : « Avoir fait une sélection a été de nature à décrédibiliser l’enquête. La question sera de savoir si les retranscriptions sont à ce point réduites qu’elles en deviennent mensongères ».

Ce qu’on vous transmet ne suffit pas.

La procureure nous a dit : « Pour tout comprendre, il faut prendre le tout » ; nous sommes bien d’accord.

Surtout quand ce « tout » résiderait uniquement dans l’intention.

On nous cite des morceaux, des bribes de conversation, une phrase, pour prouver une conspiration. Une phrase isolée de son contexte ne veut rien dire !

On nous dit : « Ça suffit cette excuse de l’ivresse ». On vient diffuser un morceau de conversation, en prétendant qu’ils n’auraient pas une élocution altérée ? Et le bruit de la bouteille de vin qui fait glouglou en fin de conversation ? On ne diffuse pas le passage ou S. et F. chantent en chœur du Johnny Halliday. Quand deux punks en viennent à chanter Johnny !!!…(RIRES)

Il faut prendre les phrases dans leur contexte.

J’en passe. Vous avez compris.

Vous ne pourrez pas juger sans comprendre leur langage. Parler, ici, c’est un divertissement. On fait tous ça. A quoi passe-t-on notre temps ? A parler ! Le but n’est rien d’autre qu’entretenir la conversation.

Après Jakobson, on peut aller plus loin. Erving Goffman, lorsqu’il étudie les « small talk », qu’est-ce qu’il nous dit ? Accrochez-vous, Jakobson, c’était facile ! Il met en avant que dans l’interaction sociale qu’est le langage, le dévoilement n’est pas forcément authentique, ni même sincère, parce qu’on ne dévoile que ce que l’on croit positif pour l’autre. Le dévoilement est parfois un voilement. Les paroles, les interactions sociales ont tant de sens, tant de sincérités. Évidemment qu’ils ne vont pas parler de pavillons ou de PMA mais, puisqu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps, ils vont parler de leur avant : des propos politiques. Ce qu’on peut tirer des paroles et des mots, c’est uniquement des paroles et des mots.

Comment aurait-on traité dans ce tribunal les propos suivants : « C’est un usage bien établi, dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. En voyant ces braves pandores à deux doigts de succomber, moi j’bichais, car je les adore sous la forme de macchabés ». Ces mots sont ceux de Georges Brassens, grand prix de poésie de l’Académie française.

Arrêtons de nous offusquer pour des mots !

Ce n’est pas notre seule critique s’agissant de cette enquête.

Dans ce dossier, nous faisons face à quelques éléments administratifs à la chronologie mystérieuse.

On découvre le terrain de Paulnay le 10 février 2020. On diligente une enquête fiscale pour vérifier à quel point F. en est propriétaire. 

Toutes ces réquisitions sont sous scellés. On n’a rien dans ce dossier ! Il faut faire des demandes d’actes pour obtenir les éléments de la procédure ! On demande.

Ce qui nous gêne dans cette demande, c’est la date de la réponse de l’administration, le 11 février 2020, pour le document imprimé.

On a un PV du 10 février 2020 pour une demande qui est faite le 11 février… Le terrain de Paulnay est sonorisé grâce à cette information, et le PV est antérieur à l’information. 

Le 12 février, ils savent déjà ce qu’est ce terrain, ils l’ont repéré.

Et la DGSI nous dit « il nous paraît probable que ce terrain puisse servir aux explosifs et aux entrainements ». Comment fait la DGSI ????

Dans ce dossier, la casquette de la DGSI n’a jamais été ôtée.

La chambre d’instruction nous dit : « Pas de problème, le dossier peut ne pas être lu par nous ou vous. »cad que certaines demandes du dossier n’y figure pas, la DGSI peut contacter des organismes et recevoir des réponses sans que cela apparaisse au dossier. 

Comment accepter qu’une partie du dossier nous soit cachée ?

Et sur la vidéo de Paulnay : qui bande les yeux de ce tribunal ?

La séquence vidéo dure du 13 au 17 février 2020. Elle permet de signaler les présences des prévenus. Sauf que son placement sous scellés ne se fait pas. Plus grave, la séquence ne sera placée sous scellés que le 23 novembre 2020, soit quatre jours après qu’ait été lancée l’opération visant à l’interpellation.

Pourquoi le juge Herbaut n’a pas la vidéo dans son dossier ? On ne fait pas de copie. On ne fait pas de transcription. Alors qu’on en a l’obligation ! Et en prime on efface la vidéo…

Il en a fallu de l’énergie du côté de la défense pour obtenir des réponses. On fait des demandes en juin 2022, puis en septembre. De qui se moque-t-on ?

Celui qui a effacé la vidéo, c’est celui-là même qui va répondre au juge d’instruction pour dire ce qui s’est passé : un effacement non intentionnel.

Ce n’est pas satisfaisant ! Ni pour nous, ni pour vous !

Sur l’absence des deux agents de la DGSI à l’audience : ce n’est pas pour rien que nous avons demandé leur présence. Iels sont à l’origine de l’écrasante majorité des PV de l’enquête, et à l’origine de ce PV sur la vidéo de Paulnay. On veut remplir les vides !

– Comment fait-on pour écrire un PV de renseignement avec des renseignements qu’on n’a pas encore demandés ?

– Pourquoi on détruit l’engrais retrouvé chez Simon ? (pas de comparaison possible avec l’engrais de F.)

– Pourquoi dites-vous « pas de projet défini » en avril 2020, pour ensuite prétendre que le projet date de Paulnay?

– Pourquoi démonte-t-on le dispositif de sonorisation du terrain de Paulnay ? Comment savez-vous qu’ils ne reviendront pas ?

– Pourquoi, alors que les écoutes disent qu’il va y avoir un vol au GammVert, la surveillance du terrain est interrompue ?

Autant de questions sans réponse, dont la liste démontre que leur présence étaient nécessaires à votre juridiction.

Nous sommes dans la déloyauté de l’administration de la preuve.

On détourne, on vicie la preuve. On trie, on coupe, on cache, on supprime.

Vous devrez sanctionner ce procédé.

Voilà notre critique sur ce qu’a été cette procédure.

Beaucoup d’éléments sont interprétés avec mauvaise foi. Vous les écarterez.

Sur l’application Telegram : le 10 décembre 2020, S. donne ses codes pour y accéder. On note : « Etrangement, aucune communication avec les autres n’est constatée. Pour rappel, il est possible de supprimer un appel. »

Ainsi, même quand il n’y a rien, il pourrait tout de même y avoir quelque chose. Comment s’en sort-on ?

Sur les outils et fichiers numériques : j’ai compté 382.641 fichiers, pour ceux qui ont été relevés. Et pourtant on ne trouvera rien ! Rien !

Alors on extrait une photo, qui me fâche beaucoup. Un colis entouré de scotch, contenant des tuyaux métalliques. On dit « précisons que de tels tuyaux sont susceptibles de servir dans la réalisation de bombes tuyaux ». On parle ici d’une étagère en kit ! 

Les efforts qu’il faut employer pour se défaire de leur manières de présenter les choses !

Le rapport du PNAT (RDTC) pour dire qui sont K. (sa compagne) et S. : K. est présentée comme étant connue pour vol (multi-récidiviste). Non ! En réalité elle en a été victime ! S. va en manif avec un masque à gaz : c’est une preuve qu’il serait un « Black Bloc ». Mais… Oui ça devient difficile de nos jours, les manifs. On en voit moins des poussettes, on y sent le gaz lacrymogène à des kilomètres.

Comment croire que cette enquête sert la manifestation de la vérité ?

On n’a rien. Alors on va aller chercher un projet.

Lors de la 6ème audition de GAV, Simon garde le silence.

On lui dit : « Vous avez pleuré. Pourquoi ? Vous vous inquiétez pour vous ? Vous estimez que votre place est avec nous en GAV ? Vous pleurez ». 

« Votre petite amie est elle impliquée dans tout cela ? Quel projet de vie avez vous avec elle ? Comprenez-vous que la situation est très difficile pour elle, actuellement gardée à vue ? Est-ce que cela vous pose problème de faire risquer la prison à votre compagne si vous la dédouanez pas ? Vous pleurez. « 

(Silence dans la salle, c’est hardcore…)

Il est où le droit au silence ?

On a gardé K. en GAV pour faire craquer S. La GAV c’est pas seulement « inconfortable » ! On essaie d’obtenir des aveux aux forceps.

Nous posons une question : cette procédure déloyale est-elle inévitable ? 

Est-ce que cette procédure vous apporte des preuves ? 

Les agents de la DGSI auraient pu venir témoigner devant ce tribunal. Nous l’avons demandé.

Aucune condamnation ne peut se fonder sur les accusations d’agents anonymisés. Le procureur nous dit que ce serait « une interprétation personnelle du droit ». 

Ce que nous y lisons : les témoignages de la DGSI sont anonymes, on ne peut pas fonder une condamnation uniquement dessus.

Vous seule, Madame la Juge, avez le pouvoir de transformer ces éléments non probants en preuves.

La défense ne peut être garante seule de l’équité de ce procès.

C’est votre responsabilité !

Cette procédure ne repose que sur la base d’éléments qui ne constituent pas des preuves.

Les mathématiques sont formelles : 

1 PV anonyme ne vaut rien.

1400 PV anonymes ne valent rien.

Qu’est-ce qu’il reste ?

L’expert en explosifs, M. B., cité par le Ministère public, est finalement le meilleur témoin de la défense. 

Il a fallu qu’il nous explique qu’il avait tout mélangé. Quelle est la rigueur scientifique de cette expertise ? Et le fait de prendre pour exemple pour sa simulation la place Vendôme ? Pas la place Beauvau ! La place Vendôme ! Celle de votre ministère, de notre ministère. C’est à vous qu’on veut faire peur !

Cette expertise, vous la dénoncerez.

Vous ne trouverez pas de TATP chez Simon. Vous ne retiendrez pas les pipe-bombs.

Vous ne pourrez pas retenir l’ANFO. Cela réagit négativement à la flamme quand les démineurs s’y intéressent. Le procureur parle d’une poudre, il n’en est rien, ce sont juste des billes d’engrais baignant dans du fuel qui ont été trouvées !

Dans les scellés, il y aurait une recette ? Faux ! Une page wikipédia. Rien qui ne permette sa fabrication.

Qu’est-ce qu’il reste ? Quatre essais manqués, après lesquels on ne persiste pas.

C’est finalement ardu de contredire le vide.

Il n’y a eu qu’une tentative de fabrication d’explosifs. 

Pour cette raison vous ne l’inscrirez pas au FIJAIT, et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire.

On nous a dit d’elleux qu’iels ne se remettaient pas en cause ; mais c’est la qualification qui doit être remise en cause.

ALICE BECKER (SIMON)

La référence répétée à Action Directe, qui n’a aucun rapport avec les inculpé.es, est un procédé malhonnête. 

Et puis, lorsqu’on fait référence à une affaire plus récente, l’affaire Tarnac, on devrait remarquer que les journalistes sentaient venir le fiasco. Le parquet dénonçait la mansuétude des journalistes.

(elle cite les articles des media actuels sur l’affaire 8.12) 

J’ai trouvé choquant que le procureur attaque la défense sur sa stratégie de défense. 

S. est décrit comme un « punk à chien »: crête, boisson, musique… C’est assez cocasse qu’un punk rêve d’ascension sociale… chez Disney. Il vivent en couple avec K. depuis 17 ans… Elle revient sur son message dans lequel il dit en avoir « marre des normes », datant du 31 décembre 2019, alors qu’il travaille ce soir-là a Disney (paye ton punk anarchiste).

Le mouvement des Gilets Jaunes, pour n’importe quelle personne concernée, c’était un bol d’air.

S. se fait arrêter en manif lors du mouvement de 2019 contre la réforme des retraites et subit une GAV qui aboutit sur un rappel à la loi à cause de la présence d’un masque à gaz dans son sac.

S. s’intéresse au Rojava, et son pote de longue date F. en revient justement. Ils prévoient de se voir, se voient, puis ils rentrent chacun chez eux. 

Le week-end avec son pote : il va faire 2h50 de route et non pas « traverser la France » comme a pu le dire le PNAT. Il va acheter une spatule, et ils vont faire des explosifs (ce n’est un secret pour personne). A partir des enregistrements sonores, on ressent que c’est la première fois qu’ils se retrouvent depuis longtemps. Ils sont ivres, leurs propos doivent être analysés sous ce prisme-là. Ils parlent de la révolution, des valeurs de la République que l’on « conchie ». Je trouve ça surprenant pour une conversation, plutôt modérée à mon goût, qu’on ne puisse pas critiquer la révolution française. (elle énonce les détails de la conversation). Ils parlent des manifs des Gilets Jaunes et S. regrette de ne pas avoir profité des manifs. 

La journée du lendemain, lorsqu’ils font des essais, ils blaguent : « tant pis pour la nature… ». Ces propos sont interprétés comme étant de « l’écoterrorisme » !

On se dit qu’il y a quelque chose qui va se passer, ils parlent du vol à GammVert. Alors pourquoi, les flics partent-ils et les enregistrements prennent-ils fin ?

Par la suite a lieu leur départ à la cave de Controis en Sologne pour deux jours avec des ami.es, puis il rentre chez lui.

Week-end conspiratif ? On a parlé des tests, des copines, des frustrations… La tentative de production d’explosifs n’est pas répréhensible.

S. s’inquiète de ne pas avoir l’agrément à temps pour un évènement. Cela tarde, il insiste, il le reçoit finalement. Cet agrément est une vérification de la préfécture en prévention du risque terroriste. Il l’obtient alors qu’il est sous une instruction terroriste. Et puis plus rien ne se passe.

D’autres professionnels l’ont confirmé, le métier d’artificier, y’a pas d’école pour ça, il faut apprendre en faisant des tests.

Lors des perquisitions chez lui, on trouve des inflammateurs, des mèches et des déclencheurs, de la poudre noire. Il n’y a pas de TATP – mais des éléments qui sont utilisés pour sa profession et pour les travaux de la maison.

Il y a bien des armes chez lui : trois carabines, sans munitions, donc cela en fait de simples objets. Elles ont été récupérées bien avant de revoir F.

Elle demande la relaxe.

RAPHAEL KEMPF (FLO)

Sifflement lorsque les procureur·es rentrent pour la reprise de l’audience. La juge, agacée, indique au public qu’elle va faire inscrire cet incident à la note d’audience. 

Reprise de l’audience, Kempf se lève pour commencer sa plaidoirie : 

K – J’ai noté que vous avez ajouté à la note d’audience les sifflements. 

Je me demande une chose. À quoi va-t-elle servir, cette note ? 

Qui va pouvoir la lire ? Pas nous, a priori, cela nous a été refusé quand nous avons demandé les comptes-rendus d’audience.

Peut-être sera-t-elle étudiée dans plusieurs années, lorsque des historien·nes se pencheront sur l’histoire de la répression politique en France. 

C’est sur la base de ce genre d’archives qu’il est possible de réaliser un film sur le procès Goldman.

La Justice ne vit pas en autarcie. Elle vit avec la société. Si le PNAT provoque un sentiment de défiance, je pense qu’il faut l’entendre. Parce que la confiance ne se décrète pas. Les institutions  sont respectables parce qu’elles montrent qu’elles respectent le droit.

Il y a deux jours, madame la procureure, dans la deuxième partie des réquisitions, a annoncé qu’elle allait examiner la situation prévenu.e par prévenu.e. Les temps accordés à chacun.e sont éloquents : 

F. : 1 heure et 57 minutes

S. : 4 minutes

W., B. : 3 minutes

C. : 2 minutes

M., L. : 1 minute 

Si nos défenses étaient proportionnelles à ces temps, Mme la Présidente, nous en aurions pour très longtemps..

Du procès d’un groupe, et cela a été largement rappellé par mes consoeurs·frères, on est passé au procès d’un homme, F. 

On a beaucoup parlé de récit, y compris du côté de la défense. 

Un récit, c’est une relation de faits, réels ou imaginaires. 

Et en l’espèce, le récit du PNAT comporte une part d’imaginaire : on vous demande d’imaginer ce qui serait arrivé si les prévenu.es n’avaient pas été interpellé.es. Ce qu’on ne voit pas est plus inquiétant que ce que l’on voit. 

Ce dossier ne sera pas à traiter en terrorisme. 

Il ne s’agit pas d’humilier qui que ce soit. Le jugement est à rendre en Droit, et nous espérons que personne n’aura à faire appel, car le jugement sera juste.

Hier, Me Tort a dit qu’elle avait confiance en vous pour vous confier son client. 

Ces mots résonnent en moi. Je me demande, en tant qu’avocat de F., si moi aussi j’ai confiance en vous. 

En toute sincérité, non, je n’ai pas confiance.

Il fait une citation de Thierry Lévy :     

« L’audience apparaît non pas comme un moment de vérité, mais comme l’adaptation sonore d’un texte déjà écrit ».

J’ai dit au premier jour que ce procès avait mal commencé,  et je le redis au dernier jour : ce procès a mal continué. 

Je suis obligé de le repréciser, mais dans ce procès, on a porté atteinte à l’article 6 de la CEDH s’agissant des droits de la défense ! Dans ce dossier, on nous a dit « non » à à peu près à tout. Impossible de porter un regard neuf sur le dossier, d’y amener certains de nos éléments. 

Moi ce que je sais, c’est qu’à partir du moment où la personne sait qu’elle a été surveillée, il n’y a pas de raisons que les méthodes de surveillance utilisées à son encontre et que les pièces ainsi récupérées restent dans l’ombre. 

Au cours de cette audience, s’agissant des GAV, on a entendu toustes les prévenu.es dire qu’elles s’étaient mal passées. Sont-ils tous en train de mentir ? N’y a-t-il pas une part de vérité ? Votre rôle est de l’entendre ! 

Je vais revenir sur la loi du 9 septembre 1986. Le PNAT en a parlé dans son réquisitoire. C’est elle qui fait passer la GAV antiterroriste à 4 jours au lieu de 2. Pourquoi ? Pourquoi 2 jours de plus ? 

Je pense que c’est uniquement pour obtenir des aveux ou des dénonciations. Sinon cela n’aurait aucun sens. 

On sait que la privation sensorielle et la privation de liberté n’ont que cet objectif. 

D’après les travaux parlementaires qui ont eu lieu lors de la préparation de cette loi, ce qui a motivé l’enregistrement vidéo des GAV atiterroristes, c’est la volonté de protéger les enquêteurs des dénonciations calomnieuses.  

Mais c’est exactement pour ces mêmes raisons que nous aussi demandons l’accès à ces vidéos. C’est peut-être pour montrer à la salle qu’iels se trompent, que la DGSI a raison. (ironique)

C’est votre rôle, dans le cadre du délibéré, de savoir si cette affaire est ou non terroriste. 

Nous le contestons, bien sûr. 

Le ministère public s’offusque lorsqu’un professeur d’Université refuse d’utiliser le terme de « terrorisme », et en fait un argument tendant à dire que tout son témoignage serait à jeter à la poubelle. Mais heureusement que des universitaires dénoncent l’emploi de ce terme ! On ne peut passer à côté de ce fait social et massif de l’emploi à outrance de la qualification de « terrorisme », qui est utilisée pour désigner des ennemis. C’est une notion malléable qui a pour conséquence qu’il n’y a pas de dialogue possible. 

Et je constate que cette définition ne fait pas l’unanimité, pour l’ensemble des acteurs de cette procédure.

Dans la 6ème déclaration de F., en avant-dernière page, l’enquêteur lui donne une définition du terrorisme : ce n’est pas la définition donnée par le Code Pénal. C’est donc que le droit n’est pas leur boussole. Ils ont d’autres motivations, des biais. On en a tous des biais, un regard particulier sur le monde, singulier. 

En 1986, le député qui a rapporté la loi a déclaré : « Nous nous sommes borné.es à constater le terrorisme, pas à en donner une définition. » 

Puis Me Kempf fait une citation de Jean François Ricard, le premier procureur du PNAT, dans laquelle il dit que le PNAT a établi une série de critères permettant de distinguer ce qui relève du terrorisme ou de l’action radicale violente. Cette doctrine n’est pas publique.

Le PNAT nous a donné un indice : il a fait une distinction entre « haute intensité » et « basse intensité  » d’action… C’est quoi ça ? De quoi parle-t-on ?

Il n’y a pas cette distinction dans le Code Pénal en terrorisme. 

Une dégradation peut y figurer au même niveau qu’un fait de violence sur les personnes. 

De la même manière, le reclassement de cette affaire pour être jugée au tribunal correctionnel a été justifié par l’absence de projet d’action imminente. Cette notion d’action imminente n’existe pas non plus en droit ! 

Le PNAT s’est autonomisé de la loi, pour définir de façon arbitraire ce qui relève du terrorisme ou non. 

Mais la qualification de terrorisme viendrait ici du fait de vouloir s’en prendre à des policiers…

Quelle est la jurisprudence quant à ces accusations-là ? 

On a évoqué des manifs, avec des situations plus ou moins graves. 

Lorsque lors du mouvement des Gilets Jaunes un tractopelle a défoncé la porte du ministère de M. Griveaux, cela a été qualifié en « trouble à l’ordre public », pas en acte de terrorisme. 

De même s’agissant de l’incendie d’une caserne de gendarmerie à Grenoble en 2017, qui a été jugé en droit commun. 

Tout acte contre les policiers n’est pas qualifié de terrorisme.

Et nous, dans cette affaire, on a juste des bribes de conversations et des interprétations d’intentions, et c’est qualifié comme étant du terrorisme…

La question des engagements des prévenu·es reste centrale dans ce dossier. On nous dit que ce n’est pas le procès d’opinions politiques. Pourtant, de multiples questions sont posées aux prévenu.es en GAV sur leurs idées politiques. Le parquet nous dit : « C’est normal, on doit connaitre leurs idées ». D’accord, donc le fait que la DGSI soit une police politique est reconnue par le parquet, au moins on avance.

Des parallèles ont été faits avec les djihadistes. Il n’y a pas vraiment de liens. 

Du côté de la défense, on a un peu du mal à définir ce terme d’ultra-gauche… (on a essayé d’amalgamer des éléments épars ensemble, mais ça n’a rien donné…)

On a donc demandé à Jean-Marc Herbaut de nous dire ce que cela signifiait pour lui. 

Et cela a donné une recherche en source ouverte de Enedeka Maska… qui serait la définition de l’ultra-gauche. 

On a par la suite eu des éléments un peu plus fournis : ZAD, lutte contre les OGM, revues, maisons d’édition (La Fabrique). 

Qu’est ce qu’on doit comprendre de tout ça?  Que maintenant quand on va lire ou écouter certains contenus, cela va radicaliser les gens et leur faire commettre des meurtres ? 

F. serait dans un engagement violent. Sinon ce procès n’aurait pas lieu d’être. 

Alors, si on reprend ses engagements : 

    – Sivens. Oui, ça a été difficile là-bas, mais il a dit ne pas y avoir commis de violences. Et je le crois, il n’a pas été poursuivi pour ce fait ! 

    Et une deuxième chose : celleux qui à un moment ont occupé la ZAD de Sivens, iels avaient raison ! Iels avaient raison avant tout le monde, et même en droit !! Et si ça avait été compris plus tôt, Rémi Fraisse ne serait peut-être pas mort ! 

Imaginons que, comme pour l’isolement de F., on se rende compte a posteriori que cela ne servait à rien ? Et bien ce sera trop tard, le mal aura déjà été fait… (Il refait le même style de phrases concernant les peines requises par le PNAT). 

– On sait qu’il était dans la jungle de Calais, qu’il y donnait des cours dans une école. 

Et c’est tout à son honneur !

Le défenseur des droits a dénoncé de nombreuses fois les conditions de vie indignes dans la jungle de Calais.

Voilà le parcours militant d’un homme qui se conjugue avec la Justice et le droit. 

Sur les objets récupérés chez sa mère (bouclier et Tonfa), nous affirmons que c’est parce qu’il était acteur (jeux de rôle). 

De fait, F. n’a jamais été interpellé pour des faits de violence avec ces objets et les Black Blocs ne viennent pas en manifestation avec des boucliers. 

Les enquêteurs voient que F. et son ami·e collent une affiche sur un mur, le 6 mars 2020 à Toulouse. On ne sait toujours pas de quelle affiche il s’agit, quel est son contenu. Est-ce qu’elle avait pour but et aurait permis de recruter des gens pour la lutte armée ?… Ou est-ce plutôt le signe d’un engagement militant banal ? On ne le saura pas, la DGSI n’ayant pas pris de photo de cette affiche lors de sa filature. 

Est ce que participer à l’ouverture de squats est un engagement violent ou est-ce banal ?

Le récit de la DGSI, relayé par le PNAT, c’est l’idée selon laquelle les volontaire au Rojava viendraient ramener la guérilla en fRance. 

Ce que je suis obligé de constater, c’est qu’en suivant cette idée, ils véhiculent un récit qui est fait à ce propos depuis 2016. Et aujourd’hui le seul moyen de véhiculer ou de confirmer cette idée, c’est le PNAT et in fine, c’est vous. 

Ils ont tenté un premier canal pour véhiculer cette idée. André Hebert s’est vu confisquer son passeport pour l’empêcher de retourner au Rojava, sous prétexte de vouloir retourner les armes contre l’Etat. Le tribunal administratif a statué et reconnu l’erreur de la DGSI.

Par ailleurs je rappelle ici que, contrairement à ce qu’a dit le PNAT, les YPG, le PKK et le terrorisme sont des choses distinctes qu’il est important de ne pas mettre sur le même plan. 

Le deuxième canal utilisé pour véhiculer cette idée a été Médiapart. L’article au sujet des « revenants » du Rojava montre bien qu’il n’y a pas que F. qui est visé, mais que cette idée concerne tout le monde : les « revenants » reviennent en France pour perpétrer des attaques, pour faire du terrorisme. 

Et le troisième canal, c’est ce procès. 

Une fois qu’on adhère à cette idée, ce récit, est-ce qu’on a des éléments qui permettent de le justifier ? 

Non. 

Olivier Grojean est venu présenter à cette barre les résultats d’un travail scientifique, d’une étude réalisée qui se base sur plusieurs entretiens. 

De quelle manière raisonnent ces combattants? 

« Lucidité », « distance », « critique du romantisme révolutionnaire », « critique de la lutte armée ». Il n’y en a pas un qui souhaite ou qui se soit engagé dans la lutte armée. 

Il n’y a pas d’éléments. 

André Hébert a répondu ici à vos questions, sur ses opinions : oui il est « anti-capitaliste », c’est son droit, mais non il ne croit pas à la lutte armée.

Ce récit ne tient pas.

Alors pourquoi ce récit ? La DGSI fait quand même un travail sérieux, elle taffe et tout…

Elle est confrontée à du terrorisme djihadiste depuis des années. Ses agents ont donc un schéma de pensée. À force de voir le monde ainsi, ils ont ce biais, ce mode de réflexion et d’interprétation là. 

« Returny », c’est une idée qui vient du djihadisme. Et on retrouve ce terme ici, dans le contexte de combattants volontaires du Rojava… 

Il cite une déclaration de Flo  » j’ai lu, je me suis intéressé à la lutte kurde… » 

Et selon le PNAT F. serait parti juste pour apprendre le maniement des armes et se serait fait retourner le cerveau par Öcalan… 

Dans le dossier, on a des photos d’un certain nombre de livres présents dans son camion. Mais pourtant la DGSI ne va se focaliser que sur un fichier PDF que F. n’a même pas lu. Par contre, les bouquins, on s’en fout ! 

Par exemple, s’y trouvait un livre de Serhildan, « Le soulèvement au Kurdistan » (aux éditions Niet si ça intéresse du monde). C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de PV d’exploitation de ce livre dans le dossier !

Ce livre était sur la table de chevet de F., et il vient confimer tout ce qu’il a dit à cette barre !

Mais manifestement, l’accusation n’a pas souhaité en faire état. 

0,72% des sonorisations constituent se dossier… Ce chiffre n’a pas été contesté, ce qui est intéressant ! 

C’est donc le rôle de la défense de remplir les 99% manquants. 

C’était quoi la bataille de Raqqa en 2017 ? C’était quoi de libérer une ville du joug islamiste ? 

Ici F. a été incapable de se livrer, et je peux totalement le comprendre, car dans un lieu pareil, on peut constamment avoir peur de « déraper », et que des personnes puissent se méprendre sur le sens de vos mots. Pour raconter cette expérience, il faut une qualité d’écoute qui n’exsite pas ici. Il n’a pas pu dire comment il a procédé à Raqqa, dans le détail du geste. Je l’ai déjà dit, et ça a fait sourire le PNAT, mais sur place il a combattu au sein de la Coalition internationale, aux côtés de l’armée française !

Quelle crédibilité peut-on accorder aux propos déclarant qu’il veut s’en prendre aux institutions alors qu’il a agit en bonne intelligence avec l’armée française ?

Et le ministère public a déclaré cette Coalition internationale comme étant « informelle », ce qu’elle n’est pas !

Et F. voulait y repartir… C’était pas j’y vais, j’apprends et je reviens pour tout casser ! Voilà l’idée de F. au Rojava.

Ce dossier, cette enquête, donnent une image de ce qu’est « l’impressionnisme judiciaire » : on a des points, et on trace des traits entre chaque, sauf qu’à la fin ça ne ressemble pas à grand chose… 

Cette expression a été utilisée par Nicolas Braconnay, l’avocat général durant les plaidoiries du procès des attentats du 13 novembre 2015. 

Il cite des extraits d’un article du Monde (Au procès des attentats du 13-Novembre, des plaidoiries contre « l’impressionnisme judiciaire ») : « Il faut refuser les constructions fumeuses », « L’impressionnisme judiciaire n’a rien d’artistique », « C’est un péril pour l’intitution judiciaire elle-même ».

 Il parle de l’alcoolisation des personnes écoutées dans la majorité des sonorisations utilisées à charge.

Il rappelle que les prévenu.es sont accusé.es de ne pas avoir évoqué volontairementle terme « TATP », alors qu’iels n’en connaissaient pas le nom. Pour l’ANSU, F. dit ne jamais en avoir fait avant. Le Parquet, lui, affirme qu’il en aurait déjà fait. André Hébert a pourtant bien répété qu’il n’a jamais été question de cela au Rojava. 

Pour continuer sur la confection des explosifs, à Parcoul (des tests infructueux) et Paulnay, F. a participé aux essais pour en fabriquer, mais ensuite il décide de ne plus y revenir. 

Il est dit par le parquet que soi-disant F. sélectionnerait des personnes qui pourraient le suivre et participer à une révolution armée. Or dans une écoute du 2 avril 2020, avant qu’il aille à Parcoul, il n’y a aucune certitude sur l’endroit où F. va passer le confinement. Il y avait 2 possibilités, et il dit vouloir aller à Parcoul « s’iels (les habitant·es) sont sympas ». Est-ce que je recrute des gens dans le but de mener une lutte armée parce que je les trouvent « sympas » ? (se retournant vers les inculpé-e-s :  « Voilà, il vous a trouvées sympas… Et vous êtes là ! »)

Pour moi, il ne les sélectionne pas, parce qu’il est allé chez elleux un peu par hasard. 

Sur la confection d’explosifs qui a eu lieu, tout le monde met la main à la pâte. Et moi, ce que je retiens de tout ça, c’est que F. n’a plus du tout envie d’en refaire. 

Du côté du ministère public, la seule preuve de sa prétendue volonté d’en refaire, c’est que dans son camion il gardait les éléments pouvant servir d’ingrédients. Moi, je pense que tout cela y a été juste oublié. 

Dans le deuxième rapport de l’expert, à la dernière page, le résultat d’analyse de la cuisinière du camion est négatif. Il est dit que potentiellement, si la manipulation date d’il y a plusieurs mois, les traces deviennent moins visibles, voire imperceptibles. F. n’en a donc pas refait depuis plusieurs mois… On va régler la question de la restitution des scellés maintenant, ce sera fait : on voudrait récupérer les poèles, une marmite intégrale et les bâtons d’encens.

Moi ce que je vois, c’est qu’il n’est pas mentionné dans le dossier que F. aurait refait des essais d’explosifs. On vous demande de condamner F. là-dessus alors qu’il n’en a pas refait, et que visiblement il n’en avait pas l’intention. 

Dans le réquisitoire, au début le projet serait la « destruction de la civilisation ». Et maintenant, qu’est-ce qu’on a comme éléments pour établir ce fameux objectif ?  Un texte en grec pour l’ouverture de squats ? (il fait le lien avec un livre).

Il évoque un manifeste : « Le soleil se lève toujours ». Jusque-là, ce manifeste n’avait pas intéressé et maintenant il devient la colonne vertébrale de ce dossier ! On en apprend l’existence en août 2021, lors d’une exploitation de scellés. Et on nous dit : « Tout est là ! ». Il s’agit d’un fichier sur les plus de 1400 fichiers PDF que contenait ce scellé. 

D’ailleurs, on mentionne aussi que s’y trouve un dossier nommé « pour aller plus loin », qui contient un livre sur la révolution au Rojava, un livre de Michel Foucault… 

Dans ce dossier on a 2 types de sonorisations :

– certaines où on décrit une action

– des conversations à une certaine heure et dans un certain état, alcoolisé

Ces manifestations d’opinions interviennent dans un cadre privé, intime, et ne sont pas suivies de faits. Le trait qui permet de relier les points ce sont les sonorisations. 

Mais moi je me demande : est-ce que c’est légal ou non d’avoir des discussions en privé ? Parce que pour moi, ces propos ne tombent pas sous le coup de la loi. 

Ça arrive à chacun dans un cadre privé de tenir des propos virulents.

Quand Nicoals Sarkosy dit à Jacques Chirac au restaurant qu’il souhaiterait pendre De Villepin à un croc de boucher, est-ce que c’est un délit ? Je ne crois pas.

Il ajoute : « Avec mes consoeurs et confrères le soir quand on a bu un coup, est-ce qu’on a pas déjà dit qu’on voulait abolir le PNAT ? ». (rires dans la salle)

Les conversations à propos « des chiens de garde » sont pleines de trous. De très nombreuses mentions sont inaudibles. Kempf s’est « amusé » à remplir ces trous avec d’autres propos pour que la conversation ait un sens. C’est bluffant, cela change complètement le sens donné par la DGSI et le PNAT. Cela vient démontrer à quel point ce dossier ne se base que sur de l’interprétation.

Me Kempf :  « Nous allons remplir les trous nous-mêmes ».

Juge : « C’est une proposition ? » 

Kempf : « Oui, c’est une proposition ! Je n’ai pas non plus les bons mots à ma disposition ! 

Ça donne une toute autre teneur à la conversation. 

Il n’y a pas de projet. Pas de terrorisme. 

Au sujet d’une prétendue volonté de « dissimulation » : il y en a beaucoup dans le dossier. Il montre une photo de F. avec un sac sous le bras. « On dit qu’il « dissimule un sac », au lieu de dire simplement qu’il porte un sac sous son bras.

Il dit que F. a été très affecté par ce procès, et lui aussi. 

Il a terminé sa plaidoirie. A côté de la plaque, la présidente demande comment a été effectué le calcul qui a été donné par la défense concernant la proportion des sonorisations qui ont été transmises. Il lui explique qu’il a simplement pris les chiffres et appliqué le produit en croix comme pour toute règle de trois, c’est magique…

COLINE BOUILLON (FLO)

Je préfère vous prévenir que je vais être très longue.

Tout d’abord, sachez que c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour défendre F.

Dans un 1ᵉʳ temps : il n’y a jamais d’entrainement militaire par F. Il n’y a rien qui montre que F ait incité les autres inculpé.es à acheter une arme. Quel.les sont celleux qui ont déjà en possession leurs armes avant de le rencontrer ou de le revoir? Toustes.

L’accusation a construit un récit, et je vais vous le démontrer.

F. n’a jamais fait d’airsoft avant son départ au Rojava, mais il l’a pratiqué après. Donc ce n’est pas lui qui incite, car d’autres en avaient déjà fait avant.

Le PNAT se fonde sur deux parties d’airsoft pour établir qu’il s’agirait d’un entrainement paramilitaire. L’airsoft a été utilisé pour colorer le dossier de l’accusation. Il y a seulement trois parties d’airsoft sur une durée de quatre mois, puis plus rien (huit mois s’écoulent), jusqu’aux arrestations, et on le transforme en « entrainement para-militaire ». Ce dossier me permet de me reconsidérer moi-même, avec mes 4 séances de footing au printemps, en fait je me prépare au Marathon de Paris !

Il suffit d’une seule session d’airsoft à Parcoul-Chenaud, et la DGSI romantise déjà un groupe radical. Pour la DGSI et le PNAT, il est parfaitement crédible de confondre le bruit d’une spatule dans une casserole avec un bruit de tir en rafale. On a voulu vous donner coûte que coûte une version, fantasmée par la DGSI.

Sur le site web des jeux d’airsoft, « Airsoft attitude », on peut trouver une vingtaine de scénarios, tels que « Comment commander un trinôme ? ». On y retrouve les notions de « chef d’équipe », de « débriefing » et de « pédagogie ».

Ensuite, il nous est dit que C. n’a pas apprécié cette partie d’airsoft, je la comprends, ce n’est pas évident lorsqu’on ne connait pas bien. C’est un jeu à la fois ludique et complexe. C’est un jeu de rôle avec une implication intense.

L’association « La passion des ami.es » aurait été utilisée pour cacher des activités ? Il n’y a aucune activité. Parfois, dans la rue, il peut nous arriver de voir une vitrine où le mannequin n’a plus de vêtement. Là, il n’y a même pas de mannequin ! Vous la percevez comme une vitrine vide ? L’association ne fait pas d’évènements, même pas de réunion. Elle n’a servi à rien. Pourquoi autant s’accrocher à cet élément dans ce cas ? 

Car pour le PNAT, c’est elle qui fait tenir le scénario dans lequel, F. serait revenu du Rojava pour mener une guérilla terroriste. C’est une honte d’imposer cette image au sujet d’un homme qui a combattu Daesh pendant 10 mois.

Cette association a été créée en 2018. Dans la chronologie c’est un élément utile pour le scénario de la DGSI. On vous explique que cette association cache des choses, on s’y accroche parce que l’accusation ne veut pas perdre la face, elle permet de relier les deux ans entre son retour du Rojava et le début de la procédure.

Serait-il rassurant que F. arrive à mettre de côté ses expériences du Rojava ?

Devons-nous nous étonner que l’airsoft soit utilisé comme une catharsis ? Le ministère de l’intérieur dit qu’il faut mettre en place des suivi psy pour les vétérans. 

Un autre vétéran du Rojava a témoigné à la barre, pour nous dire qu’il aurait aimé faire des séances de tir lorsqu’il est revenu en France, mais ce ne fût pas possible car cela lui a été interdit par l’État français. Pour F., c’est un exutoire, il fait continuellement des switchs. 

En France, il y a 10 millions d’armes illégales, F. en avait une. Cachée ? Oui, il vivait dans son camion (c’est sa maison), ce qui expose aux insécurités et au vol. Pour le PNAT, tout est bon pour incriminer F. Il ne s’est pas procuré d’armes illégales entre 2018 et 2020, pourquoi ne le fait-il pas s’il a pour but de « renverser la civilisation » ?

Il aurait essayé de se cacher de plus en plus, d’entrer dans la clandestinité, alors qu’il a fait les démarches pour passer son permis chasse ?! Il a passé son permis de chasse parce qu’il a passé du temps avec B. et W. et pas l’inverse ! Il est donc dans une recherche de légalité par rapport à la détention d’armes, il souhaite faire la déclaration en préfecture, etc…

Qu’est-ce qui arrive après qu’il ait « recruté » des personnes ? Une séance de tir ?

Pourquoi B. ne voulait pas lui donner le fusil comme prévu ? W. et B. nous ont dit que B. s’était habitué à cette arme et ne souhaitait plus la donner.

Il n’y a pas eu de phase d’interpellation internationale, alors qu’il est mis en examen pour des faits qu’il aurait pu commettre en Belgique, Croatie, République Tchèque, Grèce… Dans ces différents pays, il s’y rend avec son camion ou en avion, avec des billets achetés avec sa carte bleue, et effectue de nombreux retraits avec sa CB. 

Elle raconte comment elle a rencontré F.. Elle n’a jamais pu s’entretenir avec lui en GAV (auditions de l’après-midi uniquement) donc elle l’a découvert d’une part dans la description faite par la DGSI (leader, emprise sur les autres…) et d’autre part à travers les descriptions des autres inculpé.es en GAV (plein d’énergie, bout-en-train, joyeux, guilleret…)

Les conditions d’incarcération et particulièrement en quartier d’isolement sont très dures. Lors de sa première visite à la prison de Bois-d’Arcy, dans le quartier d’isolement, elle a été frappée par les cris permanents des détenus. Des cris qui ne cessent jamais. Elle fait part de sa sidération lorsqu’elle a vu à quoi ressemblait la « promenade », cet espace réduit et grillagé d’où on ne peut voir le ciel. Elle décrit des conditions de vie indignes, sans accès au soin. Tout le monde s’en foutait… sauf les soutiens de F. L’isolement requiert un accès au soin immédiat. Sa santé en a pâti, comme il a pu le décrire dans ses lettres. Elle en lit plusieurs extraits : “je n’arrive pas à matérialiser mes pensées”, “j’ai des pertes de mémoire […] je n’arrive pas à faire certaines connexions dans mon cerveau”. Il n’a vu personne de décembre 2020 à mars 2022. Elle décrit les séquelles qu’elle observe avec le temps, elle ne cache pas comment ça l’a profondément touchée, humainement.

Pour 16 mois de traitement inhumain, reconnu comme illégal, il a reçu une compensation de 3000 euros de la part de l’Etat.

Elle revient sur ce qu’elle nomme la prison « au carré », la prison dans la prison qu’est l’isolement.

Une tribune a été publiée avec de nombreux signataires pour dénoncer ses conditions d’incarcération. Cette période visiblement dérange, car il n’y en a strictement aucune mention dans vos rapports. La dimension humaine de F. n’intéresse pas le procureur, il s’en est même moquée lorsqu’il a affirmé : « ils ont osé parler de « torture blanche ». Au contraire, il cherche constamment à le déshumaniser. Le terme “torture blanche” est utilisé précisément pour décrire des conditions d’isolement inhumaines. Lorsque l’isolement est infligé pendant des longues périodes, cela produit une altération des sens, des décompensations psychologiques, une détérioration grave de la santé de l’individu.e. 

La Commission des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe met en garde : l’isolement doit être appliqué « uniquement en dernier recours et pendant de courtes périodes ». Le terme « torture blanche » est également utilisé par Amnesty International.

Au long de ces 16 mois, F. a effectué 75 recours pour tenter de sortir d’isolement avant d’entamer une grève de la faim. Une grève de la faim de 37 jours, lors de laquelle il a failli perdre la vie. Son pronostic vital était engagé. La situation s’est aggravée jusqu’à la menace d’une réanimation, et il a dû être transféré dans un hôpital comprenant un service spécialisé car l’hôpital pénitentiaire de Fresnes n’était plus en mesure de le prendre en charge. Au terme de cette grève de la faim, il a enfin pu être libéré.

Nous contestons l’association de malfaiteurs. Il y a certaines infractions qu’il reconnait, et nous savons qu’il y aura condamnation. 

Depuis le début du procès, j’apprécie de le voir en dehors de la prison. Me Bouillon explique alors l’avoir mieux découvert depuis la fin de sa détention. Elle décrit son évolution, son cheminement, humain, militant, elle découvre quelqu’un qui souhaite un monde sans oppressions, sans répression, une personne généreuse, altruiste, loyale, qui mesure la valeur de la vie, investie auprès des autres. Une personne qui tient à ses proches.

Depuis qu’il est sorti de prison, il a renoncé au mode de vie qui était le sien, certes dur par certains aspects car il vivait en camion et pas dans le confort matériel, mais un mode de vie qu’il vivait par conviction, en accord avec ses valeurs et ses principes. Il est très difficile de renoncer à tout cela. 

A sa sortie, il a trouvé un travail, et pas n’importe quel travail, un travail qui lui plaît et fait sens pour lui ; il s’est occupé de sa santé. Et ce, malgré les nombreux contrôles et contraintes qui rythment son temps, sans répit. 

Tout cela mérite d’être salué, et pas seulement par la défense. 

Le magistrat instructeur a remarqué son respect de l’ARSE et son implication pour se “ré-insérer”. Il en a résulté qu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il retourne en prison, il lui a même fait retirer son bracelet électronique il y a un an. 

A écouter le PNAT, F. n’a jamais pris conscience de la dangerosité de ce qu’il faisait. Ce n’est pas vrai et il en a témoigné à de multiples reprises. Le traumatisme que porte aujourd’hui F. lui vient de son temps passé à l’isolement, et non du Rojava.

Lorsque le PNAT, dit : “On ne prend pas en compte le mode de vie des un.es et des autres”, de qui se moque-t-on ? Le PNAT n’a aucunement considéré la grève de la faim (sauf pour dire que c’était bien là la preuve qu’il était « jusqu’au-boutiste » donc dangereux), les risques et la souffrance qu’elle a engendrés.  

Le parquet vous a requis une peine qui n’est pas aménageable. On le sait bien en droit, qu’en matière de terrorisme la peine n’est pas aménageable. C’est une peine d’exécution. Est-ce une peine à la juste valeur des faits ?! Sans aucun rapport avec l’orientation politique « d’ultra-gauche » ?! J’ai failli en tomber de ma chaise ! On lui requiert une peine plus élevée que pour les Barjols (groupe d’extrême-droite jugé pour AMT et soupçonnés d’avoir fomenté des attentats contre Macron, des élu.es, des migrant et, des mosquées) ! Nous n’avons pas besoin de peine pour l’exemple.

Nous vous demandons une peine mixte (sans retour en prison) qui exclurait tout suivi socio-judiciaire et pas d’inscription au FIJAIT.

Procureur : A la demande de la juge nous répondons quant au fichier de son casier judiciaire : il n’y aura pas d’exclusion du B2.

DECLARATION INCULPE.ES

Nous ferons un résumé ici des déclarations des inculpé.es. Iels peuvent prendre la parole en dernier. Il y a des applaudissements après chaque déclaration et la Présidente essaye à chaque fois de faire taire la salle en la grondant.

B. nous parle de sa vie actuelle, de sa reconstruction après le traumatisme de la GAV et de la procédure.

W. rappelle l’impact que les 4 mois de détention ont eu sur lui, qu’il n’a pas pu communiquer avec ses meilleurs amis pendant plusieurs années. Il demande à ce qu’on le laisse tranquille et finit en rappelant que personne dans cette salle n’est un-e terroriste.

F. s’excuse pour son comportement auprès des femmes présentes à Parcoul : C., S., M. et H. et a hâte de rentrer chez lui pour se reconstruire. 

L. regrette ne pas avoir pu offrir le fond de sa pensée, auprès des potes aussi, n’aurait jamais imaginé que quelque chose comme cette affaire entre un jour dans sa vie et finit sur sa conviction que nous sommes toutes et tous complémentaires, qu’il est évident que l’on peut fonctionner ensemble.

C. : Ces 3 dernières années ont été les plus dures de sa vie, beaucoup d’inquiétude face aux caricatures portées dans ce dossier et ses répercussions. Elle rappelle qu’elle n’a jamais été une terroriste, mais qu’elle est fière des luttes politiques qu’elle porte et des idées qu’elle défend. « Je sais qui je suis et je partirai de ce tribunal avec ça. »

S. rappelle qu’il a fait 11 mois de détention, 3 ans d’instruction pour une accusation portant sur 3h de tentatives ratées d’explosifs : « Ma passion débordante a débordée « . Et que, si l’accusation terroriste est maintenue, il devra pointer tous les 3 mois, pendant 10 ou 20 ans et si une nouvelle loi d’exception passe, ce sera toute sa vie, « coupable devant l’éternel ». Il ajoute qu’il n’a jamais eu besoin de quelconque injonction pour travailler et que le Fijait nuirait à son projet professionnel, notamment pour les déplacements.

M. commence par  » 2 ans, 324 jours et 15h depuis que l’on s’est fait arrêté… on est tou-tes fatigué-es ». Il préfère ne pas faire perdre plus de temps et  conclura par une phrase des Béru :  » L’AVENIR C’EST PAS LA VIOLENCE, C’EST LA SOLIDARITÉ ! »

Verdict du délibéré le 22 décembre à 10 heures

JEUDI 26 OCTOBRE

LOUISE TORT (LOIC)

Tout d’abord, je veux vous dire : Pardon, pardon, pardon. Si j’ai parfois mal parlé, si mon langage a été approximatif, si j’ai été agressive, excessive, pardon.

Le tribunal a pu me voir avec une mine défaite. Je suis venue avec mon sac à dos, fourré de mon vécu, 45 ans de vie, 20 ans de barreau, de ce que j’ai appris dans les tribunaux.

L. est arrivé les yeux tout ronds, il disait « je suis perdu ». Je l’ai connu comme un garçon qui pense à l’autre, un garçon qui n’est jamais en retard, qui n’aime pas le bras de fer, qui aime l’autre.

Je connais la 16ème chambre, je connais les dossiers terroristes, celui ci ne ressemble à aucun autre, le déséquilibre est si grand, les audiences sont lourdes.

Du dérogatoire du dérogatoire, de l’exceptionnel à l’exceptionnel. Les accusations qui pèsent sur lui sont trop lourdes. Mon désespoir a pris beaucoup de place, comme le sien.

La première semaine je ne pouvais pas m’asseoir. La deuxième semaine je ne pouvais pas respirer. La troisième semaine j’ai été touchée par un problème personnel, mon sac à dos était trop lourd. Je ne voulais plus venir. Mon lapin est au chevet de la mort mais j’ai tenu parce que j’ai confiance dans mon vétérinaire. J’ai confiance parce que je n’ai que ça.

Moi j’ai confiance en vous, même si ma défense a pu être excessive, emportée, j’ai confiance. Je me suis emportée quand leur amitié a été attaquée. Mais je sais que vous la reconnaissez, cette valeur de l’amitié.

Même si je m’exprime mal, même si je suis venue avec mon sac à dos, je sais que vous saurez trouver la vérité qui est qu’il n’y a pas d’association de malfaiteurs terroriste. 

Je me suis emportée face à cette espèce de tautologie consistant à dire que puisque la DGSI dit quelque chose, il n’y a aucune raison de remettre en question ses paroles. Tautologie aussi du fait qu’on ne puisse pas avoir les témoins demandés. Il aurait été nécessaire d’entendre ces témoins pour éclaircir tout ça. Il serait intéressant de savoir ce que pensent ces agents. La parole du PNAT ne suffit pas. Ils disent « la DGSI est une autorité indépendante ! Pas du tout liée à l’exécutif ! ». 

Ils nous disent qu’ils sont débordés de travail. Le PNAT c’est Superman le jour, Batman la nuit !

Leur chronologie d’hier (réquisitions de la proc), je n’ai pas tout compris : « on a supposé des choses » (F.+S.), on a vu que c’était pire (à Parcoul s’agissant de la fabrication d’explosifs), on s’est empressés de ne rien faire ».

A ce moment-là c’est une période particulière, 2019-2020 : la sortie d’une année de Gilets Jaunes. Vous croyez que « Personne ne parle comme ça de la police » ?! Même dans les 10 000 fiché.es de Darmanin, dont les 3000 fiché S de l’ultra-gauche, ils ne sont pas tous fichés ceux qui disent des choses sur la police. George Floyd, Adama Traoré, la loi sécurité globale. Il y en a des slogans, ça manifeste de partout. Alors il semblerait qu’il s’agissait de criminaliser ces mouvements. Le contexte social de l’époque est une réalité dans ce dossier.

On prend du rien, on ajoute du rien, et puis on va les secouer. Pas de démonstration, pas de preuves, pas de volonté violente. c’est une inversion de charge de la preuve. Les arguments sont faiblards voir déloyaux. L’enquête et l’accusation partent d’un prisme.

Les termes que vous avez utilisés sur L. à-propos de son CJ sont : « élogieux ». On a beaucoup parlé de sa GAV. Si le droit de garder le silence devient un élément criminalisant, c’est de l’hypocrisie. Tordre la vérité en faisant de la manipulation, en termes de manifestation de la vérité, c’est obtenir des dénonciations en cassant le bras de quelqu’un… Moi, je ne garantis pas que j’aurais eu ce courage.

Comme il n’y a pas de projet, on est obligé d’aller plus encore dans ce qu’on sait des personnes. Ce qu’on sait c’est que sa mère est engagée pour s’occuper des autres. C’est un garçon qui a vécu beaucoup de souffrance, qui a engendré en lui de la peur. Il s’est confronté à autant de solitude que celle qu’il avait dans sa tête. Néanmoins on ne trouve aucune trace d’acte violent dans sa vie.

En 2017 c’est un tournant, et il change, il devient celui qu’il est aujourd’hui. Pour être plus en contact avec lui-même, il s’engage dans la PNL. Il cherche de vrai ami.e.s L. a tendance à être grognon. Mais je le vois avec les autres, il investit les relations.

On a ensuite eu un espèce de glissement, du syllogisme : « Vous étiez à Sivens, il y avait des violents à Sivens, donc vous êtes un violent ». Enfin on ne le dit pas, mais on le dit quand même.

Le survivalisme, le terreau des terro ?

3 écoutes entre le 15 et le 20 mars, alors là les gens sont frais, confiants, vont bien, il y a eu des analyses du capitalisme avec une amie. 

Le dernier élément : « Ils ont une défense collective, donc c’est la preuve qu’ils sont ensemble ». Alors il faudrait qu’on s’arrange pour être en désaccord pour faire plaisir au parquet ?

Il se trouve qu’on voit les choses de la même manière. Pour faire plaisir au parquet, la défense ne devrait servir à rien. Evidemment qu’il y a des points où iels sont d’accords ! Ils ne vont quand même pas faire exprès de se tirer dans les pattes ! L’absurdité est la même pour toustes.

En ce qui concerne l’association « La passion des ami.es », l’airsoft fait partie des activités possibles de cette association. Là-dessus on est d’accord. Puis il est déclaré que c’est une association d’airsoft. On a interrogé une personne, l’ex-compagne de L., qui arrive avec un bébé de 1 mois, sans avocat. A la première question elle répond : « Ça fait longtemps que j’ai quitté cette association », sans qu’on lui pose de question sur cette association. Encore une fois on assiste à la démonstration du « off ». Puis elle dit que l’airsoft était une « activité parmi d’autres ». On n’a pas pris en compte ce que cette témoin a dit.

En février 2020, c’est la seule fois qu’il a joué à l’airsoft. Le lien de causalité me semble douteux. 

On ne peut pas dire « Quand il n’y a pas, il y a peut-être, parce qu’il y a mystère ». Non, quand il n’y a rien il n’y a rien. Le temps passe, depuis le début de la surveillance, il ne se passe rien.

Il ne veut pas qu’on regarde son téléphone, quoi d’étonnant avec ces manières de faire. Il y a des extraits de discussions qui seraient supposées être une réunion d’organisation. Il y a des mots en commun entre des gens qui font et des gens qui ne font rien.  Il n’y a pas de preuves matérielles, Il n’y a rien.

Les 1500€ je les prends, mais je ne prends rien de plus, je demande la relaxe. L’inscription au FIJAIT, pourquoi ? Les rapports de CJ sont élogieux ! Il a été surveillé pendant des années. Cette qualification est infâmante. Tout ça pour un principe de précaution ? S’agissant de son téléphone, il n’a pas donné ses codes, c’est un délit, mais le reste je veux le récupérer. Tout à été exploité. Il y a un disque dur, rendez-le. 

LUCIE SIMON et CAMILLE VANNIER (MANU) :

Quel étrange procès ! M. Darmanin qui déclare avoir « déjoué un attentat contre les forces de l’ordre”. Quel est le projet ? Vous n’avez rien découvert. D’ailleurs, au cours de cette audience, on a passé moins d’une demi-journée sur ce supposé projet. 

Je demande la relaxe car il n’y a aucun projet. 

Ils ont fait des comparaisons avec Daesh, qui ont terrorisé la France. Le groupe existe, et prône des valeurs communes.

A la question de l’existence d’une organisation terroriste, il n’y a rien de ce genre. Il ne s’agit que de pratiquer la terreur et l’intimidation.

Le parquet a fait une comparaison avec l’organisation la nouvelle OAS : des revendications, des cibles claires, une organisation hiérarchisée. Ici, rien de tout ça, on a une organisation basée sur des critères totalement subjectifs.

On cherche à caractériser « l’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste ».

Vous avez dans ce dossier un énorme problème juridique que vous ne pourrez pas contourner : il n’y a pas de groupe, pas de nom de groupe. Le nom qui va être donné par les enquêteurs est « le dossier des punks à chiens » et vu que c’est l’ultra-gauche on n’a pas besoin de hiérarchie. Mais il faut quand même des éléments pour faire groupe. Donc il n’y a aucune AMT ici.

Pour démontrer d’une certaine filiation idéologique, le parquet est revenu sur l’histoire de l’ultra-gauche. On n’est plus dans les années 70 ! Il y a un caractère distendu (de cette analyse). Étant donné qu’il n’y a rien de récent, le parquet va chercher des éléments plus récents : le « Manifeste de la conspiration des cellules de feu ».

Il n’y a eu aucun mort en relation à ce manifeste, aucune filiation, aucune revendication d’actions violentes.

La seule chose qu’on a c’est que F. a rejoint les YPG, qui est factuellement un groupe anti-terroriste. Ils se sont battus contre Daesh et AVEC la coalition internationale. Personne n’est en lien avec des terroristes dans ce dossier.

Le parquet a tenté hier de faire un lien direct avec le PKK et son appartenance aux groupes terroristes d’après la Turquie.

M. voulait aller au Rojava

Quatre éléments sont repris dans le rapport d’instruction.

L’association d’airsoft, dans le but d’entrainement militaire, aucun lien entre M. et cette association.

F. dispose d’un terrain, également pour soi-disant s’entraîner. M. n’y a jamais mis les pieds. Il n’y a d’ailleurs jamais eu d’airsoft là-bas.

M. est représenté comme quelqu’un qui va rejoindre une révolution lorsqu’il part en Colombie. Ce n’est pas du tout le cas, il part en voyage.

Les armes. Il n’en a pas. Tout ces éléments sont faux.

La DGSI, qui l’écoute, tire la conclusion qu’un passage à l’acte violent n’est pas à exclure. Est-ce qu’on en est au même point aujourd’hui ? Lorsqu’ils se font arrêter, il y a un enlisement de l’enquête. On peut se demander en quoi est-ce une question d’urgence ? Il n’y avait pas d’éléments nouveaux depuis longtemps. Aurait-elle supporté plus d’inaction ? 

M., vous l’avez vu, il prend des notes tout le temps. On l’appelle l’écrivain. S’agissant des notes parlant de la réunion internationale, il liste une série de thèmes qui s’enchaînent, néanmoins c’est réunion à laquelle il ne ‘est jamais rendu.

Sur la thématique des avocats : il ne connaissait aucun avocat et n’a pas de connaissances préalable des processus de droit.

Le projet de départ au Rojava c’est important pour lui, ça lui tient à cœur. Cette idée donne une double dimensions à l’airsoft, comme étant un loisir / jeu mais également utilisé dans une perspective de départ, pour se familiariser avec ce que ça fait. 

Sur la temporalité : il n’a fait que 2 parties d’airsoft. Peut-on considérer ça comme un vrai entraînement militaire? Une vrai préparation à la guérilla ?

C’est parce qu’on n’a pas assez d’éléments qu’on va chercher la brochure sur « la création d’une milice », qu’on se base sur des vieux documents de Sivens, qui circulaient déjà en 2014. Ce document qui pose question, il ne l’a jamais lu. Et cela devient la feuille de route, le dictionnaire au travers lequel on lit leur réalité. Dans le document on parle de guerre. Cela ne caractérise pas un acte ou un fait.

On a 5 bouts de conversations, il est 20h, ils ont déjà beaucoup bu. Dans ces conversations, le mot « chien de garde » semble inquiéter énormément. Ce terme peut dénoncer la complaisance des médias ou autre chose, on ne saura jamais. Est-ce pour autant du terrorisme intellectuel ? Les mots et la critique doivent avoir leur place ! On peut l’assumer, ce sont des mots, ils sont critiques. Il est important de pouvoir critiquer. 

Ils disent vouloir “Attendre que la société soit prête”. Est-ce que c’est ça un projet terroriste? Attendre que la société soit prête ?

L’amalgame est fait entre l’affaire Tarnac et l’affaire du 8 décembre, l’accusation la présente comme le match retour de Tarnac. Les inculpé.e.s auraient les mêmes motivations que celleux de Tarnac : “la lutte armé n’est qu’un passage à une autre société”. Au tribunal, on conclut sur l’affaire Tarnac que « il ne faut surtout pas confondre la violence politique et la violence terroriste”.

Il n’y a pas de lien, pas de préparation, pas de projet.

Ils ont peut-être certaines idées révolutionnaires, mais clairement pas de projet révolutionnaire. La procureure daffirme que « M. est une personne violente, c’est évident, il  n’y a pas besoin de le démontrer ». D’où ? 

Oui on a retrouvé un patch « black bloc »avec des coeurs, un photo-montage avec M. sur la plage en train de lancer un bâton à ses chiens qui devient une bouteille enflammée. Si chaque personne qui tague des ACAB dans les toilettes d’un bar sont prêtes à commettre des attentats terroristes, le parquet anti-terroriste à de beaux jours devant lui.

En l’absence de projet, on lui reproche la clandestinité. Dans son téléphone se trouvaient des photos de sa compagne, de ses voyages, etc., il n’avait rien à cacher. Le fait d’utiliser Signal ? Oui, comme des millions de gens.

Il n’a pas donné ses clés de chiffrement car il a la volonté de protéger sa vie privé. Quand on ne sait pas on s’imagine… Mais ici, dans ce tribunal, on doit juger sur des faits et des preuves.

Est-ce qu’on a la connaissance d’un projet terroriste ? Non, aucun projet du tout. S’il n’y a pas d’éléments matériels, il n’y a pas d’éléments intentionnels non plus.

Le Fijait, c’est un fichage pour 20 ans et il aurait l’obligation pendant 10 ans de déclarer tous ses déplacements, ses changements d’adresses, d’aller pointer tous les 3 mois. Nous demandons qu’il ne soit pas fiché au Fijait, vis-à-vis de son style de vie. 

CHLOE CHALLOT (CAMILLE)

    Au moment des éléments constitutifs, le ministère Public a dit qu’il fallait dissiper le fantasme qui disait que C. était réduite à être la compagne de F , ce qui laisse à penser que ce serait acquis au débat. 

    C’est facile de dire que ce ne serait qu’un fantasme, qui vienne de la défense. Je n’oublierai pas que c’est de cette façon qu’elle est présentée dans le réquisitoire.  » C., compagne de F », ce n’est pas une hallucination, c’est ce qui est écrit dans le rapport judiciaire. On les interroge sur leur souhait de mariage. 

   On dit de C. qu’elle n’aurait pas toute sa lucidité de penser. Elle est appréhendée sous le prisme d’un aveuglement amoureux. Et on la dit déterminée par la passion plutôt que par la raison.

L’historienne F. Brugeon dit que sans cesse on présente les femmes comme étant déterminées par les émotions plutôt que par la raison.

Dans l’ORTC, on retrouve tout le champ lexical de l’hystérie et on mentionne qu’« elle vole au secours de son ami, » alors qu’elle ne fait que dire ce qu’elle pense. 

Le procureur dit que C. serait d’une loyauté sans pareil, que ses paroles et ses pensées seraient en lien avec celles de F. On lui nie toute indépendance. Cet argument vous permet de vous dispenser de l’examen d’intention violente. Il y a ici un syllogisme implicite  : elle lui est fidèle donc elle est forcément en lien avec les intentions de F.

Recourir à la loyauté sentimentale, c’est le dernier argument qu’on a quand les arguments matériels ne résistent pas à l’épreuve de la réalité . Cela rend « inaudible ce qu’elle porte ». Elle a essayé de dépasser son statut de compagne. Elle a amené un combat sur la sémantique en parlant de la performativité du langage : « leader », « entrainement »…

Elle a cherché à amener de la complexité et revendique son droit à la nuance personnelle, elle a cherché à déconstruire des projections et des étiquettes qui ont été calquées sur les gens. 

1% des écoutes sont retranscrites et versées au dossier : c’est cela qui constitue le dossier.

« C. est l’informaticienne ». Cela a été démenti. Chacun joue son prétendu rôle, il y a l’artificier, le lieutenant, et l’informaticienne, et puis on constate qu’elle a moult brochures et livres. Oui, elle ne s’est pas laissée faire, elle reprend le magistrat instructeur.

D’informaticienne, elle devient celle dotée d’un certain bagage intellectuel et idéologique.

Elle s’autorise des réflexions, notamment au niveau du comportement de la Justice par son courrier refusant les expertises. Elle ne se laisse pas faire et essaie de reprendre prise. Quand elle devient l’intellectuelle, elle glisse vers cette femme qui remet tout en cause.

Se questionner est différent de remettre en cause.

 C’est certain qu’elle fait tout pour ne pas subir cette procédure. Ça pourrait être intéressant, mais c’est un peu trop grave, car vous venez de la condamner à 3 ans, c’est très significatif, je n’ai pas envie qu’on se cache derrière le sursis probatoire, non justifié, associé à ces 3 ans. 

L’ORTC reprend sa « virulence » quant aux institutions et le fait qu’elle puisse contester le fonctionnement de la justice. On évoque son positionnement et sa façon d’exercer ses droits. Cela participe de la démonstration d’infraction. Une position qui vient caractériser une infraction antérieure. 

 Les arguments sont limites faiblards. 

J’insiste sur la nécessité de caractériser la participation de chacun.e.s des prévenu.e.s dans l’AMT. Il faut une volonté identifiée pour chacun. Le but de cette alliance doit être connue. C’est la distinction entre un élément moral et un mobile. Ce sont les éléments matériels qui comptent. Il faut une volonté personnelle de s’inscrire dans une entreprise terroriste pour qualifier une AMT. Ce n’est pas une idée qui doit le justifier. Il faut dire si les actes commis le sont dans un but terroriste.

Ici il n’y a qu’un élément matériel : la participation à la confection d’explosifs. Le seul comportement délictuel qui peut lui être reproché. Elle n’est pas en mesure de rapporter toutes les étapes de la fabrication. Son intérêt n’est pas porté vers ce genre de choses et se tourne plutôt vers les sciences humaines. 

Il n’y a jamais eu de sa part de volonté de dissimulation.

On vient soupçonner qu’iels cachent leurs connaissances du mot TATP, alors que dans les écoutes le mot n’est jamais prononcé. Elle ne cache pas sa participation, elle dit elle-même qu’elle a acheté de l’eau oxygénée. On déclare qu’elle l’a acheté avec sa carte bleue. Mais aucune trace d’investigation. Cela devient un achat de produit précurseur et on vient après coup en faire un élément déterminant. 

Tous décrivent le moment de la confection d’explosifs de la même manière, parce que c’est la vérité. Iels tâtonnent et se demandent comment absorber de l’humidité (ce qu’iels font à l’aide de papier-toilette, comme des amateurs).

C’est 15275SI qui est l’auteur des PV retranscrits entre le 12 et le 15 février 2020, qui sont par la suite envoyés au PNAT le 17 février 2020. L’ouverture de l’enquête a lieu le 20 février. Le ministère public dit que ce serait la charge de travail des enquêteurs qui a fait que les arrestations ne sont pas faites immédiatement. Si on entend des gens fabriquer des explosifs et qu’on ne les arrête pas immédiatement, c’est peut-être parce qu’iels ne sont pas dangereux? Pourquoi ne pas les arrêter alors qu’ils sont tous ensemble à Parcoul ? Pourquoi on ordonne un rapport d’expertise en même temps qu’on décide du jour des arrestations ?

Après ce moment, elle ne reverra que F. et W.

L’expert est mandaté le 19 novembre 2020, le jour où la décision de les arrêter est prise. « Faites rapidement cette expertise, on doit les avoir dans les prochains jours » déclare le PNAT.

On vous l’a dit : c’est rare les sonorisations, mais il n’a que les retranscriptions. C’est la première fois qu’il travaille ainsi. 

Oui, C. participe à la confection d’explosifs, mais cela est insuffisant, il faut un projet. Seul, un comportement ne suffit pas, il doit s’inscrire dans un but, un projet. Pas de projet, pas de terreur.

Fin août 2020 on retrouve deux manifestations d’humeur de C. Elle n’a pas pu déposer son chèque auprès de sa banque. Elle dit qu’elle a envie de « brûler les banques ». Puis elle pète un câble avec les restrictions sanitaires. Elle dit un peu n’importe quoi, qu’elle pourrait péter des drones, qu’elle pourrait caillasser des flics, elle pourrait….

Selon un sondage IFOP de 2023, 32% des français ont un sentiment d’hostilité envers la police. Et si elle faisait partie des 32 % ? On a le droit d’avoir une vision critique, des lectures politiques, engagées, et même subversives.

On l’a interrogée ici : « Mme B., est ce que vous cautionnez la violence ? » 

Elle l’a dit dès la GAV, elle ne cautionne pas le fait de s’en prendre à des policiers. Elle a même le droit à des lectures subversives si ça lui fait plaisir, cela  ne constitue pas des faits matériels, qui eux-mêmes doivent être caractérisés par l’adhésion à une idéologie.

Il ne suffit pas de commettre un acte violent au nom de ses idées pour verser dans le terrorisme.

Vous ne pouvez pas la réduire à un extrait de la liste de ses brochures. Elle a le droit à des lectures subversives si elle en a envie. Lecture ne vaut pas adhésion.

La « Conspiration des cellules de feu » est un pdf présent dans les scellés numériques de ses co-prévenu.es. Dans ses PDF à elle il y a une lettre écrite par des membres d’AD. Les disques durs résonnent entre eux. Les pdf des uns et des autres résonnent entre eux (elle se fout de la gueule du PNAT qui disait la veille qu’i y avait résonance entre tous les fichiers retrouvés sur les ordi des uns et des autres);

Après un mois, lorsqu’elle déménage dans le Limousin, elle fait modifier son contrôle judiciaire, le 25 juillet 2022. Une note est écrite en août, dans laquelle est mentionné le fait qu’elle habite dans la même rue que Julien Coupat. 

Ce n’est pas le fort de la DGSI, la nuance politique et elle déplore le manque de subtilité dans l’analyse des courants politiques. Je ne peux donc qu’espérer qu’elle suive le même sort que Julien Coupat.

 Les mots justes qui s’imposent pour elle : la Relaxe !

GUILLAUME ARNAUD (CAMILLE)

Je ne vais que marteler, répéter, car le matériel brut est terriblement pauvre et est vérolé. 

On parle de secret, de chuchotements. ( il parle en s’éloignant pour démonter le fait que dans les écoutes, on parle de chuchotement quand il s’agit simplement qu’on s’éloigne du micro); 

 On dit à C. : « Votre vie est tournée vers un projet fantomatique ponctué d’évènements violents ». 

Je me suis plongé dans « Comment créer une unité milicienne » chapitre 3. Il s’agit d’atteindre une forme physique. Cela doit se faire en deux étapes : le renforcement physique, en deux semaines, puis une lente amélioration. A Parcoul-Chenaud, iels ont eu un mois. Je ne comprends pas pourquoi ils ne respectent pas ce qui est écrit. Si vous êtes pris par des préceptes, essayez au moins de respecter la 6ème page !!

C. a une ambition, elle veut rendre visible les luttes, comme dans le collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, mort de cinq balles de la BAC ou Angelo Garrand, mort sous les balles du GIGN. Elle se demande comment on en arrive à mourir dans ces conditions. Elle questionne la légitime défense et l’usage d’armes létales par les forces de l’ordre. Ces drames ont donné lieu à des marches blanches. 

Mardi 10 octobre 2023 : un rapport a été approuvé en commission par 44 voix. L’Assemblée nationale se dit inquiète de l’action des forces de l’ordre en manifestation, elle dit qu’il faut pouvoir compter les blessé.es, les recenser. 

Puis Me Arnaud cite Didier Fassin qui a une critique très dure de la police, aussi dure que « celle-ci » peut le faire. 

C. vient critiquer le confort bourgeois, ce n’est pas le plus agréable à entendre pour vous – ni pour moi. 

Au sujet des institutions. Elle en respecte les contours puisqu’elle accompagne des personnes en procédure, alors qu’on l’accuse d’être « plus encline à remettre en cause la procédure que son propre comportement » selon le procureur. 

Les éléments matériels ? On parle d’une « multiplication d’entraînements paramilitaires ». Néanmoins aucune référence à des entrainements antérieurs ne se trouve dans les sonorisations. 

Elle serait une spécialiste de l’art du camouflage ? Des retranscriptions ne seraient pas retransmises pour « protéger son intimité » ? Il parle ici de blague.

Maitre Arnaud tient à noter qu’on a spécifié pour C. qu’elle n’avait pas d’enfant alors qu’on ne l’a même pas dit pour S. alors que pour lui il s’agit d’un projet de vie. Sans doute, dit-il, que cela tient-il à sa capacité à enfanter. 

Au sujet de Parcoul-Chenaud : « le lieu de l’entente ». On compte 21 jours entre les essais de fabrication d’explosifs et la partie d’airsoft. S’iels étaient réellement tendus par des intentions de recrutement, ils en parleraient, mais rien, aucune conversation n’est versée au dossier.

Le 05 avril 2020 à 21h46, F. cherche le chemin pour venir à Parcoul. Le 11 avril 2020 : c’est la retranscription suivante. Entre les deux ? Iels n’en parleraient pas. 

Un autre point sur Parcoul-Chenaud, C. aurait participé à une discussion où il s’agirait de s’en prendre à la police. Elle affirme que « non, elle n’en n’a pas été témoin », les autres prévenu.es ont aussi précisé qu’elle n’était pas présente, mais le parquet remet cela en doute.

Puis il est question de questionnements sur ville/campagne, autarcie/automomie, c’est une discussion récurrente. 

Discussion à Bollène où F. dit qu’il veut cramer toutes les voitures de police. Il faut prendre en compte le côté irréalisable des énoncés. Le commissariat est en face de l’Intermarché qui est équipé de 17 caméras. Il est dit qu’elle aurait rencontré S., non, elle ne l’a pas rencontré. 

Au sujet de la conversation « debrief » après la partie d’Airsoft : Elle a une connaissance assez fine de ce qu’on pourrait appeler le Retex. (Retour d’Expérience) Elle vient questionner comment on vit ensemble et pas comment on se tue les uns les autres, elle se questionne sur les rapports d’oppression, les places de chacun.e dans les groupes (W. et B. prennent beaucoup de place dans le groupe, notamment niveau sonore.. ).

Starhawk : activiste éco-fémininiste qui décrit les places, les rôles et comportements des groupes. Maitre Arnaud déclare qu’elle lui a fait lire Starhawk.

C’est ça qui l’a intéressé chez C., c’était son champ de réflexion. A Parcoul, elle est attentive à chacun pour pour que tout le monde se sente bien. « Les mecs virils ca n’arrive pas à se déplacer tout seul » et c’est ce qui l’interessait, les déplacer. 

Elle ne lâche rien !  On lui reproche d’avoir gardé le silence. Cela ne devrait pas être sujet à débat : c’est le droit au silence. Sa première demande d’accès au dossier a été refusée ! Tout le monde n’avait pas encore été arrété et auditionné, il était entendable de ne pas faire appel.

Deuxième demande d’accès au dossier : encore refusée ! Elle fait alors appel et obtiendra le droit d’accès par la Cour d’Appel.

Lors de ses premiers interrogatoire, il y a une construction dans les auditions avec des trous dans la raquette. A ce procès, dans le chapitre sur les armes, on la questionne sur l’airsoft. Elle dit qu’elle ne comprend pas le rapport. Il y a donc bien une construction en GAV.

Fijait : c’est incroyable que ce soit demandé. Pas de manigance ni de déformation de la réalité de la part de la défense. Pas d’écran de fumée. 

Il faut garder la juste mesure dans ce dossier : je demande donc qu’il n’y ait pas d’inscription au FIJAIT.

Parcoul-Chenaud : c’est aussi là qu’a eu lieu la formation à Tails . Elle va être claire en interrogatoire, elle veut être maître de son ordi, de sa propre vie. 

La brochure qu’elle a, qui fait référence à Action Directe : il y a des adresses mail de personnes qui l’ont diffusée. C’est écrit « Contribution » et c’est traduit « manifeste » par le PNAT.

Ça n’a aucun sens.

La brochure « Brule ton école », ce sont des contes satiriques. Il y a notamment l’histoire des sciences, c’est une contribution critique. « Cette violence révolutionnaire, on la retrouve dans le dossier » dira le PNAT. Une fois qu’on passe le prisme du passage à l’acte, c’est tout flou, on fait avec ce qu’on a.

A été mentionné un groupe Signal, « Trêve de fête » sur lequel plusieurs prévenu.es sont. 

En GAV, elle donne son ADN , alors qu’elle ne voulait pas. Mais elle dit : « Je ne veux pas donner toute mon intimité, jusqu’au bout des orteils »  Donc à un moment STOP. Elle n’a rien à cacher, mais à un moment elle dit stop après avoir donné son ADN.

Il évoque encore une brochure, de Zehra Degan : elle a été placée en détention en Turquie, puis relaxée.Elle a été inculpée pour « propagande terroriste » à cause de la diffusion d’une photo d’une femme kurde en prison. Elle ira jusqu’à la CEDH, la Cour reconnait les torts de l’état turc, qui est obligé de l’indemniser. 

« Ce n’est pas très grave tout ça » et on rappelle que « lire ce n’est pas adhérer ».

Il demande à pouvoir récupérer le téléphone de sa mère, son dernier ordinateur, les clés USB.

La grand-mère de C. a envoyé un article du Canard enchainé : «  La rébellion, c’est ne jamais être d’accord avec le monde tel qu’il est ».

Conseil donné aux gens ici :« Ne soyez jamais d’accord avec le monde tel qu’il est ! »

EMILIE BONVARLET (WILLIAM)

D89012 : 1er interrogatoire « Je ne voulais pas qu’on fasse un raccourci entre mon engagement pour les animaux et mes entrainements au stand de tir, qui sont des choses totalement différentes. »

Ce fut un coup de massue de voir qu’il a été décrit comme dangereux . Dur de voir qu’il est impossible de s’en défendre. La procédure ne présente aucune forme de partialité. La Défense a t elle une office auprès du parquet ? Et vous mesdames les juges, avez vous encore une office auprès du parquet ?

Ce qu’on veut, c’est qu’on soit dans l’état de sidération dans lequel était le prévenu le 08 décembre 2020.

Vous avez plus de 2 ans de surveillance administrative, 11 mois d’enquête, 2 ans d’instruction. 

25000 sonorisations, des centaines de milliers d’appels. Et là, aucun élément matériel. Vous avez seulement une infraction pénale.

Gloubi-boulga du PNAT : La fabrication d’explosifs est reconnue. L’anarchisme est fantasmé par le PNAT. Le PNAT et la DGSI s’auto-alimentent. On oublie les personnes, leurs vécus, leurs débats. « Les conditions d’émergence par capillarité » : on oublie les personnes, les nuances. Peu importe l’alcoolisation, l’humour, le conditionnel. Peu importe, puisque la DGSI est convaincue . Tout est affirmation, réduction : Iels sont anarchistes, donc dangereux.ses, donc ayant pour objectif de tuer des policiers.

Le PNAT dit que les projets sont invariables : il s’agit d’attaquer des policiers. Le PNAT dit que si le rapport est un renseignement anonyme ou une plainte, dans ces cas on peut contester, s’en défendre. Là, non, c’est la valeur de la parole du commissaire. 

On a voulu interroger les policiers. Je n’ai pas compris que le PNAT défende que leur enquête soit sans faille, je n’ai pas compris qu’ils ne les fassent pas venir. Ca n’a pas été possible, car ce n’a pas été souhaité. Nous avions besoin de leur poser des questions. Ils ne veulent rien remettre en cause. L’objectivité est par conséquent  illusoire.

– La notion de danger est elle présente ? 

– Les lapsus  (glissement sémantique de « lunettes balistiques » à « gilet balistique » puis à « à gilet explosif »)

La défense souhaitait les interroger sur leur choix de sélection des écoutes, choix faits par elleux seuls.

A l’issue de cette enquête, vous n’avez ni cible, ni moyens, ni projet d’ailleurs. Vous n’avez que des mots.

Revenons sur des paroles.

Nous devons y revenir car on ne peut que reconnaître la violence de ces interpellations à 6h du matin pendant le confinement : cagoule, train, regards des passants, 4ème sous-sol du PNAT…

Lors du 1er interrogatoire : on constate qu’une pause technique n’est pas référencée.

Or il existe une jurisprudence ayant censuré un interrogatoire se déroulant en cellule, en pointant le fait que c’est une procédure déloyale.

Avait-il déjà évoqué le fait qu’on lui ait dit que F. voulait tuer des policiers ou des militaires avant que la question ne lui soit posée ? Or à ce sujet on lui pose une question fermée, il ne faut donc pas qu’on ne s’étonne qu’il reprenne les termes de la question.

La DGSI informe W. que F. était sur le point de commettre un crime extrêmement grave. Dans ce contexte, que vaut une réponse ? Est-ce normal pour des enquêteurs de prêcher le faux pour obtenir des paroles ? 

Rien n’est gravé dans le marbre en droit pénal. Même des aveux peuvent être rétractés. 

Même avec ces déclarations W. résiste. « Je ne peux pas dire si c’était une opinion ou un projet ». Intellectuellement, il résiste à l’idée qui lui a été mise dans la tête. 

Il a fait une déclaration dès qu’il en a eu l’occasion, pour resituer ces paroles dans leur contexte : « Il s’agit d’une beuverie où chacun en rajoutait ».

On sent qu’on est dans un abandon du droit pénal où la question de l’intentionnalité est centrale. Il y a un point important en droit : la présomption d’innocence. Une AMT ne justifie pas l’inverse.

Au sujet de cette discussion, iels sont cohérents et disent que C. n’était pas présente.

Dans cette discussion, il y avait un désaccord, une opposition. Camille aurait été débriefée… puisqu’ils avaient l’habitude de le faire pour un peu tout Or C. et F. n’y ont jamais fait référence ensuite.

C. a fait référence à une discussion entre F., W. et B., qu’elle a entendue, et dans laquelle ils parlaient de leurs projets de vie, de la question de l’autonomie à la campagne, de l’autarcie (B. et W.) ou de la lutte contre une extrême-droite qui s’arme et se renforce. « Tu combats ou pas ? » « Où vas-tu trouver une arme ? »

Le PNAT a entretenu une confusion volontaire entre ces 2 conversations. Avec des si, on ne fait pas de l’intentionnalité.

Vous les avez vu à cette audience, ils ne sont pas capable de se tenir alors qu’ils encourent 10 ans. Tout est prétexte à une mise à distance. Iels font de l’humour, tout le temps.

W. aime ce qui fait boum. Il explose des objets en terre cuite. Il a toujours dit qu’il voulait faire des pétards. 

S’agissant de l’airsoft : iels étaient intenables ! C’était du théâtre. Tout le monde l’a dit, tous les témoins,  toustes les personnes présentes.

L’unique argument du PNAT pour contrer cette idée que c’était une ambiance de colo est le fait qu’une témoin a déclaré qu’elle avait pensé à F. quand elle a vu les arrestations à la TV. (Florian D. ex volontaire au Rojava, le raccourci est pas si difficile à faire ).

Le fichier AAAqui contenait les fichiers pdf n’a pas été exploité comme il faudrait. Le PNAT n’est pas revenu sur l’argument de la défense qui est que dans l’exploitation du fichier, il n’avait pas été vérifié la dernière ouverture du fichier. Le dossier contenant ce fichier est daté de Sivens.

Au sujet du survivalisme : quel.le parisien.ne n’a pas eu cette discussion avec un ami en 2020 ? : « Viens, on trouve un bout de terrain, on met des poules et on se casse de cette ville ! »

Quel rapport avec une AMT terroriste ? 

L’action qu’il a effectuée pour la cause antispéciste ? Il avait 20 ans ! C’était il y a plus de dix ans, les faits remontent à 2010, ont été jugés en 2016 et lui ont valu 4 années en contrôle judiciaire, qu’il a respecté. 

« Une action qui met en danger la vie d’autrui ».  C’est la nuit, il n’y a personne. Il met le feu à un camion. Le seul qu’il a mis en danger, c’est lui-même.

Il s’est mis à la chasse, il a obtenu le permis en 2019. Il a un rapport sensible aux animaux, il ne se cache pas derrière les emballages plastiques. Il n’a pas le droit d’évoluer ?

En stand de tir, il cherche une occasion de concentration, comme avec le tir à l’arc. On n’est pas face à une personne qui va se défouler avec une Kalachnikov !

On lui reproche d’accumuler des armes. Il en possède cinq, dont une qu’il revend. 

Au sujet de la communication du 20 août 2020 : la colocation à Parcoul est terminée. Il souhaite vendre ses armes. Une seule est reprise dans le dépôt-vente. Les autres ne sont pas achetées assez cher, donc il les garde. La communication est enregistrée. C’est fou de dire qu’il était dans une logique d’accumulation ! 

Oui il aime le tir et il en parle, il a avoué qu’il a donné envie à d’autres de le pratiquer. 

Entre pratiquer au stand de tir et passer le permis de chasse, le plus simple c’est le stand de tir. Pour le permis de chasse, il faut se signaler à la préfecture, c’est de l’administratif. Mais l’intérêt du permis de chasse, c’est de chasser. On lui reproche de ne pas avoir chassé ? Il s’entraine au tir pour ne pas blesser un animal, mais réussir à le tuer directement.

Sur la formation d’artificier : il ne l’a pas faite car il ne voulait pas être simplement aide-artificier, ce qu’il aurait été à cause de ses antécédents judiciaires. Donc il ne voulait pas « juste des compétences en explosifs ». Il voulait une réelle formation professionnelle pour pouvoir travailler dans ce domaine.

Je ne suis pas d’accord avec l’accusation : on est face à des potes qui se bourrent la gueule et qui refont le monde. Donc je vous demande de ne pas retenir la qualification d’AMT.

SERVANE MEYNIARD (WILLIAM)

Pas de « A », pas de « M », pas de « T » (pour « association de malfaiteurs terroriste »).

Mais pas de « O » non plus, ni de « B » (pour « bande organisée »)

La jurisprudence est plus ferme pour définir ce qu’est la bande organisée. Il est nécessaire qu’il y ait « prémiditation et organisation structurée entre ses membres ».

Le bateau qui brûle avec la petite fusée qui fait « pfuiiiit ! » est à l’image de ce dossier. Il est fait référence à de multiples reprises dans les écoutes de ce bâteau et d’un futur bateau ! 

Il n’y a pas de préméditation ! 

Le PNAT dit que F. vient avec tout le matériel, ce qui n’est pas exact, ni avec toute la recette.  L’eau oxygénée vient après, les mèches aussi. Pour la recette, ils font des recherches.

Lapsus du PNAT : le proc a utilisé le terme « tourisme » pour « terrorisme ». Oui ce sont bien des touristes des explosifs ! 

Ce qui les rassemble, c’est le Covid.

Ils tâtonnent, étudient de manière empirique. Ca veut dire qu’ils essayent et que ça ne fonctionne pas. L’expert se moque d’eux. Il dit qu’iels sont incompétent.es. Le PNAT dit qu’iels étaient conscient.es des risques encourus s’agissant de ces explosifs. Iels fabriquent des explosifs dans un camion qui est le lieu de vie de F., avec les chiens qui sont très proches. 

Iels allument leurs briquets dans le camion. Iels passent leur temps à rire, à chantonner. Iels proposent même de mettre une allumette dessus. « Ya pas de raison que ça marche ». « Si on se protégeait avec ton ordinateur ? ».

Aucune trace de trou dans le sol n’a été constatée selon les dires des personnes présentes (la DGSI n’a d’ailleurs pas contesté). La seule fois où iels ont conscience d’un danger, c’est après le « Boum ». D’ailleurs, après iels arrêtent leurs essais.

L’agent 1527 est absent à ce procès. La retranscription des sonorisations a été effectuée deux fois pour la même journée, il a retranscrit le 11.04 en date du 12 et du 14.04 (le lundi de Pâques, rien). Et après on nous dit que les agents sont débordés…

Le 14 avril 2020, l’agent pose le mot TATP lui-même, puis fait remonter l’information au parquet le 16 avril.

On ne demande à l’expert que le 19 novembre 2020. Entre ces essais et l’interpellation, il y a 241 jours.  Cela prouve bien qu’iels n’étaient pas dangereux.ses, sinon on serait venu les arrêter plus tôt.

S’agissant des armes : le SNEAS avait entamé une démarche pour empêcher W. de les conserver. La DGSI leur a répondu de ne surtout pas lui retirer ses armes. Donc où est la dangerosité ? C’est bien là la preuve que même la DGSI pense qu’il n’est pas dangereux.

L’année 2011-2012, W. commence son Master, il se rend en ZAD par la suite. Il n’abandonne pas ses convictions. Il évolue. Il apprend d’autres manières de faire. Il n’est pas comme l’ORTC l’a déclaré « en totale contradiction avec son passé d’antispéciste ». Il lui est impossible de trahir ses convictions profondes.

Le permis de chasse lui permet de déclarer son terrain en chasse gardée. Sa mère le déclarera : « Il y a un certain respect entre les chasseurs à ce niveau là ». 

Sa passion pour le tir, la façon dont il en parle, dans la prolongation du tir à l’arc, pour se concentrer, calmement. Il en parle à plein de personnes, « qui ne remarquent rien de déviant ».

Il en a une pratique régulière et sérieuse. Il s’est rendu 20 fois au stand de tir. Concernant la collection d’armes, c’est une tradition familiale. 

La peine requise comporte un sursis probatoire, comprenant une obligation de soin et de travail. Pourquoi ? Ce n’est pas justifié . « Ce sont des gauchistes, il faut bien les éduquer ».

L’interdiction de port d’arme n’a aucun lien avec l’infraction concernant les explosifs donc je demande de ne pas inscrire sa condamnation au B2 pour qu’il puisse continuer la pratique de son sport. Il ne faut pas que sa passion pour le tir sportif ne soit mise à mal. 

Me Meyniard demande également la restitution de tous les scellés.

MERCREDI 25 OCTOBRE : REQUISITOIRES

Début d’audience à 14h50, la salle est pleine, de nombreux.ses journalistes et étudiant·es sont venues pour cette journée qui sera la plus éloignée de la réalité.

Juge : En attente que tout le monde puisse rentrer, pour ne pas déranger la prise de parole du Proc.

Elle fait une remarque sur les réactions de la salle : « On ouvre ses oreilles, pas sa bouche » (je suis de retour en CE2…).

LE PROCUREUR – Benjamin C.

Le Porc a préparé son grand oral, son récit bien ficelé posé sur un pupitre qu’il lit debout, jouissant de son auditoire.

Il débute son réquisitoire par une citation de la « Conspiration des cellules de feu » (ça ne le lâchera plus cette référence, il est légèrement obsessionnel, le proc…), un collectif grec auquel aucun des inculpé·e n’a jamais fait référence. Cette citation vise selon lui à inciter les militants internationalistes à la guérilla armée.

Il fait l’histoire de ce texte. Publication d’origine en 2011 en Grèce, traduction en France en 2017. Cite le texte introductif des traducteurs : « Nous ne voulons pas révolutionner mais détruire ».

En 2017 F. est toujours au Rojava. Il passera par la Grèce à 3 reprises : à son retour, avec M., et en novembre 2020.

On a retrouvé ce document dans ses affaires (il ne précise pas qu’il s’agit d’un disque dur qui contenait des milliers de brochures). Cette présence n’est pas anodine. F. dit que son leitmotiv c’est lutter contre Daesh, le confédéralisme, mais dans touts les documents retrouvés, dans les écoutes, il n’est pas fait mention de Daesh. En revanche, il y a « La conspiration des cellules de feu » et la brochure sur « monter une milice » chez M. et W. : c’est la feuille de route de F., c’est ça qui donne sens à toutes ses actions.

Il ne s’agit pas d’une procédure sur une organisation, mais sur un homme mu par des idées révolutionnaires. Son objectif : former et armer des militant·es pour s’en prendre aux forces de l’ordre.

Quand un djihadiste possède un texte de propagande islamiste, cela donne son champ d’action. Quand un militant corse a des explosifs et un texte du FLNC, cela donne son champ d’action. Donc F. possède ce document, donc il s’inscrit dans ce champ-là.

Le proc parle de l’énergie que F. a mis à recruter et à former, de son charisme, de son obsession combattante au Rojava, de son hyper-activisme. Tout ceci lié aux documents, cela donne une conspiration hautement dangereuse (il ne se base sur rien du dossier). Ce n’est pas un récit construit par la DGSI et porté par un parquet complaisant. Au contraire, de nombreux·ses magistrat·es, toustes à leur niveau, confirment la procédure et les charges retenues.

Là où il y a une volonté, il y a un chemin… ici, c’est une autoroute ! 

La défense voudrait mettre la DGSI et le parquet au pilori. Ce mythe d’une kabbale de l’État contre des militants d’ultra-gauche s’accorde mal avec l’indépendance du parquet. Les réquisitions s’appuient sur le dossier. S’il y a un récit il est du côté de la défense. Il a fallu accorder 7 prévenu.es avec des dires différents. Avec un mot d’ordre : « Il faut sauver le soldat F. » Avec pour stratégie du côté de la défense : « Si vous disculpez le leader, vous vous disculpez avec lui ».

Il revient sur la chronologie des « faits » en abondant d’interprétations et relie les éléments entre-eux là où il n’y a pas de liens. Le 7 février 2020 : le rapport de judiciarisation de la DGSI serait totalement confirmé. Puis du 11 au 13 février : F. + L. + M. font une partie d’Airsoft près de Toulouse. Du 14 au 17 février : F. + S. se retrouvent à Paulnay, volent de l’engrais et tentent de fabriquer de l’explosif (rappelons que c’est raté et qu’en réalité les essais se font le 15 au matin et durent 2h, pas plus). Du 17 mars au 11 mai intervient le confinement. Du 5 avril au 17 mai : retrouvailles F. + C. chez W + B (Parcoul, askip le camp d’entrainement). Le 20 avril est ouverte l’information judiciaire (ce n’est plus le PNAT qui conduit les investigations mais un juge d’instruction (Jean-Marc HERBAUT). Puis du 25 au 27 mai : F. + M. + L. font une soirée près d’un lac avec d’autres gens en camion, (c’est la fameuse « réunion conspirative »). Pendant l’été, F. revoit S. une fois. Entre le 4 et 17 août, F voyage en Belgique, en République Tchèque, pour « rencontrer des camarades ». Le 30 octobre : nouveau confinement. Le 18 novembre, F. est en Grèce. Le 4 décembre : une expertise sur les explosifs est rendue en urgence. Le 8 décembre 2020 : interpellation de 9 personnes puis le 11 décembre : inculpation de 7 personnes pour AMT.

Le travail de la DGSI aurait été rendu difficile par : 

    – l’extrême prudence dans les moyens de communication utilisés par les prévenu.es (faux)

    – la mobilité géographique des mis·es en cause (pas vrai pour tous·tes)

    – leur vie dans des lieux collectifs (pas vrai pour tous·tes)

    – 2 périodes de confinement, ce qui ne facilitait pas le travail des keufs pour être discrets (faux)

Il y a eu 10 mois d’investigations, 2 ans d’instruction, et des éléments à charge ont été retenus, provenant de sonorisations, interrogatoires, photos, filatures…

Le moment de l’interpellation est un moment où F. va possiblement vendre son camion. C’est une période de  confinement, donc ce n’est pas facile pour les keufs, qui sont en attente du retour d’expertise s’agissant des explosifs. 

Le proc souhaite « tordre le cou » à un raccourci : pourquoi n’ont ils pas été interpellé.es à Paulnay ou Parcoul ? Les enquêteurs devaient tenir compte de leur éparpillement sur le territoire et étaient astreints à une très grosse charge de travail de retranscription (ben quand on voit ce qu’ils en ont fait, c’était bien la peine…..). Le travail des enquêteurs est remarquable, mais le dossier prend une autre envergure suite au rapport de l’expert en explosifs qui viendrait attester que ce groupe était très dangereux. (encore faux: les arrestations sont décidées le 19 novembre et l’expertise demandée le 24 novembre).

Le proc dénonce beaucoup de fantasmes contre la DGSI. Le positionnement de la défense serait: il y a une défaillance institutionnelle. C’est injuste ! L’action des services de renseignement est encadrée, depuis 2015, avec comme champ d’action : la sécurité nationale, le terrorisme, et les rassemblements qui pourraient nuire à la sécurité publique (en gros, les manifs, quoi…). Le travail de renseignement n’est pas une science exacte. Il y a des échecs, mais d’incontestables réussites : des interpellations, des attentats évités. Il revient sur leur bravoure dans la lutte contre le terrorisme. Quand la DGSI en 2020 interpelle un groupe d’ultra-droite, avec les mêmes méthodes, tout le monde se félicite. Quand la DGSI déjoue un attentat avant les élections, tout le monde se félicite. On se scandalise ici par les mêmes méthodes utilisées ? Pourquoi ? Parce que la lutte au Rojava exonère ? « On a vu des membres de l’OAS être d’anciens résistants ». (nan, mais franchement ????) Dans ce dossier, le renseignement vient seulement infirmer ou confirmer des interrogations.

Parmi les personnes écouté·es, un se détache particulièrement : F.

Le proc énumère ce qu’on lui reproche :

– il revient du Rojava

– il gère une association qui est une coquille vide

– plusieurs personnes de son entourage sont « entrainées » : C. + M. + L. + W. et B. (on parle d’une partie d’airsoft où tout le monde se marre hein…)

Le renseignement a corroboré toutes les suspicions :

– sur l’identité du suspect : F. est bien le leader charismatique, et il met en application ses connaissances acquises au Rojava, dont il tire une gloire et une légitimité pour mener ses projets.

– sur l’activité du groupe : il forme aux moyens de communication sécurisés et anonymes (faux), aux entrainements tactiques (faux), et stimule à la recherche et manipulation d’armes (faux).

– les actes isolés se sont en réalité répétés ! (euh, non plus)

– l’existence d’une « association- écran » qui masque leurs réelles intentions, montée avec des « prête-noms ».

Ce que vont révéler les écoutes : la fabrication d’explosifs (oui) avec gros niveau de détermination et de savoir-faire (faux).

Ce que les écoutes n’ont pas établi : l’objet du voyage de M. en Colombie, l’attentat contre le consulat de Turquie à Nantes (mais on en reparle quand même, il s’agissait de tags…). 

Le proc nous fait ensuite une petite définition de ce qu’est « l’ultra gauche », la notion centrale.

Il s’agit d’une mouvance, située dans une idéologie radicale, ayant pour principe le refus des règles institutionnelles, assumant le recours à la violence, et étant composée d’individus partisans de l’action violente. C’est une terminologie assumée.

Il calque les nouvelles théorisations de la « radicalisation » effectuées ces dernières années post-attentats. Par essence une entreprise terroriste repose sur une base idéologique. La question des opinions des prévenu·es est donc centrale. Ce n’est pas le procès d’une conviction, mais celui d’un cheminement vers un engagement violent. C’est la même chose que lorsqu’on juge l’ETA, des djihadistes ou l’ultra-droite. Les prévenu·es ont été légitimement questionné·es sur leurs opinions.

L’ultra-gauche est « multiple et protéiforme », en revanche ses cibles sont immuables : les représentants des institutions ou du capitalisme. L’ultra-gauche fait usage de multiples modes d’action. le terrorisme y est extrêmement marginal.

Elle revêt de multiples modes d’expression : occupations illégales de lieux, ZAD. Beaucoup y sont allé·es, s’y sont connu.es et y ont lié de solides amitiés. Par ailleurs iels disent avoir participé sur place uniquement à des actions pacifiques, mais justifient les brochures questionnantes en disant que se sont des docs qui circulent là-bas. Mais aussi les black blocs et leur ultraviolence : des éléments dans ce dossier laissent transparaitre leur participation aux black blocs (vêtements trouvés chez F., sonorisation du camion). Tout ça n’est pas du terrorisme, pour autant ce sont des marqueurs idéologiques.

Un élément symbolique important : le Rojava, qui constitue une nouvelle source d’inspiration pour l’ultra-gauche. F. a séjourné 10 mois là-bas ; M. voulait y aller. Quant aux autres : iels possèdent des livres sur le sujet (pas tous). Le séjour au Rojava n’est pas l’objet de la poursuite. Mais cette expérience hors-normes doit être évoquée car elle influe sur le comportement et les projets.

F. se présente comme « vétéran », il se présente lui-même comme ça. (faux) Il est obnubilé par ça.

La question que se pose le parquet : quelle est sa motivation pour y aller ? Si c’est pour combattre avec les kurdes, ok. Si c’est pour se former à la guérilla, aux armes et ensuite transmettre son savoir-faire : alors cela concerne le PNAT. Il rappelle qu’il ne faut pas oublier que si héroïques que soient les YPG contre Daesh, le PKK n’en reste pas moins une organisation terroriste. Cet engagement au Rojava doit-il absoudre tout le reste ?

De plus, son engagement contre Daesh ne transparait pas dans ce dossier, il ne ressort pas des écoutes. F ne dit rien de l’état islamique. La seule référence faite à Daesh par F. c’est son admiration pour leur capacité à faire des explosifs (mais quel fumier !!!!). Le Rojava est au cœur des discussions, jamais Daesh (alors qu’il en a parlé les larmes aux yeux dès le début du procès).

On a plus à faire à quelqu’un qui raconte ses « coups de feu » de ses combats contre Daesh.

De plus, là-bas, il a lutté en dehors de tout cadre institutionnel. Quand des militaires rentrent de terrain de guerre, ils sont suivis. Là rien. Son retour n’est pas sans traumatisme, et il reste sans suivi : cela le rend dangereux. Il n’est jamais question dans les écoutes du danger que représente Daesh en France, ici le combat c’est contre les forces de l’ordre. En se focalisant sur la transmission plutôt que sur l’engagement politique, on voit bien qu’il est extrémiste, radicalisé et violent.

Le proc nous fait un petit laïus sur l’indépendance du parquet, comme quoi ce ne sont pas les « déclarations d’un ministre, fût-il de l’Intérieur » qui viendraient changer ça.

Il veut tordre le cou à un autre élément (il tord beaucoup de cous…). La DGSI serait désœuvrée et il y aurait une volonté de terroriser l’ultra-gauche mais c’est faux selon lui, puisqu’il n’y a aucune autre accusation pour terrorisme hormis celle-ci.

Depuis sa création, le PNAT se porte trop bien. Il fait le récit des actions brillantes du PNAT, il cite même les OPEX au Mali et au Niger… Il a oublié qu’on s’est fait dégager de là-bas ? Il a oublié que 10 ans de Barkane n’auront absolument jamais empêché le terrorisme de se développer ? Manifestement il ne maîtrise pas ce sujet… Il parle du PKK (évidemment, il pouvait pas laisser passer l’occas’ !), des Corses, et de l’ultra-droite (ça lui importe, au proc, qu’on le croit sur le fait qu’ils s’occupent activement de l’ultra-droite !).

Sur la persécution de l’ultra-gauche : il nous dit que le coeur du boulot c’est le djihadisme, et que l’ultra-droite est la 2ème menace : 15% des affaires. Cette affaire est la seule affaire concernant l’ultra-gauche.

A sujet de la persécution présumée de F. suite à son retour du Rojava, le proc rappelle que 30 à 40 personnes sont revenues du Rojava, et que lui seul a été inquiété. Il n’y a pas de persécution. Il y a un vétéran armé, déterminé à mener des actions violentes sur le territoire et à former 6 compagnons d’armes.

On va avoir droit à la longue « histoire » du terrorisme d’ultra-gauche… Il va passer une heure à reprendre les PV de la DGSI (dispos sur soutien812.net) pour faire du révisionnisme historique total.

Il commence par « sans remonter jusqu’à la 3eme République », mais bon, rappelle la mort de Sadi Carnot… (ça va être long !) et les anarchistes qui ont posé quelques bombes au 19e siècle (aucun mot sur les horreurs coloniales massives de la France à cette époque par contre…).

Saut dans le temps : « On a tous à l’esprit les Années de Plomb en Italie », les Brigades Rouges, 48 morts, dont la mort d’Aldo Moro (là aussi on saura rien de plus du contexte fasciste, des bombes posées par les services secrets italiens, etc.). La RAF en Allemagne, la Belgique, la Grèce, puis il énumère les groupes en France : le GARI, les Brigades Internationales, NAPAP et bien sûr Action Directe (ah ! il va dire souvent Action Directe, ça le gargarise Action Directe… Il est complètement obsédé par ça ! On aura le droit à neufs mentions).

Le cas d’Action Directe est intéressant en droit : la loi antiterroriste de 1986 instaure une Cour d’assises spéciale, avec des magistrats à la place du jury populaire, suite à un procès lié à Action Directe pendant lequel le prévenu s’était adressé directement aux juré·es pour les mettre en garde contre une justice partisane et classiste. Il faut sortir d’une forme de romantisme révolutionnaire à l’égard du terrorisme.

Il dit : « Il n’est pas question d’amalgamer Action Directe et les prévenu·es » (mais il ne va faire que ça !).

Mais quand même, resituer l’action criminelle d’Action Directe est pertinente ici : le terrorisme d’ultra-gauche, en dépit d’une certaine mansuétude, a tué, terrorisé, dans les rues de Paris. Nous rencontrons Action Directe dans le dossier ici : il évoque la fameuse brochure de C. : une contribution (qu’il nomme manifeste) de deux ex-membres de AD pour la journée internationale en solidarité avec les prisonniers politiques, qui légitimerait la violence politique. S. et L. semblent manifester un intérêt pour AD. (n’imp !)

Il reprend son « histoire du terrorisme d’ultra-gauche » : il parle d’un renouveau dans les années 2000, surtout en Grèce, notamment avec la « Conspiration des cellules de feu ». Ceci n’est pas tout à fait étranger à ce qui se passe en France : des institutions françaises auraient été victimes des « cellules de feu » : il cite pêle-mêle une agence AFP à Athènes, un colis piégé destiné à Sarko, l’ambassade de France, un texte de revendication faisant référence à Rémi Fraisse, un colis piégé en mars 2017 au siège du FMI à Paris.

Il redit que cet exposé (qui dure depuis une heure sans parler du dossier !!!) ne nous éloigne pas des faits:  le terrorisme d’ultra-gauche existe, il s’inspire notamment du texte grec, les cibles sont les institutions ou le capitalisme, le mode opératoire : les armes et les explosifs. Et voilà : le dossier ! (il est content le proc…)

Les faits qui sont reprochés aux 7 inculpé.es : sous l’influence de l’ultra-gauche, sous l’influence de F. : iels franchissent la ligne rouge de la radicalisation, après les frustrations de la ZAD de Sivens et des Gilets Jaunes. Nous ne le masquons pas ici : ce dossier est celui de F. qui place tout ça au dessus de tout. Un homme charismatique et des camarades agrégé.es. 

La défense dit « un groupe fictif », mais iels ont une défense commune !

Dans ce dossier, F. est le dénominateur commun : 3 personnes ont dit des choses incriminantes sur F. (fameuses GAV à la DGSI). Les avocates s’affichent comme appartenant à un même collectif : cela interroge. D’autant qu’immédiatement, toustes reviennent sur leurs propos tenus en GAV. (faux) Iels ont choisi une défense commune, quitte à créer la confusion. 

Les inculpé·es et leurs soutiens reprennent à leur compte le concept d’invisibilité, utilisent les mêmes éléments de langage, avec la création de blogs, de sites internet, montés de toute pièce pour les propager. Iels ont même une page Wikipédia !

Le procureur dénonce un traitement médiatique très complaisant : il trouve que les médias font preuve d’une certaine mansuétude, due à un processus d’identification des journalistes, qui partagent les mêmes idées (alors, là, on rit !!!) et ferment les yeux sur leurs agissements.

Iels se permettent tout ! : une lettre des familles et proches adressée publiquement au juge Herbaut, publient des PV dans les blogs de soutien, les arrestations deviennent des « enlèvements », les GAV deviennent « séquestration », et la détention de la « torture blanche ».(réaction de la salle)

Le procureur y voit en filigrane une stratégie d’intimidation de la part de la défense. Un climat de tension a été créé autour du procès, ce que les réactions de la salle ne démentent pas. La défense a demandé d’exclure des pièces, mais inversement, sans « contradictoire », a produit des pièces au dernier moment, non sourcées (il parle de la vidéo du bateau). On dénonce l’enquête comme atteinte à la vie privée. On invalide un expert. On invoque une interprétation personnelle du droit lors de la QPC.

A cela s’ajoutent des propos à l’emporte-pièce, une alcoolisation massive, une amnésie collective.

Il faut sauver le camarade F., quitte à être incohérent avec soi-même ! Il y a un retournement du procès des 7 prévenu.es, qui en font le procès de la DGSI. On justifie les éléments les plus graves du dossier par leur appartenance à un milieu, tout en dénonçant un procès politique.

L’audience a pu donner l’impression d’une cour de récréation. C’est regrettable, cela méritait mieux. Les avocats demandent à leurs clients : avez-vous compris l’AMT ? Ce qui démontre qu’iels n’ont pas fait leur travail correctement.

C’est quoi l’infraction AMT ?

– groupement formé ou entente établie (pas besoin que ce soit un groupe déterminé, structuré)

– caractérisation par un ou plusieurs faits matériel : leurs agissements

– préparation d’actes prévus (assassinat, meurtre, …)

– volonté de troubler gravement l’ordre public : F qui veut importer la guérilla en France!

Une accusation d’AMT ne nécessite pas de démonstration précise, seule la connaissance de la finalité suffit. Il n’est pas nécessaire de prouver l’adhésion idéologique.

Il va citer l’affaire Mohamed Merah, et de son ami d’enfance qui n’adhérait pas du tout a une idéologie violente mais a été reconnu coupable car « il ne pouvait pas ignorer les intentions de… F » (il fait un lapsus et confond F. avec Merah…) Il dit que cet ami a été condamné non parce qu’il avait été démontré son adhésion au djihadisme mais du fait du son niveau de connaissance des projets terroristes de Merah (les avocates de M. démontreront que c’est faux le lendemain..).

Il va se servir de cet exemple pour démontrer que les copaines sont au courant des « projets » de F. Il cIte une écoute de S., le fait que B. possède une brochure « Analyse d’une instruction antiterroriste » : pour lui la démonstration est faite qu’ils savent qu’il y a une ligne rouge qui a été franchie.

A Tarnac, il s’agissait d’individus qui avaient interrompu un train. C’était une action de « basse intensité » (vocabulaire militaire hérité des théories de la DGR), ce qui explique que le caractère terroriste n’ait pas été retenu. Dans l’affaire qui nous occupe ici, les moyens mis en oeuvre, les armes et les explosifs, en font un risque d’attaque de haute intensité. La personnalité de F. = haute intensité.

Le proc dénonce un rapport au terrorisme différent des deux côtés de la barre : 

Le fait que F. fasse l’apologie du PKK, que Me Kempf dise « militants kurdes », oublie des condamnations ; quand Olivier Grosjean (spécialiste du Rojava à la Sorbonne) exprime à la barre avoir « exclut le terme « terrorisme » de son vocabulaire » : iel ne partagent clairement pas les mêmes repères entre les prévenu·es et la cour.

Le fait qu’il n’y ait aucune preuve qu’il s’agisse d’une organisation ? Ce n’est pas nécessaire pour la qualification terroriste. Le fait que plusieurs prévenu.es ne se connaissent pas entre eux ? Ce n’est pas nécessaire pour la qualification terroriste. Ce n’est pas un groupe structuré : c’est F. qui agrège ; il est un leader qui fédère de manière étanche plusieurs personnes.

On observe 3 dynamiques : 

– duo : F. + S.

– trio : F; + L. + M.

– groupe

Des méthodes identiques :

– la confection d’explosifs

– le chiffrement (Signal quoi)

– l’apprentissage de tactiques de guérilla (une partie d’airsoft)

Le proc trouve curieuse la similitude des faits reprochés alors que toustes ne se connaissent pas. Le dénominateur commun : c’est F. ! A l’exception de S., iels ne seraient pas là s’ils n’avaient pas croisé F. (??? il vient de nous révéler que S. était déjà surveillé par la DGSI lui aussi ???)  Il ne s’agit pas d’absoudre les autres, mais de noter deux niveaux de responsabilité.

Le procureur dénonce la tentative de morceler les accusations constitutives de la qualification terroriste. Il affirme que la défense n’a fait que ça tout au long du procès : dissocier les éléments factuels du dossier. Il n’est pas question d’arrêter des individu·es sur des actes isolés. Mais tous ensemble C’est constitutif de l’AMT.

Un certains nombre d’éléments AMT sont présents dans le dossier :

– le vol d’engrais

– la possession d’armes de catégorie B et C

– la fabrication explosifs

– le chiffrement

Il est facile de vouloir dissocier chacun de ces éléments pour faire croire à leur banalité, mais il faut regarder la cohérence et la répétition. 

F. dispense des formations Tails et Tor, il dispense des entrainements paramilitaires.. Quand on examine le déroulement des actions, les notes opérationnelles, les débriefings : on comprend parfaitement les objectifs de tout cela.

Lorsqu’on regarde la nature de certains documents :

– manifestes idéologiques

– mémento sur la création d’une milice armée

– vademecum au sujet d’action violente

– déclarations des prévenu·es en adéquation (faux !)

Tous ces documents sont l’inspiration, la philosophie du groupe. L’horizontalité par exemple : tout le monde participe parce que tout le monde peut se joindre à la guérilla urbaine.

(Le proc se perd dans la lecture quasi totale de la brochure « Conspiration des Cellules de Feu », il saoûle tout le monde… ça fait plusieurs minutes qu’il ne parle plus à personne : les juges ne l’écoutent plus.)

Bref, on transpose tout ça, on transpose encore un peu, et au milieu on met F.

Il nous refait le coup de Mao ! F. est lecteur des brochures, et il met en pratique le manifeste parce qu’il aurait dit, complètement torché dans une discussion sur l’hypothèse d’un chaos fasciste : « il faut prendre les armes là où elles sont ! ».

Il revient sur le document avec l’alphabet grec comme guide d’action violente. Manifestes et écrits se recoupent et donnent « résonance » au dossier.

Il donne l’exemple du « Tekmil » : c’est bien une pratique de réunion de combattants, donc F. + M. + L. étaient en préparation d’une action violente. (Tekmil = debriefing et autocritique kurde à visée révolutionnaire qui se pratique dans toute la société, rien d’exclusivement militaire).

Il y a la volonté d’armer, d’entrainer et d’équiper chez F. Sa priorité c’est la cause, au détriment de son « couple ». Le proc cite toujours la même écoute, comme d’hab, il dit « fusil à pompe » : whoooooooooo

Il revient sur sa thèse : armer, éduquer, former, qu’il lie à une obsession, l’obsession policière. Il cite des GAV et des écoutes. Il souligne l’emploi de la terminologie de « l’ennemi ». Et il cite même de la zik : « Djihad de classe » (du rappeur Enedeka Maska).

Il reparle du courrier d’Action Directe, possédé par C., qui « résonne » avec les Cellules de feu :

– résister, se révolter contre les violences d’Etat

– attaquer les keufs

– violences révolutionnaires contemporaines

– violence armée indispensable

– référence à la RAF parfaitement assumée

– aucune autocritique

Ces quelques lignes « reprennent » la pensée de F. (alors là, c’est une belle fourberie de langage !!)

Le programme énoncé ici par AD se retrouve dans le dossier.

Les 6 autres prévenu.es formé.es par F. ne sont pas choisi.es au hasard : iels ont une totale confiance, qui ne se dément même pas aujourd’hui. Cette entente autour de F. peut donc être assurément qualifiée de terroriste.

PAUSE

La juge nous explique que visiblement on confond suspension et pause goûter (c’est un keuf qui est allé le dire à la maitresse…).

LA PROCUREURE – Déborah C.

Elle souhaite faire un examen prévenu·e par prévenu·e. Après plusieurs semaines d’audience où on nous a expliqué que c’était un montage de la DGSI, un assemblage artificiel, il lui paraît important de rétablir avec rigueur les charges contre chacun·e.

Devant vous, nous avons une addition d’éléments matériels probants, face à un récit de la défense.

F. est celui sans qui les autres ne seraient pas là aujourd’hui. Ses agissements sont au coeur de la procédure. Il agrège diverses compétences, et fait preuve de continuité et de cohérence dans ses actions. Il l’a lui-même dit : « la cause passe avant tout ». 

D’avril 2017 à janvier 2018, il se trouve au Rojava : c’est ce qu’il relate aux co-prévenu.es. Selon lui, ses motivations sont la révolution, la cause. Il y a intégré les YPG, est devenu chef d’unité de combat (wtf!) : il manie des armes et des explosifs.

Janvier 2018 : F. possède une aura incontestable auprès des autres. Il fait une évocation crue et militaire de son engagement. Tout passe après la cause. Son engagement est mortifère.

Avril 2018 : c’est la création d’une asso avec L. Elle constitue une vitrine légale pour des entrainements, et fait écho à la brochure « milice ». Association qui est une coquille vide, une simple démarche administrative alors qu’elle n’a pas d’activités officielles. On peine à imaginer L. à l’origine de cette asso (contrairement à ce qu’il a dit à la barre). F. serait présent à la création (on lui a déjà dit que non !! que 1+1+1+1 ça fait pas 3 !!). Donc moins de 3 mois après son retour du Rojava : il était déjà dans la dynamique de transmettre.

Fin 2018 – début 2019 : il pratique des entrainements via l’airsoft dans les Pyrénées (juste une fois en réalité, le 12 février).

De juin à septembre 2019 : il voyage vers la Grèce avec M. pour un départ au Rojava.

En février 2020 : ouverture de la procédure et pratique de l’airsoft (une fois). Le 11-12 février : reprise de contact après longtemps avec L. (faux ils s’étaient revus avant) et M., la proc cite encore une fois les GAV dont on a parlé 1000 fois ! En gros : airsoft = F. = entrainement paramilitaire. Elle cite le malaise autour de l’airsoft en GAV, elle cite les notes de M. et son usage de pseudos qu’elle trouve surprenant dans l’intimité. Elle dit que L. a peur en GAV sur l’airsoft. 

Elle dit ce qu’elle a entendu des GAV là-dessus : prise en main d’armes, volonté de se procurer des armes, utilisation de talkies-walkies, nettoyage ADN, objets incendiaires, blesser ou tuer des camarades, Tekmil, recours à un avocat, recrutement, sécurité numérique… Alors ok, des fois ça parle de psychologie. Mais c’est pas ce qui intéresse pour l’AMT.

Puis Paulnay (14-15 février) : Reprise de contact entre S. et F. Après des années sans se revoir, ils vont faire des explosifs de guerre. Sonorisation de Paulnay : d’après elle, ils l’ont déjà fait avant. Ils traversent la moitié de la France pour ça (250 km pour S.). Alors que S. est en pleine crise, au bord du burnout. S. a un sentiment de regrets vis-à-vis du chaos pendant la période des GJ, où il n’a pas su profiter de l’occasion, donc il y voit une opportunité en se recontactant avec F. (??WTF) La procureure rappelle la fameuse phrase qui sort de nulle part (dossier de judiciarisation) selon laquelle S. aurait dit à sa compagne « Je peux mourir ou aller en prison » (dans l’ORTC il le dit soi-disant à un proche…).

Sur Paulnay, il y a différentes sources. Si on n’a pas tout (en référence à la vidéo effacée par la DGSI), c’est l’épisode le plus documenté.

S. avant d’arriver à Paulnay, s’arrête pour acheter des spatules, preuve qu’il savait très bien ce qu’ils allaient faire (avec sa carte bancaire d’ailleurs… méga clandestin!). Elle cite les écoutes : 17h20 : arrivée, 17h40 : laisse penser que ce n’est pas le premier essai. Elle évoque les essais imminents et le matos. Elle reparle de l’expert qui dit en gros que S. et F. sont des génies des explosifs. Celui-là est importé du Rojava, évidemment ! Elle dit qu’ils cherchent à tirer partie de l’alcoolisme « réel ou supposé ». Elle ose mettre en doute leur alcoolémie en disant qu’on ne sent pas l’ébriété dans les écoutes. Les conversations se poursuivent et dévoilent leurs véritables intentions : il est déjà question d’ennemi, de propagande, d’apologie d’AD, de dissoudre la police, de diatribes contre les institutions républicaines. 

15 février : explosifs. Conscience aiguë de ce qu’ils font. Elle évoque une voiture chargée d’explosifs de Daesh : c’est particulièrement éloquent quand on sait qu’ils fabriquent des explosifs qui peuvent faire « péter tout un quartier ». La préparation est intense. La DGSI a même cru qu’ils s’entrainaient au tir (le fameux marteau-spatule) : c’est dire si la DGSI n’avait pas de scénario pré-établi (euh…. les mecs tapent avec un marteau, la DGSI imagine illico que c’est des kalach, mais ils ont pas de scénario préconçus ??? elle prend quoi la proc ???) (elle parle vite, elle mélange tout, et enchaine…)

Ils disent : « Désolée la nature, mais si on ne fait rien, la nature est condamnée ». C’est très explicite ! La fabrication d’explosifs est destinée à servir la cause, notamment écolo : « La révolution sera écologique ! » (ah là je pense à Darmanin et ses écoterroristes…).

S’agissant du vol d’engrais : ils ont prévenu C., anticipent leur mode de défense, en se cachant derrière le métier d’artificier de S, et usent de grandes précautions : S. use de tout un stratagème autour de son déplacement à Paulnay, demande à sa compagne de faire des publications Facebook en son absence, et on perçoit une inquiétude à propos d’une possible dénonciation de K. (la défense rappellera que c’est bizarre, à ce moment si dangereux, que les filatures de la DGSI cessent!).

Elle cite l’écoute sur les keufs en manif. Donc elle en conclut qu’évidemment ils font des explosifs pour s’en prendre à des keufs. Pour elle il est explicite aussi que c’est F. qui partage ses connaissances : il met en pratique ce qu’il pense.

Elle cite : « trouver des fonds », « armes à acquérir », « poursuivre les essais chacun de leur côté », S. reconnait avoir récupéré du matos de Paulnay, en avoir laissé à F. S. a cherché à renouveler cette expérience, mais n’a pas trouvé la recette, normal elle vient du Rojava, et s’est rabattu sur ANFO. Elle parle de facture de nitrate d’amonium retrouvé chez S. alors que c’est impossible, ça ne se vend qu’à la tonne (elle confond avec le nitrate de potassium).

Elle énumère les journées du 16 février, avec la reprise des travaux (c’est faux, ils parlent juste du produit de la veille qui ne veut pas sécher) et du 17 février où ils parlent à nouveau des explosifs et semblent mécontents.

Conclusion : s’agissant de Paulnay, les éléments matériels sont établis : fabrication d’explosifs + vol d’engrais. 

Elle cite une écoute de S. : « ennemi », « guérilla », « Action Directe », « transmettre »… Ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font : tous ces éléments sont-ils le fruit d’un récit policier ?

Elle rappelle qu’il s’agit de la fabrication d’explosifs jamais réalisés sur le territoire et hautement dangereux. Pour elle, les rapports de l’expert M. B., les dires de Marc C. (un artificier terrorisé par la DGSI) et Alex R. (témoin cité par la défense) confirment tout ceci (LOL). La défense parle du « récit d’un week-end amical », alors que pour elle c’est un week-end conspiratif inédit !

Elle interprète le silence de S. face au JI (lors de son premier interrogatoire et alors que son avocate a dû quitter les lieux en urgence), par le terme « acculé face à l’évidence ». On peine à se défendre, alors on s’appuie sur un adultère, ou sur des concerts pour lever des fonds pour le Rojava. On fait des explosifs mais ce qui nous intéresse c’est les concerts? F. a peur d’aller en manif, mais il fabrique des explosifs ?

Avril 2020 : Parcoul : F.+C rejoignent W+B qui leur proposent un hébergement pour la période du confinement.

F. initie ses camarades au tir, à la communication chiffrée, aux entrainements paramilitaires, aux explosifs (encore du total mensonge). Nous avons très peu d’écoutes car le groupe étaient évidemment plus souvent dehors que dans le camion de F. Je ne vais pas faire comme la défense et dire que les écoutes à décharge sont dans les 99% que nous n’avons pas. Nous avons suffisamment d’écoutes pour prouver leurs agissements.

La défense dit que les essais n’ont commencé que 6 jours après l’arrivée de F. et C., (faux, la défense ne dit pas ça) mais les écoutes prouvent que les essais ont débuté avant.

L’expert a montré que concernant l’amorce, les prévenu·es tâtonnent et qu’il est clair qu’iels découvrent cette matière, ce qui est clairement à décharge et démontre bien là son impartialité. (LOOOOL) Il n’est pas sérieux que les prévenu·es disent ne pas connaître le TATP, iels ont évidemment fait des recherches, mais ces recherches ont été cachées. L’expert a rappelé que la substance de l’ANSU est très délicate à fabriquer et qu’il ne l’a jamais vue en 20 ans de carrière. Il est clair que cela nuit au récit de la défense qui veut nous présenter une bande de joyeux lurons apprentis chimistes. Tous les moyens sont bons pour tenter de discréditer l’expert.

Elle revient sur les déclarations post-explosions où tout le monde est très choqué sauf F. qui semble content. Elle rappelle la comparaison faite par l’expert avec une explosion dans la salle qui toucherait les gens jusqu’au 2ème rang. La défense parle d’une recette apprise auprès d’un agriculteur, il y a plusieurs années, sur une vidéo ? Impossible nous a répondu l’expert puisque cet explosif est inconnu en fRance, de plus il est impossible d’arriver à le reproduire avec une seule vidéo. Et les prévenu·es ont témoigné à plusieurs reprises que les recettes venaient de l’expérience au Rojava de F (encore faux).

La défense nous dit : si Rojava, alors hors période de prévention ? Mais peu importe, ce qui nous intéresse ici, c’est la réutilisation qui pourrait en être faite en fRance. Quelles sont les fins ? Ludiques, évidemment. Qu’il y a-t-il de ludique par rapport à une activité dangereuse, déjà pour eux-mêmes physiquement, et aussi pénalement répréhensible ? D’autant plus que tout le monde avait conscience de la dangerosité de ces essais (complètement faux). Tout le monde a une responsabilité dans l’essai mais également dans l’utilisation postérieure qui aurait pu en être faite par les un·es ou les autres (donc lien avec AMT).

GAV – 8 au 11 décembre : Les GAV sont des moments longs, pénibles, stressants, oui. Mais de là à récuser les propos qui en sont issus ? Certainement pas. Par rapport aux projets d’actions violentes et à la volonté de s’en prendre aux forces de l’ordre, iels ont d’abord avoué pendant les GAV, puis iels ont maintenu leurs déclarations devant le juge d’instruction mais en les recontextualisant comme étant des moments alcoolisés où les propos ne seraient pas sérieux, et enfin maintenant à votre barre ils les réfutent, tout simplement. « Rien ni personne ne le prouve sauf les prévenu·es qui ont le droit de mentir devant votre tribunal ». (tsssss réactions dans la salle) 

Elle reparle de la lettre des « Amie·s de Toulouse » : « Rappelons qu’il n’y a pas de gentil.le.s ni de méchant.es dans une affaire de répression politique, la défense collective et la solidarité sont les seules réponses que nous envisageons ici », ce qui pour elle prouverait une volonté collective de dissimulation des faits.

Armes : Fausse déclaration de B. par rapport à l’arme achetée à la sortie du confinement alors qu’il y a une trace internet pendant le confinement. « On ne peut qu’écarter ces revirements d’audience ». « Dans cette procédure, même quand les éléments sont à décharge pour certains des prévenu.es, iels préfèrent faire bloc plutôt que de se sauver. L’intention est claire : il faut sauver le vétéran F. »

Chiffrement : Cet élément corrobore le faisceau d’indices mais ne constitue absolument pas le cœur du dossier, la place que votre tribunal a accordé à cet élément le montre bien. Est-il toujours crédible que F. se protégeait des GAFAM comme on nous le rappelle depuis le début ? (il a aussi dit qu’il se protégeait des services turcs et des Loups Gris mais elle a oublié de le mentionner) Au-delà même des propos, les moyens déployés montrent bien les fins recherchées. 

« Ces éléments convergent tous à la même conclusion, celle de commettre des actes violents contre les policiers. Par delà ses désirs, F. travaille, il ne se contente pas de parler, il s’arme !

Ce n’est peu- être pas un danger imminent mais le projet est ,sous nos yeux. Toutes les preuves concordent. Elles ne peuvent se lire et être comprises que comme un tout. Les moyens déployés illustrent le projet qu’ils mettent en œuvre.

Il y a une note écrit en Grec, retrouvée dans son camion. C’est la préparation d’une entreprise terroriste étape par étape, dont son but est de porter atteinte à l’Etat.

F. exhibe des armes « on est pas là pour faire style », « police municipale », « tu crames tout ». 

Il y a des preuves … du nitrate, des produits explosifs, et des détonateurs. Il transportait une certaine quantité de produits, cela prouve le maintien de ces intentions !

Sa recherche d’arme : il a une arme de catégorie B en sa possession “Un chasseur a la possibilité de chasser” donc il passe son permis de chasseur. Il a un rapport à la chasse confus. Il se rend à l’armurerie. Il parle de « kalash » et de plan pour en obtenir. (elle s’enflamme là, TSSSSSSSSSS)

Que fait-on avec des armes? Du confédéralisme démocratique ? »

« S. a activement participé à la fabrication d’explosifs, au vol d’engrais, il poursuit les essais chez lui. Il y a des preuves d’achat de nitrate de potassium et de sodium. Il détenait 2 documents qui sont des explications de création de poudre noire et d’explosif (ANFO). (venant de Wikipédia wesh !)

Il possède 3 éléments précurseurs du TATP dans son véhicule, 258g d’ANFO dans son camion. Une entreprise terroriste conjointe, du fait qu’il possède 3 armes à feu, dont 2 de catégorie C et une de catégorie B, détenues illégalement.

L’expert a distingué la fabrication artisanale comme illégale. Lui et S. ont pourtant la même formation C4T2.

Ces éléments s’inscrivent dans une entreprise terroriste dont il avait connaissance. « F. et S. restent en contact puisqu’ils se revoient en juillet. »

Pour B., le paradoxe du permis de chasse : une atmosphère survivaliste qui participe à propension terroriste, au motif qu’il « ne voulait pas devenir l’esclave des fachos ».

B. n’est pas une collectionneur d’armes pourtant il en possède 5. Il possède aussi des documents sur des affaires anti-terroristes.

C. a eu une participation active, donc elle n’est pas ici jugée par rapport à sa relation à F.

Elle ne semble pas s’émouvoir des propos de F. contre les forces de l’ordre.

L. participe à 2 séances paramilitaires, et est sciemment associé aux entrainements et aux AG.

Sa participation active est liée à ses angoisses survivalistes.

A propos du refus de remise des clés de chiffrement : tous les téléphones étaient chiffrés, ce qui correspond à la personnalité des prévenu.es. Un mode de vie incompris, un mode de vie nomade, la vie en ZAD, détaché.es de tout un endroit stable, ou d’un emploi.

Ce ne sont pas des éléments à charge d ‘être anarchiste, punk… en revanche, ce qu’on juge ici, c’est leur rapport à la violence contre la police, et à la violence politique. Ainsi qu’une absence totale de remise en question à la barre. Ils doivent répondre d’un chemin de désengagement violent.

La défense collective en bloc pourtant porte sur des individu.es aux parcours spécifiques.

Quelle doit être la peine ? Elle doit représenter des faits assurément de matière terroriste. Il est rare qu’autant d’éléments matériels soient mis en exergue.

Peines à l’issue des réquisitoires :

    – Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme

    – Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

    – Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

    – Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

    – William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

    – Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

    – Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.

    Précision au sujet du « sursis probatoire » : cela signifie une injonction de soins, un suivi SPIP et une obligation de travailler ;(

MARDI 24 OCTOBRE

Début 13h45.                                   

Maître Bonvarlet (Avocate W.) demande une date de délibéré : la juge répond qu’on ne saura que vendredi. 

BASTIEN

La juge indique que B. a donné ses codes de chiffrement. 

Juge : Dans votre ordinateur, on a trouvé un document : « L’informatique : se défendre et attaquer ».

B : Je n’ai pas de souvenir de ce document. J’ai envie d’avoir une meilleure hygiène informatique, j’utilise Gmail, Facebook, Windows… 

Juge : Vous utilisez très peu signal. 

B : Oui

La juge revient sur l’atelier Tails à Parcoul, où il s’est fait une clé. Vous en avez fait quelque chose ? 

B : Non. J’ai oublié le mot de passe. 

J : Et Tor, vous l’utilisez ?

B : J’ai essayé quelques fois par curiosité. J’utilise l’informatique surtout pour les jeux vidéos et la bureautique.

Juge : Vous avez une brochure « Refuser le fichage ADN » qui se trouve dans un dossier sur quoi faire en cas de GAV. Pourtant, ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire pendant votre propre GAV.

B : Comme quoi, c’est pas parce qu’on a un document sur son ordinateur qu’on suit ce qui est écrit dedans. J’ai aussi une bibliothèque d’une soixantaine de bouquins qui n’ont pas été saisis.

Elle cite deux brochures de « Mauvaises intentions ». Vous sentiez-vous proche de ce qui est écrit dedans ? Avez-vous oui ou non un intérêt particulier pour les actions violentes ? 

B : J’ai été sur écoute pendant 8 mois. Il n’y a aucune retranscription qui parle d’action violente. 

Elle insiste lourdement sur ses brochures sur l’antiterrorisme, « L’histoire de l’anarchie », « Rojava et Chiapas, 2…. » « Manuel de sabotage ».

B : Je n’avais pas que ça dans mes dossiers ! 

J : Oui, on choisit de quoi on parle. 

La juge insiste sur une brochure « Étude d’un dossier d’instruction antiterroriste » : « Vous êtes sûr que vous ne voyez pas de quoi il s’agit, cette affaire antiterroriste qui date de 2008, des gens dont vous pourriez vous sentir proche ? »

B : Non je ne vois pas.

J : Vous vous rendez bien compte du lien que j’essaye de faire. C’est quand même ciblé, tout le monde n’a pas des documents sur l’antiterrorisme sur son disque dur.

B : J’avais 1 tera de données sur mon disque dur…

Juge : Vous avez une brochure sur « Les secrets du crochetage » : n’est-elle pas en lien avec la conversation sur la  réquisition de maisons, dans le cas où ce serait « le chaos » ? 

B. répond que c’était sur le ton de la plaisanterie. Pourquoi vous ne parlez pas des 99% de mes conversations, où je parle de l’envie d’acheter un terrain. ça c’est mon projet réel !!! (Rires dans la salle, enfin un projet !) 

Pour savoir qui on est vraiment, il faut parler de ces conversations là !! 

Juge : Vous savez, selon le Code de Procédure Pénale, on ne peut pas tout retranscrire car il y a le respect de la vie privée (lol, on hallucine). Mais oui ce projet d’achat de maison a été mentionné dans la synthèse. 

B : Ma vie privée, on s’est pas mal assis dessus dans ce dossier, donc autant tout mettre, comme ça on sait vraiment qui je suis. 

La juge ressort ce qu’il a dit en GAV (où il a dit que Flo aurait parlé de tuer des policiers, qu’ils étaient en désaccord sur la stratégie, qu’il avait peur de lui redonner l’arme que vous aviez achetée).

B. recontextualise 2 conversations :

– avec Flo, ils ont eu une conversation sur quoi faire après le confinement / en cas d’effondrement et ils avaient des envies différentes : s’installer à la campagne tranquillement VS aider les autres par d’autres moyens.

– un peu plus tard et bourrés ils ont eu une autre conversation où ils ont dit tout et n’importe quoi.

Il rappelle s’être déjà expliqué sur ce qu’il a pu dire en GAV sous la pression et les mensonges. 

La juge reparle ensuite des plans du dispositif du 14 juillet retrouvés dans son téléphone. 

B. dit s’être souvenu de ces images : c’était un meme, un détournement du plan pour lui donner une forme de pénis. 

B : Par contre, les images qui sont dans le dossier ne sont pas celles que j’ai reçues par message. 

J : Mais l’enquêteur dit que ces images étaient téléchargeables sur le site du ministère de l’intérieur ? 

B : Je doute qu’on y trouve l’image du détournement que j’ai reçu. Ce n’est pas possible que j’ai eu les vraies images sur mon téléphone. Quel sens ça aurait ? Je n’étais pas à Paris, je m’en fous royalement du défilé du 14 juillet ! 

La procureure prend la parole. Des petits bruits dans la salle : elle demande d’arrêter les sifflements de serpent.

La Présidente vide la salle « jusqu’à que je décide que vous puissiez re-rentrer », uniquement les familles restent au premier rang.

Maître Bonvarlet intervient et rappelle que beaucoup d’audiences sont beaucoup plus bruyantes que celle-ci.

Maître Bonaglia prend la parole pour demander à avoir accès au téléphone et aux MMS afin de lever le doute. Il précise que la DGSI a fait un résumé du NIS et ne l’a pas retranscrit.

Assesseure de droite 

AD : Les brochures, vous vous rappelez les avoir téléchargées ?

B : Elles sont sur mon ordinateur. 

AD : Sur la base de quelles recherches ? 

B : Je ne vois pas quoi vous dire. 

Procureure  

Pr : C’était pourtant dans le dossier : Projet → Brochure.

B : Et qu’y avait-il d’autre dans ce dossier ?

Pr : c ‘est écrit dans l’arborescence. 

Maître Bonaglia : encore une fois non, l’arborescence est tronquée, nous n’y avons pas accès.

La procureure revient sur la conversation qu’il aurait eu avec F. au sujet de « tuer les policiers ». Qu’a dit F. ce soir-là ? 

B : Ce sont les mots de la DGSI que j’ai sorti ce jour là. Je ne me rappelle pas ce qu’a dit F. 

Pr : Pourtant vous avez dit des choses très précises. A-t-il dit oui ou non qu’il voulait tuer des flics ou des militaires ?

B: Je ne l’ai jamais entendu parler d’un projet réel. 

Pr : Pourquoi ne vouliez-vous plus vendre le fusil d’assaut à F. ?

B : Juste parce qu’il me plaisait et que je voulais en fait le garder, le reste est faux (référence à ses propos tenus en GAV).

La proc relit un extrait de la GAV de W. 

Pr : Est-ce un hasard qu’il dise la même chose que vous ?

B : Je ne commenterai pas des propos tenus par d’autres en GAV. 

La proc lit soi-disant un extrait de So., alors que ce n’est pas du tout elle qui a dit ça. Elle finit par le reconnaître (« ah oui autant pour moi, pardon, autant pour moi….).

Pr : Pourquoi ce serait incompatible d’aider les migrants et d’avoir un terrain avec un potager ?

B : Je ne comprends pas votre question.

Avocate de F. (Maître Bouillon )

A : Cette audience n’a pour but que de parler de F. 

Est-ce que vous emprunteriez de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur ? 

B : non

A : Si vous aviez emprunté de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur, est-ce que votre priorité ne serait pas de le rembourser ? 

B : Oui

Vous aviez l’argent pour le rembourser ? Vous avez même acheté une autre arme.

B : Oui. 

Avocat de B. (Me Bonaglia)

Maître Bonaglia revient sur les plans du défilé du 14 juillet et sur le soi-disant projet d’attaque, qu’il trouve particulièrement risible. Il précise ce que la DGSI sous-entend, à savoir que posséder les plans du défilé, acheter des drones et effectuer des essais d’explosifs seraient une preuve de projet de tentative d’attentat contre le défilé. Il dit que si la DGSI avait eu le moindre doute sur la véracité de cette accusation elle serait intervenue bien avant, d’autant plus qu’ils avaient les identités des deux protagonistes de la conversation. Le fait qu’il ne se soit rien passé prouve en soi-même le ridicule de cette accusation.

Maître Bonaglia : En quoi les propos de F. vous ont fait ressentir que vous étiez perçu comme un lâche ?

B : C’était plutôt un ressenti, peut-être dû au fait qu’on peut avoir l’impression d’être moins actif qu’en vivant en squat en ville dans le milieu militant. 

Maître Bonaglia rappelle que le téléphone et l’ordinateur n’ont pas de code d’accès, qu’il y a 67000 fichiers sur son ordi.

Av : Pensez-vous que dans une démocratie, on a le droit de lire, de se documenter, d’avoir un esprit critique ?  

B : Oui.

Av : Au sujet du crochetage de serrure, avez-vous déjà ouvert un squat ? 

B : Non

Av : Saviez-vous qu’il n’est illégal de rentrer dans une maison principale que depuis 2023 ? (projet de loi porté par LREM) 

Av : Pensez-vous qu’il y a d’autres moyens d’ouvrir une porte que le crochetage ? 

B : Oui.

Av : Au sujet de la 5ème audition lors de sa GAV, à la dernière question, « Avez vous autre chose à ajouter ? » vous répondez « Non, j’étais à 1000 lieux de cette histoire, ça me rappelle des vieux bouquins de groupes armés ». Pourquoi parlez vous de ça alors que ce n’est apparu nulle part dans les questions précédentes ? 

B : Encore une fois, ce sont les mots de la DGSI dans ma bouche.

Levée de séance.

Les personnes évacuées vont pouvoir revenir. La présidente précise que la personne qui a chanté « On est là ! » au moment de l’exclusion ne pourra pas revenir.

Reprise de l’audience à 15h10. 

CAMILLE

La juge revient sur une écoute qui date de juillet 2020. 

Elle est au téléphone avec une amie : « J’ai envie de cramer toutes les banques, tous les keufs et cracher à la gueule du premier connard qui me dit de mettre mon masque ».

C : J’étais en colère, j’exprime un énervement et rien de concret. J’avais un sentiment d’injustice à ce moment-là.

La juge s’étonne que C puisse s’énerver « au vu de son comportement ces dernières semaines ».

C explique qu’il y avait une ambiance assez anxiogène et oppressante à Rennes à ce moment-là.

La juge sous-entend qu’on n’était pas au plus fort des restrictions.

C : Nos sentiments de saturation ne s’expriment pas tous au même moment. 

Avocat de C. (Me Arnaud)

Av : depuis combien de temps étiez-vous à cette banque ?

C : plus de 20 ans.

Av : Avez-vous changé de banque depuis cet événement ? 

C : Non, tout va bien.

Av : Pas d’envie de meurtre ?

C : Non

Av : Avez-vous fait de l’athlétisme ? Du lancer de poids ? 

C : J’étais très nulle.

Av : Je doute très fort de la capacité de C. à dégommer des drones avec des cailloux.

FLO

Juge : Cet entretien sera peut être plus long que celui de C.

F : Je m’en doutais, je suis la cible.

La juge revient sur la conversation à Paulnay au sujet des manifestations des Gilets jaunes avec S. : « Les Français sont un peu mous, sans culture historique. La Révolution je la conchie. Les valeurs républicaines je les conchie… ».

J : C’est un extrait qui pose question. 

F : Je ne me rappelle pas tout ce qu’on s’est dit il y a 4 ans. S. parle des Gilets jaunes, mouvement dans lequel je n’étais pas. Je le redis, c’est une conversation où « on se renifle le cul ». 

J : Je ne comprends pas cette expression vulgaire. 

F : On essaie de se valoriser, on est 2 mecs cis dans un camion qui se sont pas vus depuis longtemps, c’est un pamphlet qui ne tient pas la route. 

D’ailleurs, moi ce que j’ai lu sur la Révolution, c’est Kropotkine et il parle de la « Grande Révolution ». 

Elle bascule sur l’article de Médiapart sorti en septembre 2019. Elle lui redemande s’il se sent surveillé avant de prendre connaissance de cet article. F. lui répond que oui, du fait des contrôles routiers suspects, notamment lors de son voyage en Grèce. 

Elle revient sur « Je conchie les valeurs républicaines » : F. redit qu’ils sont dans l’escalade de la discussion, qu’ils parlent dans le vent. 

Elle parle de la conversation où ils parlent de « si un membre des forces de l’ordre était par terre, moi franchement je l’achève ».

F. répète la même chose. 

J : C’est toujours votre réponse. 

F : Oui, ce sont les mêmes questions ! Dans les FAITS, quand je me suis retrouvé face à des policiers je n’ai jamais eu d’action violente envers eux, j’ai joué au chat et à la souris, couru autour des machines, suis monté tout nu sur une caravane, mais je n’ai jamais attaqué un CRS.

La juge reparle de la conversation avec B., sur leur désaccord et la lâcheté dont il accuserait son ami. 

F répond : « Je ne pense pas avoir dit le mot « lâche », ce n’est pas dans mon vocabulaire. Je pense qu’on a parlé de privilège. Quand on a le privilège d’avoir un terrain pour produire des légumes, on peut essayer d’en faire profiter les autres ». 

La juge parle de la conversation qu’il a eu avec C. et Y., un jour où ils passaient devant une gendarmerie : « Tu vois toutes ces voitures, on pourrait les brûler de nuit ». 

F : Je n’ai pas cramé ces voitures. 

J : Mais quel genre de réflexe ça peut être d’imaginer de brûler des voitures de police ? 

F : J’ai eu un réflexe de séduction à deux balles, faire le mariole, le rebelle, dans le milieu militant c’est courant. C’est pas parce qu’on est engagé qu’on a confiance en soi. La question, c’est « Est-ce que j’ai vraiment voulu les brûler ou est-ce que c’est des conneries que je dis ? » 

J : Je ne sais pas si ça passe dans la tête de tant de monde que ça, de brûler des voitures qui sont là. 

Sans commentaire. 

La juge revient sur la discussion sur la ZAD de Sivens, lors de laquelle F. évoque le fait qu’il désapprouve l’inégal rapport de force au niveau des armes. 

F. répond qu’il passe du coq-à-l’âne dans cette conversation, qu’il switche sur le Rojava, qu’il revient, qu’il n’avait pas parlé de prendre les armes illégalement. Que la guérilla, ce n’est pas son projet, qu’il est irréaliste de croire qu’on peut avoir les mêmes armes que l’armée, qu’il dit tout et son contraire. 

F : Ca ne me fait pas plaisir d’avoir dit ça.

J : Ca ne fait plaisir à personne de voir qu’on a dit des choses d’une grande violence.

F : Et d’une prétention à 2 balles, surtout.

Juge : Revenons sur vos supports numériques. Vous avez une brochure de « La conspiration des cellules de feu » sur votre disque dur. 

F : Dans un dossier Infokiosque avec plusieurs centaines de brochures. Je ne l’ai pas lue. Je mûris ma réflexion par des lectures. Je m’intéresse aux différents mouvements de l’anarchisme. 

Ce que je défends, c’est le confédéralisme démocratique, le fait d’avoir une idée de ce qu’on veut construire comme société. J’ai lu la brochure dont vous parlez suite à l’instruction, et je ne suis pas d’accord avec ce qui est exprimé dedans. Je suis contre la déstabilisation politique sans accord majoritaire pour un projet politique fort derrière. Car sinon c’est la loi du plus fort, je l’ai vécu avec DAESH que j’ai dû combattre. En GAV on m’a demandé ce que je pensais du chaos, je suis contre le chaos car c’est les plus pauvres et les plus faibles qui trinquent.

J : Mais quand même il y a un point commun, vous ne voulez pas de décisions qui seraient prises par une seule personne. 

F : Tous les milieux anti-autoritaires pensent ça ! Je viens de dire que je suis en désaccord avec le texte et vous me parlez de point commun… C’est un piège. 

Ils se mettent quand même d’accord sur le fait que F. peut être décrit comme un rat de bibliothèque. 

La juge évoque ses voyages dans plusieurs pays pour aller rencontrer des personnes qui souhaitaient se rendre au Rojava. Elle essaie de lui faire dire qu’il a fait de la prévention mais aussi qu’il leur a dit que c’était super. 

F. répond qu’il veut partager son expérience sans encourager ni dissuader. Que lui a beaucoup réfléchi avant de s’y rendre, et que ça lui faisait peur de se dire que les personnes y allaient sans vraiment avoir d’idée sur ce qui se passait là bas. Il a vu des gens y aller pour un « romantisme révolutionnaire » et craquer très rapidement, en se mettant en danger et en mettant les autres en danger. Il y a des choses magnifiques et il émet aussi des critiques. 

La juge revient sur ses pratiques d’hygiène numérique. 

F. rappelle qu’il aime préserver sa vie privée et qu’il se préoccupait d’être surveillé, inquiété, lui ou ses proches, par Daesh ou les services secrets turcs.

Il rappelle aussi qu’il a un mail très classique, auquel la DGSI a eu accès, et qu’ils n’en n’ont rien sorti, car ça ne devait pas être intéressant pour le dossier.

La juge revient sur l’atelier Tails qui a été fait à Parcoul pendant le confinement.

F : Les activités qu’on a faites n’étaient pas prévues. On a pris les clés que les gens avaient. 

Les 10 clés identiques trouvées dans son camion ne sont pas les clés qui ont été utilisées à Parcoul. 

Ces 10 clés viennent d’un événement de partage de savoirs qui a eu lieu au squat, auquel F. a participé (mais qu’il n’a pas organisé) et comme la personne qui faisait l’atelier a oublié les clés, F. les a gardées car c’était le seul habitant présent à l’atelier. 

J : Etiez-vous à l’origine de l’atelier de Parcoul ? 

F : Je ne sais plus, je n’étais pas le seul à avoir ces compétences. 

J : Vous refusez de donner vos codes de chiffrement, notamment pour protéger des personnes qui sont en photos sur votre clé Tails (c’est ce que vous dites au juge d’instruction). 

F : Je refuse par principe de donner mes codes. Après en plus, effectivement, j’avais des photos du Rojava et je ne voulais pas mettre en danger des personnes des forces démocratiques syriennes.

La juge revient sur le fait que son abonnement téléphonique est pris au nom d’une autre personne, que F. l’a remboursée mais qu’il ne voulait pas que son nom apparaisse. « Je me pose la question de cette anxiété, vous n’étiez pas dans une semi-clandestinité, mais dans une angoisse… ».

F : Je refuse le terme de semi-clandestinité. Je protégeais mon téléphone. Pour le reste, je payais avec ma carte bancaire, je prenais mes billets d’avion à mon nom… 

J : Et le routeur ? 

F : Vous ne savez sûrement pas ce que c’est, mais en camion, surtout l’hiver, l’électricité c’est galère. Avoir un routeur qui permet de moins consommer, c’est… la Révolution ! (rires). 

J : Mais comment vous imaginiez la suite de votre vie ? 

F : Je ne sais pas, j’étais flippé. 

Procureur  

Pr : En GAV vous avez refusé de donner vos codes ?

F : Non, j’ai usé de mon droit à garder le silence.

Pr : Et devant le juge d’instruction ?

F : J’ai  refusé. 

Pr : Vous parlez de droit à la vie privée, mais c’est un délit. 

F : J’ai des principes. 

Pr : Etiez-vous à l’initiative de l’atelier Tails à Parcoul ? 

F : Je ne sais plus.

Pr : Êtes-vous de façon habituelle, à l’initiative de temps d’ateliers de formation à l’hygiène numérique ? 

F : Pas de souvenir particulier, mais pas impossible que je l’ai fait. 

Pr : Lorsque vous revenez de Grèce, le 1er message que vous envoyez sur le compte collectif du squat, c’est « Si des personnes veulent faire un atelier sur l’hygiène numérique, je suis toujours là ».

F : On en avait parlé, j’étais le seul à avoir participé à l’atelier, et je ne suis pas sûr que c’était le premier message que j’ai envoyé, c’est surtout le message que vous avez choisi… 

Pr : Connaissiez-vous la « conspiration des cellules de feu » ? Leurs passages à l’acte, leurs attentats… Dans le document, on retrouve des points de similitudes avec vos actions, avec ce que vous prônez… la DESTRUCTION… des dominations (!!), les actions violentes, la guérilla urbaine.. 

Vous êtes à l’initiative d’ateliers de fabrication d’explosifs, d’ateliers de formation sur le numérique, de parties d’airsoft… ça ressemble beaucoup quand même. 

F : quand on prend que ce qu’on veut voir, on ne voit pas autre chose. Je ne prône pas la guérilla, je prône le confédéralisme démocratique. Ca n’a rien à voir avec l’airsoft ou la confection d’explosifs, ce n’est pas lié à ma vision politique, c’est dans un cadre ludique ! 

Pr : Parlons de votre obsession pour les actions violentes, qui reviennent toujours dans vos conversations. 

F : C’est sûr, quand on met bout-à-bout tout ce qui en parle et rien d’autre… Je ne vois que votre obsession à vous ! Je l’ai déjà dit, ce n’est pas parce qu’on répète les mêmes mensonges que ça les rend plus vrais. 

Pr : Si vous deviez faire comme un Tekmil… Avez-vous des auto-critiques à vous faire ? 

F : Normalement, leTekmil ça se fait entre personnes égales, ce qui n’est pas le cas ici. Je reconnais les délits que j’ai fait et je ne vous ai pas attendu pour arrêter de faire des explosifs. Oui j’ai fait des erreurs et j’ai eu des comportements débiles. 

Pr : Pensiez-vous que vous étiez important à ce point que vous deviez craindre les services secrets turcs ? 

F : Je ne sais pas, je n’ai pas envie de ne pas me protéger au cas où. 

Avocate de S. (Me Becker) 

Elle rappelle que S. a donné tous ses codes et que sur les 8 To, aucun élement n’a été retenu à décharge… 

Avocate de C. (Me Challot) 

Av : Vous pensez que vous avez séduit C. avec votre fanfaronnade sur les voitures de police ? 

F : Non. 

Av : Et vous êtes passé à autre chose ?

F : Oui. 

Avocate de M. (Me Simon)  

Av : Avez vous mis en lien M. avec certains de vos contacts ? Avec des membres des conspirations des cellules de feu ?  

F : Non

Avocate de M. (Me Vannier) 

Av : Vous dites avoir lu Kropotkine, avez-vous lu L’Entraide ?

F : Oui, ça parle du fait que l’entraide est ce qui nous permet d’évoluer.

Av : Que pensez-vous du terrorisme ? 

F : On ne va pas faire la même chose que ceux à qui on le reproche. 

Avocate de F. (Me Bouillon) 

– Savez-vous combien de fois il y a le mot inaudible dans les deux pages de retranscriptions de la conversation avec S. ? 25 fois. 

Elle revient sur l’interprétation des phrases de F. sur le bolchévisme, et démontre que cela joue en sa faveur, car F. dénonce la vision autoritaire. 

Me Bouillon revient également sur le fait que combattre Daesh n’est pas anodin, contrairement à ce qu’a insinué le procureur. 

Avocat de F. (Me Kempf) 

Me Kempf revient également sur le fait que ce n’est pas ridicule de penser qu’on est sous surveillance.

Il demande d’expliquer le terme de « mec cis » et F. explique ce qu’est l’éducation genrée et le fait que les personnes socialisés comme hommes se doivent d’être virils, bagarreurs, beaux parleurs…

Me Kempf revient sur les envolées de F. sur la Révolution française, rappelle qu’il parle de l’après-révolution, donc la Terreur, l’Empire, la Monarchie… 

Me Kempf  précise que le fait de préférer prendre des décisions à plus d’une personne n’est pas l’apanage des anarchistes. Il revient sur les brochures autour de l’anarchie, dit qu’on n’en connaît pas le nombre exact. Il cite des brochures qu’il a trouvé en cherchant sur Infokiosques à la rubrique « anarchie » « il y avait Emma Goldman, Élisée Reclus, Michel Foucault… »

Il demande si c’est illégal de posséder des brochures ? 

F : Non.

Av : Et même celle sur les « conspirations de feux » ?

F : Je pense que oui, vu que même Mein Kampf est légal.

L’avocat demande si c’est illégal d’avoir les conversations que F. a pu avoir dans le cadre privé ? 

F : Non.

Av : Doit-on s’interdire certaines paroles dans des échanges privés ? 

WILLIAM

J : Vous avez fourni le code de la carte SIM. Les DATA depuis 2020 ont été exploitées.

Aucune application cryptée n’apparait.

J : Sur Tails, vous vous êtes expliqué (« Tor : je l’ai déja utilisé mais ça m’a paru trop lent à mon goût »), sur l’ordinateur, vous avez commencé par refuser.

W : J’étais dans un moment de ma GAV où je gardais le silence. Mais il n’y avait pas de mot de passe sur mon ordi.

J : Devant le juge d’instruction vous avez confirmé que votre disque dur n’était pas crypté.

W: Mon utilisation d’internet se résume à regarder des séries.

J : A Parcoul vous avez expliqué qu’il y avait eu une présentation Tails faites par F., vous n’y voyiez rien d’illégal ni d’inquiétant. Vous dites avoir perdu la clef contenant tails depuis. 

W : Ce que je vous dis, c’est que l’utilisation de mon ordi c’est séries et jeux vidéos. Sur la sécu j’ai complètement capitulé, les GAFAM prennent ce qu’ils veulent, même si ça m’inquiète.

Sur l’ordinateur :

La juge aborde les photos sur la cause animale trouvées dans son ordinateur : « Ce sont des causes qui vous tiennent à coeur ».

Elle mentionne un autre dossier contenant plusieurs brochures, sur les techniques de survie et les méthodes de guérillas (sur les munitions, les techniques de l’armée) qui a plus particulièrement retenu l’attention, ainsi qu’un répertoire téléphonique.         

J : « Avez-vous souvenir de ce dossier ? »

W : Ce dossier-là venait sûrement de Sivens, vu la temporalité. Il y a des choses sur le disque que je ne savais pas que j’avais et d’autres que je n’ai jamais ouvertes.

J: Il y a des mentions d’entrainement militaire et de guérillas urbaines.

W : Il y a tout un foutra de trucs.

J : Il y a aussi une conférence sur l’empire du béton.

W : Je ne sais pas, je n’ai jamais ouvert ce dossier

J : Ce disque dur n’est pas sorti du néant, il était dans votre chambre. Il contient un dossier sur les techniques de fabrication de munitions. Vous ne saviez pas non plus ?

W : Non sinon je ne serai pas allé sur internet pour savoir comment finir de couler ce bateau.

J : (cite un dossier) « Le James Bond du pauvre, recette d’explosifs & autre »

W : Ca non plus ça ne me dit rien

J : Il y avait aussi les mêmes documents que chez M., le « Manuel pour créer et entraîner une milice ».

W : Pareil, je ne savais pas ce qu’il y avait dans le dossier. Je pense que ça vient de Sivens.

J : Mais tout ceci ça ne vous intéresse pas ? Vous ne vous êtes pas dit, ça ne m’intéresse pas donc je m’en débarrasse ?

W: J’ai 1 Tera sur mon disque dur, donc tant que c’est pas plein, je ne vire rien.

J : Donc vous n’avez pas d’intérêt pour la fabrication d’objets incendiaires, et vous ne voulez pas monter de guérillas ? Ces sujets ne vous intéressent pas?

W : Non, à la rigueur la brochure « Trouver son chemin » (techniques de survie en forêt). Je ne pensais plus jamais me retrouver en GAV.

J : Concernant le répertoire trouvé dans le disque dur. Sa seule exploitation c’est 2 numéros avec marqué « Flo crête » et 1 autre avec écrit « Flo (+une mention) », mais peut être est-ce la même personne ?

Elle cite la côte D460 en GAV, 

J : Vous avez déjà parlé de vos conditions de GAV mais vous avez dit « je ne peux pas vous dire si c’était un projet ? Et si c’en était un je me désolidarise complètement de ce projet… ».

W : Quand j’ai dis ça je mangeais la merde de la DGSI (la juge le reprend sur son vocabulaire).

W : Maintenant je sais qu’il n’y avait pas de projet.

J : Et sur la conversation incriminante (discussion de fin de soirée) ?

W : Je répète que c’était le concours de celui qui pisserait le plus loin.

Porcureur 

La procureure cite une écoute et l’interroge sur les désaccords relevés entre F. et W. et B. 

W : C’était un débat sur « Si le monde s’effondre, qu’est-ce qu’il se passe ? ». On disait que les fachos allaient reprendre le pouvoir. Dans cette projection là, B. et moi on disait qu’il fallait juste se barrer dans les montagnes et planter des choux, et F. disait qu’il fallait rester pour aider les genstes… tout ça n’avait pas vraiment de sens

P : Pourquoi ne pas avoir expliqué ça en GAV ou devant le JI ?

W :Je voulais juste sortir de là.

P : Et devant la juge ?

W : Devant la juge ça n’était pas le fête du slip non plus !

P : Lors de votre GAV, il y a plusieurs citations sur le fait que F. voulait s’en prendre à des policiers. Votre raisonnement c’est que vous êtes en GAV, et au lieu de dire que c’était une discussion alcoolisée, vous dites à la DGSI que F. avait des projets violents.

W : J’ai donné comme un lâche ce que la DGSI voulait.

P :  Mais néanmoins vous ne vous désolidarisez pas complètement, car vous dites qu’il est sympathique, agréable à vivre. Je ne comprends pas vos propos.

W : Non car c’est mon ami, je n’arrive pas à y croire. En GAV j’étais perdu, j’ai donné ce que la DGSI voulait pour revoir mon chien.

P : Sur la conversation « tuer des flics ». lorsque vous comparaissez, vous mettez cette discussion sur le même plan que « des syndicalistes qui parlent de pendre des patrons avec une réunion de la CGT ». Est-ce que vous pensez que c’est la même chose?

W : Ce soir-là on a dit plein de bêtises, c’est des âneries de mecs bourrés comme on en entend dans tout les PMU de province.

P : J’en conclut que vous ne voulez pas répondre à cette question.

Avocate de W. (Me Bonvarlet)

Av : A votre 2ème interrogatoire vous dites que la DGSI vous avait informé que F. était sur le point de commettre des attentats. La DGSI ne vous a pas laissé le choix que de valider ces thèses. Elle n’a pas posé de questions ouvertes sur la nature de ce projet, mais a orienté ses questions sur l’attaque de policiers ou de militaires. La question qui vous est posée est : est-ce que F a déjà parlé de tuer des flics ? 

W : Oui et c’est la panique, je cherche dans ma mémoire ce qui peut se rapprocher de « tuer un flic », c’est-à-dire ce qu’ils voulent entendre.

Elle parle du contexte de leur discussion (fin du confinement), que c’est dans le cadre d’une projection de « guerre civile », donc quelque chose sur leurs comportements hypothétiques dans une situation qu’ils n’ont jamais vécue.

Av : Connaissez-vous le mécanisme de la réinterprétation ? Je vais vous expliquer, on va faire un jeu. Imaginons que je vienne chez vous au milieu de la nuit en vous disant « J’en ai trop marre de mon compagnon, je vais le buter ». Qu’est-ce que vous me répondez ?

W : Je vous propose un Picon-bière.

Av : 6 mois plus tard, vous apprenez que j’ai tué mon compagnon. Comment réagissez-vous ?

W : Je m’en veux de ne pas avoir réagi auparavant.

Av: Je précise qu’on ne s’est pas vu pendant ces 6 mois.  Et vous vous mettez à douter de moi ? 

W : Oui

Av : Le projet était-il crédible 6 mois auparavant quand je suis venu chez vous la première fois ?

W : Non, pas du tout, c’était des paroles en l’air sans préméditation.

Av : Tout comme l’étaient ces paroles parlant de « tuer des flics », il n’y avait pas de préméditation.

Av : Est-ce que vous savez comment fonctionne la justice anti-terroriste, pour qualifier une affaire comme telle ? Qu’il faut justifier d’actes préparatoires, d’une planification, d’un projet…

W : Non

Av : Et bien vous n’êtes pas le seul apparemment. 

Av : Le dossier de votre disque dur contenant lesdits dossiers cités par Madame la Présidente n’est pas passé par la recherche de métadonnées. Il y a la possibilité de savoir quand un dossier a été créé, modifié et ouvert pour la dernière fois. Il suffit de faire clic droit. Or, il n’est pas indiqué cette information dans le rapport de la DGSI, alors que c’est une opération toute simple. Actuellement, le disque dur est toujours sous scellé, et même si nous y avons accès maintenant, à votre avis quelle serait la date de la dernière ouverture du dossier ?

W : La date où la DGSI l’a consulté.

A : Vous avez 47 recettes différentes sur votre disque dur d’explosifs et compagnie, dont certaines extrêmement simples (plus simples que celle que vous avez essayée). Pourtant, vous ne les avez pas utilisées, on est d’accord ?

W : Oui

Av : Si vous aviez à enregistrer votre propre numéro de téléphone, vous le mettriez à quel nom dans votre répertoire  ?

W : A « moi »        

Av : Pourtant dans ce répertoire, le numéro « moi » ne correspond pas à votre numéro, le vôtre est noté à « Will zad Testet » (Testet= ZAD de Sivens). Et il y a 43 autres contacts avec la mention « Testet ». Est-ce qu’on peut raisonnablement penser que ce répertoire n’est pas le vôtre ? 

W : Oui effectivement. 

Demande de Me Bonaglia de casser le scellé du téléphone. Il revient sur le rapport de la DGSI sur B. qui dit retrouver dans son téléphone des images de plans du défilé du 14 juillet (alors que B. se souvient plutôt d’un meme qu’on lui aurait envoyé d’une satyre de la photo, où un pénis est dessiné dans le ciel). Il fait état d’éventuelles « captures d’écran » des messages sur Signal (avant leur suppression automatique), puis dans le rapport suivant, plus rien. Il insiste sur l’importance de vérifier ces informations, pour que tout le monde puisse constater de la transparence de la justice…

 Refus du Parquet.

SIMON

J : à propos de la retranscription de l’écoute où on vous entend vous et F. parler du mouvement des GJ.  On entend F. s’énerver à propos des différents symboles de la république repris dans ces manifestations (le drapeau français notamment), qui seraient utilisés sans réel savoir historique sur leur provenance. Il finit par dire qu’il hait la république. Vous n’avez rien à dire là-dessus?

S : C’est juste une surenchère, à celui qui se dit le plus fort. C’est a l’image des 4 jours passés ensemble, où chacun sort sa pseudo-science…

J : Vous évoquez le Pink Block en Allemagne, vous parlez des manifestations en France et F. dérive le sujet vers son expérience au Rojava. Pourquoi ?

S: On parle de sujets qu’on ne maitrise ni l’un ni l’autre. (les GJ).

De mon côté je n’ai pas participé au mouvement des GJ au début. J’étais plutôt sceptique. Notre comportement se rapproche de celui de 2 primates, à celui qui est le plus fort, c’était de la virilité mal placée.

J : Vous semblez vous rejoindre sur un point, si un policier est à terre , vous dites vouloir le piétiner, et F. « le buter »?

S : C’ est déconnecté de la personne que je suis. Je suis quelqu’un de flippé en manif, je vais pas du tout à l’affrontement. C’est toujours le même problème, les conversations entières ne sont pas là.

J : Vous utilisez Signal et Telegram. Pourquoi ?

S : C’est pratique, ma messagerie est automatiquement gérée par Signal.

J : Sur une conversation avec D., on vous entend préconiser l’utilisation de l’application Signal (plutôt que Silence), et vous envoyez par la suite le lien de téléchargement.

S : Oui c’est plus simple pour communiquer. Il y a plus de gens sur Signal et pas grand monde sur Silence.

J : Vous avez trois adresses mail, une gmail, une laposte et une protonmail. Pourquoi?

S : J’avais envie de repartir à zéro avec protonmail, qui est plus sécurisé en terme de protection des données privées, mais je n’ai pas transféré tous mes contacts alors j’ai gardé les deux autres.

La juge lui demande quelles étaient les causes que F. mettaient le plus en avant. S répond le Rojava. Elle le questionne ensuite sur son intention de lui-même s’y rendre.

S : Oui ça m’a traversé l’esprit mais je savais que je n’étais pas un combattant (et je ne savais pas comment d’y m’investir autrement). Les discussions avec lui on fini d’achever mes doutes, malgré lui, il a fait de la prévention.

J : A aucun moment vous n’avez douté de l’utilisation de F. de vos expérimentations pyrotechniques? Vous ne pensiez pas qu’il avait un plan caché ?

S : « Non, pas du tout ».

Stupeur : pas de questions du PNAT !

Avocate de S. (Me Becker)

Av : Savez-vous depuis quand vous êtes surveillé par la DGSI ?

S : Officiellement, 2 jours avant Paulnay. Officieusement, depuis décembre quand j’ai revu F.

L’avocate précise qu’il est resté sous surveillance « jusqu’à vos parloirs »

Av : Combien de conversations incriminantes ont été retenues contre vous ?

S : Beaucoup, car il y a des conversations retenues qui sont des conversations dans le cadre de mon travail (il énumère).

Av : Dans les messages retenus : une conversation échangée avec quelqu’un de Libertalia: Rojasor, Make Rojava Green Again.

S : Oui c’était ça le projet, mais je n’ai pas eu le temps car je donne la priorité à mon taf et à mon couple. Puis il y a eu l’arrestation.

L’avocate l’interroge sur l’accusation de détourner du matériel pyrotechnique. S. dit ne pas détourner du matériel pour des gens qu’il ne connaît pas. L’avocate parle de la déposition d’un collègue à lui à la DGSI. Elle cite une partie de sa déposition où il change de comportement à partir du moment où les policiers lui parlent de 2kg de charge active supposément retrouvé dans l’appartement de S. (Il n’y avait que 258g).

Elle récite plus tard cette personne sur une écoute téléphonique « on va faire des essais dans un champ à l’arrache », alors qu’il dit l’inverse à la DGSI.

Cette déposition est à charge alors qu’elle est basée sur de l’intimidation et des bases fausses. L’avocate l’interroge sur la manière dont S. peut récupérer du matériel. 

S : « Sur les chantiers d’artifice c’est festival, on pouvait récupérer du matériel défectueux. Lors des tournages, il explique que les productions de film payent pour acheter plus de matériel que nécessaire car parfois il faut refaire la prise, une, deux ou trois fois si il y a un défaut dans l’effet pyrotechnique. Il prend en exemple le film « La proie » et le clip des cascades dont il a réalisé les effets. 

L’avocate l’interroge sur un achat qu’il aurait fait avec les papiers d’un de ses collègues. S. explique qu’il n’avait pas encore reçu l’agrément pour acheter un produit pour un effet. Il pense qu’il a tardé à recevoir cet agrément car il pense être fiché S. Finalement il n’a pas pu acheter ledit produit car les papiers de son collègue n’étaient pas valides non plus, et il a acheté autre chose.

Av : Pourquoi pensez-vous être fiché S à ce moment là?

S : Pour être un « artificier gaucho qui va en manif et est allé déjà 4 fois au Maroc ». A l’époque c’était la blague, maintenant ça me fait moins rire.

Av: le 6 décembre 2019, suite à une manifestation, 300 personnes sont arrêtées, dont vous. On contrôle vos antécédents, vous êtes alors déjà fiché S. 

Me Souleil Balducci rappelle que Simon est sous surveillance de février à décembre 2020. Un appel du 26/05 est ajouté au dossier, Simon se renseigne pour l’agrément d’artificier qu’il attend, c’est une procédure de la préfécture qui vérifie que tout est ok et fait une enquête sur les personnes (vis à vis du terrorisme toussa…). Il l’obtiendra finalement en juillet 2020

L’avocate montre une page qui retranscrit le passage devant le juge d’instruction. Sa question – sur le « projet » – prend toute la page et la réponse tient en une ligne.

Av : Quel était le ton du juge?

S : Je ne saurai pas dire, mais j’étais terrorisé.

Une page de détails sur Paulnay.

S : Je sais que nous avions prévu de nous revoir, j’étais curieux de revoir mon pote qui était allé au Rojava »

Réponse du juge d’instruction à l’époque: « Vous avez évidemment le droit de mentir ou de garder le silence mais vous feriez mieux de dire la vérité ». Qu’est ce que vous pensez maintenant de la réponse du juge ?

S : c’était un coup de pression

A : Et pourtant vos réponses n’ont jamais variées.

L’avocate revient sur la conversation autour des GJ et lui demande s’il a honte de ses propos. 

S : « Non, enfin certains propos sont mal exprimés, à cause de l’alcool ».

Elle cite Jakobson sur la fonction emphatique du langage, qui serait parfois de juste établir un lien avec l’autre, la discussion comme fin en soi. « Parler pour parler » résume elle-même la présidente. 

L’avocate revient sur le contexte de cette discussion. Ils se sont retrouvés à 17h, il est 23h lorsque l’évocation de « tuer des flics » arrive.

Elle lit la fin de la conversation :

S : « Je vais me coucher… »

F : Attends j’ai pas fini… » (rires à la barre et dans la salle)

S : Ah oui oui, on a atteint le point de non retour de la connerie.

Elle revient sur le dossier de judiciarisation et la phrase que S aurait dit: « je pourrais aller en prison ou mourrir » « On a entendu par 2 fois cette phrase à l’audience de la bouche de F. qui l’a dit aussi à sa mère. On peut dire qu’il est possible que cette phrase ne vous appartienne pas, non? »

Sur la clandestinité qu’on lui reproche, notamment lors de leurs retrouvailles à Paulnay, elle rétorque que S. paye toujours par carte bleue et qu’il va voir les voisins plusieurs fois pendant les essais avec les explosifs.

L’avocate évoque la réception de 1100 euros, que S. a placés sur son Livret A (après s’être enquis auprès de Pôle Emploi qu’il n’y avait pas d’erreur), ce qui prouve qu’il n’a pas utilisé cet argent pour un quelconque « projet ».

Av : A combien de manifestations êtes-vous allé ?

S : Impossible à dire, mais beaucoup…

Av: Vous n’êtes jamais allé à l’affrontement ?

S : Non je suis cassé de partout, je ne vais pas jouer à un jeu auquel je ne peux pas jouer.

MANU

Sur l’ordinateur est retrouvée une image, représentant un photomontage de M. qui jette un cocktail molotov en direction de CRSS (détourné d’une image où il jette un bâton à ses chiens).

J : Avez-vous une attirance pour les black bloc ? jpp

M : Je n’ai rien à dire là-dessus, c’est juste un photomontage un peu bébette (il explique la photo d’origine).

La juge mentionne une autre image, qui évoque le black bloc.

M : Je ne sais pas ce que c’est cette image, c’est sans doute en téléchargeant de la musique que je l’ai récupérée.

J : Vous avez aussi été à Athènes et vous avez un dessin  d’Exarchia avec un A d’anarchie et un engin incendiaire. Elle fait le lien avec Exarchia en tant que quartier anarchiste révolutionnaire et violent. 

M : Je ne connaissais pas forcément ce quartier.

J : Avez-vous rencontré des individu.es violent.es à Exarchia, ou en Grèce  ?

M : Pas du tout.

J : Le fait de prendre des notes tout le temps, pour vous ça n’a pas de lien avec une forme de projet ?

M : absolument, il n’y a rien dans mon carnet qui parle d’un projet terroriste, j’ai l’habitude de prendre des notes, c’est tout.

La juge insinue qu’il note quand même beaucoup de choses.

M. se défend en disant qu’il n’y a rien dans ses notes, tout comme il n’y a rien dans les écoutes, qui parle d’un quelconque projet ou de s’en prendre à qui que ce soit (il cite une retranscription où il parle des « chiens de garde ») : « Pour moi il y a une différence entre lutter et vouloir tuer ».

Assesseure de droite : rappelle la conversation à propos des drônes

Avocates de M. (Me Simon puis Me Vannier) 

Avocate : Pouvez-vous me donner une définition de « l’ultra-gauche » ?

M : Je ne sais pas, peut-être il faut-il demander au parquet la définition.

Av : Par rapport au dessin d’Exarchia : la date de téléchargement est le 12 septembre 2019. C’était avant ou après votre voyage en Grèce ?

M : Je ne sais pas… C’est après.

Av : Est-ce que F. vous a incité à acheter une arme ?

M : Non.

Av : F. vous a-t-il incité à donner de l’argent pour une arme ?

M : Non.

Av : Étiez-vous à Parcoul ?

M : Non.

Av : Avez-vous fabriqué des explosifs ?

M : Non.

Av : Vous avez donné vos codes de téléphone. Il n’y avait rien à part des photos. Sur les 1400 il n’y en avait que 2,3 à charge (le montage photo, une photo avec un chien (??) et une photo d’un véhicule de gendarmerie, qui provient d’un autre téléphone, sûrement envoyée). Sur un autre téléphone, les seuls éléments gardés à charge sont des messages concernant des colis alimentaires du Samu. Elle revient sur le photomontage qui est daté d’il y a longtemps.

Av : Avez-vous une aversion envers les forces de l’ordre ?

M : Je critique les abus de pouvoir mais je suis dans la bienveillance et le dialogue… Je dis même bonjour aux policiers dans la salle…

Av : Pouvez-vous nous parler de l’inscription « BB » (que la DGSI a interprétée comme Black Bloc) avec des cœurs, sur fond d’une toile d’araignée? 

M : c’est juste une sérigraphie récupérée lors d’un atelier sérigraphie.

LOIC

La présidente énumère des scellés mais ne lui pose pas de questions. Rien n’a été retenu à charge sur le disque dur.

Personne n’a de questions.

Contrôles judiciaires et projets d’avenir…

Les co-prévenu.es sont appelé.es à la barre chacun.e à leur tour. 

La juge rappelle le temps de leur détention, leur date de sortie, décrit leurs CJ respectifs et les (rares) aménagements qu’iels ont pu obtenir. 

Aucun problème n’a été constaté au niveau du respect des CJ. 

Elle leur demande quels sont leurs projets d’avenir. 

Ce temps va permettre à plusieurs des co-prévenu.es d’évoquer leurs conditions de détention et leurs conséquences. Les récits sont poignants et douloureux. 

Sont rappelées les humiliations injustifiables des fouilles à nu avant et après les parloirs. 

Sont rapportées les conditions écoeurantes de détention, que ce soit au niveau de l’insalubrité ou des impossibilités de bénéficier d’activités et de soins. 

Sont évoquées les douleurs physiques et autres problèmes de santé qui ont suivi les détentions.

La juge se montre presque surprise devant la volonté d’un prévenu de continuer le suivi psychologique alors qu’il n’y est pas obligé. Se rend-elle un tout petit peu compte de l’impact dévastateur de toute cette procédure ??! (Elle se permet aussi des phrases comme : « des fouilles pas forcément indispensables »).

Les avocat.es de LibreFlot reviennent sur son isolement, complètement illégal et qui a pourtant été renouvelé encore et encore. « C’était le tombeau, l’isolement. J’allais y perdre la vie ou la tête, ce qui revient au même.. J’ai dû risquer la mort pour rester en vie ».

Plusieurs co-prévenu.es expriment comment leur vie a été brisée par la procédure, comment leur socialisation a été affectée, comment leur avenir est suspendu à ce procès. 

Durant tout ce temps, les procHORREUR sont sur leurs téléphones ou parlent et rigolent entre elleux. Iels seront invité.es à poser des questions après chaque personne mais n’en poseront aucune. 

Me Kempf résumera bien cette violence avec une question à F. sous forme de QCM :

« Demain, les procureur.es s’exprimeront sur la volonté ou non de vous renvoyer en prison, pourtant ils n’ont posé aucune question sur vos conditions de détention. Pourquoi ? »

1. parce qu’il est tard et que tout le monde est fatigué

2. parce qu’ils ne pensent pas vous remettre en prison

3. parce qu’ils pensent vous remettre en prison mais se fichent de vos conditions de détention

Réponse de F. : la troisième.

L’audience se termine à 22h55. 

VENDREDI 20 OCTOBRE

Témoin CAMILLE

Comme pour les autres témoins, elle donne son identité, son âge, sa profession. Elle dit ne pas avoir de lien de parenté ou de subordination avec la prévenue. Et prête le serment des témoins, « Jurez vous de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité ? », « Je le jure » (à l’ancienne).

Elle demande à avoir ses notes car elle est impressionnée. 

C’est en tant que militante et camarade qu’elle vient témoigner.

Elles se rencontrent en 2018 et ont beaucoup travaillé ensemble sur plusieurs mobilisations, en 2019 et 2020 notamment gilets jaunes, féminisme, Collectif justice et vérité pour Babacar, avec des personnes exilées et sans-papiers.

La personne tient à affirmer que la qualification « association de malfaiteurs terroriste » ne ressemble en rien à C. 

C. était inscrite en formation d’ambulancière avant son arrestation, puis à sa sortie de prison elle a trouvé un travail dans l’aide aux personnes à domicile.

C. est tournée vers les gens, solidaire et généreuse. Tout ceci va bien au-delà des mots, ce sont des valeurs fortes qui sont mises en pratique au quotidien. Elle veut construire une société sans violence ni oppression.

La personne tient à exprimer un grand choc d’être là dans cette salle, et une inquiétude par rapport à la tendance politique actuelle qui criminalise les mouvements sociaux.

Juge : « A quelle fréquence vous voyiez-vous ? » 

Témoin : « Régulièrement, plutôt entre 2018 et 2020 ».

J : « Entreteniez-vous une correspondance pendant l’emprisonnement ? » 

T : « Quelques cartes, oui ».

J : « Avez-vous fait une demande de permis pour la visiter ? »

T : « Non ».

Avocate de C : 

A : »Pourquoi utiliser le mot « travail » pour des activités militantes ? » 

T : « Car c’est un vrai travail, des heures de collaboration avec des gens, de recherche de solutions. ça prend de nombreuses heures par semaine, voir un temps plein pour certaines personnes ».

A : « Avez-vous jamais eu le moindre doute par rapport à l’accusation faite à C., qu’elle puisse être associée à une forme d’action violente ou terroriste ? »

T : « Jamais ».

Témoin SIMON

Témoin personnalité pour S. et en qualité d’artificier

Ils ont travaillé ensemble depuis 2012, pendant 8 ans, il était chef de tir et S. artificier. Il décrit S. comme quelqu’un de très sérieux et appliqué, avait une grande confiance en lui et un plaisir à travailler ensemble.

Juge : « Aviez-vous connaissance du reste de ses activités, plus personnelles ? » 

T : « Bien sûr, on a beaucoup discuté, notamment de ce qu’il faisait dans ces autres chantiers et de sa passion pour les effets spéciaux. »

J : « Vous communiquez-vous des trucs et astuces entre artificiers ? » 

T : « Oui, il y a peu de place pour la fantaisie dans un cadre normé, mais dans d’autres cadres c’est vous qui devez inventer. On part de produits normés qu’on modifie ou augmente selon la demande des clients, mais toujours de manière sécurisée. Quand un client demande quelque chose qui n’existe pas en artifice habituel, on fait des tests ou des augmentations d’effets ». 

J : « Discutiez-vous de certaines commandes ? »

T : « Jusqu’à l’arrestation oui, il m’a montré des vidéos de ce qu’il avait fait. Puis l’arrestation l’a empêché. »

J : « Partagiez-vous vos interrogations sur la sécurité ? »

T : « On va souvent à la limite de ce qui est permis, pour répondre à la demande d’un client en effets spéciaux. On augmente la sécurité proportionnellement à l’augmentation des effets des produits, et comme le terrain est sécurisé, ça compense que l’effet soit limite ». 

J : « Est-ce que la différence hiérarchique entraîne une différence d’autorisation administrative ? De savoirs ? »

T : « Non, on avait la même formation, les mêmes accréditations, les mêmes compétences. Juste la responsabilité en plus d’être chef de tir lié au CDI pour moi. »

J : « Vous êtes vous déjà rendu à l’un de ses domiciles ? Aviez-vous visité le terrain de camping de S ? » 

T : « Une fois vers 2014-15 ».

J : « Aviez-vous fait des essais d’explosifs ? »

T : « Non. »

J : « Saviez-vous qu’il pouvait expérimenter là-bas ? » 

T : « Non. »

J : « Chez Disney on ne pouvait pas faire d’essai ? »

T : (rires) « Non ».

J : « Aviez-vous accès à un ordinateur au travail ? » 

T : « Non ».

ProcHORREUR : 

P : « Avez-vous travaillé dans des films ? » 

T : « Une fois, j’ai utilisé des produits tout fait pour le coup. »

P : « Par rapport à l’animation avec les militaires et la modification d’artifices normés, y a-t-il plusieurs catégories ? 

T : « Dans le cadre de mon CDI, on simulait des explosions sur un terrain militaire. C1-2-3 pour tout le monde, C4 est réservé pour ceux qui ont les accréditations ».

P : « Connaissez-vous le nitrate d’ammonium fondu/sucre ? » 

T : « Non, le nitrate d’amonium ça m’évoque AZF et le Liban, c’est tout ».

P : « Connaissez-vous le TATP, l’ANFO ? » 

T : « Aucun. »

P : « En tant qu’artificier, vous n’avez pas à les connaître ? »

T : « Il ne faut pas tout mélanger, c’est du divertissement ».

P : « Est-ce que ça rentre dans le cadre légal ? » 

T : « Ca peut, selon la demande du client, la mission, pour un effet spécial demandé, ça pourrait ». 

Avocate de S.(Me Souleil Balducci)

A : « Vous avez travaillé 7 ans avec S., comment était-il au travail ? » 

T : « Très sérieux, très bonne maîtrise, j’avais une grande confiance en lui. Il n’est pas passé chef car l’équipe de CDI était fixe et ce n’était pas envisageable pour la boite que les extérieurs prennent ce poste ». 

A : « Qui sont vos collègues ? »

T : « Un peu de tout, d’anciens postiers, policiers, militaires… en tout cas tous passionnés, il faut être passionné pour être artificier ».

A : « Les anciens policiers et militaires ont il côtoie S. ? Y a-t-il eu des remarques ou discussions par rapport à son tatouage ACAB sur les phallanges ? »

T : « Il y a eu des discussions, mais toujours calmes et posées, rien de véhément, dans la bonne entente ».

A : « Quel type de formation avez vous suivie ? » 

T : « Très courte, 3 jours de théorie et 2 jours de pratique ».

A : « Alors que vous manipulez des objets dangereux, il n’y a aucune formation particulière ? » 

T : « Non, c’est au chef de tir de veiller à faire respecter les règles de sécurités, la seule école c’est le terrain, comme dans beaucoup de métiers du spectacle ».

A : « S. parle de bidouilles, vous confirmez ce terme ? » 

T : « Oui il y a beaucoup d’auto-formation, de partage d’expériences. On essaye soi-même ou on fait des demandes aux autres. On doit pouvoir réagir si quelque chose ne marche pas ». 

A : « S. n’est pas qu’artificier, il faisait aussi des effets spéciaux ».

T : « Oui, il y a des règles différentes entre le spectacle de pyrotechnie et les autres contextes ».

A : « Par rapport à l’animation militaire qu’il vous a été demandé de faire, quelle limite posiez-vous au détournement des produits d’artifices ? » 

T : « La sécurité. J’ai pris un produit normé de spectacle et j’y ait ajouté des sachets d’essence. C’était pour le CPAT, une simulation de guerre. Pour faire comprendre aux bidasses où ne pas passer (rires). ».

A : « S. a-t-il répondu à cette règle ? » 

T : « Oui. J’ai discuté avec beaucoup d’artificiers, il n’existe pas d’école d’effets spéciaux. Il faut être Mc Gyver ou l’Agence tous risques, on apprend sur le terrain et il faut pouvoir réagir ».

A : « Par rapport au matériel, vous en avez sur vous ? » 

T : « Toujours, c’est la base pour un artificier d’avoir dans son sac les éléments de base, également dans sa voiture, un sac avec du matériel, des piles, des fil pour allonger une mèche, etc. ».

A : « Avez-vous observé une frustration chez S. au sein de son évolution dans la boite, qu’il était à un carrefour de sa carrière ? »

T : « Il se savait bloqué dans l’évolution de carrière dans cette entreprise, il voulait plus d’activité que le ShowDreams (Disney), il a commencé à developper ses activités à côté ».

A : « Utilisait-il l’accès internet de son employeur pour faire des recherches dérangeantes ? »

T : « Non, il n’y avait pas d’ordinateur ».

A : « Le procHORREUR a dit : « un artifice est une chose, un explosif en est une autre » ».

T : « Un artifice de divertissement est un explosif à la base avec une matière active dedans. Il n’est pas prévu pour la destruction mais c’est un explosif quand même ».

A : « Chez S. nous avons trouvé des bocaux avec de la poudre noire, que pouvez-vous nous dire de la poudre noire ? » 

T : « C’est le composant principal des artifices, ça prend feu et fait réagir autre chose ».

A : « Comment on s’en procure ? » 

T : « On ne peut pas s’en procurer, mais il suffit de la prendre là où elle est, dans les pétards vendus n’importe ou par exemple ».

A : « Que pensez-vous du fait que 2kg de poudre noire aient été retrouvés chez S ? »

T : « Mon F4 est un peu loin mais ça ne me fait pas sauter au plafond. 

A : « Et concernant le transport et le stockage ? »

T : « Le transport c’est jusqu’à 10kg, le stockage normalement c’est spécifique mais pour des petites quantités c’est ok ».

A : « C’était possible de sortir des produits de l’entreprise ? » 

T : « Absolument impossible tant que j’étais là, donc sur toute la période de S., j’y veillais personnellement ».

CAMILLE. moyens de communication

La juge cite les éléments électroniques qui ont été saisis, un téléphone et une clé USB. Sur cette clé se trouvait les documents sur lesquels elle a été interrogé. Elle rappelle qu’en GAV elle a refusé de donné les conventions de cryptage, notamment de Signal. « Vous dites tenir beaucoup à votre vie privée, et que pour utiliser cette application vous avez changé de numéro à plusieurs reprises ». Comme dit précédemment dans les débats, elle rappelle que l’utilisation de cette application n’est pas interdite, mais qu’ « on peut poser la question sur le pourquoi une volonté de dissimulation ». Elle rappelle ce qu’a dit C. : «  C’est ma vie privée, je n’ai pas à donner accès à des documents personnels ».

J : Estimez-vous toujours que ça vous est personnel, même dans le cadre d’une enquête pénale ?

C : Oui je l’ai manifesté à de nombreuses reprises, mon attachement à la vie privée et à l’intimité. J’ai expliqué mon refus de donner les clés de chiffrement dans une procédure… dont je me demandais pourquoi j’étais là. 

Elle précise qu’il y a une confusion importante dans ce qu’a dit la juge au début, elle n’a toujours eu qu’un seul numéro signal, associé à sa carte sim.

J : Dans une conversation avec votre amie J., vous évoquez le fait de tenter de changer de numéro.

C : Oui J. et moi regardions son nouveau téléphone, elle n’a jamais eu de smartphone, donc on a regardé ensemble comment regarder Signal avec un numéro éphémère sur internet et l’avons testé toutes les deux. Sa sim était dans son ancien téléphone. J’en ai profité d’avoir un nouveau téléphone commandé pour ma mère pour tester l’application avec J.

J : Vous lui demandiez « As-tu testé ton numéro ? », et elle répond « J’ai pas réussi », puis vous dites « mais c’est pas le même numéro tu sais, c’est un autre que tu n’as pas encore ».

C : Oui ça a bugué, j’ai pas réussi j’ai dû en faire un nouveau.

J : Vous parlez ensuite du code nip « qu’il faut re-rentrer régulièrement pour que le numéro fonctionne ».

C : Oui sinon le numéro est donné à quelqu’un d’autre.

J : Votre téléphone a donc été décrypté par les services techniques. Vous avez différents groupes Signal, notamment PIMPAMPUM, groupe avec les personnes qui sont au squat PUM.

C : Oui pour rentrer, sortir, avec la clé, quand j’ai été amenée à y aller.

J : Dans votre téléphone, on peut voir vos photos, des messages, les groupes Signal, les groupes coloc, etc. Nous avons extrait une liste de numéros de téléphone, mais il y a aucune trace de message avec F.

C : Je ne comprends pas, nous communiquions sur Signal, y’en a plein d’exemples dans la procédure, je ne comprends pas.

J : Vous parlez de cet usage pour avoir une certaine intimité et ne pas être surveillée.

C : Non je n’ai pas de craintes particulières d’être surveillée, mais pour des raisons éthiques et politiques à des entreprises qui font du profilage commercial, ça fait des années que j’oriente mes choix d’outils de communication dans ce sens.

J : Vous avez pu poser des questions à F. sur ses propres craintes à lui d’être surveillé. Il vous en a fait part ?

C : C’est évident que F. faisait attention à sa manière de communiquer, c’est un choix qui s’entend et que plein de personnes partagent.

J : Partagé par craintes de la surveillance ?

C : Non.

J: Vous a-t-il demandé de prendre des précautions ?

C : Non.

J : Vous lui prêtiez votre téléphone comme à n’importe qui ?

C : Oui.

J : Il y a cette fameuse clé USB dans vos affaires. On y trouve différents documents engagés, un sur une militante du PKK, un sur le Pumbat, un sur Action directe et l’usage de violence pour la révolution, un document sur « s ‘armer » pour la révolution, un document qui se nomme « Brûle ton école ». 

Vous avez dit au sujet de ces documents que de les détenir n’en fait pas forcément votre centre d’intérêt, ne veut pas dire que vous y adhérez.

C : En effet je trouve important de dire qu’il y a quantité de choses différentes et ça n’est pas pour ça qu’on adhère à tous les mots. Je précise que Zera Dogan n’est pas une militante du PKK, mais qu’elle a été enfermée 600 jours en Turquie pour avoir publié une image d’un enfant victime des crimes de guerre d’Erdogan. Ce texte a été publié sur Ballast et le fanzine est un extrait de livre. Il parle surtout d’un vécu de femme en prison. Encore une fois ce sont 5 brochures au milieu de plusieurs dizaines d’autres, nous avons demandé de les avoir toutes pour avoir un point de vue plus large, car un regard féministe aurait retenu autre chose dont des brochures sur la gynécologie, un regard historique aurait retenu celles sur les luttes des peuples indigènes, un regard d’éducation populaire aurait retenu celles sur l’agisme ou sur la communication avec les enfants. Mais ça n’a pas été possible. Je veux bien répondre aux questions sur chacune de ces brochures. 

J : Vous êtes attachée au travail avec les enfants, c’est étonnant cette brochure sur « brûler son école ».

C : Ce sont des contes satiriques, qui parlent du mal-être qui peut intervenir dans le milieu scolaire. J’espère qu’on peut encore avoir de l’humour noir.

J : Et la brochure sur Action Directe, dans les documents « à imprimer », qui parle de l’utilisation de la violence ?

C : C’est biaisé, tronqué comme approche, et je m’intéresse théoriquement à beaucoup de mouvements, je trouve ça important de se questionner, ça ne veut pas dire que je veux prôner la révolution armée ! Je vous affirme que ce n’est pas le cas. C’est important de se construire son avis sur la question, ça n’est pas pour ça que je veux l’utiliser.

J : Vous servez-vous de l’environnement Tails ?

C : Pas avant l’instruction non, mais maintenant je stocke tout mon dossier d’instruction sur une clé tails.

J : Mais vous aviez une clé ?

C : Non j’en ai fait une depuis, car ce sont des données sensibles. J’ai appris à l’utiliser avec F. sur un aprem, il faisait un atelier sur ça.

J : A l’époque, ça vous a paru intéressant ?

C : C’était pas une découverte, c’est un outil que je connaissais, des présentations de Tails se font régulièrement dans les milieux militants.

J : Vous avez aussi un VPN riseup, pourquoi celui là ? Il est plus sécurisé ?

C : Il est gratuit, facilement accessible, c’est un outil d’éducation populaire. Les autres sont chers.

J : P. a décrit l’après-midi atelier sur l’utilisation de tails avec une sensation d’illégalité. Et vous ?

C : Absolument pas. C’est peut être que l’informatique lui fait peur.

J : Par rapport au refus de donner les codes, vous aviez conscience que c’était une infraction 

C : Oui, ça me tenait beaucoup à cœur dans un moment de vulnérabilité où tout vous échappe. C’est le strict minimum d’intimité qui vous reste. Ca a d’ailleurs été noté dans le PV de GAV où je dis que j’ai déjà accepté, sous la menace d’une agression sexuelle, la prise ADN, donc que ce qui me restait d’intimité je le gardais.

Juge assesseure de droite 

JA : Saviez-vous que si vous refusiez de donner vos codes les opérations de « craquage » pouvaient risquer d’endommager vos données ? 

C : Non on ne me l’avait pas dit.

JA : Clé tail, proton mail, linux… tout un arsenal de défense (si si elle a vraiment dit ça!!) qui montre une volonté de dissimulation ?

C : Ce sont des outils banals, des millions de personnes les utilisent dans le monde, ils répondent à une problématique d’absence de vie privée face à l’extension du numérique.

15h37. (Proc-roi entre en scène et il va se faire fermer son caquet).

Procureur

P : Vous avez refusé en GAV puis devant le juge d’instruction de donner vos codes.

C : Oui c’est pourquoi je me trouve devant vous aujourd’hui.

P : Donc à deux reprises vous avez persisté ?

C : A partir du moment ou vous avez la totalité de mes infos sous les yeux, pourquoi est-ce encore un sujet ? Oui j’ai voulu continuer à défendre mon attachement à ma vie privée et à mon intimité. Je l’ai aussi exprimé dans d’autres endroits, notamment dans les fouilles à nu, ou dans le fait de ne pas dévoiler les détails de la relation avec F.

P : Vous critiquez le fait que les enquêteurs n’ont retenu que certains documents mais c’est parce que les autres documents n’ont pas de lien avec le terrorisme ?

C : Quand on vous présente comme quelqu’un de dangereux et que vous êtes accusé de terrorisme il me semble que l’on se doit d’étudier votre personnalité dans son entièreté, il n’y a aucun fait qui viendrait appuyer cette idée.

P : Que pensez vous de la légitimité de la violence révolutionnaire en politique ?

C : Vous employez des termes généraux qui sont déjà biaisés dès le début. Je ne suis pas historienne des mouvements révolutionnaires. Si la question est claire et que vous me demandez « faites-vous usage de la violence dans vos actions militantes ? », je peux vous répondre que non, mais c’est tout.

bruit d’approbation dans la salle

P : Lors d’une audition hier on a pu entendre que les milieux militants apprenaient de leurs erreurs passées et que la violence était inutile aujourd’hui car la société ne l’accepterait pas, qu’en pensez vous ? 

C : Vous jouez avec la sémantique, vous reformulez la même question avec d’autres mots. Vous me demandez encore de me positionner sur l’envergure d’un mouvement. Je n’ai pas envie de vous parlez de ça. Ca n’est pas le lieu. Mais si vous me demandez mon positionnement politique, il est fait de multiples choses. Mon chemin politique ne va pas vers l’utilisation de la violence. Dans l’ORTC je suis décrite comme imprégnée et « adhérente à la cause anarchiste » comme a dit Herbault, je n’ai  jamais dit ça de moi-même. Je n’aime pas me désigner par des étiquettes, mais je suis intéressée par les luttes féministes, antiracistes (elle fait une longue liste de toutes les luttes qui l’intéressent, puis elle récite la témoin du début d’audience pour dire qu’elle en a donné un aperçu). Mais toujours pareil, non je ne l’utilise pas , c’est mon propre positionnement politique, j’ai toujours parlé des causes qui m’animent, je ne fuis pas une question, mais cette audience n’est pas un lieu de débat politique. Je veux bien répondre sur une question précise et personnelle, et j’y ai déjà largement répondu, mais pas sur un positionnement général.

P : Et donc que pensez-vous de Nathalie Ménigon et Jean marc Rouillan (exclamation dans la salle) ?

C : Ce n’est pas ma manière de faire.

P : Est-ce que ce sont des terroristes ?

C : Je ne suis pas en faveur des assassinats commis par Action Directe mais l’utilisation du mot terroriste est instrumentalisée, je ne répondrai pas là-dessus.

Avocate de C (Me Challot)

A : Le thème de cet interrogatoire c’était le chiffrement non ?

A : On vous a rendu votre téléphone avec toutes ces informations dangereuses dedans ?

C : Oui (rires dans la salle).

A : Qui est P. ?

C : Ma maman.

A : FX ? 

C : Mon oncle.

A : C. coloc ?

C : (rires) Ma coloc. 

A : Votre oncle a une ressourcerie et nombre de vos disques durs viennent de là ?

C : Oui

A : Il y a une clé USB avec des chants néonazis. Vous vivez avec des néonazis ?

C : (rires) Non.

A : Lors de l’exploitation du téléphone, il est fait un ratio de son utilisation sms/appel en clair/ data (différentes connexions internet, video, musique, mail, whatsapp, signal, etc.)

Sms en clair : 53 %

Appels en clair : 14 %

Data: 10 %

Il est toujours question de ratio.

A (Arnoult): Le PNAT est complètement perdu dès lors qu’on sort d’un éventuel passage à l’acte

(à la fin il parle du Spikelee sur Malcom X, une histoire de sous-titre qui a le même nom qu’une des brochures…)

LOIC. moyens de communication

L. a la barre est interrogé sur les communications « cryptées ». Il semble plus en forme.

J : Lors de votre première déposition on vous interroge sur l’utilisation de Signal et vous ne souhaitez pas communiquer vos identifiants. Vous précisez les mêmes éléments que vient de nous exposer C. Je vous redemande pourquoi ce refus ?

L : Pour protéger ma vie privée sur la toile, un comportement éthique.

J : Vous vouliez protéger votre vie privée et également les autres ? Vous vouliez protéger autre chose ?

L : Tout en même temps, je ne voulais incriminer personne en garde a vue, en particulier F. parce qu’il utilisait Signal.

J : Il n y avait pas que lui ?

L : Non mais là, à ce moment-là, il était question de lui.

(Emploi du mot milieu radical par la Juge elle lit le PV de GAV)

Je profite d’avoir de meilleures capacités d’expression aujourd’hui pour m’exprimer sur le mot « radical », ce vocabulaire n’est pas le mien, je ne vois pas ce qu’il fait dans le PV d’audition ; oui j’ai toujours été en marge, depuis tout petit, dans ma culture… Mais je n’emploie pas le mot radical.

J : Vous utilisiez Signal, Tor, clefs tails… Elle fait la relecture du PV d’audition et de la question suivante « Cherchiez-vous à dissimuler vos activités ? Est ce que vous aviez certaines peurs concernant les modes de communication ? » A cette question vous aviez répondu «  oui et non » ; on ne comprend pas de quoi vous vouliez parler. C’est curieux cette réponse…

L. parle du droit à sa vie privée, que depuis le début de l’affaire sa vie est entièrement dévoilée et ici aussi pendant le procès. Il dit « c’est un viol ». 

J : Vous vous rappelez de votre réponse lors de la 4eme audition concernant le fait que Florian était parano ?

L : J’avais laissé mon téléphone dans le véhicule ou ailleurs quand on s’est vu. J’ai pas toute ma tête lorsque je suis soumis au stress ; cette 4ème audition était très difficile pour moi.

J : Vous aviez mis en avant F. dans vos réponses, précisant que F vous avait demandé d’installer Signal afin d’être plus « sécure ». Vous aviez installé Signal avant de rencontrer F. ?

L : Evidemment.

J : Qu’est ce qui fait que vous aviez installé Signal ?

L : Depuis tout le temps j’utilise Signal dans ce milieu de gauche, marginal, comme vous voulez. C’est quelque chose de tellement évidemment, c’est comme riseup ou proton, c’est « bateau », quoi. Il y a une notion de préserver nos données personnelles face au GAFAM .C’est comme conduite à droite. Rires dans la salle.

J : A la sixième déposition vous êtes requis de donner vos codes de chiffrements afin d’accéder à des supports sous scellés et on vous informe qu’en cas de refus, vous êtes passible de poursuites ; vous avez refusé de les donner, pourquoi ? 

L : A ce moment-là je suis seul au monde, je suis parano, je suis méfiant, il y a tout mon monde qui s’écroule. On me pose des questions sur plein de choses qui ratissent hyper large, ca me fait flipper à mort. Il me reste mon cœur, mon intimité, rien de plus, j’ai plus que ça à protéger.

J : Est-ce que ce n’est pas plutôt par crainte qu’il y ait la découverte d’éléments à charge contre vous ?

L : Etant à la DGSI, je me suis dit dans tous les cas ils vont tout craquer. J’ai rien à cacher sur mes supports de toute manière ils vont tout craquer. Mon avocat ma dit « ils savent tout. Vous dites tout ». Je sais plus comment il s’appelle cet avocat mais je le recommande pas d’ailleurs. Rires dans la salle.

La juge cherche vaguement le nom de l’avocat.

La juge fait référence à un interrogatoire avec le juge d’instruction.

Juge : Vous êtes interrogé par le juge d’instruction sur l’usage de cette application (Signal). Dans la retranscription des écoutes téléphoniques avec Cy., il est noté que lorsque Cy. vous interroge sur le pourquoi d’avoir deux lignes téléphoniques, vous répondez sur un ton mystérieux. La juge précise : bon c’est ce que la DGSI a noté (la salle rigole) ; que vous ne pouvez vous plus utiliser une ligne à la suite d’un bug.

L : Je ne vois pas en quoi un bug c’est mystérieux.

J : Pouvez-vous me dire pourquoi vous utilisiez Signal, avec qui, quand ?

L : J’utilisais et j’utilise Signal parce que c’est la base quoi. (RIRES dans la salle).

J : L’aspect mystérieux va revenir un peu plus loin dans votre interrogatoire, quand vous êtes interrogé sur Tor. Vous dites les avoir découvert à Sivens. Donc vous connaissez ces applications depuis Sivens ? Donc vous connaissiez ces applications 6 ans avant votre arrestation ?

L : Oui j’ai fait un atelier à Sivens là-dessus, c’est assez banal dans ce milieu….

J’avoue qu’il y avait un côté mystérieux dans le fait d’utiliser Signal. Ca me donnait un genre quoi. Dans ce milieu les gens sont plutôt low teck, ils n’ont pas de Smartphone, pas de télé… Quand vous trainez avec des gens qui font pousser des carottes avec des outils datant de Mathusalem, forcément quand on arrive avec un truc comme Signal ou Tails et que vous en parlez avec un ton mystérieux, ça impressionne, ça donne un genre. S’agissant de Cy. bah j’avoue c’était de la drague. 

La question est encore répétée plusieurs fois, Loïc apporte les mêmes réponses. 

L : Quand je suis dans une procédure qui me broie, ne pas donner mes codes de chiffrement, c’est pour garder une certaine forme de liberté. C’est ma modeste contestation de dire : « je ne suis pas d’accord, c’est ma liberté. ». Si je dois être enfermé au moins il y aura une raison.

J : Vous ne vous êtes pas dit que les éléments de votre téléphone, que l’exploitation de votre Signal pourrait être à décharge ? 

J : En juin 2021 on vous réinterroge sur les applis en lien notamment avec les notes de M. Est-ce que vous vous souvenez d’une réunion sur ces sujets avec M. ?

J : Si vous avez utilisé Signal pour vous rencontrer tous les trois, c’est…. (la juge semble hésitante) par volonté de dissimulation ?

L : C’est normal, c’est bateau d’utiliser Signal, c’est comme un SMS.

J : lors de l’exploitation de votre ordinateur, de vos données, certains de vos fichiers ont été endommagés. On a pu savoir que vous faisiez beaucoup de recherche sur des sites en lien avec l’Airsoft. Il y avait des fichiers qui n’étaient pas consultables sans la clef Tails et des documents en lien avec l’association « La Passion des Amis ». 

Suite à cet état des lieux, la parole est donnée à Mme la procureure.

16H50 : le procureur est sur son téléphone portable, il ne semble pas écouter.

La proc : J’ai une seule question. Vous utilisez votre numéro habituel pour Signal ou une autre ligne téléphonique ? 

L : Oui celui d’A. On était ensemble à l’époque. 

Proc : D’accord. Donc pourquoi C. parle,  lors d’un échange téléphonique avec vous, de vos deux lignes ? C’est habituel d’avoir deux lignes ?

L. répond vaguement mais il parle de drague. 

L : Je ne comprends pas. 

Proc : Oui mais ce qui m’interroge, c’est que la discussion vient d’elle et elle vous répond « Quelle vie tu mènes » ? 

L : Je vous répète c’est pour la drague et vous voyez ça marche. 

L : Ca y est je me souviens, j’avais deux lignes. Une ligne à 2€ et donc pas de datas. Et une autre.

Maître Tort (avocate de L.) : 

A : Au vue des circonstances en garde à vue, lors de votre première audition, on vous demande votre identité, votre domicile, vos études, vos comptes bancaires, vos patrimoines puis on vous parle de vos moyens de communication afin de savoir avec qui vous utilisez ces applications. A la première question « Qui ? », vous répondez : « Avec les copains ». On vous redemande : « Qui ? ». Vous répondez : « J’ai revu Flo à la campagne. » Pourquoi à cette deuxième question « Qui ? », vous répondez « J’ai revu Flo à la campagne. » ? 

L : Je ne sais pas. On parle de lui (F.D) en garde à vue. Ce serait bien d’avoir les vidéos des interrogatoires.

A : Est-ce qu’on vous suggère des choses qui sont hors du PV d’audition ?

L : Possible. Fort possible. Je ne peux pas attester qu’on me parle de F. Je suis en état de stress, je perds mes moyens, je suis plus bon à rien. Quand on me parle de terrorisme, je pense à F. parce qu’il est allé au Rojava. Je sais que les vétérans du Rojava sont surveillés par la DGSI. Je pense à la DGSI et là je suis justement à la DGSI accusé de terrorisme.

Avocate : La réponse que vous avez confirmé « j’ai laissé mon portable dans son camion ». C’est un comportement général de longue date dans vos utilisations ? Il y a bien une différence dans ce moment-là que vous faites entre venir avec son téléphone et l’utilisation de ces applications ?

L. ne comprend pas.

A : Il se savait surveillé après la parution de l’article de Mediapart sur la surveillance des ex-volontaires partis au Rojava. Il vous en avait parle ?

L : Oui, il m’avait parlé de sa peur d’être surveillé par la DGSI, peur pour lui et pour ses proches. 

A : Mais finalement, vous utilisez Signal avec d’autres personnes, donc pourquoi au deuxième « Qui ? » vous répondez « J’ai revu F. à la campagne. » ? Qu’est-ce qu’on constate dans cette phrase ? 

L : Je dois être vif d’esprit à ce moment-là  (de son interrogatoire). Rires dans la salle. 

Il précise que c’est de l’ironie. 

Avocate : Est-ce que ce ne sont pas des éléments faits pour que vous donniez les codes ?

L : Bien sûr. Je suis dans la méfiance absolue. Je suis complètent démuni. Je dis seulement ce que la DGSI me souffle, ce qu’elle attend de moi. C’est l’inverse d’un processus de vérité. En PNL, on prend des éléments et on arrive ensuite à une conclusion et pas l’inverse. 

L : j’étais sûr que la DGSI allait craquer mon téléphone et découvrir les éléments à décharge. 

L’avocate n’est plus très claire dans ses questions. Elle tente de lui poser encore une question.

L : Je n’ai pas compris la question.

A : C’était pourtant une question simple. (A la juge) Je suis complètement débile et lui n’en est pas loin.

L. rigole. 

Présidente : Soyez sérieux M. M., ici c’est une affaire sérieuse.

L : Je fais de mon mieux Mme la présidente. Il s’excuse.

L’avocate retourne à sa place, après des excuses à la présidente, tout en précisant à la juge qu’elle n’est pas en état aujourd’hui et qu’elle ne souhaite plus poser de questions à son client.

Maitre Bonaglia

Je voudrais revenir sur la fameuse phrase « J’ai vu F. à la campagne ». Vous répondez cette phase lors de votre première audition, soit 12h après votre interpellation. Pourquoi les enquêteurs ne vous demandent pas qui est F. à ce moment ? 

A 22H24, il n’y a eu aucune question sur F., donc avant votre réponse sur F., à aucun moment sur le PV d’audition, on ne vous a parlé de F.

L : Oui, donc ça ne vient pas de moi.

Maitre B. : A votre avis, combien de temps vous êtes resté en garde à vue sans qu’on vous mentionne le prénom de F. ?

L. : Je ne sais pas, 1h…

Maitre B : C’est le 9 décembre à 15h10 qu’on vous demande pour la première fois si vous connaissez F.d’après les PV. 

Témoin CAMILLE chiffrement et numérique

Il intervient en tant que spécialiste en technologies de chiffrement et développeur de l’application SILENCE, application citée dans le dossier d’instruction.

Il est aussi juriste à la Quadrature du Net, mais n’intervient pas sous cette casquette, il a pris un jour de congé.

Serment, blablabla

Il précise qu’il n’est pas un témoin direct étant donné qu’il ne connaît pas les prévenu.es.

La présidente lui demande la durée approximative de son intervention.

Il répond qu’il en a pour une demi-heure environ, suivie de réponses aux questions s’il y en a.

La présidente fait remarquer que c’est un peu trop long et lui précise qu’il faudra condenser tout ça. Des personnes de la salle rappellent le long entretien de l’expert en explosif, qui avait duré plus de trois heures, questions comprises. La présidente bafouille une justification comme quoi le statut d’expert lui permettait ce privilège…

Mise en place de l’écran qui se déroule, connexion, petite lumière tamisée.

Le témoin reprend : « Je suis surtout là car je suis développeur d’une des applications citées dans le dossier : Silence. À côté je suis aussi juriste sur les questions des droits de l’Homme, et des libertés fondamentales ».

Une slide s’affiche à l’écran avec une citation du dossier venant de la DGSI sur le comportement présumé clandestin de l’utilisation de ces outils numériques et applications cryptées. 

S’en suit un échange qui se tend très rapidement sur la légalité d’avoir eu accès au dossier d’instruction, de la part de la présidente et du procureur, qui le menacent d’illégalité d’avoir eu accès à ce dossier, en lien avec le secret de l’instruction.

Le témoin et l’avocat de C. les reprennent en se défendant qu’il n’a eu accès au dossier qu’au printemps 2023, époque à laquelle le secret d’instruction avait était levé.

Le témoin reprend donc sur la slide et la citation de la DGSI en pointant l’interprétation et l’accusation de comportement clandestin de leur part quant à l’usage de tels outils de chiffrement.

Très vite la présidente lui demande de garder sa casquette d’expertise numérique, et de ne pas faire part de ses « opinions » en mettant de côté sa casquette de juriste. 

Il répond que c’est sous cette casquette qu’il est venu.

La tension est déjà, après quelques minutes d’entretien, bien palpable, mais le témoin reste sérieux et calme.

Il continue en disant qu’il est venu pour mieux définir les usages de mots et de contexte, utilisés par la DGSI dans leur rapport, et explique clairement que l’usage répété du mot « crypté » et de ses déclinaisons n’est pas approprié et ne correspond pas à ce qui y est abordé.

Il devrait plutôt être question de « chiffrement », et non de « cryptage ».

« Le chiffrement est un protocole, un standard technique, qui se retrouve aujourd’hui partout. On l’utilise au quotidien sans même le savoir, sur nos ordinateurs, nos smartphones, nos applications, ne serait qu’avec le protocole d’accès aux site web https:/ par exemple.

Le chiffrement est partout car nos vies sont numériques ».

Il explique que cette pratique du chiffrement est arrivée via des mesures de sécurité de la part des banques, du monde de l’industrie, du commerce, qui avaient, et ont toujours besoin de se protéger des menaces de cyberattaques, des vols de données.

« Cela revient, sans chiffrement, à ne pas avoir de serrure sur sa porte, ou de code sur sa carte bancaire ».

Beaucoup d’institutions recommandent vivement l’usage du chiffrement numérique, et en font la promotion, comme l’ANSSI, la CCNum, la CNIL, etc.

« Pourtant, dans cette affaire, les bonnes pratiques numériques sont assimilées à une pratique clandestine ».

Il parle des problèmes de forme, et de fond dans ce dossier.

Pour la forme, il s’agit de l’usage d’un vocabulaire autour du danger, de la clandestinité des pratiques.

Pour le fond, des erreurs et des approximations techniques de la part de la DGSI, et de la décontextualisation des pratiques d’hygiène numérique.

S’en suivent plusieurs slides visant à démystifier et balayer les contre-vérités attribuées aux applications, et autre logiciels, chiffrés, cités dans le dossier.

SIGNAL

Le PNAT souligne quant à Signal « le culte du secret, et l’obsession de la discrétion ».

Il compare pourtant cette application à WhatsApp, qui a exactement la même protection, et utilise le même protocole de chiffrement que Signal, et qui est utilisé par des milliards d’utilisateurs (2 milliards en 2020).

La seule différence réside dans le fait que WhatsApp retire une exploitation commerciale des données de ses utilisateurs, pour l’entreprise META (Facebook).

TOR et TOR Browser

TOR et TOR Browser sont apparus dans un contexte de données personnelles largement exploitées commercialement par les maisons mères des autres logiciels et applications existants, notamment les fameux GAFAM (Google Amazon Facebook Apple Microsoft).

Ces pratiques sont sanctionnées par la CNIL.

TOR Browser est un navigateur internet basé sur le protocole TOR, pour protéger les adresses I.P.

Il est conçu pour empêcher au maximum le partage de données, contrairement par exemple à Chrome, développé par Google, qui récupère ainsi des milliards de données personnelles de navigation.

LINUX

C’est un système d’exploitation, comme le sont Windows et MacOS, mais contrairement à ces derniers, il a été développé en sources libres (accès ouvert et transparent aux codes de développement du logiciel). Il est conçu pour ne pas espionner ses utilisateurs, et récupérer de données personnelles.

Il permet aussi par son accès libre, de donner par exemple une deuxième vie aux ordinateurs de seconde main.

Dans le dossier, il est perpétué le mythe que de savoir installer Linux serait un savoir-faire avancé, destiné à un usage clandestin. 

Le témoin balaye cette contre-vérité à charge, en expliquant que l’installation est très facile et qu’on peut même en trouver le mode d’emploi à la FNAC.

TAILS

C’est un système d’exploitation basé sur une distribution Linux grand public, que l’on installe sur une clé USB. 

Il permet d’avoir accès à un système d’exploitation sécurisé simple, emportable partout avec soi, et non dépendant d’un ordinateur en particulier.

Il peut être destiné aux personnes n’ayant aucune connaissance en informatique, mais aussi par exemple aux journalistes pour transporter et protéger leurs données.

L’idée diffusée par la DGSI est que le fait d’apprendre à d’autres personnes l’usage de cet outil, serait encore gage de formation à la clandestinité…

Il prend pour exemple des « chiffro-fêtes » organisées à la Villette par exemple et dans des dizaines de fab-lab à travers le pays, dans lesquelles l’idée est de se socialiser autour de cet outil, d’installer Tails sur des clés USB, et ainsi partager ses connaissances autour de ces questions de chiffrement, et faire communauté dans un esprit bon enfant. Avec pour objectif de se protéger soi et les autres dans leurs intimités, à travers ces pratiques.

e/os

C’est un système d’exploitation Android pour smartphones, sans les mouchards et pisteurs de Google.

Ce n’est que ça, contrairement à la présentation fantasmée qu’en fait le dossier d’instruction.

L’idée de sa présentation comme une protection contre la surveillance policière en est fausse. Cet outil n’a aucune incidence là-dessus.

Le témoin aborde ensuite les erreurs techniques et les raccourcis présents dans le dossier.

Il parle d’un sentiment anti-GAFAM instrumentalisé à mauvais escient, d’une confusion sur l’utilisation des outils, comme expliqué précédemment.

Il évoque des raccourcis faits par la DGSI sur les conclusions quant aux manuels d’installation attribués aux prévenu.es, les décrivant ainsi comme des experts sur ces questions, alors qu’en se penchant concrètement sur ces manuels, on se rend facilement compte qu’il manque des connaissances et des étapes pour être experts là-dedans.

Il appuie sur l’approximation de ce genre de modes d’emploi, qui auraient facilement pu être analysés comme un manque de connaissance des prévenu.es dans ces domaines, et les discréditer, si la DGSI avait bien fait son travail d’expertise, contrairement à en faire une charge.

Il rappelle qu’aucun de ces outils n’a été créé avec pour but une utilisation criminelle.

Aussi, sur l’utilisation régulière et appuyée des déclinaisons du terme de « cryptage » tout au long du dossier, il insiste sur le fait que ce mot n’est pas le bon, et qu’il ne s’agit que de « chiffrement ».

« La DGSI elle-même, sur son site internet, inscrit que l’usage de la terminologie autour du « cryptage » n’est pas le bon et doit être mise de côté, et qu’il faut utiliser les termes de « chiffrement ».

Il souhaite reprendre sa casquette de juriste un moment, et aborde la question du droit fondamental à l’intimité. 

« Un espace à soi ne peut être suspect, ni criminalisé ».

« Cette question du chiffrement ne devrait pas faire parti de l’équation à résoudre. Le chiffrement est même mis en avant dans la loi pour une République numérique ».

Fin de la présentation, la présidente invite le témoin à une certaine prudence par rapport à son accès aux pièces du dossier. Ça ressemble à une sorte de menace sur un ton de semi-bienveillance…

La juge assesseuse de gauche prend la parole.

La question est confuse, elle demande s’il est venu seulement dans le cadre de ce dossier, ou si il serait ouvert à devenir un expert juridique plus régulier. Le témoin ne comprend pas trop le sens de la question. Elle fait une sorte de blague en disant qu’elle ne tente pas de l’embaucher et répète de manière tout aussi floue sa question. 

J. ass : « Venez vous pour ce dossier là en particulier, ou seriez-vous en mesure d’intervenir dans d’autres procès ? »

Le témoin demande un peu plus de contexte. Il dit ne pas avoir l’intention de devenir un « expert juridique ».

La juge semble satisfaite de la réponse, comme si elle écartait ainsi ce témoignage d’un revers de main.

Le témoin ajoute qu’il est en tout cas ouvert à intervenir, sans ce statut d’expert juridique, pour d’autres procès tenant à ces thématiques.

L’assesseuse de droite prend le relai.

J. ass : « Ces outils peuvent-ils être détournés en vu de commettre des actions criminelles ? »

Le témoin refait le point sur tout ce qu’il vient de dire, sur la raison d’être de l’intimité, du besoin d’être écarté de tout tiers (en parlant des tiers pouvant exploiter des données numériques). 

Et du coup, dans ce contexte de se préserver de tout tiers, ces outils peuvent aussi être utilisés dans ce but. Mais il insiste sur le fait que ce n’est qu’un outil, et que comme tout outil, son usage peut être détourné de plusieurs manières. Il prend l’exemple du couteau de cuisine qui peut servir à préparer un bon plat, comme à commettre les atrocités que l’on peut observer lors d’attentats comme récemment.

L’assesseuse insiste sur la notion de « tout tiers, et pas que GAFAM ? »

Le témoin répond que oui du coup, par défaut.

Le procureur

Il attaque sur la question de l’accès du témoin aux pièces du dossier, et reste dubitatif quand à la date avancée du printemps 2023.

Il met en lien un article de la Quadrature du Net datant de juin 2023.

Le témoin répond qu’il n’en est pas l’auteur, qu’il en a seulement fait la relecture en tant que juriste.

Le proc insinue que c’est forcément lui qui a donné les pièces du dossier à la Quadrature. Il est très agressif et menaçant. 

Le proc demande des précisions quant aux pièces du dossier. Le témoin répond qu’il n’a eu accès qu’aux pièces concernant les questions d’usages numériques.

Avocat de Camille (Me Arnoult)

Il remet une couche sur la protection du témoin quant à l’accès au dossier. 

Il met aussi en avant que dans tous les cas, Camille avait le droit de lire le dossier à tue-tête si elle en avait l’envie.

A : Peut-on acter certaines incompétences des agents de la DGSI en matière de chiffrement, et plus largement sur les logiciels libres ?

Le témoin évacue d’emblée la question des logiciels libres. Il explique qu’il y a beaucoup de confusion de la part de la DGSI, qui confond les outils, les usages, les utilités. « ils confondent Tails et Tor, Linux avec mesure de chiffrement… Ce sont des erreurs techniques ».

A : « Il est toujours plus facile de faire peur quand on ne connaît pas. »

A : « Quel est le niveau de protection de la part de Protonmail, utilisé par de plus en plus de mes confrères ? » Il ironise sur son propre usage dépassé de Gmail.

T : Protonmail a le même fonctionnement que d’autres boites mail. Mais contrairement à d’autres hébergeurs de mails, ceux de ProtonM sont stockés et chiffrés sur leurs propres serveurs, et donc pas accessibles, ni à eux-même, ni donc à des attaques extérieures. 

A : Vous connaissez Netco ? Est-ce que vous savez si on pourrait avoir accès aux mails sur réquisition judiciaire ?

T : A ma connaissance Protonmail est la seule entreprise qui chiffre le contenu des mails. Netco, je ne sais pas. Mais Protonmail ne protège pas les adresse IP, qui sont données en cas de réquisition.

A : On aurait donc pu faire une réquisition à Netco. Si il y avait eu une réquisition, on aurait su qu’elle se connectait à son mail.

A : Et connaissez vous Linéage ?

T : C’est comme e/os, c’est un code source android sans mouchards. On n’utilise pas Linéage pour anonymiser son téléphone, ce n’est pas possible et totalement erroné. On ne disparaît pas, c’est faux de dire que si on installe ça on disparaît.

A : Approximativement faux donc ?

T : Techniquement faux.

A : Approximativement techniquement faux !

À une nouvelle question de l’avocat sur la situation ailleurs qu’ici, il répond que le chiffrement est plus promu en Allemagne, avec des applications comme Signal notamment.

L’avocat parle du fait que l’ONU et d’autres institutions promeuvent le chiffrement et le témoin répond que effectivement, c’est le cas et que c’est la première et principale des réponses à avoir aujourd’hui.

A : Mme B. a installé le système d’exploitation Linux avec une partie chiffrée. Est ce une preuve de clandestinité ?

T : Linux pas du tout, et la partie chiffrée non plus. Par défaut sur Windows le contenu est chiffré, c’est standard dans l’industrie aujourd’hui.

A : Installer Linux, c’est rester maître de son ordinateur en quelque sorte ?

T : C’est une manière de maîtriser son ordinateur, on connaît son fonctionnement. Et par exemple même Ëmmaus, sur ses ordinateurs en vente, installe le système d’exploitation EmmausBuntu qui est une distribution Linux.

L’avocat questionne l’usage de tels systèmes par des institutions françaises. Le témoin répond que les premiers à les avoir utilisés sont la gendarmerie nationale avec une version de Unbuntu. Les écoles et lycées l’utilisent aussi beaucoup, ainsi que des administrations et institutions publiques.

A : Peut-on connaître le nombre d’utilisateurs de Signal dans le monde ?

T : Non on ne peut pas, Signal ne publie pas ses chiffres. Mais quand WhatsApp a modifié sa politique il y a quelques années, il y a par exemple eu un très large afflux sur Signal.

Avocate de Simon (Me Becker)

Elle fait remarquer que le témoin a été rudoyé dès son arrivée, qu’il y a reçu une adresse de menaces sur le fait qu’il puisse être poursuivi par le parquet. 

Elle lui dit qu’il n’a pas d’inquiétude à se faire même si la menace se mettait à exécution, car un précédent à déjà eu lieu.

Monsieur Zemmouri, journaliste (au Point), avait tout dévoilé de ce même dossier du 8/12 au tout début de l’affaire, le 18/12/20 avec publications de photos, notamment de 3 inculpés, leurs noms de famille, etc. Une plainte avait été déposée contre lui pour secret de l’enquête, mais la plainte avait été classée sans suite. (comme par hasard !)

Les procs restent les yeux fixés sur leurs ordis, enfoncés dans leurs fauteuils à bourrelets.

A : « Silence » (l’application développée par le témoin), c’est quoi ?

T : C’est comme Signal sur le principe de chiffrement des communications, mais pour les SMS et MMS, sans passer par une messagerie passant par internet.

A : En savez vous plus sur les chiffres de cette migration de WhatsApp vers Signal dont vous parliez tout à l’heure ? 

T : en 2020 de mémoire, ou 2021, ces migrations se sont passées sur plusieurs mois, et la presse faisait écho du fait qu’il y avait trop d’utilisateurs pour Signal qui rencontrait des problèmes d’adaptation.

Avocat de Bastien (Me Bonaglia)

Il revient sur la comparaison avec le couteau, et avec le fait que ces outils numériques puissent être mal utilisés. Il parle d’EncroChat et de Sky ECC et demande au témoin si ces applications ont été faites avec pour objectif un usage exclusivement criminel.

Il répond que déjà ces applis ne rendent pas anonymes. Il ne connaît pas EncroChat, mais il sait que Sky ECC est défini par les USA comme une application criminelle. Pourtant, cette entreprise a pignon sur rue et elle est en contrat avec de nombreux États pour établir leur sécurisation numérique.

Il rappelle qu’on ne peut jamais déduire l’utilisation faite par un utilisateur.

L’avocat revient sur les difficultés pour l’instruction, le renseignement, de faire remonter les informations face au chiffrement, et il demande s’ils ont des outils pour percer ça et tout de même y arriver.

Le témoin répond qu’il est tout de même possible d’attaquer cela par « force brute » c’est-à-dire en essayant de craquer le support. Il précise aussi que la police et la justice disposent d’énormément de moyens pour violer la vie privée des gens (sonorisation, vidéos, filatures…), donc que ce n’est pas impossible non plus.

Témoin FLO isolement

Il a travaillé pendant 18 ans dans une association qui luttait contre la torture, les effets de l’enfermement et de l’isolement carcéral, l’ACAT.

Il va parler de l’isolement carcéral, ce qu’a subi F. pendant 16 mois. 

Il commence par deux citations :

« Des jours où le temps ne voulait plus rien dire, on ne sait plus si on est mort ou vivant ». (détenu aux USA)

« Seul avec son esprit qui peut vous jouer des tours ». (Nelson Mandela)

Il rappelle que l’isolement prive la personne de tout contact humain significatif. La personne est mise à l’écart de tous les autres, confinée pendant la quasi-totalité de la journée dans une cellule de quelques mètres carrés avec un mobilier réduit au strict minimum, vissé au sol. Les repas sont pris en cellule, donnés par une trappe dans la porte. La promenade se fait dans une pièce à peine plus grande que la cellule, avec un plafond obstrué de barbelés ou de plexiglas. La lumière du jour est quasi-inexistante. La surveillance qui s’y exerce est très supérieure à ailleurs, chaque sortie ou parloir donne lieu à des palpations et des fouilles au corps ou à nu. Tout ceci renforce le sentiment d’être traité comme une bête sauvage, la sensation d’humiliation.

Ne pas pouvoir parler à quelqu’un pendant des jours, si ce n’est aux surveillants et de manière très superficielle, crée un sentiment profond d’abandon. L’ennui de ces jours sans fin, parfois un livre, parfois une radio, sinon on tourne en rond physiquement et dans sa tête. Puis arrivent le désespoir, la colère, la haine et la violence, souvent dirigée contre soi-même, c’est à se taper la tête contre les murs. D’ailleurs il y a un taux de suicide plus élevé. C’est une prison dans la prison. 

La solitude vous écrase l’esprit quand elle est imposée, ce sont des oubliettes, un châtiment d’un autre âge.

Les rapports des médecins sont homogènes, cela inflige de graves souffrances, les symptômes physiques et psychiques sont nombreux : troubles du sommeil, léthargie, hallucinations, anxiété, perte de concentration, tentatives de suicide, perte de perspective et de hauteur. Et avoir contact avec un médecin en prison est très difficile.

Dès 15 jours les premiers symptômes se manifestent, puis s’aggravent. Et ces symptômes sont durables et ne cessent pas forcément avec la fin de l’isolement. Ça peut créer un handicap profond ultérieurement, à la reprise de contacts sociaux, alors que c’est justement ce dont la personne a besoin.

Il lira également une partie de lettre écrite par F. en détention.

L’isolement est un traitement inhumain et dégradant. Il cause, par son principe même, un préjudice grave et immédiat. D’après Juan Mendes, cette pratique peut s’apparenter à de la torture. Par la CNCDH, il est considéré comme de la torture blanche, car ne laissant pas de marque physique visible. 

Un rapport de 2022 de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, effectué sur la prison de Bois d’Arcy où F. était incarcéré, dénonce des « conditions de détention indignes » et souligne que « l’utilisation de l’isolement en préventive, pour une personne pas encore déclarée coupable, est particulièrement indigne ».

La juge se permet de lui couper la parole pour préciser que le rapport a été fait alors que F. n’était plus emprisonné là-bas, rapport de septembre 2022 alors que F. est sorti en avril, comme si ça enlevait quoi que ce soit au propos.

Juge assesseure de droite : Est ce que tous types d’isolement produisent les mêmes effets ? Existe-t-il des moyens de minimiser ces effets ? Pensez vous qu’il puisse y avoir un isolement plus acceptable ?

Stupéfaction face à la violence de la question ????????

Il confirme que tous les types d’isolement produisent ce type d’effets, qu’évidemment cela dépend des personnes et du type de prison. Et que c’est un peu différent pour les personnes qui demandent à être mise en isolement car ils se sentent en danger, car le fait d’être volontaire, d’être à l’origine de cette demande n’est pas la même chose.

Ensuite a lieu un échange de questions/réponses entre Me Bouillon, l’avocate de F. et le témoin :

L’avocate explique qu’ils ont accompagné F. pendant ces 16 mois et qu’ils ont pu constater de leurs yeux l’horreur de cette condition et la dégradation de l’état de F. au cours du temps. 

L’être humain est bâti par ce qu’il est et par les interactions avec les autres, si on supprime ça on supprime une partie de la personne. Fatalement, une partie de l’humanité s’envole.

L’avocate rappelle que c’était un isolement administratif, renouvelé tous les 3 mois par un autre échelon administratif, que tous les recours pendant l’isolement ont été refusés alors que les conditions légales de l’isolement n’étaient pas remplies. En effet F. avait un comportement exemplaire selon l’administration pénitentiaire et ne représentait aucun danger ni pour lui ni pour les matons ni pour les autres détenus. Elle rappelle qu’il a été dit à F. que cet isolement était décidé « d’en haut » et que personne n’y pouvait rien. Elle se demande dans quel degré de désespoir doit se trouver une personne à qui on dit ça.

Le témoin répond qu’il n’ose même pas imaginer, que c’est redoutable. Il met l’accent sur l’absence de perspective, le fait qu’il n’y ait aucune date de fin crée une incertitude qui est une torture encore plus grande.

Me Bouillon rappelle que l’isolement de F. a été déclarée illégal… a posteriori. Elle demande si l’isolement a déjà été employé à des fins politiques, de pression. L’avocate parle d’un travail de la CIA qui a fait des recherches pour trouver le meilleur moyen de briser un prisonnier et obtenir des renseignements, et que le résultat des recherches a montré que l’isolement était la meilleure des techniques. Le témoin dit que l’isolement revient fréquemment et partout dans le monde comme un moyen pour mettre la pression en vue d’aveux. 

Puis c’est au tour de Me Kempf,  il lui demande, comme la France est censée être le pays des droits de l’homme, comment il est encore possible qu’on continue à utiliser cette méthode. Il répond qu’hélas nous ne sommes pas meilleurs que les autres et qu’il existe une pression de l’opinion publique, « si on en chie un peu, c’est bien fait pour sa gueule » (la juge le reprend sur son vocabulaire et indique que comme elle l’a fait pour les autres, il n’y a pas de raison qu’elle ne le fasse pas pour lui. Mais clairement elle ne s’adresse pas de la même manière à un homme septuagénaire qu’aux autres). Il indique aussi un clair manque de moyens.

Me Kempf lit un extrait d’une lettre de F., écrit à Herbault, où il parle des conséquences sur ses capacités cognitives et sur l’impact que ça a sur la qualité de ses entretiens/interrogatoires avec ce dernier. Ces lettres sont restées sans réponse. L’avocat lui demande : « Qu’en pensez vous ? Qu’aurait dû être la réaction d’un magistrat qui reçoit une telle lettre ? ». Il répond, « Au minimum, d’enquêter sur les conditions de cette détention. »

Impossible de ne pas faire un aparté sur le comportement des procHORREUR, elle était sur son ordi tout du long, et lui la tête baissée sur son portable. Ils n’ont pratiquement pas levé la tête vers le témoin. C’était d’une violence insupportable.

Points sur la suite

– Mardi on continue sur la communication chiffrée pour les personnes non entendues. On parle des « projets ». Et on fait un point sur la situation actuelle des uns et des autres et sur l’actualisation des CJ.

– Mercredi: surement réquisition du proc

– Jeudi et vendredi: plaidoieries. « Si elles ne sont pas finies on reviendra samedi matin pour finir », dixit la juge.

Elle ne parle pas du rendu.

JEUDI 19 0CTOBRE

FLO

Deux témoins sont présents aujourd’hui, la juge veut prioriser le passage des prévenu.es donc il n’est pas garanti qu’ils puissent passer, pour l’instant ils attendent.

La journée commence par le passage de F. sur les questions des armes et des parties d’airsoft. 

L’audience débute par une déclaration spontanée de F., qui dit qu’il appréciait la séparation prévue initialement entre les questions sur les armes et celles sur les répliques d’airsoft. Il est déçu que la juge ait changé d’avis et que les deux sujets soit finalement discutés en même temps et donc constamment mis en parallèle. Il rappelle que la confusion des termes est dangereuse. Le tribunal a donc choisi le même prisme que la DGSI.

La juge répond que  » effectivement la sémantique est importante  » et qu’elle va essayer d’utiliser les bons termes. Mais que si le thème des armes et des répliques airsoft ont été rassemblés, c’est justement pour essayer de voir comment ils sont liés.

La juge est malade et sous-entend qu’elle a attrapé la maladie au tribunal, elle porte un masque.

Un point est fait sur ce qui a été trouvé dans son camion au moment de la perquisition : une arme à canon et crosse sciées détenue illégalement, cachée dans un compartiment du camion, des cartouches, ainsi que plusieurs répliques d’armes d’airsoft dans des mallettes. La juge utilise le terme « dissimulé », F. la reprend pour dire « rangé ». Les répliques d’airsoft ont été acquises en 2018 et 2019. Trois autres pistolets airsoft étaient  également présents mais n’ont pas été saisis. 

La juge demande à F. quand a démarré son intérêt pour la pratique de l’airsoft.

F. explique avoir fait du paintball en étant plus jeune jusqu’à ce que son arme de paintball se casse, il n’avait pas les moyens de la réparer donc il a arrêté, il s’est ensuite intéressé aux jeux de rôle, puis il a eu l’occasion en 2018 de faire de l’airsoft. La juge se demande ensuite si il y a besoin de faire de l’airsoft en club et F. lui répond qu’il n’y a pas besoin mais qu’il faut trouver un endroit non visible du public pour y jouer, c’est même ce qui est recommandé par la fédération d’airsoft (maison abandonnée…).

L’arme réelle retrouvée dans son camion, classée catégorie B par l’expert, a été achetée en 2016 sur une brocante. F. tient à signaler qu’il détenait une meuleuse et qu’il aurait pu effacer les numéros sur le fusil facilement s’il avait voulu. A ce moment F. voulait déjà partir au Rojava mais il n’avait jamais tiré et appréhendait un peu sa réaction face à ça,. Quand l’occasion s’est présentée il a acheté cette arme avec 5 ou 6 cartouches pour essayer, pour découvrir avant de se retrouver en zone de guerre. 

La juge demande pourquoi l’arme était cachée à ce point, F répond qu’il savait détenir cette arme de manière illégale, donc il voulait être discret et s’assurer que personne d’autre n’en connaisse l’existence et ne l’utilise, c’était plus sécurisé comme ça. 

Les cartouches qui ont été retrouvées ne correspondent pas à cette arme, il les a achetées pour un fusil de chasse qu’il voulait s’acheter après l’obtention de son permis de chasse, qu’il avait prévu d’obtenir légalement. Les cartouches ont donc été achetées légalement.

La juge parle d’un coup de téléphone qu’il a passé avec le téléphone de C. en juillet pour différer son stage d’obtention du permis de chasse. Il a déplacé la date proposée à septembre, ça lui permettait de coupler avec les vendanges car les deux se déroulaient en Loir-et-Cher. 

Elle le questionne sur sa motivation à passer son permis de chasse et pourquoi ne pas l’avoir passé avant. 

F. raconte que cette envie lui est venue après beaucoup de temps et de discussions avec W. et B., ça l’a motivé, ils ont pu avoir des échanges sur le sujet et une réflexion sur la manière de se nourrir, de nourrir leurs animaux, discussions qui ont fait évoluer l’avis de F. sur la chasse et il a fini par développer cette envie d’avoir lui-même son permis de chasse. 

La juge dit que la mère de F. était très surprise de ce permis, il répond que c’est normal, il réfléchit avant de parler de tout à sa famille, le projet n’était pas complètement abouti donc il n’avait pas prévenu sa mère, elle le sait végétarien et à ce moment le pense contre la chasse, donc forcément elle est surprise d’apprendre qu’il a obtenu un permis de chasse.

La juge demande alors ce qui l’a conduit à donner rendez-vous à M. et L. dans une maison abandonnée et veut savoir qui a trouvé cette maison. 

F. explique qu’il souhaitait jouer avec M. depuis longtemps, qu’ils avaient essayé de jouer en forêt mais que les répliques n’étaient pas adaptées au jeu en extérieur, donc ils avaient envie de trouver un lieu fermé. 

Il explique qu’avec L., ils parlaient beaucoup ensemble et qu’il a montré de l’intéret à en faire.

La juge insiste pour savoir qui a trouvé la maison. F. dit que M. a presque dit derrière la barre que c’était lui mais qu’il n’en sait rien, que c’est une habitude de regarder quelles maisons sont vides et que celle-ci se trouve sur un chemin régulièrement emprunté. Il ajoute que lui et M. sont allés la visiter avant la session d’airsoft. 

La juge revient sur l’arme à canon sciée. Si elle veut bien entendre que F. l’ait achetée pour apprendre à tirer, elle se demande pourquoi après son passage au Rojava, il la détient toujours. 

Elle repasse alors de l’arme à l’airsoft sans transition et lui demande s’il souhaite s’amuser à ce moment-là. 

F. lui explique que s’il était attiré par le jeu, il s’agissait pour lui de revivre ce qu’il a vécu avec un coté plus fun. En en faisant une pratique sportive. Il indique qu’à terme, il souhaitait monter une équipe d’airsoft. 

La juge l’interroge sur l’association de L. :  » Vous saviez qu’il avait une association ? » 

(désaccord entre F. et la juge qui doit spécifier qu’il s’agit d’une coquille vide).

F. indique que L. lui avait bien indiqué qu’il avait créé une association pour faire des choses ludiques, l’idée d’intégrer l’airsoft parmi les activités de l’association est mentionnée, mais finalement rien ne se mettra réellement en place pour le faire. 

A la question de la juge sur la présence des documents administratifs de l’association de L. dans son ordinateur, F. répond qu’il les a récupérés ultérieurement, lorsque L. lui a demandé d’en reprendre l’administration. 

Il indique que lui et L. ont bien parlé d’acheter un terrain mais que finalement l’association ne servait à rien.

La juge se demande pourquoi F. est venu à Pins Justaret avec L. alors qu’il n’était à priori pas intéressé, F. lui répond que L. a montré de l’intérêt pour ce qu’il faisait lors de leurs conversations et qu’il aime partager ce que les autres aiment. La juge insiste, F. lui redit qu’il a simplement été intéressé et qu’ils n’ont fait que deux sessions ensemble.

Aux questions sur le planning, F. répond qu’il se souvient de moments séparés contrairement à ce qu’il a entendu jusqu’ici. 

La juge rappelle qu’il a été repéré par le bornage de son téléphone une deuxième fois à cette endroit-là. F. explique s’y être rendu pendant le confinement, mais que son passage n’avait rien à voir avec l’airsoft à ce moment-là.

La juge demande à F. s’il a bien confié ses répliques à M. Fraga pendant un moment, il confirme. Néanmoins il ne l ‘a pas fait pour le vrai fusil, dont l’existence à l’époque n’était connue que de lui car il n’en avait parlé à personne.  

F. explique que seul B. a vu l’arme et qu’il fait attention à la sécurité. Il rappelle que lors du transport des répliques, il n’y avait pas l’arme au canon scié. Il explique ensuite qu’il voulait tirer avec ses répliques sur le stand de tir DIY de W. et B., et qu’elles ne tirent pas loin. F. raconte l’anecdote ou B. réagit en disant « C’est de la merde » à propos des répliques. Plus tard, il montre l’arme à B. pour avoir son avis, en prévision d’un potentiel passage de son permis de chasse. Il explique que B. lui a montré des trucs comme démonter le fusil, et que B. lui a expliqué que c’était dangereux (moins stable car crosse sciée).

La juge reprend sur les raisons pour lesquelles il ne s’en est pas débarrassée, F. doit expliquer que c’est illégal, qu’il a vu ça comme un piège (le fait de ramener l’arme en gendarmerie ou autre) et qu’il craignait des poursuites.

« Mais vous ne vous êtes pas posé la question quand vous l’avez achetée ? » lui lance la juge.

F. explique qu’avant, il souhaitait tirer sans se poser la question de « l’après ». Ne sachant pas s’il reviendrait du Rojava ou non, il se projetait peu dans le futur. 

La juge reprend l’ordre chronologique des parties d’airsoft. Elle souhaite revenir au moulin. 

Elle lit ses notes et raconte qu’au moulin, F. a commencé par une démonstration des répliques d’armes et que personne n’était très motivé par ce jeu. Elle demande : « Pourquoi vous les montrez quand même !? »

F. explique qu’il s’agit exactement de la même chose quand B. montre sa forge ou lorsque que d’autres proposent d’autres activités comme la cueillette par exemple. Lui ça ne l’intéresse pas non plus, mais tout le monde proposait des activités même si ça n’intéressait pas les autres. Ils ont eu pendant tout ce séjour énormément d’occupations différentes, découvrant à tour de rôle les centres d’intérêts de chacun.e sans que tout le monde soit forcément passionné par ça. C’est le cas de l’airsoft, sans l’imposer F. a apporté cette activité.

Il explique que lors du jeu, il a voulu expliquer les choses correctement mais que très vite ça a été n’importe quoi. 

« C’est à dire ? » La juge lui renvoie les descriptions de la file indienne qui contredisent son propos.

F. explique que c’était une initiation, qu’iels ont discuté du fonctionnement en équipe, qu’iels ont changé de binômes et de position, qu’il s’agissait d’une partie d’airsoft normale.

« C’était un gros foutoir ».

La juge relit la retranscription de la conversation avec C. le soir. Elle commente la sonorisation en disant que F. décrit ce qui s’est passé dans la journée et qu’il explique ce qui lui a plu et déplu. 

« On a le sentiment que vous prenez les choses avec sérieux ».

F. lui rétorque qu’elle n’a pas la sonorisation des autres joueurs et ne peut comparer, et qu’il avait l’habitude avec C. de débriefer des autres et de leur comportement, mais comme le reste n’est pas à charge, la DGSI n’a gardé que cet exemple.

F. défend que c’est normal car c’était lui le plus intéressé et qu’il proposait le jeu. 

La juge insiste : « Vous revenez sur plusieurs points avec sérieux,vous êtes dans l’analyse et on dirait que vous aimeriez bien recommencer ».

F. explique qu’il a l’habitude de regarder comment on se comporte les un.es avec les autres, et qu’on a l’habitude de faire ça. C’est lui qui a proposé le jeu, ça l’intéresse de savoir ce qui est ressorti de cette après-midi sans forcément prévoir d’en refaire. 

J :  » Vous êtes la personne qui lead. »

F :  « C’est moi qui présente l’activité, c’est normal, je suis responsable ». Il revient sur l’exemple de B. qui est responsable de sa forge, dont il était en charge. 

A la lecture d’une sonorisation, la juge relève un passage où elle estime que F. fait le parallèle entre le jeu et son expérience sans préparation sur un terrain de guerre. Elle se dit étonnée que ce souvenir surgisse à ce moment là : « On peut se demander à quel degré de jeu et à quel degré de passation de pouvoir vous êtes. » 

F. se défend en parlant de sa propension à parler du Rojava quand il picole et lui rappelle que cette pratique lui fait du bien. Il reprend sur le fait que ça lui y fait penser, mais que ça lui fait du bien. 

La juge le questionne sur le rôle de sniper qu’il aurait occupé. 

Il n’a pas été sniper. F. raconte qu’à Raqqa, il y a deux options : y aller la nuit mais risquer de sauter sur une mine, ou le jour où on est vu des snipers. Que lui a dû monter la garde avec une lunette thermique, puis qu’il a eu une Kalashnikov sans rien voir dans la nuit et que « c’était flippant ».

La juge revient sur les parties d’airsoft : 

J : « On dirait que vous cherchez à vous perfectionner ! »

F : « Oui je voulais progresser car je voulais monter une équipe ».

La juge reprend la sonorisation et fait remarquer qu’on y comprend qu’il a joué avec des gens différents.

F. reconnait qu’à l’écoute de la retranscription, il se rend compte qu’il parle tout seul (C. ne répond que « ouais » tout le temps) et répond à la juge qu’il s’agit de M. et L.

J : « C’est quoi les « brones » « ?

F répond qu’il ne sait pas mais que ce sont peut-être des répliques de pistolets.

La juge revient ensuite sur l’histoire de la personne qui n’a pas vu la démonstration des armes la veille du jeu et demande à F. si il n’était pas déçu.

F. insiste et réexplique que c’est une habitude et iels aiment bien discuter de leur journée et des comportements. Il redit que cela aurait pu être intéressant d’avoir d’autres discussions pour comparer et demande pourquoi elles ne sont pas jointes.

La juge répond qu’elle n’a pas d’explication.

« Parce que c’est pas à charge ! » lui lance F.

J : « Et à Pins Justaret, c’était plus organisé ? »

F : « Fun, mais oui plus sérieux ».

En évoquant le moment du lac, elle revient sur le fait que L. ne s’en souvenait pas et demande s’il s’agissait de l’organisation d’une partie d’airsoft.

F. explique que dans une vie de nomade c’est une habitude de se partager ses positions géographiques et de se rejoindre à mi-chemin.

A ce moment-là, F. bricolait avec M. sur son camion, ils voulaient faire de l’airsoft et ils ont proposé à L. de les rejoindre à mi-chemin : ce lac semblait idéal mais quand ils y sont arrivés, il y avait trop de monde pour faire de l’airsoft donc ils ont changé d’idée.

La juge revient sur les notes de M.

M. ne veut pas dire qui sont sur ces notes

J : « Saviez vous qu’il prenait ces notes ? »

F. dit être habitué à voir M. prendre des notes, il atteste qu’il n’y a pas eu de réunion mais seulement des discussions informelles. Il ajoute qu’il ne savait pas pour les surnoms et que lui appelle tout le monde par son prénom.

La juge lui demande si ça correspond à des choses discutées.

F. lui indique qu’il ne sait pas

F. indique à la juge que des discussions sur les terrains, il en a entendu plein, qu’ils ont parlé ensemble de terrain, de terrain d’airsoft, de terrain perso pour M., que la question a été retournée dans tout les sens, à de multiples reprises, et qu’il s’agit d’une chose banale.

Elle revient sur l’existence d’une réunion.

F : « Non »

La juge s’étonne de voir écrit sur le bloc de M, « réunion » et « ordre du jour » à la date du jour qu’ils ont passé ensemble.

F. insiste et témoigne que non, il n’y a a pas eu de « réunion », qu’ils ont simplement discuté de comment ils allaient jouer.

La juge demande si il y a eu des discussions sur des pseudos avec M.

F : « Je ne sais pas de quoi on a parlé, il n’y a pas eu de réunion, je ne sais pas ce qu’il a noté, j’en sais rien. »

Elle le questionne sur des papiers et F. lui répond qu’il s’agit de documents pour se déplacer pendant le confinement.

Elle s’étonne : M. « est très précautionneux » et elle se demande pourquoi autant de précautions si c’est juste pour acheter un terrain.

F : « Posez la question à M., il y avait de tout dans ses notes, des trucs du squat, des notes personnelles et on a même pas fait d’airsoft ! »

J : « C’est écrit 25 mai ! »

La juge insiste, la salle réagit, le ton monte un peu.

J : C’est quoi une session Tekmil ?

F : Les explications de M. sont bonnes. C’est une autocritique pour s’améliorer, ça se fait à la fin de chaque activité. Il y a beaucoup de gens qui cherchent à se le réapproprier. 

Il blague sur le fait que vouloir changer le nom de cette pratique en français serait de la réappropriation culturelle.

La juge parle de M. et de son objectif de retourner au Rojava.

F. explique que avec M. ils n’avaient que des discussions brèves sur le Rojava car il lui faisait des mises en garde trop persistantes. Que ça énervait M. et que la conversation tournait court.

J : « Et il n’y a pas de lien entre la brochure « monter une milice » et les notes ? »

La juge rappelle que F. avait affirmé qu’il ne connaissait pas le document.

F. répète n’avoir jamais vu cette brochure avant de la trouver dans le dossier, et tient pour preuve la présence dans la brochure d’un explosif qu’il n’a pas testé et dont il n’a jamais parlé (c’est ironique bien sûr). « Comme j’ai tendance à raconter tout ce que je connais, j’en aurait forcément parlé ».

J : « M. a fait un CR sans en parler, c’est bizarre non ? »

F. lui répond en s’agaçant qu’il pensait que les pseudos désignaient les gens du squat. 

La juge revient sur l’argent prêté à B. pour acheter son arme et lui demande : « Quel est le projet ? »

F. lui fait remarquer que le terme « projet » est un bien grand mot.

W. et B. lui en ont donné envie, ils passent beaucoup de temps sur le sites d’armurerie. Une arme qui plaisait à B. et F. était en vente avec une réduction. B. n’avait pas l’argent et lui pas de permis de chasse, mais elle lui plaisait. Le deal était que soit elle lui revient, soit B. le remboursera.

La juge lui demande s’il redoute un échec quant à l’achat de cette arme (lecture sonorisation).

F. explique qu’il parle de l’expérience d’une personne qui même avec un permis n’avait pas eu le droit d’acheter une arme car il était fiché.

F. explique avoir vérifié pour lui auprès d’un gars qui avait l’accès aux fichiers, puis il explique que certaines sonorisations sont des conversations pleines de plaisanteries (discussion avec B. et W. dans le camion).

La juge demande pourquoi il n’a pas récupéré l’arme auprès de B. après avoir obtenu le permis de chasse, F. lui indique qu’ils cherchaient à s’organiser pour que B. lui donne, mais qu’ils n’étaient pas dans les même zones géographiques et qu’ils attendaient un moment plus propice pour l’échange.

La juge revient sur ce qu’a dit B., c’est-à-dire qu’il avait peur de donner l’arme à F. car il avait peur de ce qu’il allait en faire. 

F. répond à la juge que ces propos sont faux et qu’ils avaient bien prévu de se rencarder.

La juge lui lit les retranscriptions des sonorisations où il fait la description des répliques d’airsoft. F. lui rappelle qu’il s’agit d’explications des règles de jeu de rôle.

Elle s’arrête sur des explications plus techniques et lui redemande :

J : « Il s’agit toujours de la présentation d’un jeu de rôle? »

F : « Oui !! « 

La juge revient sur la sonorisation où F. parle de « voler » des armes à B. en indiquant qu’elle trouve cela bizarre.

F. explique qu’il s’agit d’une façon de parler que c’est comme l’utilisation du mot « travailler », et que cela veut dire « emprunter ».

Elle insiste sur cette retranscription et revient sur les projets d’achats et les intentions de « voler » à son ami. F. voit dans cette retranscription des incohérences et indique qu’elle est pour lui très mystérieuse.

Il s’agace un peu et lui lance qu’il entend « coin,coin,coin » quand il écoute ces mots en reprenant l’expression utilisée par M. la veille (personnes qui parlent sans rien dire) et qu’il ne souhaite pas se fier à ses propres paroles.

La juge insiste en pointant qu’il y a des éléments vrais dans cette même phrase. 

F. est obligé de redire que des éléments se contredisent et que la phrase n’a aucun sens. 

La juge bloque sur le sujet, elle insinue qu’il souhaitait acheter une arme après le confinement, ce que F. nie en indiquant qu’il s’agissait seulement de « lèche-vitrine ».

La juge s’étonne qu’il n’ait pas acheté d’arme une fois son permis de chasse obtenu, F. lui redit qu’il attendait celle de B. et qu’il avait créé une alerte pour une autre sur une armurerie en ligne.

La juge lui demande si ça ne l’a pas rendu inquiet de ne pas récupérer l’arme de B.

F. perd patience et hausse le ton :

« J’en ai rien à foutre ! J’ai une épée de Damoclès au dessus de la tête, je risque des années de prison, on me traite de terroriste, je m’en fous de cette arme ! »

Assesseuse de Gauche

Elle commence en le questionant sur le choix qu’il a fait de manier les armes alors qu’il aurait pu choisir une autre facon d’aider au Rojava. 

F. répond qu’il ne sait pas trop. Elle insiste, il lui dit qu’il a déjà répondu mais que c’est ce qui lui a été le plus visible et qu’il s’est fait happé par ça. 

L’assesseuse le questionne sur son rapport aux armes avant de partir au Rojava. 

F. répond qu’il n’avait pas d’attirance pour les armes à feu ni de connaissance sur le sujet et qu’il avait simplement fait du paintball. Qu’il n’avait ni attirance, ni rejet à priori.

L’assesseuse parle du rôle de sniper et du désir de Flo de prendre ce rôle. Elle ajoute que ce n’est pas rien de tirer sur quelqu’un en le visant et le tuant. 

F. répond que c’est aussi une façon d’être à distance et que ça le plaçait en sécurité. Qu’il aurait donc bien aimé mais qu’ils ne recrutaient plus d’internationaux à ce poste. 

F. indique que la seule fois qu’il s’est retrouvé à ce poste, il n’a pas été amené à tirer. 

L’assesseuse revient sur les propos de F., qui dit avoir été intéressé par le maniement des armes par stimulation par la passion de ses amis. Et demande :

A : « Vous dites que le maniement des armes, c’est ludique ? » 

F. lui indique qu’il a fait plein d’autres choses dans la vie, que la plupart des choses lui sont arrivées dans la vie comme ça sans qu’il soit allé les chercher, comme par exemple, dans ce dossier, les essais d’explosifs, les jeux d’airsoft, l’idée du permis de chasse. 

A : « Je dois savoir si il y avait un but ! » 

Elle lui demande de développer quelles étaient ses autres activités.

F. revient sur le fait que la DGSI n’a retenu que moins de 1 % de ses conversations comme étant à charge. 

Il explique qu’avec S., ils ont beaucoup parlé et qu’ils se sont bourrés la gueule. Qu’ils ont aussi fait beaucoup de randonnée. Que avec M. ils picolent et… Que c’est déjà pas mal ! (rires) 

L’assesseuse lui demande pourquoi quand il est bourré il parle d’armes et de tir : « Quand on est bourré, on parle de ça !? » lance-t-elle. 

F. rappelle les 1% de conversation à charge.

L’assesseuse s’énerve et revient sur la normalité de parler de cela bourré : « Ce n’est pas drôle ! » 

F. répond que c’est du cynisme, qu’ils ont l’habitude. 

Elle insiste, il dit que ce n’est absolument pas systématique, dans des moments de grande gueule mixé à de l’humour noir et de la déconnade, oui il lui arrive de parler d’armes quand il est bourré, mais qu’il parle aussi de plein d’autres choses. Que parfois c’est n’importe quoi et parfois simplement de la grande gueule.

Assesseuse  de droite

L’autre assesseuse revient sur les notes de M., demande quel surnom il pense avoir dans ces notes, celui qui parle des réunions internationales ou celui qui parle de panneaux solaires ? F. répond qu’il s’agit d’une question piège !  Elle insiste, il répond : « Moi, c’est Flo ! » 

Il explique qu’en effet, la réunion internationale était en rapport avec les Kurdes mais qu’ils avaient décidé de ne pas s’y rendre et qu’il ne se souvient pas de tous les sujets discutés.

L’assesseuse revient sur les armes moitiés réelles et moitié airsoft dont F. parle dans une sonorisation et veut savoir de quoi il s’agit. Puis elle revient sur les passages aux frontières lors du voyage en Grèce… Elle lit des sonorisations.

F. lui répond qu’encore une fois il parle de choses qu’il ne connait pas, que c’est toujours pareil, c’est à celui qui en dit le plus.

L’assesseuse le questionne sur sa volonté de discrétion en lui disant qu’il se fait acheter des armes par d’autres, qu’un terrain est acheté pour lui mais pas pour lui…

F. lui renvoit que dès qu’il a obtenu le permis de chasse, il a cherché à acheter une arme, qu’il l’a réservée en laissant son nom sur le site en ligne : « Question discrétion, on peut faire mieux ! ». 

Procureur

Il démarre en parlant de l’association de L., F. connait-il Au. et R. ? 

F : Au., oui. 

Elle a déclaré que cette association était créée pour l’airsoft. 

F. remet en doute ce PV. La manière dont elle dit « Non vraiment c’est l’airsoft » fait penser que la réponse était orientée par les questions et qu’elle a fini par juste dire ce qu’ils voulaient lui faire dire. 

P : Au. dit qu’au moment de la création de l’association « Nous étions tous les 3 ». 

P : « Vous étiez là !  » 

F. lui renvoit qu’il y a un souci mathématique et que Au+R+L+lui, ça fait 4.

Non il n’était pas présent, au moment de la passation, oui.

Moment de rires dans la salle quand le proc lui dit qu’il a déclaré ne pas connaitre Au. en laissant un long silence s’installer derrière cette phrase… F. lui envoie : « Quelle est la question ? » 

Le proc l’interroge sur les documents retrouvés sur son disque dur (cerfa de l’asso, pv de réunion etc).

L. avait demandé à F. de l’aide administrative, donc il a en sa possession les documents administratifs de l’association. 

Le proc raconte qu’il y a plus de documents sur l’ordi de F. que sur celui de L. 

F. lui demande de regarder sur l’ordi de Au. 

Le proc lui demande pourquoi ne pas avoir avoir créé l’association à son nom. 

F. répète agacé que ce n’est pas son association !!!

Le proc dit que lors de sa première audition en GAV, L. dit ne pas avoir d’asso, à sa deuxième audition il parle de « La passion des ami.e.s ». 

Le proc lui demande pourquoi, ce à quoi F. lui répond qu’il faut demander à L.

Le proc part dans une digression en disant qu’il a l’impression que tout le monde est gêné à propos de cette association.

« Pas de question pas de réponse »  lui répond F.

P : « L’association n’a servi que pour l’airsoft ? »

F : « Ils ont mentionné l’idée mais finalement l’asso n’a jamais servi, les parties faites par F. et L. n’ont pas été liées à l’association ».

P : « Vous connaissez le témoin internationaliste ? »

F : « On c’est croisés 1 fois à Raqqa puis une autre fois à mon retour. »

M. a dit des parties d’airsoft « J’y allais pour jouer mais quand même avec l’idée de me préparer pour le Rojava », le procureur demande à F. s’il comptait le « préparer » au combat. F. déclare que c’était peut-être le cas dans l’esprit de M., mais pas dans le sien. Pour lui c’était un après-midi à jouer entre potes. 

Il revient sur le fait qu’il a discuté avec des militants qui souhaitaient se rendre au Rojava mais pour leur expliquer la réalité, qui est toute autre que les idées issues du romantisme révolutionnaire dans lequel beaucoup de militants baigent avant de s’y déplacer, sans vouloir les en dissuader complètement pour autant. 

Le proc revient sur le fait que M. ait pu voir dans les parties d’airsoft un moyen de se préparer au Rojava : « C’est une formation alors, plus qu’un simple jeu !? »

F. répète que c’est dans l’esprit de M. simplement, et que lui pense que la préparation se fait ailleurs. 

Le proc cherche à réutiliser des propos de L. tenus en GAV.

F. rappelle que L. est depuis revenu sur ses propos.

Le proc mentionne ensuite la présence de matériel médical dans leurs parties d’airsoft. C’est complètement normal dans l’airsoft, pour le jeu de rôle, pas pour s’entraîner à soigner de vraies blessures par balles. 

F. : « Je vous invite à lire les notes qui vous ont été transmises » et F. invite le proc à regarder le site d’airsoft. 

Le procureur reprend la lecture d’une déposition de L. et souligne le fait que celui-ci aurait raconté que F. apportait son expérience.

F. lui répond qu’ils ont toujours réfléchi à trois. 

Il rappelle qu’il n’a pas eu de formation militaire extensive au Rojava, il ne considère pas avoir de compétences particulières, encore moins d’expertise dans le domaine militaire. 

Le procureur parle d’une discussion entre F. et L. pendant qu’ils nettoient les répliques. F. aurait parlé des produits utilisés dans ce nettoyage avant de parler d’explosifs et de proposer à L. d’en fabriquer avec lui. F ne pense pas lui avoir proposé, il n’a pas de souvenir d’avoir parlé d’explosifs ce jour-là, ni même avoir un jour mentionné ce sujet à L., ça ne l’intéressait pas. Le proc insiste fortement sur la proposition que F. aurait fait à L., F. lui rétorque que « ça ne colle pas ! « 

Il lit la déclaration de So. à propos des parties d’airsoft au moulin, de la manipulation et de la « force psychologique » de F. (je pense qu’on la connaît par cœur à ce stade). 

F. pense qu’elle a grossi le trait, elle était poussée par les keufs, sous pression, dans le contexte de la GAV. Il revient sur les vidéos des GAV dont la diffusion été refusée à la défense et revient sur les propos qui ont été apportés autour du langage performatif. Il explique avoir eu de la chance avec son avocat commis d’office qui, lorsqu’il lui a parlé du Rojava, lui a répondu : Oh ! Et bien garde le silence ! » (rires). « J’ai utilisé le droit à garder le silence comme un crucifix », explique-t-il.

Il ajoute qu’il sait très bien pourquoi la défense demande les vidéos des GAV, et qu’il sait pourquoi on refuse de leur donner.

La salle réagit, la juge demande le silence.

Le proc mentionne la surprise de la famille de F. en apprenant qu’il a obtenu son permis de chasse. F trouve ça normal, il est végétarien, à la base pas pour la chasse. Il avait une image de la chasse performative et irrespectueuse, avant d’évoluer sur ce point à la suite de ses discussions avec W. et B. 

Le proc en revenant sur l’épisode à l’armurerie avec B. et W. lance « ce n’est pas la chasse mais c’est l’arme qui vous intéresse ! » 

F. lui redit qu’il s’agissait de lèche-vitrine. 

Le proc lit un passage de retranscription de sonorisation, « la révolution ne se passera pas sans les armes », F. dit qu’il manque des morceaux, du contexte, ils parlaient du permis, de tirer ensemble.

F. indique qu’il dit à son ami de passer le permis de chasse et il ne l’invite pas à venir tirer.

Lors de cette même discussion F. parle de l’arme qu’il doit récupérer à B. mais le proc insinue que F. avait peur qu’il ait changé d’avis.

F. ne comprend pas ces propos, pour lui à ce moment l’échange allait avoir lieu. Et qu’ils s’étaient donné rendez-vous fin décembre, début janvier.  Le proc insiste, demande pourquoi B. aurait été réticent à lui laisser. F dit que B. et W ont déjà répondu, ils sont revenus plusieurs fois sur leurs déclarations faites en GAV.

Le proc insiste fort, il estime que W. et B. ne sont pas revenus sur leurs propos mais les ont juste expliqués par le fait que F. avait bu. Il relit sans cesse les déclarations qu’ont faites W. et B. en GAV. 

F. demande au procureur : « Est ce qu’on écoute ce que disent les gens ici ? »

La juge demande le silence.

Kempf intervient et demande à ce qu’on réponde à la question de son client.

Le proc répond : « Je ne répondrai pas à la question de votre client ! » 

Il s’en fout et enchaîne une nouvelle fois avec une question déjà posée.

P : Pourquoi ne pas s’être débarrassé de l’arme ? F. réexplique que c’est parce qu’elle était illégale et que c’était dangereux. 

P : Vous connaissez beaucoup d’ex-combattants au Rojava qui sont mis en examen ?

F : J’en connais beaucoup qui savaient qu’on était tous sur la sellette et qu’il fallait bien que quelqu’un prenne.

P : Les cartouches saisies dans votre camion, c’était pour une future arme ou l’ancienne ?

F : Future, je voulais acquérir un nouveau fusil, je n’avais pas pour projet d’utiliser l’autre.

P : S. dit que vous tiriez avec vos propres armes !

F s’énerve et lance « Ce sont des répliques ! »

(retour sur la discussion de présentation d’airsoft avec l’autre Flo) 

P : C’est qui Flo ? Vous ne voulez pas nous dire ?

F: Toujours pas.

F. explique que quand il parle de plusieurs vraies armes, il s’agit de fanfaronnade et qu’il n’en détient pas plusieurs.

P : Vous lui montrez quelles armes ?

F : Les répliques de pistolets. On est à fond dans le rôle, c’est un jeu.

Le proc questionne la manière de parler, le vocabulaire utilisé dans cette échange, qui semble très pro et réaliste. Notamment quand il parle de la préférence à utiliser un pistolet pour un assassinat. F. répète que c’est le jeu. C’est le principe de base du jeu de rôle de compléter ce qui est faux à l’aide de son imagination. 

Il demande si ses infos lui viennent du Rojava ou de l’airsoft, F. répond qu’ils n’avaient pas de pistolets au Rojava.

P : L’ennemi c’est qui ?

F : L’équipe d’en face

P : On peut mourir ? (rires)

F : Oui c’est le jeu, quand on meurt, on est hors jeu.

Le procureur revient sur une écoute ou F. parle de la ZAD de Sivens, F. lui  dit qu’en effet il parle des erreurs et de comment s’améliorer.

Le proc lit des sonorisations ou F. parle de vouloir prendre un rôle de conseil technique extérieur, F. explique que comme il se sent surveillé depuis son retour du Rojava, il ne veut pas être sur le terrain des luttes mais qu’il peut apporter son aide en apportant des conseils juridiques, qu’il peut apporter son expérience avec les talkies-walkies, par exemple.

« J’ai peur de me retrouver ici en fait ! » 

Le proc revient sur un certain nombre d’écoutes en lui demandant ce que ça veut dire, les questions fusent et le rythme s’accélère.

P : « Il faut que les gens s’arment ».

F : « Je ne sais pas ».

P : « Moi, j’ai des armes ».

F : « Je parle de mes armes ».

Le proc revient encore sur l’expression « chiens de garde », et commente qu’il ne s’agit ici ni de philosophes, ni de journalistes (suite à la remarque de Kempf).

F : Je ne sais plus comment je le comprends.

P : « Nous, on sera prêts », « la force doit être mondiale ».

F. répond qu’il parle ici de la société capitaliste et de son hégémonie mondiale.

P : Qui est l’ennemi ?

F : C’est vague.

Le proc le provoque et lance que « Tout le monde n’a pas d’ennemi … » (rires dans la salle)

F : La Modernité capitaliste comme dirait Öcalan ! 

P : Votre référence c’est Öcalan ! 

F : C’est une bonne vision politique ! 

P : C’est un groupe terroriste

F : Je défend le confédéralisme démocratique.

P : Et les attentats suicide du PKK..! 

La salle réagit.

F. : Le PKK demande sans cesse des cessez-le-feu et cherche la fin de la guerre civile !

Je sais ce que ça fait et je suis contre, cette vision de révolution par la lutte armée c’est du romantisme révolutionnaire, un fantasme.

Je sais que la lutte armée est une connerie ! 

Le proc continue sur le PKK, la tension monte dans la salle.

Me Bouillon intervient :  » Nous ne sommes pas dans ce procès contre l’État turc ! »

Le proc dit a F. que ses idées se sont matérialisées et F. lui répond que c’est du montage et que cette histoire est pré-écrite. 

Proc : Donc si j’ai bien compris on ne peut pas parler des gardes à vue parce qu’elle sont manipulées et ne représentent pas la vérite, des passages devant le juge d’instruction pour les mêmes raisons, ni de vos paroles pendant les sonorisation car elles ne sont pas fiables…

F. enchaîne en réponse : « Ou on n’a pas les retranscriptions, ou on n’a pas les vidéos et on ne peut pas les étudier, ou il manque des morceaux de discussion… ».

Le ton monte de plus en plus des deux côtés. 

« Quand on prend 1% des écoutes, qu’on enlève 95% d’une personne, qu’on associe des morceaux d’éléments décousus et décontextualisés, on peut créer ce qu’on veut. Ça s’appelle du montage. » 

Le procureur parle de la brochure sur la formation d’une milice retrouvée dans les affaires de M. Il lui demande son point de vue dessus et F. réplique qu’il ne l’a pas étudiée. D’après lui on peut trouver des échos entre cette brochure et les agissements de F. Et que l’on retrouve les 9 chapitres de cette brochure dans son comportement. 

F. ne voit aucun lien, il ne recrute personne. 

Le proc commence à énumérer chapitre par chapitre.

Il lui parle du chapitre sur le partage des connaissances

F. lance : « Vous venez de m’apprendre que tout le milieu militant a lu cette brochure ! »

Quand le proc lui lit le chapitre « Éviter la vantardise » , F. réplique en lui disant qu’il s’agissait bien de la preuve qu’il n’avait pas lu le document. 

Le proc l’interroge sur sa méfiance et son désir de « discrétion ». F. ne nie pas ce point, il avoue se méfier des services de renseignement.

P : Vous confirmez avoir une boite à téléphones dans votre camion ?

F : Oui, un Tupperware.

P : Dans la brochure, on parle de « se faire passer pour une équipe de paintball ».

F : « J’ai lu de travers, j’ai fait de l’airsoft. »

P : On parle également de serment dans cette brochure, vous n’avez pas fait de serment durant votre réunion ? (en parlant du séjour avec L. et M.).

F : Ce n’était pas une réunion, il n’y a eu aucun serment, on tourne en rond, vous n’écoutez pas. M. s’est trompé, il n’y a pas de serment au Rojava.

Le proc lui parle de préceptes de Mao présents dans la brochure « Prendre les armes ou elles sont ». 

F. dit que ces préceptes sont connus mais qu’il n’entend que « stratégie/guérilla/stratégie/ guérilla » à la lecture du livre de Mao. 

Le proc lui dit que W. aurait dit que F. parlait de Mao.

F. rétorque : « Les gardes à vue sont bien faites ».

P : Toujours aucun lien avec le professionnalisme de l’échafaudage du plan de vol d’engrais ?

F : Aucun lien, quand on ouvre un squat ou autre, on essaie de ne pas se faire choper, donc on apprend à être discret. 

Le procureur lit ensuite une liste de mots trouvée dans les affaires de F., écrits en français mais avec des lettres grecques : « repérage distance », « caméra », « dommages collatéraux », « voisinage », « extirpations »…

Il lui demande la signification, l’usage de cette liste. 

C’est une procédure d’ouverture de squat. F. explique la signification de chaque point. Aucun lien avec une pseudo milice. 

P : Pourquoi l’écrire en alphabet grec ? 

F : Je trouvais le protocole très bien fait et je voulais le noter, la personne qui m’en a parlé ne voulait pas, par sécurité je lui ai proposé cette alternative. 

Il ajoute qu’il n’y a plus aucun lien ni avec les armes ni avec les airsofts. 

Le proc lui demande d’expliciter chaque point de cette liste.

Le proc le questionne sur ses différents voyages.

F. explique qu’il s’est rendu en République Tchèque pour échanger avec des personnes qui souhaitaient partir au Rojava. 

Me Bouillon

Elle revient sur l’association, « La passion des ami.es », et demande à quoi elle a servi. 

A rien, iels l’ont envisagée à un moment pour des histoires d’assurance, un projet d’acquisition de terrain, mais finalement rien n’a été fait. 

A : Vous avez pensé à passer par cette association pour faire des parties d’airsoft ?

F : Oui, sans aller plus loin que de l’évoquer.

A : En 2018, 2019, 2020 vous avez fait de l’airsoft ?

F : Oui

A : Sans passer par l’association ?

F : Non, jamais.

A : Est-ce que vous pensez qu’on peut faire une guérilla avec une association loi de 1901 ?

F : Non je ne pense pas.

A : Est-ce qu’avec deux potentielles armes, que vous n’avez pas encore et comptez acquérir légalement, vous vous sentez armé pour une révolution, préparé pour une guérilla armée ?

F : Non, et pour moi la meilleure arme pour une révolution, c’est la connaissance.

A : Vous pouvez revenir sur les différentes activités pour avez pu effectuer aux côtés de M. ?

F : Parler, boire, faire des randonnées, aller en concert, sortir et discuter sur nos façons de faire.

A : Avec C. ?

F : On se voyait peu, le moment le plus long c’est à Parcoul.

A : Avec L. ?

F: La passation de la vie nomade à la vie sédentaire, la PNL.

A : Et avec W. et B. ?

F : Avec W. et B. la base de notre relation c’est l’humour, sinon on a fait plein de choses, du pain, de la veganaise, de la forge, nourrir des chatons, réparer un ponton, etc.

A : Étiez-vous ivre pendant les sonorisations?

F : Plein de fois, sonorisation ou pas.

A : Donc vous avez vu toutes ces personnes à d’autres moments où vous étiez écouté sans que les sonorisations ne soient versées à  la procédure ? 

F : Oui bien sûr. Parce que ce n’était pas à charge.

A : Vous avez été ivre autour de ces personnes sans parler d’armes ?

F : Encore heureux. Oui, tout le temps on parle de plein de choses différentes avec tout le monde. 

Me Bouillon lit des retranscriptions incomplètes, elle spécifie « comme la plupart des sonorisations lues par l’accusation ». Elle prend l’exemple de « Je m’en fous d’aller chasser »/ »je veux tuer un sanglier ».

F. confirme que ce n’est pas cohérent. 

Elle reprend les déclarations de W. qui se contredisent. F. dit qu’ils ont dit ce qu’on attendait d’eux.

Me Bouillon liste le « protocole » et le questionne sur ce qu’il veut dire.

Me Kempf

Me Kempf souhaite revenir sur les GAV, il revient sur le fait qu’on ait tutoyé W. en GAV.

Il indique que le procureur est en charge de contrôler les GAV.

A : « Pensez-vous que le procureur ait rempli son obligation légale ? »

F : Si son rôle est le respect des personnes alors il ne l’a pas fait ! La manifestation de la vérité n’est pas le but ici, simplement de condamner une personne revenant du Rojava.

Me Kempf lui demande s’il connaît l’article de loi qui stipule que toutes les questions doivent apparaître dans la retranscription des interrogatoires.

Puis il lit certaines déclarations de F. : « Dès que j’ai des amis, vous les mettez en prison », « Vous découpez ma vie et la mettez en petits morceaux ». Il demande à F. pourquoi on n’arrive pas à savoir qui il est et indique que c’est sûrement parce qu’il manque 99,3% des sonorisations.

F répond : « On est 7 débilos », en s’excusant pour celleux qui le seraient moins.

Me Kempf : Vous connaissez la FILDH ? Ils ont écrit sur l’attitude des juges d’instruction et sur leur habitude de poser des questions très longues, la FILDH estime que cela n’est pas de nature à faire apparaitre la vérité.

F. ajoute qu’il faut ajouter à cela l’isolement. 

Me Kempf, qui admet que les questions du tribunal sont moins longues, demande à F. si elles sont plus à même de faire apparaitre la vérité , ce à quoi F. répond que non, car elles suivent le même procédé que celui de la DGSI.

Me Kempf réinsiste sur le fait que les agents de la DGSI ne sont pas venus témoigner, en mettant en parralèle le fait que le juge d’instruction ait considéré comme délictuel la non-présentation d’un témoin cité.

Me Kempf : Peut-on faire confiance à la justice turque pour qualifier des groupes comme terrroristes

F : La Turquie est une dictature.

Kempf renchérit en affirmant que la justice belge considère que le PKK n’est pas coupable d’agissements terroristes.

Kempf demande à F. de parler des problèmes qu’il a rencontré aux frontières, F. lui répond qu’on leur posait des questions à chaque frontière.

L’avocat lui reparle de son disque dur et de ce qu’il y avait dedans, à part les documents relatifs à l’association de L. F. répond qu’il souhaitait savoir ce qu’il y avait dedans car on lui reproche dans le réquisitoire de tenir un discours pour faire du recrutement alors qu’il sait qu’il s’agit de tout autre chose. 

K : Que savez-vous des critères utilisés pour choisir les éléments ?

F : Ce qu’ils peuvent mettre au service de leur récit.

Kempf le corrige et lui dit ironiquement que c’est ce qui sert à la manifestation de la vérité. Puis demande pourquoi la brochure « Le squat de A à Z » est donc choisie. 

F : Car notre orientation politique semble être à charge. 

Me Kempf demande à F. s’il est au courant que Darmanin a communiqué : « Nous avons déjoué un attentat de l’ultra-gauche fin 2020 ».

F. dit voir ici de la manipulation car il ne voit pas de quel attentat il parle. 

Kempf lui demande s’il conteste l’AMT.

F : Oui

L’avocat lui demande s’il reconnaît le vol d’engrais et les tests d’explosifs. 

F : Oui

Kempf : Vous avez dit que vous étiez opposé à la lutte armée, pensez-vous qu’il puisse y avoir une utilisation légitime de la violence? 

F lui répond que ça ne mène à rien, Me Kempf lui renvoit qu’il a bien fait usage de la violence légitime au Rojava. F lui répond qu’effectivement, contre Daesh.

Kempf : Et en France?

F : « On est à 15000 lieux de là, et il y a d’autres choses à faire. »

Reprise de l’audience 18h44, tous les médias sont partis.

Témoin F.

C’est un témoin de circonstance qui s’exprime en tant que Docteur en sociologie politique et Maître de conférences en science politique à l’Université Paris 1. 

Il décrit son parcours, ses publications, ses terrains (Irak, Syrie, Grèce, anciennement Turquie…) et explique qu’il étudie les mouvances transnationales. Il a lui-même été débriefé par la DST à l’époque (parcours classique), ces derniers effectuent la même démarche avec les activistes, les chercheurs et les étudiants se rendant dans certains de ces pays.

« Cela fait 24 ans que je travaille sur ces questions, pendant 20 ans je n’ai pas pris de position politique publique par peur de différentes instrumentalisations. Pourtant en mars 2022 j’ai rompu ce pacte en prenant partie pour F., que je ne connais pas du tout, pour trois raisons : 

    – En 2016 j’ai encadré des étudiants qui travaillaient sur 6 ex-combattants du Rojava, que j’ai suivis de près. Le profil décrit par l’accusation de F. me paraissait en décalage total avec d’autres profils qu’on a pu rencontrer, alors qu’il paraît banal. 

    – La violence contre soi, en l’occurrence la grève de la faim. A ce moment F. était à un mois de grève, à un moment où des séquelles irréversibles peuvent apparaitre. 

    – La troisième raison est liée à des expériences de Kurdes torturés en Turquie que j’ai rencontrés. Ici c’est de la torture dite « blanche », je me devais de prendre position.

J’aimerais développer 3 points :

    – La sociologie de ces trajectoires militantes.

    – Ce qu’il s’est passé au NES (Nord -Est Syrien), nom donné à cette zone qui est aujourd’hui plus grande que le territoire du Rojava, regroupant aussi des villes à majorité arabe.

Nous pourrons revenir sur les combats depuis 2014, je n’en ai pas vus directement mais je sais que les forces Kurdes travaillent avec les services français et la coalition internationale.

    – Enfin je voulais parler de la Grèce qui est importante dans l’activité transnationale pro-Kurde et de Lavrio (ancien camps de réfugiés proche d’Athènes où transitaient Kurdes, Turcs, Afghans, Iraniens, etc.). Il y a un activisme en faveur des migrants, ainsi que des squats athéniens, dans une mouvance libertaire européenne.

    1 – La sociologie de ces trajectoires militantes

C’est impossible de chiffrer, il y a peut être 2000 personnes qui sont parties combattre au Rojava, mais seulement 25 à 30 Français.es, dont 3 femmes au moins et 3 personnes tuées, sans inclure les Kurdes de Turquie vivant en France (qui peuvent avoir des motivations différentes). Ces personnes ont autour de 29 ans en général. Un des points communs de ces personnes est la disponibilité biographique : pas d’enfant, pas de stabilité, ce qui favorise la prise de décision, en plus du choc moral (Daech, bataille de Kobane, attentats en France etc.).

    J’en ai rencontré personnellement une dizaine, de plusieurs nationalités, et une quinzaine par le biais de mes étudiants. 

    En 2014 c’était plutôt des anciens militaires, ou des dits « sans histoire ». En 2015, il y avait 20 % de militant.es, le ratio augmentera vers l’activisme de gauche et libertaire. KRG pour les anciens militaires (en soutien aux chrétiens d’Orient, plus conservateurs et libéraux) plutôt que les FDS (Forces Démocratiques Syriennes). Ces militaires n’ont jamais été envoyés au front en Irak. 

Au fur et à mesure cela devient plus une pratique libertaire, en 2016 les FDS vont mieux sélectionner et mieux former : 1 mois au lieu de 15 jours par le passé, 3 mois pour un YPG, c’est différent pour les cadres, qui ont une formation beaucoup plus longue. Tous les volontaires ne vont pas au front, pour des problèmes de langue entre autre, ce qui peut créer une frustration de ne pas avoir participé à cette révolution armée (bataille de Raqqa, Deir el Zor, etc.). En 2019 le flux se tarit, Daesh est vaincu à ce moment-là, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. 

En 2016 on demande aux volontaires de rester au minimum 6 mois, les FDS veulent ainsi éviter le « tourisme guerrier ». Les frais étant payés par les FDS, il y a souvent des aller-retours, puis un retour dans le pays d’origine. 

Sur leur vécu et travail : il arrive que ces personnes souffrent du « syndrome du survivant », de stress post-traumatique, mais ce n’est pas systématique. D’autres n’ont pas de souci à retrouver une vie normale. Il y a un décalage avec leur milieu pour certain.es militant.es, surtout celleux qui étaient déjà engagé.es politiquement. Iels ne romantisent pas la lutte armée, iels ont un regard plus lucide que celleux qui n’y sont pas parti.es. Iels portent une critique de l’adoration d’Abdullah Öcalan dans le PKK et PYD. 

Iels ont également un regard critique sur les rôles de genretrès normés ; beaucoup de femmes combattent dans les FDS, ça ne se fait pas d’approcher une femme ou d’entretenir des relations affectives entre combatant.es. C’est une manière de gérer la libido (désexualisation) dans un groupe armé à forte promiscuité. C’est aussi par rapport à la Révolution au Rojava et aux conditions de la lutte. Iels savent que les conditions en France ou en Europe ne correspondent pas du tout à ce qui est fait en Syrie. 

2 – Déroulement des combats entre 2014 et 2020

Il n’y aurait pas eu de guerre possible sans les troupes au sol. Il y a 70 000 individus dans les FDS, cela dépasse largement le cadre Kurde : étaient également présents des Assiriens, des Arabes, des Turcs, etc.

Plusieurs années pour récupérer la dernière ville : Deir el Zor.

Tous ont participé à la défaite de Daesh, avec l’aide de la coalition internationale (France et États-Unis principalement). Des rencontres avec des cadres du PKK sur place ont eu lieu, entre autres. C’était organisé et hiérarchisé sous peine de sanction.

3 – Liens entres gauches radicales : en Grèce

La Grèce attire beaucoup d’activistes de partout, on y observe de grandes connexions avec le mouvement kurde, notamment sur la lutte en soutien aux réfugié.es, contre les « pushbacks ».

Il y a des rencontres au sein d’universités, dans les squats, etc. autour de la mise en place d’une gouvernementalité de populations sur un territoire non souverain, inspiré du Confédéralisme Démocratique, pratiqué dans tout le NES et théorisé par Abdullah Öcalan (proche du communalisme libertaire de Murey Boukchin, théoricien américain).

Y sont pratiquées des assemblées hebdomadaires, une répartition égalitaire des tâches, toute une expérimentation organisationnelle qui vise à faire la Révolution chez soi sous le mode de l’auto-gouvernance. 

Juge : Qu’entendez vous par « engagement politique » par rapport à F.?

O : Exprimer un avis public et apeller des signataires pour la libération de F.

Proc : Vous et vos étudiants, vous avez fait des entretiens d’une quinzaine de militant.es?

O : Oui, globalement, iels portent un discours critique et de lutte contre Daesh.

Proc : F. ne critique pourtant pas le Rojava et semble avoir une adoration pour Abdullah Öcalan, il ne parait pas correspondre à ce genre de cas ?

O : La lucidité ne veux pas dire qu’il ne peut pas y avoir une admiration pour Öcalan et l’aspect organisationnel du Rojava.

Proc : Importer le Confédéralisme Démocratique implique la confection d’explosifs et l’utilisation d’armes ?

O : La question est tendancieuse, non, ça n’implique pas de jouer avec des explosifs.

Avocat (Me Kempf ) : Merci pour votre témoignage. Connaissez-vous l’article de Médiapart paru en 2019 « Ces revenants du Rojava qui inquiètent les services de renseignement » ?

O : Plusieurs centaines de personnes sont parties combattre, inquiétées par la justice de leur pays, mais aucune n’a été inquiétée par une affaire pour terrorisme. Les Kurdes demandent de témoigner, que les ex-combattant.es témoignent, qu’iels soient leurs ambassadeur.ices à travers des écrits, des films etc.

Avocat : Ce n’est pourtant pas l’idée matérialisée dans cet article ?

O : Je ne peux ni infirmer ni confirmer. Par exemple il est dit « revenant » dans l’article alors que c’est un terme qu’on utilise pour les anciens combattants de Daesh. Ici, il serait plus juste d’utiliser le terme « ex-volontaire » lorsqu’on parle d’ancien.nes volontaires parti.es au Rojava.

Je n’ai jamais rencontré d’ex-volontaire avec un dessein de cet ordre. Déromantisation d’une zone de guerre, les ex volontaires sont plus lucides que les personnes touchées par cette cause sans s’y être rendus. A l’échelle européenne ce n’est jamais arrivé que ces personnes montent une guerrilla dans leur pays d’origine. On remarque plutôt un désengagement, pas de projet d’action violente. D’ailleurs j’ai sorti le mot terroriste de mon vocabulaire.

Proc : Alors selon vous les djihadistes ne sont pas des terroristes.

O : Je n’utilise plus ce mot, vidé de son sens, pour des raisons que je ne vais pas exposer ici.

Avocat : On a compris les liens entre FDS et coalition, est-ce qu’il y a des milices autonomes au Rojava ou est-ce plutôt une organisation très centralisée ? 

O : Le PYD, la branche syrienne du PKK, a une armée qui sont les YPG, à la base uniquement kurde. Les américains ont poussé à ouvrir des groupes armés avec plus de gens. Il existe plusieurs organisations armées comme celle composée uniquement de femmes, etc. On est loin du jihad afghan, tout est cadré et décidé.

Les YPG ne sont pas le PKK, ce dernier n’est pas officiellement là mais il y a néanmoins des cadres militaires et politiques. 

Avocat (Me Simon): M. a essayé de partir en juillet 2019, ce fût un échec. Ce n’était pas forcément pour prendre les armes. 

O : Souleymanieh est bien un point de transition pour aller au Rojava, où il est possible de patienter plusieurs semaines. J’y était en novembre, en octobre les Turcs sont intervenus, la situation était déjà très tendue, pour ma part, je n’ai pas eu besoin d’utiliser cette voie de transit vers le Rojava.

Avocat : Les américains ont essayé de retirer leurs troupes en 2020, la situation est-elle stable désormais ?

O : Non, l’Etat Islamique est partout, il est impossible d’entrer à Maxmûr (Irak) par exemple, il y a 500 à 700 combattants de l’EI autour du camps. 

Avocat : L’entrainement d’airsoft est-il cohérent pour un entrainement avant le départ ?

O : Je ne sais pas mais plus on a de compétences, plus on a de chances d’être sélectionné et intégré par les FDS. Il est aussi possible de partir sans prendre les armes.

L’attaque de la prison d’Hassaké en janvier 2022 aurait pu être catastrophique, heureusement les américains ont réussi à contenir l’évasion de la prison des membres de l’EI. L’EI se reforme de manière préoccupante aujourd’hui.

2nd Témoin F.

Le second témoin est un ex-combattant des YPG, professeur de Français et d’Histoire Géo.

Juge : Quelles sont vos liens avec ce procès ?

D : Je suis un ancien des YPG. Lors de mon retour en France, le Ministère des Affaires Etrangères m’a confisqué mes papiers, soi-disant à cause d’un risque de potentielles attaques de ma part. Je suis finalement parti de nouveau au Rojava, où j’ai croisé F. pendant 5 minutes à Raqqa, puis quelques heures à Paris.

Juge : Quelles ont été vos motivations à ce moment, qu’avez-vous fait sur place, veuillez développer les ennuis que vous avez rencontrés en revenant sur le sol Français ?

D : Je suis partie en juin 2015 rejoindre cette Révolution, qui a des valeurs communes aux miennes. Pour des raisons politiques donc, et afin de lutter contre Daesh (des vidéos d’exécutions tournaient déjà sur les réseaux). En arrivant j’ai eu une formation de 3 semaines, linguistique et théorique, plus que militaire qui fut minimaliste. J’ai été envoyé sur un front où il ne se passait pas grand chose, j’ai principalement fait des tours de garde.

J’ai participé à une offensive au Sinjar, entre l’Irak et la Syrie, pour ouvrir une route. Puis une autre offensive dans une ville tenue par Daesh. J’y ai d’ailleurs croisé des membres des Forces spéciales françaises qui formaient les Kurdes aux lance-missiles autoguidés. Et enfin beaucoup d’attente, de surveillance. 

A mon retour en Avril 2016, j’ai été convoqué par la DGSI pendant 1h environ, ils voulaient des informations sur les autres volontaires, etc… ils n’avaient rien à me reprocher.

Quand j’ai voulu repartir en novembre de la même année, des policiers son venus saisir mon passeport et ma carte d’identité en m’accusant d’avoir des liens avec l’ultra-gauche révolutionnaire. Finalement (quelques mois plus tard) le tribunal administratif a statué en ma faveur et ils m’ont rendus mes papiers et j’ai pu repartir pour la libération de Raqqa. Il y a eu beaucoup de combats urbains à courtes distances, je suis resté jusqu’à la libération de la ville. A ce moment, les Forces françaises nous demandaient des documents que l’on pouvait récupérer sur place, en échange de rations bien meilleurs que les nôtres.  Deir el Zor fût le dernier front, je suis revenu en France en Décembre 2017. J’ai donc croisé F. lors de ce second séjour à Raqqa. En aucun cas on ne m’a forcé à combattre, j’ai fait ce choix, j’avais envie d’être utile. 

Je n’ai eu aucune convocation ou question lors de ce second retour.

Juge : Que retirez-vous de ces expériences ?

D : C’est la plus importante, intéressante et dure expérience de ma vie. Ça a renforcé mon engagement auprès de cette cause. 

Je n’ai pas eu l’occasion de voir l’organisation civile mais les principes de démocratie directe sont aussi appliqués dans l’armée. Le rôle des femmes est très important dans nos offensives, il y a peu de décalages, à part culturels, et des règles de comportement vis-à-vis des femmes. Mais sur l’aspect politique et l’humanité, ce sont bien des Unités de protection du Peuple, la protection des civil.es passe avant toute chose.

Juge : Qu’en tirez-vous actuellement dans votre quotidien ?

D : J’en tire de la satisfaction d’être allé au bout de mes idées, une participation réelle à aider et une connaissance profonde de moi-même. J’ai une meilleure compréhension des autres et moins d’a priori sur l’aspect physique et humain des gens. 

Assesseuse : Que faisiez-vous avant de partir ? Vous étiez militaire, c’est bien ça ?

D : Non pas du tout, je terminais mes études.

A : Ha, je n’ai pas de question alors (???????)

Juge : Pouvez-vous nous expliquer le mot Tekmîl ?

D : C’est une assemblée militaire où on discute des aspects améliorables dans nos vies collectives.

Proc : Vous avez seulement fait l’objet d’une procédure administrative, c’est tout. Avez-vous des armes à feu ?

D : Non je n’ai pas d’arme à feu, je n’aurais pas été contre faire du tir sportif à mon retour, mais il m’est interdit de détenir une arme.

Av (Me Bouillon) : Avez-vous fabriqué des explosifs au Rojava ?

D : Non, nous n’en avions pas la nécessité, nous avions des vieilles grenades soviétiques, sans savoir la composition. Nous avions aussi de quoi déclencher des mines grâce à des explosifs artisanaux préfabriqués, je ne connais pas la composition.

Av : Vous auriez pu faire du tir sportif avant de partir pour vous entrainer ?

D : Oui cela ne m’aurait pas déplus mais je n’avais pas d’intéret pour ça avant de partir.

Av : Vous avez croisé F. là-bas si j’ai bien compris ?

D : Oui F. était à Raqqa, je l’ai croisé 5 minutes là-bas en été 2017.

Av : Merci cela confirme la version de F., pour lequel nous n’avions pas de témoin jusque-là. Pourriez-vous nous décrire ces 5 minutes ?

D : Oui, il avait un uniforme comme nous toustes, il y avait une réunion de combattant.es étranger.es. On était entré.es dans la ville, vers le stade, à mi-chemin à ce moment là. On travaillait avec la coalition qui faisait des frappes aériennes, demandées ou dictées par eux.

Av : Vous aviez donc le soutien de l’armée française, entre autre ?

D : Oui, l’aviation française était présente, nous étions des alliés de circonstance.

Av : Avez-vous depuis rencontré d’autres ex-combattant.es ?

D : Oui (il décrit les différents profils)

Av : Vous aviez des discussions politiques autour de poursuivre le combat dans vos pays d’origine ? 

D : Non aucune.

Av : Vous vous définiriez comme quoi politiquement ? 

D : Je suis anticapitaliste, c’est une question de bon sens et de survie, ce système nous tue. Dans le contexte actuel la violence n’est pas envisagée par les personnes que l’on veut convaincre, cela nous décridibiliserait.

Av : Je vous lis la note blanche « son discours et envie de retourner là-bas pourrait l’amener à des actions violentes en France ». Pourquoi la DGSI à cette idée-là, à votre avis ?

D : La DGSI a décidé que nous étions dangereux, j’étais le premier Français politisé, à ma connaissance, à revenir  du Rojava. Ils ont essayé de voir si la justice les suivrait. Et ça n’a pas été le cas.

Nous sommes quelques centaines d’internationalistes. Lors du second séjour j’étais plus expérimenté, avec un rôle en communication beaucoup plus important. En partant, on reçoit la directive de parler de leur combat pour les aider à combattre Daesh car ça regarde l’humanité toute entière. Ça a renforcé ma détermination, je m’attendais à ce que plus de Français viennent combattre après les attentats…

Juge : Le Tekmîl est utilisé dans le milieu civil aussi ? 

D : Oui.

20h17 : La séance est levée.

MERCREDI 18 OCTOBRE

Question juridique de Me Kempf

13h30. Me Kempf ouvre la séance par une demande de la défense, la déclassification du Secret Défense sur l’expert en explosifs présent la semaine passée, Sylvain B. Il demande de prendre le temps de se poser les bonnes questions, de s’émanciper du dossier pour apprendre des choses, et se demander quelles sont les conséquences juridiques de cet évènement, à savoir le fait que le dit expert ait révélé des élément inédits, potentiellement Secret Défense.

Il précise avoir sollicité les notes d’audience pour pouvoir travailler et revenir sur ce qui a été dit exactement par MrB. sans qu’il y ait contestation. Mais cette demande a été précédemment refusée.

Il rappelle que sur le plan pénal, le SD permet d’éviter qu’une information révélée (mais aussi un objet, etc.) puisse nuire à la défense nationale. Il rappelle également que porter à la connaissance un SD peut entrainer une enquête de flagrance de la part du parquet (Jusqu’à 7 ans de prison, 3 ans si c’est par “imprudence”).

Bref, sa question porte sur ce qui est classé SD et ce qui ne l’est pas, le dit expert retransmet des informations de manière parcellaire et il est difficile de faire le tri. MrB. donnera par exemple des informations tirées de conversation entre collègues (que la recette d’explosif puisse se balader entre différents groupes armés), mais parlera également de l’origine selon lui de cette recette amonitrate fondu/sucre. Est ce que cette information est SD? Ça a son importance, puisque ces informations sont utilisées pour nourrir le fantasme de la DGSI sur les “revenants”, ces personnes qui partent en zone de guerre et qui rentreraient pour tout faire péter. Il notera aussi que MrB. reproduit les discours et références de la DGSI, dans des phrases comme “le TATP comme au 13 novembre”, ou qu’il fait des parallèles tordus pour faire émerger une pseudo dangerosité. 

Au vu du nombre de questions, les explosifs semblent être un élément important du dossier, il demande donc à voir ce qu’il y a comme éléments classifiés. La déclassification permettrait de se donner les moyens de voir la vérité, de pouvoir observer ce qui pourrait être critiquable dans les dires de l’expert, et de ce fait d’écarter des pièces si elles sont problématiques. 

“Est-ce que nous disposons de la possibilité véritable de discuter d’un rapport d’expertise ?”

Cela entraine selon la défense un problème de loyauté. Il demande donc la déclassification des informations en SD, et que si on ne déclassifie pas, alors que personne ne puisse utiliser ces renseignements (“à armes égales” en gros).

Réaction du procureur : Il commence par dire encore une fois qu’il est admiratif de l’énergie mise en place par la défense pour retarder l’issue des débats et de la décision (il ne dira pas “dilatoire” mais c’est tout comme) et il re-cite les demandes qui ont déjà été faites concernant la déloyauté, et dit que si on remet en cause les procédures des forces de l’ordre en GAV, les “sonorisations”, les interrogatoires, les pratiques du juge d’instruction, les expertises, alors on n’a plus rien, plus de procédure – #youpi -).

Il résume ce qu’a dit l’expert en 3 points :

–> en 20 ans de carrière il n’a jamais vu ce type d’explosif

–> idem pour ses collègues français et européens

–> recette vue au Caucase, chez les djihadistes Tchétchènes et diffusée entre différents groupes armés irako-syriens.

Il fait 3 observations:

–> on n’a jamais demandé à un expert de justifier de l’ensemble de ses connaissances et support, il s’agit de la technique même de l’expertise, de sa compréhension, et il serait difficile de justifier des éléments constitutifs de son analyse, de sa compréhension et de ses connaissances. Cela nie donc la sériosité de l’expertise et son existence même.

–> Quand MrB. dit qu’il n’a jamais vu cette recette en France et en Europe, cette information ne peut pas venir d’une expertise judiciaire, mais forcément de ce qu’il a pu consulter et lire de par ailleurs. L’information il l’a, mais le contenu est classifié. Il a prêté serment.

–> Puis il cite différents extraits d’écoutes ou de GAV : S. qui dirait qu’un artificier et un « revenant » du Rojava ensemble ça parle d’explosif, B. qui dirait à propos de la recette qu’il leur a été demandé de ne pas la réutiliser pour pas que ce soit connu en France, etc. Selon lui MrB a juste redit ce qui ressort des « sonorisations ».

Réaction de Kempf : Il souligne qu’ils sont en désaccord sur ce qu’a dit MrB, et re-souligne l’importance d’accéder aux notes de la greffière. Selon lui, l’esprit de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est en contradiction avec ça et l’on doit pouvoir remettre en question la parole des experts, contester les modalités pratiques et scientifiques de l’expertises. 

Il dit qu’il faut faire preuve de curiosité, avoir envie de creuser, de savoir, et il imaginait que le PNAT aussi aurait envie de connaitre la vérité. Il conclut en demandant si cette audience est juste là pour mettre un coup de tampon sur une décision qui aurait déjà été prise.

Les procureurs sourient avec leurs sourires narquois de procureurs.

14h20. Pause pour délibérer.

15h10. Sans grande surprise, la demande est renvoyée à plus tard, lors des débats sur le fond à la suite des auditions.

SIMON

Appelé à la barre pour les questions sur les armes retrouvées chez lui.

La présidente fait l’inventaire de ces armes, il y en a 3, non déclarées.

– une catégorie B , à canon scié avec un silencieux

– une carabine catégorie C 

– une carabine prêtée par son beau-père, catégorie B

La présidente demande de précisions sur la première carabine, les conditions dans lesquelles elle a été obtenue.

S. répond qu’elle a été trouvée dans un cabanon abandonné dans le camping dans lequel il faisait du gardiennage, un caravaning. Ça remonte à 2017, 2018, il ne sait plus exactement, « tous les hivers se ressemblent là-bas ».

La juge lui demande « Vous avez décidé de garder cette arme malgré son calibre ? »

Il répond avoir attendu et demandé autour de lui si c’était à quelqu’un, et qu’il n’a aucune notion de la legislation concernant les armes.

Elle enchaine: « Avez-vous pensé à en faire autre chose que de la conserver ? »

Il répond qu’il l’a gardé pour effectuer des essais pour un clip, il voulait tirer dans un coussin pour voir si les plumes volaient (les plumes ne volent pas). Elle est tombé ensuite dans l’oubli, il l’a zappé.

La juge lui fait remarquer qu’il n’est pas passionné par les armes, pourtant il en a 3 en sa possession, dans un court délai de temps. (??2017 wesh)

S. explique les raisons de ces possessions d’armes, l’une à l’allure « post-apocalyptique » lui semblait intéressante pour son esthétique notamment, comme potentiel accessoire sur les tournages de cinéma. La 3ème est un prêt par le père de sa compagne, il l’a conservée pour les mêmes raisons, pour son esthétique. 

A la question »Savez-vous tirer ? », il répond à la négative. Elle lui demande alors si il a déjà voulu passer le permis de chasse, ou s’inscire dans un club de tir, S précise : « Non, mais plutôt par manque de temps ».

La présidente ironise sur le fait que cela puisse être une passion comme les autres, elle fait la morale sur les dangers.

Elle passe alors à la 2ème carabine et évoque l’audition de M. T., qui lui a vendu cette carabine ainsi que des munitions. Il dit que ça remonte à environ 7 ans, Simon dit hiver 2016 ou 2017.

J : « Vous n’êtes jamais allé au ball-trap ? » 

S : « Non » 

J : « Quel est votre intérêt pour la possession de cette arme ? »

S : « Pour chasser les nuisibles sur le terrain de ma mère dans le sud, protéger le poulailler.. mais finalement je l’ai vite rangée, je l’ai cachée dans la cheminée à Vitry parce qu’on faisait des travaux et que je ne voulais pas que les entrepreneurs tombent dessus. Si je ne la vois pas j’y pense pas. J’ai oublié de la descendre sur le terrain dans le sud. Les munitions, il y en avait une quarantaine. Je les avais utilisées peu de temps après, au camping, pour m’entrainer. J’en ai jamais rachetées. »

J : « Utilisée pour le gardiennage du camping ?  » 

S : « Non »

La présidente revient sur l’audition de M. T., et dit que sa version n’est pas la même en disant que M. T. disait que S. possédait cette arme pour tuer des ragondins près de la rivière. 

S. répond que c’est sensiblement la même chose, bien que ce soit pour d’autres nuisibles que les ragondins dans le sud.

J : « Vous n’êtes jamais allé avec lui au stand de tir ? » 

S : « Non »

La 3ème carabine quant à elle ne lui appartient pas, son beau-père l’ayant prêtée à sa fille (donc sa compagne) pour un clip qu’elle réalisait. Il avait proposé pour ce même clip la carabine à canon scié mais elle a préféré l’esthétique de l’arme de sa famille.

J : « Dans le milieu dans lequel vous travaillez, n’y a t-il pas de moyens de vous procurer des costumes et des accessoires ? Des répliques d’armes ? « 

S. répond que si, qu’il y a de la solidarité dans le milieu pour se prêter des choses, mais que cela demande un peu de temps et d’énergie, qu’il existe des armureries du spectacle et que c’est plutôt le cas pour des projets plus importants, alors que là il avait de quoi faire sans passer par là (clip petit budget et non officiel).

J: « vous n’avez ni les compétences ni les autorisations pour vous en servir, ce n’est pas comme n’importe quel autre accessoire ».

S. rappelle qu’il n’a pas d’autres accessoires, à savoir pas de cartouches qui vont avec, et que l’une d’entre elles est rangée avec les accessoires de théatre.

J : « Vous n’avez pas vous même de passion pour l’airsoft ? » 

S : « Non »

J : « on ne vous a jamais proposé d’en faire ?  »

S : « Je ne sais plus mais je n’en avais pas le temps. »

Son avocate vient remettre des photos du clip en question. La juge regarde et s’interroge sur la carabine contre des zombies.

S : « C’est pas moi qui ai fait le scénario ! »  Rires

Le procureur

Pr : « Donc, comme vous semblez le dire, c’est votre métier qui vous permet de détenir des armes ? » il fait notamment référence au tournage du film « Rust », où Alec Baldwin a tué quelqu’un avec une arme à feu utilisée pour une des scènes.

S : « Non, c’est pas malin c’est sûr », mais pour lui, il la considère comme un « objet brut », un accessoire en tant que tel, d’autant plus sans munitions.

Pr : « Vous aviez des munitions lorsque que vous avez obtenu l’arme. »

S : « Oui, en effet, j’en ai eu avec l’arme, mais une boite d’une quarantaine seulement, rapidement utilisées au début pour essayer des effets spéciaux, par exemple tirer dans un oreiller et voir si les plumes volent, et comme je n’avais pas de permis de chasse, je n’en ai pas racheté. »

Le procureur fait référence à des écoutes où S. parle de Georges Besse, patron de Renault qui avait été assassiné en 1986 par Action Directe, « quand tu fais de la merde tu t’en manges une », et il fait le lien avec la détention de plusieurs armes illégales de sa part, en disant que cette référence interroge.

S : « Pour moi il n’y a aucun rapport, vous m’avez déjà sorti cette écoute pour les explosifs et maintenant sur les armes. Je vous ai déjà expliqué que c’est une conversation de deux mecs bourrés, à celui qui pisse plus haut et je fais référence à un bouquin que j’ai même pas lu… » 

Le procureur questionne sur la possession d’un silencieux et sur le fait qu’il aurait pu lui même l’installer. S. répond ne pas avoir les compétences pour ça, que c’est juste pour son esthétique comme accessoire.

Pr : « Pourquoi ne pas avoir régularisé votre situation sur la détention d’armes illégales (permis de chasse…) ? »

S répond qu’il n’a pas eu le temps de s’en occuper entre son travail, sa vie, ce n’était pas une priorité.

Le procureur fait une remarque sur priorités de Simon qui aurait pu prendre 4 jours pour régulariser cette situation, plutôt que de passer 4 jours à fabriquer des explosifs.

Simon répond ces 4 jours pris pour les explosifs étaient pour lui liés à son travail.

Avocate S

Questions sur le 22 long rifle, notamment en lien à son usage non approprié pour la chasse, précise que son utilisation sur les sangliers n’a aucun intérêt (petites blessures), et que sur un renard ou un ratgondin par exemple, cela ne le tue pas mais le blesse et le fait agoniser ensuite.

Elle souligne l’aberration entre « tuer un patron du CAC40 » et la possession de cette arme.

Av : « A t’on retrouvé des munitions lors des perquisitions ? » (énumération de plusieurs lieux fouillés lors des perquisitions)

S : « Non »

L’avocate précise qu’une boite de 100 cartouches ne coute que 3.99€ et est achetable en ligne facilement. Pour montrer l’accessibilité financière, et pratique, pour s’en procurer, et que S. ne devait donc vraiment pas en avoir besoin pour ne pas faire cette démarche.

Elle re-questionne S. sur l’origine des armes retrouvées chez lui, origines que S. peut facilement énumérer. Elle insiste sur le fait que la 3ème arme ne lui appartient pas mais est à sa compagne et se trouve dans leur lieu de vie commun.

Elle précise enfin qu’en France, il y a entre 5 et 6 millions d’armes non déclarées chez ses concitoyens et que jusqu’en 2012 il n’y avait pas besoin d’autorisation pour les carabines 22.

MANU

La juge commence par lui poser des questions sur l’airsoft, sur son envie de monter un club.

M. la coupe assez vite en lui disant qu’il souhaite faire une déclaration, ce qu’il fera à plusieurs reprises tout au long de son lonnnnggg interrogatoire.

Il veut notamment redire que, sous la pression, il peut avoir dit des choses contradictoires lors de ses déclarations à la DGSI et au juge d’instruction. Il rappelle le contexte, 10 mois de détention, avec peu d’accès au dossier, sans recul, terrorisé.

Il dit qu’aujourd’hui il se sent prêt à répondre, même sur les contractions, même si il a peur aussi aujourd’hui d’être en face d’elle.

J: “C’est le propre d’une audience de re-baliser, de confirmer ou infirmer, de comprendre pourquoi vous avez dit certaines choses.”

Elle enchaine sur le fait que d’après les notes, il aurait donné l’impression de sourire en GAV lors des interrogatoires. Il répond que si il riait, il devait certainement rire jaune.

La juge reprend sur les questions d’airsoft, de l’envie de monter une association ou un club.

M. répond que c’était une idée parmi d’autres, comme l’envie d’un terrain. Il dit qu’il ne faut pas trier, par exemple “on fait des ateliers de Kravmaga, de boxe, ok, mais on fait plein d’autres choses, comme des cantines, de la solidarité…” Bref, ça fait partie de ses envies, mettre en place des activités différentes sur un terrain. Il n’a pas de terrain de toute façon, donc ça n’a pas été mis en place.

La juge demande si il a déjà manipulé des armes. Il répond que oui, en Guyane, il a essayé un fusil de chasse dans la forêt (en formation de guide). Il précise qu’il ne fait pas de parallèle avec l’airsoft ludique, que c’est très différent.

La juge passe du coq à l’âne.

Elle dit qu’en interrogatoire il a dit qu’il ne connaissait pas L. M. répond qu’on lui a montré des photos pas très ressemblantes, qu’il le connaissait très peu, et qu’encore une fois quand on a une “association de malfaiteurs” qui pend au nez… ça lui a fait peur

La juge lui demande s’il a son permis de chasse. M. répond que ça a peu d’intérêt pour lui, qu’il n’est pas consommateur de viande pour l’instant, mais que peut-être plus tard, dans un cadre d’autonomie, il pourrait l’envisager.

La juge cite une écoute ou R. lui demande de venir avec des drones et des kalachnikovs. M. répond qu’ils n’ont pas le même humour que la juge, qu’ils surenchérissent. Que si R. avait envie de dégommer des drones avec des kalach, alors il serait avec eux sur ce banc.

Interruption de l’avocat qui précise que dans les retranscritpions d’écoutes il est précisé “rire”, “plaisanterie”, à de nombreuses reprises lors de ce passage.

M. revient sur la sélection des informations, et aussi notamment sur le fait que lors des perquisitions, dans le matériel d’airsoft, le matériel de protection n’apparait pas, notamment les protections pour les dents, les lunettes, etc.

La juge reprend sur l’airsoft et lui demande s’il pratique régulièrement.

M. répond qu’il n’a pas trop pratiqué même si il aime ça, qu’il a dû faire 3 parties en tout, notamment le 11 et le 12 à Pins Justaret, qu’il a peu utilisé le matériel car il n’a pas trop eu l’occasion, et que jouer seul est bof et qu’il n’a pas trop trouvé de compagnon pour cette pratique, « dans les clubs d’airsoft c’est beaucoup de beaufs ». Il y a joué un peu avec F. et avec D.

Juge : “Vous dites à un moment que D. dit des choses fausses.”

M : “J’en avais rien à faire, ça n’a aucune importance de me rappeler qu’on a posé un sac de réplique d’airsoft à tel endroit…”

Juge: “J’essaye de comprendre pourquoi vous vous êtes arc-bouté à ce moment là en GAV”.

M : “C’est simple, association de malfaiteurs terroriste, 30 ans.”

Juge : “On revient sur une autre catégorie d’armes retrouvé dans votre camion, notamment un lance-pierre et des billes en acier”

M : “je ne savais pas que c’était illégal, j’ai travaillé à Décathlon… depuis petit j’en ai, j’adorais Denis la Malice. Je trouve ça fou d’être devant vous aujourd’hui, en antiterro, et de parler de lance-pierre !”

La juge aborde sa consommation excessive d’alcool, lui demande s’il confirme et s’il était soigné pour cela.

J : »d’après les enquêteurs, des sourires accompagnent vos réponses…” en GAV

M: “On me dit à ce moment-là que je suis le lieutenant du leader charismatique ! Alors que je fonctionne sur un système horizontal, je suis le lieutenant de personne ! Et j’avais un masque, comment c’est possible de voir ça ? »

Juge: “Une réaction nerveuse peut etre?

M : « C’est une interprétation. »

La juge aborde le fait qu’il soit allé en Irak, « pas pour faire du tourisme ». Pourquoi ne pas l’avoir dit en GAV ?”

M. explique avoir fait une escale en Irak pour aller au Rojava, “on sait que c’est criminalisé”. Elle lui coupe à de nombreuses reprises la parole, parle à sa place. Il explique que le long du trajet avec F. en camion, ils se sont faits contrôler à plusieurs frontières, qu’il a trouvé ça louche, et qu’à l’aéroport on lui a posé des questions sur qui l’accompagnait, des questions ciblées sur F. Ça ne l’a pas découragé, mais étonné. Selon les récits, il y a plutôt des problèmes et contrôle au retour, pour les personnes de gauche, mais pas à l’aller. Pendant la GAV, je n’ai pas voulu le dire au début, et puis à un moment j’ai dit avoir voulu soutenir les kurdes.” 

Puis il explique avoir renoncé au passage à ce moment-là car c’était trop dangereux. Il explique que tous ces proches étaient au courant qu’il partait au Rojava, “par respect pour ma mère et mon frère, par honnêteté”. “Dans les premiers interrogatoires je n’en ai pas parlé par peur”.

Juge : “est ce que vous vous êtes entrainé avec F. ou autre avant votre départ? Avec des répliques d’armes, c’est aussi pour s’entrainer.”

M : “Mais on parle d’entrainement avec 3 parties ludiques ? Pour se familiariser à la rigueur, mais le mot entrainement, non.”

Juge : « Je voudrais écarter la Colombie du débat »

M : “Ça a eu un impact sur moi, aujourd’hui tant mieux ça a été effacé, mais imaginez si j’y avais été seul !”

Juge: “ca ne me gène pas d’en parler mais je n’y vois pas un intéret majeur. La Colombie ne sera pas remise au centre. Mais dans votre séjour, y a-t-il eu un apprentissage au maniement des armes ?”

M : Il n’y en a pas eu”

La juge reprend sur l’airsoft et sur leur rencontre à Pins Justaret. 

Juge: “Pour y faire quoi?”

M : “une partie d’airsoft ludique avec 2 amis dans une maison.”

Juge : “Qui a trouvé cette maison ? C’est un beau terrain de jeu.”

M : “peut-être moi, peut-être F. Sur un trajet en Ariège, la maison est au bord d’une route, avec des habitations à coté, elle n’est pas paumé, elle est visible. On a découvert les lieux, une personne se cachait dans une pièce, les autres devait la trouver.

Juge : “Est-ce que pour L. c’était sa premiere fois ?”

M : “On n’était pas doués donc j’imagine que oui ».

Juge : “Encore une fois, cétait vraiment ludique? Il y a tout de même une certaine proximité avec le maniement des armes.

M : « Je me familiarisais avant mon retour au Rojava, avec des répliques, pour me mettre en confiance ». 

Juge : mais en 2019 les frontières ont bougé… Daesh… (elle sous-entend que la lutte contre Daesh est finie en 2019, preuve qu’elle ne connait pas le contexte sur place).

M : je ne suis pas Rambo, ce qui m’intéresse aussi c’est le confédéralisme démocratique, en dehors de combatttre au Rojava. Ce qui peut être défensif aussi, pas comme une attaque. Et sur place il peut se passer n’importe quoi.

Juge : “Pins Justaret c’est juste le 11-12 ?

M : « Oui ».

Juge : « le 25 mai, vous y étiez ? »

M : « Oui, on est parti dans l’idée de faire de l’airsoft, et on a fait une beuverie autour d’un feu avec d’autres camions. Il me semble que L. et F. ont fait du sport aussi. »

Elle le questionne également sur la fréquence à laquelle ils se voient, sur les lieux, les raisons. Il répond parfois pour faire de la mécanique sur leur Mercedes, pour faire de l’airsoft, pour des beuveries, des discussions, “rien de transcendant”.

16h15. On passe sur le sujet des « notes ».

 M. refait une déclaration, à propos de ses notes. “Il y a maintes raisons pour lesquelles j’en ai pas parlé, personne n’est au courant de ces notes, c’est mes notes, personne ne sera nommé”. M. dit d’emblée qu’il est sujet aux pertes de mémoire.

Juge : Est-ce qu’une personne est désignée pour prendre des notes ?

M : pas forcément prise par une personne mais par qui a envie.

J : Réinsiste sur le séjour au lac, sur le fait qu’il ne se souvienne pas (en Gav) de la présence de L.

M. parle de ses pertes de mémoire et du fait que cette journée était complètement insignifiante.

La juge aborde les notes sur le Tekmil mais, n’ayant plus de voix, elle propose une suspension courte pour s’en remettre, vers 17h05.

Reprise à 17h20.

La présidente ré-aborde donc le sujet des notes prises par Manu, les décrivant comme un bloc de bureau de 25 pages, avec plusieurs feuilles volantes. Elle décrit les différents feuillets.

Le feuillet 29 porte la mention de la date du 25 mai, avec une mention d’ODJ.

S’en suit un flottement d’une bonne minute où elle cherche des trucs sur sont ordi.

Manu coupe ce blanc qui traine : « J’peux dire une p’tite chose ? »

Rires de la salle, et de la juge.

Elle finit sa recherche et lui donne la parole.

Il explique qu’en prison il n’a pu avoir accès aux notes de son carnet que sous retranscription écrite de la DGSI, plutôt que des photocopies des pages du carnet.

Et que c’était ainsi difficile pour lui de comprendre de quoi ils parlaient sous cette forme, sans la mise en page, les liens entre les mots, les lignes, etc..

« Je captais pas ce qui était noté. »

La présidente décrit les feuillets volants, retranscrits dans un ordre aléatoire.

J : « On va essayer de comprendre la logique générale de ces notes, par ordre chronologique ».

Il est écrit « Réunion 11/02/2020 » (à Pins Justaret)

Il y a cafouillage dans les numéros de pages entre les deux versions pour s’y retrouver.

Manu demande à avoir les feuilles de ce carnet, et les retranscriptions, pour réussir à suivre et répondre à la juge. Son avocate les lui donne.

La présidente énumère les différentes lignes/tirets sur cette page, et questionne Manu sur les termes présents.

Puis elle l’interroge sur le terme « Tekmil », il lui explique que ça vient du Rojava, ce sont des réunions où les membres font une critique et autocritique de soi et des autres, qui permet de faire redescendre la pression et que les gens ne s’engueulent pas. 

Elle lui demande qui est la personne dont le pseudo est « Soli » et lui demande si c’est lui, il lui répond que comme dit auparavant il ne donnera aucun nom. Puis elle l’interroge sur les termes « reprise en main et montage/démontage », « jouet », « armes », il lui répond que ça fait référence à l’airsoft. « TW » signifie talkie-walkie.

La juge lui demande pourquoi utiliser des termes d’anglais et si ces mises en situation pourraient resservir. M. répond que ce sont des notes à lui-même, pour un éventuel retour au Rojava.

La juge lui rappelle que devant le JI il aurait affirmé que ces notes n’auraient pas été prises à Pins Justaret, ou alors peut-être dans la nuit du 11 février, et ce qu’il en est aujourd’hui. M. lui répond qu’en fait oui, après recontextualisation.

La présidente en revient aux termes. « Travail groupe jouer », « pouvoir faire ennemi », M. répond qu’il s’agit toujours d’airsoft.

« Discussion sous », M. lui répond que c’est vague, que c’est sûrement par rapport au terrain.

Sur le feuillet 2, il est noté « ODJ 11 février » suivi d’une énumération de mots. M. répond que c’est un ordre du jour, avec des estimations de temps, (mais complètement aléatoire) les sujets dont il voulait discuter.

Sur le terme « recrutement », la juge lui demande si cela a un rapport avec l’airsoft. M. ne se rappelle plus exactement, ça peut être « recruter » des personnes pour jouer à l’airsoft, mais aussi question de répondre à un questionnaire pour « recrutement » au Rojava.

J : « Boxe ? » 

M : « Oui ».

J : « Réunion internationale » 

M. n’y était pas, il y a cafouillage dans les dates de la part de la juge entre les mois de mai et de mars. C’était du 9 au 16 mars, au moment du confinement. Il s’agit sûrement d’un rassemblement anarchiste en suisse.

La juge lui demande pourquoi il est écrit « Avocat ». M répond que c’est pour l’expulsion éventuelle du squat, et pour le retour du Rojava.

Sur le terme « Rechercher arme ». 

M. explique que c’est une erreur de retranscription, et qu’il est écrit « ReCHECKER armes ».

La juge fait remarquer qu’il utilise toujours le même vocabulaire « armes », « jouets ».

M lui répond que c’est toujours pareil, la même chose, qu’il s’agit d’airsoft.

J : « Débat de fond sécurité/technologie » 

M. explique qu’il s’agit de s’anonymiser par rapport au Rojava, de se protéger. Mais que c’est aussi l’hygiène de base dans les milieux militants, une habitude.

J : « cleaning » 

M : « Je pense que c’est toujours pour l’airsoft, le nettoyage des répliques. »

J : « Vous avez vraiment besoin de tout écrire ? »

M : « Oui, par exemple, depuis le début du procès je note tout, j’écris pour me rappeler. »

J : « Thunes » 

M : « Argent. Plein de raisons possibles… »

La juge passe au feuillet 6 à la suite de ce qui semble être un retour d’infos. Elle lui demande qui est « Raph ». M. refuse de répondre à la question. Sur qui est « Domi », il répond que c’est lui. Elle lui demande si les autres surnoms désignent F. et L., M. refuse à nouveau de répondre à la question. 

La juge l’interroge sur le terme « Permis de chasse ». M. répond que c’est pour avoir la possibilité d’un mode de vie plus autonome.

Sur le terme « achat au black », M. répond qu’il s’agit d’un fusil d’airsoft au black, qui ne se vendait pas en magasin, et que c’est évidemment moins cher qu’en magasin. 

Elle lui demande l’interêt de demander à d’autres personnes de faire de l’airsoft, M répond que oui, comme il lui a dit ça lui plait, et qu’à 2 ou 3 ce n’est pas très ludique.

J : « Krav maga » ? 

M : éventuellement, même si ça me botte pas forcément.

La juge continue de citer ses notes : « Réunion Internationale en Suisse », avec plein de mots accolés. Quel était le contenu de la réunion ? 

M répond qu’il n’as pu retrouver les infos sur internet malgré ses recherches et que son intérêt était moyen pour cet événement.

A la question de pourquoi les avoir alors notés, M répond que ce sont des prises de notes pour en discuter plus tard. 

J : « Il y a quand même des personnes notées pour aller là bas, pour représenter un groupe ? Emmanuel, Raph ?

M : « C’était une prise de contact avec des personnes qui allaient au rassemblement, et qui étaient intéressés pour aller au Rojava, pour discuter des procédures qu’il a lui même rencontrées pour aller là bas.

Il précise qu’il n’est pas recruteur, il dit qu’il a eu accès à des questionnaires sur le Rojava. Dans la logique du fonctionnement politique au Rojava il est demandé de faire un retour sur le questionnaire.

La présidente revient sur les termes « Tekmil », « ma position face à vous 2 », « voir protocole de groupe »… Elle lui fait remarquer que ces réunions sont assez formalisées, lui demande si c’est une forme d’organisation, si c’est pour progresser.

M explique que le Tekmil c’est surtout une position, un fonctionnement, une façon de faire. Respectueuse. C’est valable pour tout, pour un atelier. Genre la veganaise (revient sur exemple de Bastien la veille. Rires de la salle) ne se passe pas bien, on se prend la tête, on fait un tekmil pour apaiser les choses.

Au terme « recrutement purge », M répond qu’il est peut-être question de faire un jeun à se moment là ? Il ne se rappelle pas trop.

La juge cite : « préparer serment ». 

M : « Vous allez me parler de la brochure « la milice machin », j’ai énormément de brochures, celle-là je ne l’ai pas lue. Mais en la feuilletant, j’avais vu ce mot et je me suis rappelé avoir entendu dire qu’au Rojava il y avait un serment de fait, je voulais en savoir plus, prêter un serment ne me parle pas dans ma façon de faire. C’était plutôt pour en faire un sujet de conversation.

J : « C’est couplé avec l’outil PNL ». Le lien avec Loic semble évident à la présidente vu qu’il s’y forme à ce moment. 

M lui répond que le lien n’est pas « évident », que Loic n’est pas l’unique spécialiste de la PNL, qu’ils en ont parlé les brèves fois où il se sont vus..

La présidente fait remarquer que le terme « recrutement » revient plusieurs fois.

M explique que c’est toujours par rapport au Rojava, qu’il ne pouvait pas mettre « contrat d’embauche » (rires de la salle).

La juge mentionne que le tout premier point de ce document sur une unité milicienne est « comment recruter les membres ». M. lui répond qu’il ne l’a pas lu. En y ayant accès plus tard dans le dossier, il s’est dit qu’en effet ça pouvait prêter à confusion, mais il n’y a aucun lien pour lui. Ce à quoi la juge rétorque que pourtant la brochure était dans le même sac que ses notes. M. l’avait prise puis laissée dans son sac sans la lire. D’ailleurs il y en avait plusieurs autres dont il n’est pas fait mention dans le dossier.

J : « Pourtant les 9 points de ce fascicule sont en lien avec les notes ! » La juge énumère ces points, dont une allusion à une citation sur Mao, mélangé à la pratique de l’airsoft, c’est un gros mélange de tout et n’importe quoi ! Elle pointe des coïncidences très étranges avec la thématique militaire.

M. répond qu’il n’est pas maoïste. 

La présidente pointe une coïncidence très étrange entre ce qu’il met dans ses notes et la brochure. Elle insinue qu’il aurait pu avoir l’intention de mettre tout ça en pratique sur le territoire national et lui demande si tout cela est seulement pour le Rojava.

M : « Jamais je n’aurais pensé faire quoi que ce soit sur le territoire français. Je ne suis pas un assassin, un psychopathe et encore moins un terroriste !! » (Il s’agace et réfute fortement ces accusations sous-entendues).

Juge assesseuse de droite : 

J ass : « Pourquoi vous dites parfois « jouets » et parfois « armes » ? C’est un synonyme ? Vous savez que les mots ont un sens ? Vous comprenez que l’on puisse se questionner ? » (petite leçon au passage…)

M : « Oui je comprends qu’on puisse le prendre dans ce sens. Mais j’écris mal et vite, il n’a jamais été question d’armes réelles, on parle toujours d’airsoft. »

J. ass : « Ces notes ne parlent donc que d’airsoft, mais mélangé au Rojava. Il y est aussi écrit « création d’une milice », on pourrait avoir l’impression que ça passe à autre chose ».

M : « J’ai noté que je voulais lire la brochure, pour y penser ».

J. ass : « Alice ? Alix ? » (elle tente son coup au cas où). 

M : « Non. »

J. ass : « A quel moment vous avez pratiqué l’airsoft? À quel rythme ? »

M : « J’ai fait peu de parties, seulement celles du dossier, car il n’y avait pas assez de monde pour jouer, et les clubs sont relativement remplis de beaufs. Et ça pouvait être pratique aussi pour le Rojava, en mode opportuniste ». 

Il revient sur le 25 mai et précise qu’à cette date dans le carnet, il ne s’agit pas d’une réunion, que c’était seulement des choses qu’il voulait aborder sans moment spécifique. Il ajoute « on devait faire une partie d’airsoft et au final y’avait des camions, donc on a juste bu des coups avec les autres nomades ». 

J. ass : « La question du serment semble vous tenir à coeur ? »

M : « Oui, c’est une question qui m’intéresse, qui fait parti des sujets de conversation qui viennent et sont abordés ensemble ».

J. ass : « Et l’utilisation de pseudos ? »

M : « C’est en lien avec l’anonymisation et le Rojava. C’est quelque chose de courant aussi dans nos milieux, on s’appelle par nos pseudos ».

La Procureure

Pr : « Pour parlez de votre relation avec F., vous vous dites « comme les doigts de la main », qu’en est-il ? Fait-il partie de votre cercle très proche ou pas du tout ? » (le sens de la mesure…)

M : « Oui, on se connaît depuis le lycée, j’ai confiance en lui. »

Pr : « A quel moment vous retrouvez-vous après son retour du Rojava ? »

M : « En 2018, on fréquentait les mêmes milieux, notamment les concerts punk. Un jour j’ai reçu un SMS de lui. On s’était perdus de vue pendants quelques années, je suis parti vivre à Lille, on s’est vus de manière sporadique. »

La procureure lui demande si leurs liens se sont intensifiés après son retour et si leur proximité s’est accentuée.

M : « Oui et non, je faisais ma vie en même temps, pas plus à ce moment là, on est proche, j’allais en Ariège, on se voyait au PUM, en concerts punk. »

Pr : « Dans les écoutes, on semble comprendre que vous émettez l’hypothèse que lors d’une entrée de la BAC au PUM, ce serait en lien avec F. Pourquoi ? » (râles dans la salle)

Le rapport c’est juste qu’il était avec Flo à ce moment là c’est tout.

La procureure lui demande ensuite pourquoi il a contacté Air France pour le retour de F en Grèce. M. répond que c’est sûrement parce que F avait besoin des horaires et qu’il n’avait pas accès à internet.

La proc à un débit de parole plus rapide que Busta Rhymes.

La proc demande pourquoi son ami V n’est pas au courant qu’il fait de l’airsoft, M. ne voit pas pourquoi il lui en aurait parlé, que c’est juste une activité ludique.

La proc l’interroge sur la présence de la fameuse brochure dans son sac. M. répond qu’il l’a feuilletée avant de la mettre dans son sac après l’avoir récupérée dans un Infokiosque.

Elle lui demande si c’est lui qui a transmis ce document à W. car il a été également découvert sur son ordinateur. 

M. répond qu’il n’y a aucun lien, qu’il ne lui a pas transmis.

Pr : « Dans cette brochure on trouve que « la règle principale d’une unité milicienne est de travailler avec des personnes de confiance », vous avez quelque chose à en dire ? »

M : « Non. »

La procureure enchaîne sur les notes et lui demande ce que signifie « premiers secours ».

M. lui répond que c’est un sujet normal, abordé quand on part au Rojava, qui est un lieu de conflit. Concernant le lien avec la brochure, ça ne le concerne pas donc il ne peut pas répondre.

Puis la procureure fait un lien entre le livre de Mao (cité dans la brochure) et le fait de « prendre les armes là ou elles sont » ( ce qui a été dit par L. en GAV).

Elle revient sur les notes et lui demande ce qu’est le principe de « serment ».

M. lui répond qu’on peut prêter serment avant de partir au combat et que cela lui posait question.

La procureur fait le lien à fond entre la brochure et les notes, elle donne tout et se penche de plus en plus en avant pour manger le micro.

M. précise qu’il y avait d’autres documents dans son sac, notamment « Comment parler kurde » et un autre, mais que rien d’autre n’est cité !

La procureure lui fait remarquer qu’il y a 3 pseudos dans ses notes, et qu’ils étaient 3, pour elle le lien est évident. M. refuse de se prononcer.

Puis elle enchaîne en lui demandant pourquoi F veut il les réunir tous les deux avec L. et si le moment passé à Pins Justaret est une préparation à un éventuel départ pour le Rojava. 

Il répond ce qu’il a déjà dit, que pour lui c’était une occasion de se familiariser à certaines choses pour son idée de départ.

Elle lui demande pourquoi ils font usage de talkies-walkies.

Il répond que c’est aussi lié au Rojava. C’est un objet technique à connaître, il faut aprendre à s’en servir, ce n’est pas juste appuyer sur un bouton et hop. 

La procureur fait le lien entre l’utilisation de talkies-walkies à ce moment-là, et le vol d’engrais préparé par F. et M. H.

M lui répond qu’il n’y a absolument aucun rapport entre les deux.

La procureur lui demande pourquoi sont mentionnés les termes « nettoyage ADN » et « objet incendiaire » et s’il y a un lien entre les deux. M. répond que ce sont des sujets qui étaient au programme de la réunion internationale, d’après son contact, et qu’il n’y est pas allé.

Sur la mention « est-ce qu’on est prêt à ce qu’un camarade soit blessé ou tué ? »

M. répond que c’est toujours pareil, qu’il s’agit du Rojava, bien sûr et que c’est une réflexion à avoir avant d’y aller.

Elle lui demande confirmation que lorsqu’il dit que cela lui semble évident, il dit cela parce qu’il s’agit d’un territoire de guerre.

M. confirme que oui, mais que rien n’était prévu ici.

La proc lui dit qu’à Saint Lieu la Fenestre sont mentionnés 3 alias, 3 personnes, et lui demande si ce sont les mêmes.

M. refuse de répondre à la question. 

La Procureure mentionne qu’il a également écrit le numéro de l’avocat Me Dosé, que M. affirme avoir noté pour son retour du Rojava. Il est noté à côté « pour Raf, premier contact par signal », avec un trait qui semble relier les deux.

M : « Je ne sais pas quoi dire sur ces notes, pour moi c’est évident que le numéro de l’avocat me concerne ».

La procureur l’attaque sur ses discussions « militaires », sur l’expérience de Flo. Il répond que beaucoup d’autres choses l’intéressent chez Flo et ne sont pas citées.

La proc l’interroge sur le fait qu’il ait reçu une « lettre d’ami.es depuis Toulouse » en détention, dans cette lettre il est écrit « rappelons qu’il n’y a ni innocents ni coupables » Ça parle aussi de solidarité et de défense collective.

M. répond qu’il a reçu plus d’une centaine de lettres en prison et qu’il n’est pas responsable de ce qui y est écrit. 

Pr : « Est-ce que ce « MOT D’ORDRE » vous a inspiré quelque chose ? »

( la salle rit ! )

Avocat-e-s : 

Avocate de L (Me TORT)

A : « Vous regardez vos notes, nous avons eu accès au dossier, est-ce que vous avez retrouvé dans le dossier l’intégralité de votre carnet ? »

M : « Non. »

A : « Ce bloc petits carreaux et ces 5 feuillets volants grands carreaux, dans le procès verbal, c’est à la suite, on dirait une suite logique, mais est-ce qu’on a la certitude qu’on les exploite dans le bon ordre ? On ne peut pas savoir si c’est exhaustif, si il y en a d’autres, si c’est dans le bon ordre. Certains feuillets ont été nommés « sans intérêt », on ne peut donc pas les consulter dans le dossier ». Elle s’étonne et montre une certaine incompréhension dans le choix des retranscriptions.

Elle fait également remarquer qu’il y a pleins d’autres infos, des trucs sur les impôts, des trucs à faire chez sa mère. A votre avis, quelle est la logique de la sélection de la DGSI ?

Aussi j’imagine qu’il y a d’autres personnes dans votre entourage proche qui parlent de psycho, de PNL, etc. Peut-on être sûr.es qu’à chaque fois vous parlez de L. ?

M : ça n’est pas impossible, car on en entendait parler beaucoup à l’époque, cela parle aussi d’autres personnes, oui.

A : « Concernant les surnoms, « Alix », « Alex », retranscrits à la va-vite, s’agit-il du même ?

M : « Non. »

A : « Y a-t-il un intérêt à changer de pseudo pour une même personne ? »

M : « Non, il n’y a aucun d’intérêt, ça serait plus perturbant qu’autre chose ».

Avocate de F (Me Bouillon) : 

A : « Vous faites mention dans ces notes de « camion et élec », d’« arroser les plantes », de « fermer les volets », qu’en est-il ?

M : « Dans ces notes, il est question de tout et n’importe quoi ».

A : et « procès » ? « Facture » ?

M : il est question du squat du Pum.

Avocat de F (Me Kempf) :

A : « Vous avez évoqué avoir été interrogé à Athènes sur F., c’est un élément nouveau, ça m’intéresse. Voulez-vous bien nous donner le contexte ? »

M : « Oui, le 13 juin 2019. En présentant mon billet d’avion, à l’aéroport, j’ai été emmené dans une salle à part et une policière m’a interrogé, sur pourquoi je partais la bas, comment, quel véhicule m’avait amené, quelle était sa plaque d’immatriculation. C’était en anglais, j’ai galéré. Ils voulaient savoir avec qui j’étais.

A : « La police avait déjà ciblé F. ? »

M : « Oui. Aussi j’ai vu dans les multiples contrôles de douane sur la route qu’il y avait quelque chose de bizarre, ça m’a fait tilt, je me suis dit que j’étais déjà surveillé avant de partir. »

A : « F songeait-il à retourner au Rojava ? »

M : « Oui, mais plus tard, sinon il serait reparti avec moi ».

Avocate de W. (Me Meyniard)

A : la brochure a été trouvé dans un infokiosque, vous ne vous rappelez plus où, ce pourrait-il qu’elle ait été trouvée à Sivens ?

M : « C’est possible ».

Avocate de M. (Me VANNIER) 

A : »Combien de fois vous vous êtes vu avec F. en 2020 ? »

M : « Très peu ».

L’avocat de M. affirme que cela a été confirmé par l’instruction et lui demande ce qu’il a fait pendant le confinement. Elle lui demande s’il lui a été proposé de venir à Parcoul. M. répond que non, qu’il se trouvait en Ardèche avec sa compagne de l’époque, dans la forêt, « au top ». A la question de savoir s’il en aurait eu envie il répond que non, qu’il était très bien dans les bois. 

A : « Le 27 mai 2021, avez-vous eu l’autorisation d’accéder au dossier en détention ? »

M : « J’ai demandé aux matons » (il se fait reprendre par la juge qui souligne qu’on dit « surveillants » et qu’elle se rend compte qu’il a un 2ème type de vocabulaire qu’elle n’avait pas encore remarqué). M. explique qu’ils n’ont pas accès au dossier en détention, que le dossier se trouve sur un CD consultable par ordinateur 1h de temps en temps unniquement.

Elle pose différentes questions sur des discussions, notamment une discussion avec son ex compagne, sur une intervention de police au squat PUM, mais aussi sur une conversation avec F. au sujet de l’emplacement d’un falafel à Souleymanie.

Elle parle aussi de différentes notes, « possibilité d’être solvable », qui se réfèrent au squat, et fait remarquer que la question du terrain est omniprésente dans les feuillets. Il répond que c’est son projet de vie, que les questions d’autosuffisances lui importent.

Au sujet de l’utilisation de pseudos, M. répond qu’on s’anonymise tout le temps dans nos milieux militants.

L’avocate de M. pose une question sur D., qui a prétendu en GAV qu’il pensait avoir transporté un sac avec des armes, et qu’il était en colère car il croyait qu’on l’avait « pris pour un pigeon ».

M : « Ce sont des jouets d’airsoft ! »

Elle lui demande ce qu’il y avait d’autre dans son sac autre que la brochure. 

M. répond que s’y trouvaient aussi un livre sur l’hygiène alimentaire et un livre sur comment parler kurde.

Avocate de M. (Me SIMON)

L’avocate lui pose une question sur la brochure et ce qu’elle contient. Elle lui demande si il a un détecteur de mine. Elle se demande si lorsqu’on envisage une action terroriste en France, on a besoin d’un linguiste ? D’un nageur ?

Elle dira que comme lui, ses notes sont « éclatées » (rires de la salle).

A : « Vous parlez d’autocritique sur votre travail, de tekmil, est-ce que vous utilisez ces discussions un peu comme une communication non violente et du développement personnel ? »

M : « Oui. »

L’avocate fait remarquer qu’il y parle parfois de débat de fond, mais qu’il y a aussi des feuillets qui ne parlent que du squat, et que le terrain y est aussi omniprésent.

M. lui répond que c’est son projet depuis longtemps. Il souhaite vivre en auto-suffisance, dans la légalité. Il va avoir 40 ans, il trouve que c’est épuisant de se voir expulsé tout le temps. Son projet de vie, sa pratique de l’airsoft, son souhait de monter des projets collectifs, le Rojava, ses notes touchent à toutes ce différentes choses.

Les écoutes 

J : « Dans une conversation d’octobre 2020, on parle de l’acquisition d’une arme, vous parlez de différents prix, vous comprenez qu’on parle d’une vraie arme ou d’une réplique ? »

M : « Tout ce dont je me souviens c’est « coin coin coin coin coin » ! Désolé Mme la greffière, deux canards qui parlent (rires dans la salle), F. raconte beaucoup de choses, on dit « kalach légale », ça ne veut rien dire ! »

Proc : « Vous poursuivez la conversation autour de l’idée de « se préparer et de préparer d’autres personnes à lutter » (d’après une synthèse de la DGSI, les retranscriptions sont absentes, et les audios n’ont pas été transmis par la DGSI malgré la demande de la Défense)

M : « J’insiste sur le fait qu’il est 23h, nous sommes alcoolisés… C’est une conclusion hâtive et à charge faite par les inspecteurs en GAV. Ce sont des « branques qui fanfaronnent ».

La procureure cite un autre extrait de conversation où sont mentionnés des termes tels que « chiens de garde », « à partir du moment ou la 1ère balle va être tirée par les chiens de garde », « on pourrait jamais faire face à tout ça » et lui demande « Qui est ce « on » ? Vous incluez-vous dedans ? Est-ce que c’est banal de parler de « chiens de garde » lorsqu’on parle de la police ? ».

M. répond que c’est une discussion qui pourrait être entendue dans chaque famille, et que c’est très répandu dans la population, notamment depuis les gilets jaunes.

La procureur s’énerve et dit que non ce n’est pas banal, elle peut nous l’assurer (râle dans la salle).

La procureure enchaîne et essaie de le piéger en lui demandant si cela lui paraît également banal de parler d’arme légales et de kalachnikov ?

M : « kalach légale », ça me paraît un antipode (rires). « Un oxymore » reprend la juge.

Avocate de M. (Me SIMON)

A : « Qui a retranscrit ce procès-verbal ? Figurez-vous qu’il s’agit également du fameux matricule 856Si. On peut souligner au passage qu’on ne pourra pas lui poser la question. Donc, 20h, début de conversation, 23h, ça devient intéressant. On a une phrase de F, mais on n’a pas vos réponses, bon dommage, on doit se contenter de cette synthèse. On va donc partir de là. » 

L’avocate de M. enchaîne et parle de cours de grammaire, « la personne disait que », elle cite qu’il s’agit bien de discourt rapporté, indirect, selon la retranscription. « On m’a dit que » et non une opinion personnelle.

Avocat de F (Me Kempf) :

Il cite les livres « Les chiens de garde » de Paul Nizan et le documentaire « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi, où l’on fait référence respectivement aux philosophes puis aux médias de masse. C’est une expression polysémique.

Il parle aussi de la retranscription avec neuf […/…] en pleine discution. Il a mis 38 secondes en se chronométrant à relire un passage qui retranscrit 8 minutes de conversation . « Pas de question mais vous voyez ou je veux en venir ».

MARDI 17 OCTOBRE

Me Kempf demande l’accès aux notes d’audience. La Juge et lui sont en désaccord, elle lui dit que ces notes ne seront pas disponibles avant la fin des débats. Becker se joint à Kempf.

CAMILLE 

La présidente demande s’il y avait-il assez d’armes airsoft pour tout le monde, C. répond que probablement mais que n’étant pas spécialiste elle ne saurait dire ce qu’elle avait précisément en main. S’agissant de savoir s’il y avait eu des tirs, C. répond que les répliques ne fonctionnaient pas toutes (système de billes) et qu’il n’y a pas eu de tirs. Elle répond sur le déroulement de l’après-midi, les participant.es ont fait des binômes, pas toujours les mêmes et ont fait deux ou trois parties. 

La juge l’interroge sur l’arme à canon scié et ses munitions trouvées dans le camion de F., C. répond qu’elle n’a jamais vu cette arme dans le camion de F.

La juge reprend sur l’airsoft et énumère les répliques trouvées dans le camion, demande comment cela s’est passé.

C. explique le déroulement des parties, qui ouvre les pièces, passe devant, derrière, et quand le tour de la maison est fait la partie est terminée. C. explique que c’était l’occasion de faire des choses toustes ensemble et de casser les codes entre mecs et femmes. A la question de savoir si cela lui a plu, elle répond qu’elle a trouvé ça marrant, qu’il y a eu des anecdotes, mais qu’elle n’en n’a jamais refait.

La juge cite So. et dit que cela avait l’air de beaucoup tenir à cœur de F. de faire ces parties. C. répond que tout le monde était motivé ce jour-là, que la veille les répliques avaient été présentées et qu’iels avaient pris le temps d’apprendre à les manipuler, les autres femmes n’étant pas présentes ce jour-là.

La juge revient sur la sonorisation du 02 mai 2020 où C. et F. reparlent de l’activité de l’après-midi. C. explique que c’est normal qu’iels en reparlent puisque ça les a occupé.es une partie de la journée, que F. cherche comment il pourrait améliorer les prochaines parties, mais qu’elle est moins intéressée par les détails techniques.

C. est éprouvée et rencontre des difficultés pour commenter des dialogues qu’elle n’a pas sous les yeux, elle a besoin d’une pause pour se ressaisir. Elle explique que tout cela pèse énormément sur sa vie depuis trois ans. 

La juge enchaîne et poursuit la lecture des retranscriptions. Elle oriente ses questions sur la volonté de F. de transmettre et le présente comme quelqu’un qui souhaiterait « enseigner » ce qu’il connaît. Ce à quoi C. répond qu’il est normal que lorsqu’on présente une activité, on souhaite qu’elle plaise à toustes.

Puis la juge l’interroge sur le rapport avec le Rojava, sur la base des sonorisations. C. répond que cela n’a aucun rapport, que F. ressent parfois le besoin de parler du Rojava lorsque que certaines choses y font écho. Cet après-midi là, tout le monde s’est approprié les choses à sa manière, c’était de la rigolade. 

La juge cite une retranscription dans laquelle le terme « brown » est employé et lui demande ce que cela signifie, C. dit n’en avoir aucune idée.

C. et F. reparlent des maniements effectués lors de la présentation de la veille, alors que tout le monde n’était pas présent, mais c’est totalement secondaire, le principal étant que tout le monde se soit senti à l’aise.

La juge demande s’il y a eu de nouvelles propositions pour cette activité, C. répond que c’était rigolo mais qu’iels avaient envie de faire d’autres choses, et qu’i n’y a donc pas eu de nouvelle proposition de refaire des parties d’airsoft.

Procureur :

Il relance C. sur le fait qu’il n’y aurait pas eu qu’une partie d’airsoft à l’écoute des retranscriptions (So et B. parlent de plusieurs parties). C. lui répond qu’elle a l’impression de tourner en rond sur cette question, qu’elle a déjà expliqué qu’il s’agissait de discussions sur le temps de présentation, la veille du jour où ont eu lieu les parties. 

Le proc évoque un extrait où F. parle de leadership et insinue que F. se définirait en tant que « leader ». C. lui répond qu’à l’inverse parle des autres qui mènent la danse, et qu’il souhaite faire attention à ne pas prendre trop de place et que chacun.e puisse prendre le leadership à tour de rôle. 

Le procureur fait remarquer que le terme « travail » revient à plusieurs reprises dans les conversations. C. lui rétorque qu’il extrait le terme de son contexte, et que dans ce passage, F. fait référence à son travail corporel. C’est un terme que F. utilise régulièrement et dans beaucoup d’autres contextes : communication, lecture, activités, ce qui souligne la mauvaise foi du procureur.

Le proc cite alors la GAV de So qui affirme que F. souhaitait partager son expérience.

C. rappelle le côté performatif des GAV, chacun.e a son regard, son vécu, son ressenti. Dans les dynamiques de groupe, beaucoup sont dans la rigolade et certain;es parfois ne font pas toujours attention aux personnes autour d’elleux et peuvent être blessant.es sans s’en rendre compte, notamment les mecs.

Le procureur lui demande si elle a pris plaisir à ces parties d’airsoft et cite sa GAV, ce à quoi C. répond qu’à ce moment de sa GAV elle est agacée de l’insistance autour de cet après-midi. Elle a à la fois pris du plaisir à jouer dans une dynamique de groupe, mais elle a aussi pleuré suite à un moment qui l’avait blessée. 

« Tout n’est pas rires ou larmes et je ne suis pas sûre que vous êtes capable, M. le procureur, de comprendre la complexité des échanges humains ».

Avocats :

Me Arnoult rappelle que la conversation dure seulement 6 minutes bien qu’elle ait été définie par l’accusation comme étant très longue. Il revient sur les déclarations de So en GAV qui relate bien la rotation de binômes. 

Me Chalot demande à C. si cela était une activité secrète, C. répond que pas du tout, elle en a même parlé à sa mère, qui l’a évoqué par la suite lors des enquêtes de personnalité.

Me Kempf souligne le fait que la juge ait posé une question sur l’arme au canon scié au millieu de l’interrogatoire sur les parties d’airsoft. La juge reconnaît que cela concernait les armes et que ce n’était pas bien placé. Il s’interroge sur les critères qui déterminent la retrasncription ou non d’une sonorisation. Est-ce pour être utile à la manifestation de la vérité ? 

C. avoue ne pas bien comprendre, cela ne représente qu’une infime partie de leurs vies. 

Me Kempf cite alors des extraits où le vocabulaire utilisé par C. et F. est celui du jeu : « ludique », « jeu », puis demande à C. la définition de performatif. Il fait remarquer que ce sont les enquêteurs eux-mêmes qui ont utilisés le terme « d’entraînements » s’agissant des parties d’airsoft lors de la GAV de So, alors que cela ne fait pas partie de son vocabulaire. Sur le PV de sa GAV, sa réponse commence « A votre question » sans que la question soit inscrite sur le PV, ce qui est illégal, les questions doivent paraître sur les PV.

Me Bouillon 

Elle dénonce le fait que dans le dossier, des recherches ont été faites sur un rappeur (musique de fond sonore), sur les avocates elleux-mêmes (légal team), mais aucune recherche n’a été effectuée sur la pratique de l’airsoft.

Elle s’est donc elle-même renseignée et lit des citations d’un site d’airsoft officiel : « leader », « chef », « progression », « debrief », « entraînement », sont des termes courant dans la pratique de l’airsoft.

LOIC

La juge rappelle que Loic apparaît dans l’enquête à partir de février 2020 avec M. et F., avec qui ils se sont retrouvés dans une maison abandonnée.

Elle demande à L. depuis quand l’association « La passion des amis » existe, L. répond que cette association a été très peu utilisée, peut-être un an ou deux. La juge précise que l’asso existe depuis 2018 et que le siège a été transféré à son adresse en 2019. L. explique que l’association est désormais clôturée et qu’elle a très peu été vivante, qu’il l’a créée par envie de passer du temps avec des gens en faisant des activités. 

La juge lui demande pourquoi il ne l’a pas lui-même présidé mais a demandé à une amie de le faire, L. répond qu’il a un problème avec tout ce qui est administratif, et qu’à cette époque il était concentré sur ses études. 

A la question de savoir si l’airsoft était pratiqué dans le cadre de cette association, L. répond ne pas se souvenir du moindre lien entre l’airsoft et l’association. Il n’y a pas de cotisations, ils ne sont que trois membres.

La présidente cite une personne interrogée affirmant le contraire et lui demande s’il aime pratiquer l’airsoft.

L. s’étonne de la réponse de cette personne, alors qu’elle n’a jamais elle-même pratiqué l’airsoft. Il répond également que lui-même ne l’avait jamais pratiqué à ce moment-là, et que l’association avait pour but de faire aussi du théatre et d’autres activités. 

C’est plus tard, sur proposition de F., qu’il a participé à l’achat d’une réplique d’airsoft (200 euros) pour le pratiquer.

La juge cite ses déclarations en GAV : « Nous nous sommes revus avec F., il voulait pratiquer l’airsoft ». L; récuse cette déclaration. Il explique que F. lui avait confié sa chienne et avait laissé son camion chez sa mère et qu’il était donc logique qu’ils se revoient à son retour du Rojava. L’idée de pratiquer l’airsoft est venue bien plus tard, au fil de conversations. Lors de sa GAV il n’a pas donné tous ces détails car face à la violence de la GAV il s’est renfermé sur lui-même.

La juge continue de citer ses auditions sur le fait « de copier, d’apprendre à manier des armes ». L. répond que pratiquer l’airsoft était une façon de passer du temps avec son ami. Et que c’était aussi lié avec sa tendance à être très anxieux, un peu « parano » s’agissant de l’état du monde et de la possibilité d’un cataclysme. 

A la question de pourquoi cette activité plutôt qu’une autre, L. répond être très ouvert à toutes sortes d’activités, même s’il n’est pas particulièrement attiré par les armes à la base.

La juge demande qui a trouvé la maison abandonnée, L. ne se rappelle pas mais ce n’est pas lui. Sur comment elle avait été repérée, L; explique que dans les milieux squats les gens ont l’oeil pour repérer les bâtiments abandonnés. 

Sur le fait qu’ils auraient été habillés en tenue « militaire », L. explique qu’il est très fréquent dans les milieux punks d’utiliser des vêtements militaires car ils sont peu chers et résistants. 

La juge demande ce qui se passe dans la maison, L. lui répond qu’ils la nettoient car il y a des bris de verre et qu’ils ont des chiens. 

La juge lui rappelle qu’il a fait part de son anxiété à pratiquer l’airsoft et lui demande ce qu’il en était s’agisssant de F. et de M. L. répond qu’ils souriaient, que tout le monde rigolait, que lui-même l’airsoft n’est pas trop son truc et qu’il « tirait un peu la tronche » lorsqu’on lui a présenté des répliques d’armes, mais qu’il souhaitait passer du temps avec ses amis. Il dit n’en avoir rien retiré de particulier. Il ne se souvient pas si les parties se sont pratiquées sur une seule journée ou deux jours consécutifs.

L. ne se rappelle pas avoir évoqué de « peur grandissante » ce jour-là lors de sa GAV, même s’il se souvient ne pas avoir tiré de fierté d’avoir « joué à la guerre » car cela peut être mal perçu dans les milieux « de gauche ». On a droit à un petit laïus de la présidente : « Vous faites ce que vous voulez, vous n’êtes pas obligé de raconter ce que vous faites à tout le monde ». Ah bon, on fait quoi depuis trois ans, là ? 

La juge l’interroge sur une « réunion » qui aurait eu lieu ce jour-là concernant l’airsoft et dont il a déclaré au JI ne pas se souvenir. L. doute fortement qu’ils aient abordé ce sujet, mais pense qu’ils ont peut-être évoqué le sujet en buvant des coups le soir. L. évoque le fait qu’à cette période avec F. ils partageaient des activités sportives comme la course à pied, les étirements, qui permettaient de créer une dynamique dans le corps.

S’agissant des notes de M. mentionnant les termes « trouver un terrain en Arriège », « pseudos », « Tekmil ».

L. répond qu’il ne sait pas ce qui se trouve dans ces notes mais qu’il se souvient que dans les conversations du soir, lorsqu’ils buvaient des coups ensemble, l’acquisition d’un terrain en Arriège a pu être évoquée, car de nombreux.ses habitant.es de Toulouse cherchent un terrain en Arriège. Pour le reste, cela ne lui évoque rien.

Assesseuse de droite : 

Elle lui demande si le document « création milice » lui rappelle quelque chose. L. dit se rappeler d’une brochure sur ce thème ayant circulé, comme des dizaines d’autres brochures. 

Procureure :

La proc lui demande pourquoi il a utilisé Mme F. comme prête-nom. L. lui répond qu’il n’aime pas s’occuper d’administratif et que cela lui permettait aussi de passer du temps avec elle.

Elle enchaîne en lui demandant pourquoi les documents concernant l’asso se trouvent sur l’ordinateur de F. et pas sur le sien, ce à quoi L. répond qu’il lui a demandé un coup de main administratif, pour ne pas avoir à le faire.

Elle tente de le piéger sur la contradiction entre son affirmation de ne pas aimer pratiquer l’airsoft et le fait de créer une association à cet effet. L. répond que l’association avait pour but de faire des activités et que pour cela il a fait appel à deux ami.es cher.es à son coeur pour l’épauler.

Elle revient sur ses déclarations en GAV. Il explique que dans le contexte de la GAV, tout son monde s’écroule, qu’il ne comprend pas être arrêté pour une après-midi d’airsoft et les activités anodines de ses ami.es. Qu’il y voit des actes anodins et qu’il se retrouve en GAV avec une arrestation terroriste, du coup, oui, ce qu’il dit est décousu, il n’y comprend plus rien.

Elle lui rappelle qu’il a refusé de répondre aux questions autour d’un éventuel « projet » pour ne pas trahir ses amitiés.

L. lui répond que F. a divers projets et qu’il est une personne pleine d’en-train, qui déborde d’énergie, parfois trop, qu’il est un bout-en-train, qu’il aime faire la fête.

Elle cite « prendre les armes là où elles sont », « s’en prendre aux keufs ». L. lui rétorque que des propos comme ça il en a entendu souvent, l’idée du « grand soir », de « prendre les armes », ce ne sont que des mots. Dans notre milieu il est courant de dire que les forces de l’ordre représentent le système et qu’il faut abolir le système.

La proc insiste sur la proposition de F. de fabriquer des explosifs, L. lui rétorque que F. ne lui parle jamais du Rojava et qu’il ne voit pas comment il aurait pu lui parler d’explosifs du Rojava.

La proc poursuit en lui parlant de la « clandestinité » de leurs moyens de communication, L. répond qu’ils utilisent Signal et éteignent leurs téléphones, comme dans d’autres endroits.

Elle s’interroge sur les raisons de cette « clandestinité », l’airsoft étant légal. L. répond qu’ils jouent à se faire peur et donc créent une ambiance autour de ça.

Puis elle aborde les notes de M., « protocole de recrutement », « PNL », et lui demande si cette mention « PNL » se réfère à lui. L. lui explique que depuis fin 2019 il parle de PNL à tout bout de champs et que c’est sûrement pour cela. Elle cite les termes « blessé ou tué », cela ne lui dit rien.

S’agissant du document « Création milice » retrouvé chez F. et M., la proc demande s’il y a des échos avec les notes de M. « serment », « recruter », L. répond qu’il n’en sait rien. 

La proc l’interroge sur le fait qu’il est question d’entrainement aux premiers secours et au fait de poser un garrot. L. répond que dans leur pratique de l’airsoft, ils ont évoqué l’exemple d’une personne à terre et de comment faire pour la tirer et lui faire un garrot, mais que c’était très sommaire.

Sur le paintball, L. dit ne pas faire de différence avec l’airsoft. 

Avocat.es :

Me Simon 

Me Simon demande à L. combien de temps il est resté dans l’escalier(partie d’airsoft), il répond qu’il a dû s’ennuyer.

Puis elle lui demande s’il connaît M., il répond que oui, c’est un ami de F., ils se sont vus 2-3 fois. 

A la question de savoir si pour M. les parties d’airsoft étaient liées à son intention de se rendre au Rojava, il répond que c’est possible que cela ait été central pour lui. 

Me Tort

L’avocate va mener un interrogatoire vigoureux, en bousculant L., sur ses conditions de GAV. Elle commence par le questionner sur son arrestation et son arrivée à Levallois Perret, dans les locaux de la DGSI. 

Il raconte : alors qu’il était dehors et marchait vers son camion, il apperçoit plusieurs véhicules. Deux individus en sortent cagoulés, le mettent en joue, lui demandent son identité, lui passent les menottes, et l’emmenent à l’intérieur de la maison de sa mère, qui accueillent aussi des locataires, puis lui donnent les raisons de son arrestation. Il ne comprend pas. Il se dit que c’est absurde. Il est emmené en train avec une camisole et un sac sur la tête, puis sort du train, la camisole est ôtée, on lui remet les menottes, ses douleurs aux cervicales reprennent, puis il est mis en cellule, totalement déboussolé. Il aperçoit des chaussures devant les autres cellules. 

On lui parle du Rojava, il fait le lien avec F. 

L’avocate lui demande d’être plus précis, elle le cite sur un PV de sa première audition : « il ne faut pas faire miroiter des choses aux gens ». Il explique qu’au long du trajet les policiers lui ont fait miroiter que s’il balançait il pourrait sortir sans charge. 

Lors de cette première audition, on lui pose des questions politiques, sur ses convictions, il  avait peur que cela puisse arriver un jour, il le vit comme un cauchemar. Dans les PV il apparaît qu’il parle lui-même de ses fréquentations, l’avocate lui demande si c’est à cause de propos tenus en « off » par les agents.

L. explique qu’il est angoissé depuis 32 ans, qu’il se sait jugé sur ses opinions, qu’il vit son cauchemar. M° Tort lui demande combien il y avait d’agents pour l’interroger et si c’était toujours les mêmes ; oui, toujours la même agente principale. Est-ce que lui avait toujours le même avocat ? ; non, il a eu 4 avocat-e-s différents lors de sa garde à vue. Ca met pas vraiment en confiance… 

Il parle de son impossibilité à dormir, dans ces conditions, et qu’il demande à voir un médecin. Il en voit un effectivement, qui lui préscrit du Tramadol 100 mg, en deux prises. M° Tort va éclairer cette prescription : le Tramadol est un antalgique puissant, de la famille des opioïdes. Absolument pas nécessaire pour des troubles du sommeil, et surtout à ne jamais prescrire en première intention. Le Tramadol doit être prescrit uniquement si des antalgiques ont déjà été administrés sans succès. Elle fait la longue liste des effets secondaires : vertiges, difficultés à parler, propos incohérents, et lui demande s’il était en état de répondre correctement aux questions de la DGSI, ce à quoi L. répond que non. On l’a assomé avec ce médoc ! ; entre deux interrogatoires. M° Tort dit que les flics ont « attendri la viande » avant de la cuisiner. 

L’avocate lui demande à quoi il répond et s’il est influencé par ce qui lui est dit en « off ». L. répond qu’en aucun cas ses amis, dont F., ne peuvent vouloir s’en prendre par la violence à des êtres humains ni même à des institutions au nom de la démocratie. Avec beaucoup d’émotion et de fatigue, il dit que c’est inconcevable quand on est « anarchiste » de vouloir s’en prendre aux personnes. Qu’on est « tous frères ». On voit beaucoup de regards émus dans la salle à ce moment là.

Sur la question de son droit au silence l’avocate lui rappelle que c’est son droit le plus strict, et lui demande pourquoi il  a parlé par la suite. L. répond qu’il y a énormément de pression et d’insistance, qu’on lui « retourne le cerveau ». Me Tort note que ses droits ont été bafoués en GAV, L. répond qu’à ce moment-là pour lui c’est très confus, que tout se mélange,  et qu’il en vient même à douter de ce qu’il croit, de son passé, d’informations qui ne viennent pas de lui. 

Me Tort rappelle que lors de l’audition suivante on demande à L. de charger F. au maximum. L. en vient à douter à force qu’on lui parle de guerre, d’explosifs, et en vient à croire ce qu’on lui dit. Il est paumé. 

Lors de la dernière audition, alors qu’il va être déféré devant le juge, il reparle d’airsoft comme d’un jeu et se dit perdu. L. répond qu’il est impossible d’émettre des réponses sincères dans ces conditions, que plus on le met sous pression et pire c’est, et qu’il considère que les valeurs humaines sont alors bafouées. 

Me Tort souligne le fait que bien qu’étant un grand angoissé, il est friand de films « catastrophe » et de jeux de rôle. Ce à quoi L. répond qu’en effet, il aime se faire peur et « sortir la peur de lui ». 

L’avocate rappelle que l’airsoft n’est pas une pratique confidentielle, 45000 personnes le pratiquent. Ont-ils pour autant l’intention de créer des milices ? L. répond que non, il pense que c’est un exutoire, et que dans son cas c’est une façon de se confronter à la peur pour s’en libérer. 

S’agissant des notes de M., dans lesquelles il ne se reconnaît pas, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’était pas présent. 

Sur la date du 25 mai, l’avocate rapelle qu’il n’y a pas de moyen de savoir s’il y avait plus de trois personnes, car il n’y a pas eu de surveillance de la DGSI ce jour-là. Uniquement bornage téléphones et notes de M. L. répond qu’il n’en a aucune idée. 

La juge revient brièvement sur les scellés effectués dans son camion et en profite pour glisser une remarque sur le fait que son camion était particulièrement bien rangé. ??  (quel rapport wsh)

BASTIEN

La présidente demande à B. quel était le but de vouloir obtenir son permis de chasse. B. répond qu’il avait pour projet d’acheter un terrain avec W., d’y faire un potager et d’y vivre en auto-suffisance. Qu’en rencontrant des personnes qui vivent à la campagne, éleveurs, agriculteurs, il lui a paru utile d’avoir le permis de chasse s’il vivait en montagne ou autre, pour effectuer des tirs d’effarouchement par exemple. Au moment de passer son permis il y a pris goût, lors des différentes épreuves pratiques (sangliers en bois, ball trap…). 

A Parcoul, B. se rend au stand de tir, l’envie vient de lui et pas uniquement de W. Il s’y rend une à deux fois par semaine, il fait des rencontres au sein du club, cela lui plaît. Des personnes leur font essayer des armes historiques, cela lui plaît et c’est notamment pour ça qu’il a acquis un revolver à poudre noire. 

La juge l’interroge sur l’achat d’un fusil à pompe en mai 2020 et lui demande si c’est pour lui-même. 

B. répond qu’au départ ce n’est pas du tout l’arme qu’il avait prévu d’acheter, qu’il avait vu une autre arme qui lui plaisait mais qu’en tombant sur celle-ci il l’a achetée. N’ayant pas le budget, F. lui a prêté l’argent nécessaire à l’achat, dans l’idée ou de lui revendre ultérieurement, une fois son permis de chasse passé, ou de la conserver. 

La juge fait remarquer que c’est une grosse somme d’argent pour un emprunt (400 euros) pour acheter un tel objet. B. lui rétorque que F. lui a prêté l’argent et que c’est son choix d’avoir acheté un fusil avec.

La juge rappelle que les personnes que B. et W. croisaient au stand de tir ont toutes témoigné qu’ils étaient des personnes sérieuses et passionnées par le tir sportif, et qu’ils étaient très attachés aux règles de sécurité. Puis elle demande ce qu’il en était du stand de tir à Parcoul. B. répond qu’à Parcoul il n’a pas souvenir d’avoir prêté son arme, qu’ils avaient fabriqué un stand de tir artisanal et qu’ils appliquaient toutes les règles de sécurité. 

Puis la juge lui demande à quel moment les répliques d’airsoft ont été montrées, B. répond qu’il ne se souvient pas de maniements de répliques d’armes avant la partie d’airsoft. Il y a eu plusieurs parties, lors de la même après-midi. 

Puis la juge lui demande de décrire comment ces parties se sont déroulées. 

B. dit que c’est allé assez vite, iels ont décidé de faire un jeu, se sont mis.es à marcher en colonne, prenant le « lead » à tour de rôle, et ont traversé la maison. Il explique que « prendre le lead »  c’est donner les instructions : « ouvre la porte », « nettoie cette pièce », etc. Iels ont beaucoup ri quand H. a pris le lead car elle donnait des ordres sur un ton très militaire mais que ce n’était pas du tout sérieux, c’était un jeu.

La juge lui demande ensuite s’il a eu l’occasion d’échanger avec F. sur certaines choses de son passé, B. répond que non. Puis il explique qu’il est un fervent adepte des jeux de rôle, qu’au bout de deux heures ça s’est essoufflé et qu’iels sont passé.es à autre chose. Il n’y a pas eu d’autres propositions de nouvelles parties par la suite.

A la question de savoir ce qu’il en avait tiré, B. répond qu’iels ont bien rigolé, et rien d’autre.

La juge demande s’iels avaient toustes les six une réplique d’arme, B. répond que oui, 4 appartenant à F. et 2 étant des jouets de fête foraine appartenant à W, qu’il avait dans sa chambre. 

La juge revient sur les déclarations de So en GAV, B. répond qu’il a désormais tendance à se méfier de ce qu’ont dit les un.es et les autres en GAV. 

Elle lui demande si L. lui a déjà parlé de parties d’airsoft, B. lui répond qu’il serait très étonné de la part de L. qui est très anti-armes et antimilitariste, mais que pour un rôliste (adepte des jeux de rôle), cela l’étonne moins. 

Sur la place qu’a pris cette partie d’airsoft lors de leur séjour, B. lui cite une anecdote : « j’ai passé plus de temps à faire de la veganaise (mayonnaise vegan) que des parties d’airsoft. Elle n’a jamais voulu monter » (rires).

La présidente revient sur la présence d’une arme à canon scié que B. avait aperçu à Parcoul et lui demande s’il était étonné, il lui rétorque que ce n’est pas quelque chose de rare, beaucoup de gens à la campagne en possèdent. Elle cite ses PV de GAV lors desquels il semble connaitre toutes les répliques d’airsoft. B. répond qu’on a dû lui montrer des photos à ce moment-là car il ne pouvait pas se rappeler d’autant de détails.

La juge lui dit qu’en GAV il semblait émettre un doute sur le fait que F. ait été sniper. B. lui répond qu’il avait le sentiment que F. était une « grande gueule et qu’il avait des doutes sur la véracité de ses propos. Cela s’est passé il y a plus de trois ans, il ne se rappelle pas tous les détails. Par ailleurs, tout le monde buvait beaucoup d’alcool. 

La juge revient sur le fusil acheté avec l’argent de F. Lorsqu’il a dit « je le laisse galérer », c’est parce qu’il n’avait pas encore pris sa décision sur le fait qu’il le garderait ou pas. 

Elle lit des citations de GAV, B. lui répète plusieurs fois qu’il n’a aucun souvenir de si F. a tiré avec sa carabine et ne se rappelle pas non plus de ce qu’il en a dit en GAV. La juge revient sur une phrase prononcée en GAV faisant le lien entre airsoft et ZAD, B. dit n’avoir aucune idée de pourquoi il a tenu ces propos à l’époque.

La juge revient sur une expression qu’il aurait prononcé, « boxe ta face », B. répond qu’il faisait référence à un atelier « boxe » qui a duré 20 minutes, et à l’issue duquel F. s’est retourné le doigt et a terminé à l’hôpital.

Assesseuse de droite 

Elle revient sur une phrase prononcée en GAV où B. parle de mauvaises intentions. B. avoue avoir cherché à se décharger et s’être désolidariser de F. A la lecture de la question de la DGSI, B. lui fait remarquer que la question ne devait pas être celle-ci ou alors qu’il manque le contexte et le « off ». 

S’agissant de la conversation entre F. et C., B. réaffirme qu’il s’agissait bien d’un jeu, et non d’un exercice ou d’un « entraînement ». 

Elle lui dit qu’il aurait évoqué deux après-midi au cours des trois semaines, ce à quoi B. répond que c’est faux, F. est resté un mois et les parties d’airsoft n’ont eu lieu que sur un après-midi. 

Procureur

Lorsqu’il prend la parole le procureur décrit les répliques d’airsoft comme des répliques « d’armes lourdes », ce à quoi B. répond que c’est le principe même de l’airsoft de reproduire la réalité. 

Le proc demande à quelle fréquence iels ont utilisé le stand de tir artisanal à Parcoul. B. répond qu’iels ont dû le faire une fois, avec trois balles tirées. Le proc lui dit qu’en GAV il a parlé de 3 ou 4 fois. 

Puis le proc lui demande s’il voit des ressemblances avec les descriptions de L. s’agissant de la pratique de l’airsoft. B. répond que oui, le fait d’ouvrir les portes, avancer…

Puis le proc cite des propos « ce monde part en vrille totale » prononcés suite au visionnage d’une vidéo d’extrême-droite et insinue que c’est cela qui l’aurait incité à s’armer. B. répond que c’est totalement faux, qu’il a dans un premier temps passé son permis de chasse, puis acquis une carabine, et que c’est plus tard qu’ils ont vu cette vidéo d’extrême-droite mais que ce n’est pas du tout l’élément déclencheur. 

Le proc lui demande pourquoi le fusil à pompe semi-automatique à plusieurs coups l’a intéressé à ce moment-là, et est-ce que c’était au sortir du confinement. B. répond que oui, le proc lui rétorque alors qu’il avait déjà passé commande à ce moment-là, ce à quoi B. répond qu’il doit avoir un problème avec la chronologie. 

Le proc fait remarquer que devant le JI il avait émis les mêmes doutes quant aux intentions de F. B. répond qu’il se sentait piégé par les propos qu’il avait prononcés à la DGSI.

Le proc lui demande alors pourquoi on devrait le croire aujourd’hui. B. répond que désormais il n’est plus dans les mêmes conditions, que depuis il a réfléchi, et qu’il est sincère et réfléchi.

Avocat.es 

Me Bouillon 

Elle lui rappelle qu’en mai 2020 il emprunte 400 euros à F. S’il avait vraiment des doutes sur ses intentions, ne se serait-il pas empressé de le rembourser ? B. répond que si, car dans les mois qui ont suivi il a travaillé et aurait pu le rembourser s’il avait eu un doute.

Me Bonaglia

Pour l’anecdote, il explique que le stand de tir à Parcoul a été achevé par une mauvaise manipulation de drone. 🙂

Il revient sur la vidéo d’extrême-droite vue sur Youtube et évoquée en amont par B., et sur l’issue de la plainte pour avoir tiré sur un mannequin d’un membre de la France insoumise, classée sans suite par le procureur de la République.

Il lui demande s’il connaissait F. au moment de passer son permis de chasse, lorsqu’il a acquis sa carabine et commencé à se rendre au stand de tir, ce à quoi B. répond que non, il ne le connaissait absolument pas. 

Me Bonaglia revient sur la fin de la discussion dans le camion (largement citée par la juge et le procureur), lors de laquelle les trois comparses proposent de se prostituer pour gagner l’argent nécessaire à l’acquisition de B. 

Puis il pose la question de savoir pourquoi lors de la partie d’airsoft iels n’avaient pas fait deux équipes pour faire une équipe contre l’autre. B. répond qu’iels n’avaient pas d’équipement de sécurité et que c’est probablement pour cette raison qu’iels n’avaient pas fait deux équipes.

VENDREDI 13 OCTOBRE

Camille va être interrogée sur la question des explosifs pour clôturer la « thématique ». La plupart des questions portent sur sa relation avec F. et sa complicité supposée. Est aussi abordé son rôle dans la confection de pétards à Parcoul.

Juge: avant toute chose, elle informe que le Tribunal a délibéré sur la demande de la veille (faire une requête à la DGSI pour obtenir les enregistrements vidéo des GAV), elle noie encore une fois le poisson en disant que cette demande sera jointe aux autres demandes « sur le fond » et qu’on en saura pas plus pour l’instant.

« Si ca vous intéresse, W. ce que je dis ? »

L’avocate Alice Becker : « Avez-vous reçu un mail de ma part ? » Le mail a été envoyé tôt dans la matinée et arrive « à l’instant » (13h49) sur la boîte mail de la Présidente. La DGSI l’aurait-elle intercepté ?

CAMILLE est à la barre

La présidente annonce les points sur lesquels elle sera interrogée. Principalement les essais de pétards à Parcoul.

Juge: « On ne vous voit pas apparaître tout de suite mais de manière indirecte dans la procédure préliminaire ».

Quelques conversations brèves qui disent peu de choses, des écoutes téléphoniques, une géolocalisation du téléphone, sa voix apparait dans les sonorisations du camion de Florian.

Une sonorisation lui est lue, dans laquelle on entend un appel entre elle et Florian. Il lui explique quelque chose à propos d’une action « à l’arrache », pas bien organisée, avec des Talkie-Walkie, etc. Il dit qu’il aime les trucs « plus pro ». 

– « On vous entend dire « Ouais » à plusieurs reprises », commente la Présidente.

C : F. a un certain goût de la mise en scène. A ce moment-là ce que je sais c’est que l’esprit fanfaronnade, ça ne m’intéresse pas.

J : « Oui, vous ne relancez pas ».

C : « Oui à la fois fanfaronnade et truc inconséquent : ne pas se faire prendre bêtement sur un truc inconséquent ».

J : « Il dit « il aime les trucs bien organisés ». C’est un gars bien organisé F ? »

C : « Je ne sais pas et ça dépend des sujets. Très désordonné ou très organisé selon ses centres d’interêt. Ca ne prédomine pas ». 

Autre sonorisation, le soir du vol d’engrais. F. envoie quelques messages audio à C., sans lui donner de détails, mais il la prévient qu’il part en petite « mission » et que si il ne donne pas de nouvelles le lendemain, c’est qu’il est « en prison ».

Juge : « Est-ce que vous étiez au courant du weekend avec S ? »

C : « Non je ne connais pas S »

J : « Paulnay, vous connaissez ? »

C : « Non. »

J : « Vous n’avez pas idée de l’emploi du temps de F ? »

C : « On ne se tient pas au courant de tout ce qu’on fait ».

J : « Est-ce que vous avez le souvenir de cette conversation ? »

C : « En dehors de la procédure, non. »

J : « Et maintenant ? »

C : « Bah je l’ai eu sous les yeux, donc oui, mais je ne suis pas capable d’en dire plus ».

J : « Une conversation classique ? »

C : « Pour recontextualiser, dans nos milieux on parle souvent de « mission », mais ça n’a rien à voir avec quelque chose de grave. Par exemple, dans nos réseaux de squats ou d’associations, il y a des façons de vivre autour de la récup. Ce vocabulaire ne me surprend pas ».

J : « Est-ce qu’il y a une manière de s’organiser ? Pour la récup ? »

C : « Oui, on prend toujours des précautions car on sait que pour de la récup, ou pour un collage d’affiches, on peut finir en GAV. Je n’ai pas pris au sérieux son message, ça m’a pas alarmée plus que ça ».

J : « Vous allez être géolocalisée, votre camion et ligne téléphonique. C’est comme ça qu’on sait que vous descendez en Dordogne. On s’assure de votre présence à Parcoul, on fait des recherches notamment sur vos achats. Vous n’avez pas contesté votre présence ».

C : « Je n’ai jamais contesté ».

J : « Vous préparez ce déplacement avec l’aide de votre père : il vous envoie des justificatifs par sms. Organisation pour permettre de bouger ».

C : « Oui, c’est ça ».

J : « On a la synthèse de cette communication : déplacement professionnel. Ce n’est pas ce que vous faites ? »

C : « Non, mais c’est le début du confinement, il y a des contrôles stricts et je n’ai pas de raison valable donc j’ai demandé ça ».

J : « Vous vous faites flasher en avril et vous donnez l’adresse du moulin ? »

C : « Non pas du tout. J’ai donné mon adresse à Rennes mais c’était la voiture de Will » (carte grise avec adresse du Moulin).

J : « C’était plus sûr d’avoir une attestation, pourquoi pas sur l’application ? »

C : « Je n’utilise pas ce genre d’application sur mon téléphone. C’est une question d’éthique ».

J : « Vous arrivez le 5 avril au soir, repartez début mai, vous y allez en juillet, y retournez fin juillet… Vous êtes retournée ensuite à Parcoul ? »

C : « Oui, une fois dans l’été. Voir une amie Audrey qui vivait à cette coloc. On s’est rencontrées aux vendanges également. Le weekend était pour organiser un séjour vacances avec une association de personnes sans-papiers du Périgord. J’y suis restée 3 jours. W était là. B n’était pas là ».

J : « Vous êtes partie avant Florian, pourquoi ? Vous vous y ennuyiez?

C : « On en revient toujours à cette histoire de hasard. A la base on devait se voir juste un week-end, puis il y a eu les annonces de confinement donc on a voulu le passer ensemble, c’était plus long que prévu. J’avais pas mes affaires. C’était chouette, mais j’avais pas mes ami.es proches, pas mes activités à Rennes. Financièrement j’étais juste. Je cherchais du boulot. Je suis restée quelques semaines à Parcoul mais j’ai choisi de rentrer chez moi à un moment ».

J : « Quand vous êtes en GAV vous avez répondu mais pas à tout, surtout quant à votre vie privée. On a plus d’informations sur votre parcours, moins sur vos activités. Votre droit au silence est respecté ». 

* Interrogatoire sur la connaissance des explosifs*

J : « Avez-vous des connaissances sur la question ? » 

C : « Non ».

J : « Attirée ? »

C : « Non ».

J : Des questions plus précises vous sont posées à la 5ème audition : vous choisissez de ne pas vous exprimer. Tentative à la 7ème audition sur les explosifs, vous ne voulez pas répondre. Vous vous êtes exprimée très brièvement sur ça devant le juge d’instruction. Vous évoquez la possibilité d’avoir participé. Vous vous rappelez ? »

C : « Oui, mais je voudrais préciser ou nuancer sur la GAV et la première comparution. Je ne m’étends pas sur les conditions d’arrestation. On refusait de me dire pourquoi j’étais arrêtée. Quand l’OPJ s’apprêtait à le faire, on l’a coupé. Au moment de l’énoncé du chef d’inculpation, et pendant le temps de la procédure, je l’ai contesté. J’ai toujours demandé qu’on m’explique les faits reprochés. C’est pourquoi j’ai refusé de parler. A plusieurs moments j’ai également refusé de répondre à des questions politiques ou sur mon intimité que je trouvais déplacées. Quand on a commencé à parler airsoft, j’ai expliqué, mais je n’étais pas écoutée. A un moment donné c’est une machine à broyer. J’ai arrêté de répondre parce que mes réponses ne changent rien à ce qui est en marche ».

J : « Ça figure pourtant clairement dès la première audition, votre chef d’inculpation ».

C : « Vous pouvez comprendre que cela semble complètement déconnecté de ma vie. Je ne comprenais absolument pas le rapport entre ces mots et ma vie ».

J : Pas de connaissance, d’attrait pour les armes ? »

C : « NON ».

J : « On en vient à cette histoire de bateau. Est-ce lié à votre arrivée ? »

C : Je ne crois pas que cette cérémonie du bateau a eu lieu le soir-même, parce que mon arrivée était tardive. Il y avait un effet d’accueil et de joyeuseté qui prédominait notre arrivée. Telle que je ressens notre arrivée – une visite du lieu, lieu magique, joie des habitant·es de nous faire découvrir la prestance du lieu. L’idée est d’investir ce lieu, le rendre joli, faire un bar, dépoussiérer, etc. C’est dans ce cadre la cérémonie du bateau ».

J : « Vous vous souvenez de comment germe l’idée de nouveaux pétards ? »

C : « C’est l’effet d’émulation, d’enthousiasme du groupe pour améliorer l’idée du bateau ». 

J : « Vous avez déclaré en 2020 : « De ces choses là, activités, on a fait de l’airsoft et des expérimentations d’explosif. Ca peut paraitre bizarre mais il y avait un engouement pour le feu et les pétards. Un effet d’émulsion ».

J : « émulation plutôt. Et cette recette, elle ne vient pas de vous ? Est-ce que c’est Florian ? 

C : « A peu près clair. Deux substances dont TATP (mais je ne savais pas) et engrais + sucre

2 substances testées : une dont Flo connaissait la recette mais ne la maitrisait pas, et une recette à base de cristaux. On a fait des recherches internet sur place ».

J : « Mais cette histoire de bateau arrive très vite ». 

C : « Le bateau est le point de départ festif de nos essais ». 

J : « Dans votre souvenir, qui est celui ou celle qui connaissait le plus ? »

C : « Je suis incapable de dire ».

J : « Mais qui en a parlé en premier ? »

C : « C’était une émulation collective, c’est venu spontanément. Il y a eu un engouement pour la fabrication de pétards ».

J : « Essais, expérimentation ratée, puis gros boum, puis ça s’arrête. Pouvez-vous expliquer ? Combien de jours ?

C : « Ca n’a pas duré plus de 2-3 jours. On a fait ça par curiosité. Si ça avait pas marché, on aurait arrêté de toute façon. »

J : « Qui participait ? »

C : « F. Moi. B. W. So. H., présent.es à différents moments, différentes étapes, pas toustes en même temps. Il y avait du temps d’attente, on faisait autre chose pendant ce temps ».

J : « On a compris, tout le monde tatônne, chacun y va de son commentaire… Vous saviez ce que ça allait donner ? »

C : « Ah bah on s’attendait à une explosion de pétard. On ne savait pas ce que ça allait donner chimiquement ».

J : « Vous vous souvenez des étapes ? Dans quelle ambiance ? Conscience de la dangerosité ? »

C : « Le fait que ça prenne feu, c’était pas bien on savait. Le but était de faire une poudre. Il y avait un esprit de confiance, bon enfant. Peut-être une sorte d’inconscience du danger. On aurait pu se faire mal ! On était dans une ambiance guillerette au début, puis après le gros boom on a été surpris.es ».

J : « Qui a transporté l’explosif ? »

C : « On y était tous. C’est sûrement F. qui a pris dans ses mains le produit ».

J : « Les mèches, d’où elles venaient ? »

C : « Je sais pas ».

J : « Pourquoi W. n’est pas venu ? »

C : « Il a prétexté vouloir garder les chiens, j’ai pas cherché à en savoir plus, ça me paraissait logique ».

J : « Qui a allumé le pétard ? »

C : « Je ne me souviens plus ».

J : « Et donc on comprend que ça fait boum, et tout le monde a eu peur ? »

C : « Je pense pas qu’on ai eu peur. Je dirais plutôt, j’ai été surprise, pas fière. Un peu comme une gamine qui a fait un bêtise ».

J : « L’idée de ne pas recommencer, comment c’est venu ? »

C : « Pour moi, c’était une évidence, chacun l’a exprimé plusieurs fois, à différents moments. Tout a été rangé et le reste de matière a été détruite ».

J : « On vous entend, le 11 avril, dire « T’es grave », il y avait une certaine dangerosité dans le comportement de M. D. ?

C : « Non pas du tout, c’était une blague qu’il a dû faire. D’ailleurs, on entend que je suis particulièrement attentive à prendre des précautions : « t’as le temps de t’éloigner », « on commence à s’ennuyer », etc ». 

J : « Vous connaissiez le TATP ? Vous n’avez pas fait le lien ? »

C : « J’en avait peut-être déjà entendu parler, je ne sais pas. Je n’ai pas du tout fait le lien ».

JUGES ASSESSEUSES

J2 : « Ça vous a paru simple à fabriquer ? »

C : « Non pas si simple, on a quand même bien galéré ». 

J2 : « Cette simplicité ne vous a pas fait peur ? »

C : « Oui, disons qu’après on s’est rendu compte qu’on aurait pu se blesser gravement ».

J2 : « Qu’est-ce que vous en avez tiré, comme expérience ? »

C : « Bah… j’en ai rien tiré ! »

J3 : « Pourquoi ne pas avoir arrêté avant ? Vous dites que vous vous ennuyez à un moment ».

C : « Oui l’ennui est venu à un moment, l’amusement initial est retombé ».

J3 : « Qui avait fait les recherches sur internet ? Chacun avait son accès personnel à internet ? »

C : « Je ne sais pas, je n’y ai pas participé ». 

J3 : « C’est F. qui a proposé la recette ? »

C : « Je ne sais pas, l’idée à dû émerger au fil de discussions mais ça ne m’a pas marqué ».

PROCUREUR

Porc : « Bonjour C., M. D. a été sur une zone de guerre, il en parlait souvent ? On peut penser qu’il en a retiré certains troubles, une fragilité ».

C : « Bah oui ça arrivait qu’on en parle. Non je n’ai pas remarqué de troubles quelconques ».

Porc : « N’y a t-il pas une incohérence, une contradiction à faire des activités liées à la guerre, comme l’airsoft et les explosifs ? »

C : « Non, comme il l’a expliqué, ça n’a rien à voir avec la guerre ».

Porc : « Nous savons que vous avez des contacts réguliers mais on n’y a pas accès car vous utilisez Signal, cependant on peut écouter grâce aux sonorisations de son camion des messages audio qu’il vous laisse. On entend par exemple qu’avant sa rencontre avec S. il vous dit « j’ai pas mal de boulot », « je vais bosser », « je suis bien arrivé », vous savez donc ce qu’il fait à ce moment ? Quand il « bosse », de quoi il parle là ? »

C : « Non, je ne connais pas les détails de sa vie, ni où il est ni avec qui. C’est l’inverse que montrent les sonorisations, on voit bien qu’on ne se donne aucun détail de nos vies. Ces accusations remettent en question tout ce que je porte dans ma vie ».

Porc : « Il vous dit pourtant préparer une « petite mission » ça ne vous intéresse pas plus que ça ? »

C : « C’est un mot qu’on utilise tout le temps ».

Porc : « Vous saviez que c’était un vol d’engrais ? Il a volé de l’engrais ? Oui mais l’engrais ? L’engrais vous comprenez ???? ENGRAIS ! (il dit 15 fois le mot en 3 minutes)

C : « Non je ne savais pas du tout, comme je l’ai déjà dit ».

Porc : « En GAV, dès qu’on aborde Parcoul, vous ne répondez-plus, pourquoi ? Vous comprenez, au moment où on vous parle de la confection d’explosifs, vous gardez le silence, c’est étrange… »

C : « C’était au bout de 3 jours, j’étais épuisée. Je pourrais m’étaler sur les menaces d’agression sexuelle et les kilos que j’ai perdus en GAV, mais ça risque de prendre du temps et je ne suis pas sûre que ça vous intéresse, mais allons-y M. le procureur ! »

Porc : « Et la recette d’explosif, elle vient de qui ? »

C : « J’y ai déjà répondu ».

Porc : « Et l’eau oxygénée, pourquoi 3L ? Vous avez dit-être en situation financière compliquée, on a du mal à comprendre cet achat… »

C : « Je n’étais pas en situation financière compliquée mais en effet je commençais à devoir chercher du travail. Et ça ne coûte pas cher du tout, quand je commande, quitte à payer des frais de port, je préfère en prendre un peu plus.

Porc : « Vous avez conscience de la différence entre un pétard et un explosif ? » 

C : « Explosif ce n’est pas le terme que j’ai employé ».

Porc : « En interrogatoire vous dites explosifs ».

C : « A force de répéter ce terme j’ai été prise par l’aspect performatif, mais je le réaffirme aujourd’hui nous voulions fabriquer des pétards ».

Porc : « Certes. Et quand F. sort son engrais, vous savez donc qu’il en a !! (il jubile de sa tautologie) Et après le test, il garde tout ? Ca vous fait rien de savoir ça ? »

C : « Non. Ça ne me regarde pas ».

Porc : « Vous dites avoir eu peur après le boum, et finalement ça ne vous inquiète pas qu’il garde tout dans son camion ? L’engrais, les mèches, les produits… »

C : « Je ne pense pas qu’on a eu « peur », mais on était surpris, oui. Mais de quoi j’aurais dû m’inquiéter ? Aucun de nous n’a acquis un quelconque « savoir-faire » après Parcoul. Il n’y avait pas d’envie d’en refaire. J’en ai aucune idée de ce qu’il a dans son camion, je ne le range pas tous les jours si c’est ça que vous imaginez ! »

AVOCATS

Avocate : « Rappelez-vous combien de fois vous voyez F., en tout ? » 

C : « 3-4 fois maximum ».

Avocate : « Ah, c’est intéressant parce que le PV de judiciarisation de la DGSI en février 2020 nous parle d’une « relation étroite », c’est donc totalement faux. Et votre date de rencontre aussi est fausse.

Vous échangez principalement par Signal, en témoignent les sonorisations du camion de F. Là encore, rien sur les explosifs, rien sur S., rien sur les armes. Sur quoi échangez-vous principalement ?

C : « Principalement de nos « timming de bougeage », pour se croiser à l’occasion ».

Avocate : « Parcoul c’est un peu un hasard non ? Vous arrivez très tard le 5 avril, vous ne faites pas de courses avant d’y aller ? On voit que ce n’est pas préparé du tout ».

C : « On a dû se motiver trois jours à l’avance en effet ».

Avocate: « Puis vous partez le 7 mai, dès fin avril on le voit par l’interception de vos SMS, vous préparez votre départ ».

C : « Oui ».

Avocate : « L’eau oxygénée que vous avez achetée, une partie a servi à Parcoul (trousse de secours), et l’autre partie était dans votre chambre n’est-ce pas ? » 

C : « Oui l’eau oxygénée était sur une étagère dans ma chambre, avec ma boite à couture ».

L’avocate sort les photos de sa perquisition : la chambre est saccagée.

Avocate : « Donc les enquêteurs retournent votre chambre violemment, votre lit est même cassé, pourtant ils ne prennent pas votre eau oxygénée (un précurseurs du TATP), mais repartent avec un poster sur le Rojava ? »

C : « Oui c’est ça… »

Avocate : « On voit que dans les écoutes, personne ne prononce le terme de TATP,  vous même vous connaissiez ce terme? Le Juge d’Instruction semble prétendre que vous feignez ne pas connaitre ».

C : « Non, je l’ai appris dans cette enquête. J’en avais peut-être entendu parler vaguement dans les journaux, mais aucun souvenir ».

Avocate : « Et qu’en pensez-vous maintenant ? »

C : « Bin on aurait pu se blesser salement ».

Avocate : « Quand vous recroisez Florian, vous ne refaites pas d’explosifs ? »

C : « Non pas du tout, quand on se voit, on part en vacances, on randonne, on discute de tout et de rien ».

Avocat : « Quel est le lien que vous entretenez à Parcoul avec le voisinage ? »

C : « Les voisins sont passés plusieurs fois ! Une voisine est arrivée par la rivière une fois, on est allé.es saluer les voisins ».

Avocat : « Donc, les voisins pouvaient passer à tout moment, même quand vous faisiez vos expériences ? En somme, rien de bien clandestin n’est-ce pas ? »

C : « Tout à fait ».

La thématique des explosifs est close, la juge souhaite poursuivre sur les armes et l’airsoft avec C., elle lui laisse le choix de refuser et de passer un autre jour. Elle refuse et c’est W. qui prend la suite au sujet des armes.

WILLIAM à la barre

W. a obtenu son permis de chasse en 2019

Il est en possession d’une carabine 6 coups et d’une carabine 12 mm, armes de catégorie C déclarées auprès de deux préfectures. 

En GAV W. s’est exprimé sur ses armes.  Sa famille et lui collectionnent les objets militaires, lorsqu’il était jeune il tirait avec son grand-père au fond du jardin. 

W. a également fait 6 ans de tir à l’arc, et s’était récemment inscrit à un club de tir, proche de Parcoul, où il se rendait une à deux fois par semaine.

La présidente lui demande si être en possession d’un permis de chasse ne l’a pas amené à chasser et souligne la contradiction avec sa défense de la cause animale, W. répond qu’il n’en a pas eu le temps à cause du confinement, qu’il ne connaissait aucun chasseur dans la région et que pour lui le tir est un hobby. Concernant son engagement pour la cause animale, il n’est plus végétarien aujourd’hui et souhaitait chasser dans un but d’autonomie (notamment, nourrir ses chiens). Sur le fait qu’il soit en possession d’armes « opérationnelles », W. précise que seule l’une des carabines est vraiment létale, les autres n’étant pas assez létales pour la chasse et donc utilisables uniquement pour le tir sportif.

Sur le fait qu’un stand de tir ait été mis en place à Parcoul, W. explique qu’il s’agissait seulement d’un tréteau pour s’appuyer avec une cible posée plus loin. Ses ami.es se sont essayé quelques fois au tir mais toujours en sa présence, pour assurer leur sécurité, et sur des temps courts. F. n’a tiré que 3 ou 4 cartouches. 

S’agissant de la pratique de l’airsoft, W. dit ne pas être très intéressé, cela n’a rien à voir avec le tir, certes l’aspect « mise en scène » est amusante, mais pas plus que ça. Il a néanmoins participé à quelques parties à Parcoul sur une journée, les parties ont eu lieu dans la maison. 

W souligne que cela n’a absolument rien à voir avec un véritable entraînement militaire : « Mon père m’aurait ri au nez si on lui avait parlé d’entrainement militaire ».

Tout le monde a participé sauf une personne.

L’objectif de ces parties était de s’amuser, de « jouer à la guéguerre », soit en avançant tous ensemble vers un objectif commun, soit en faisant deux équipes qui s’affrontent.

La présidente insiste pour savoir qui a proposé et savoir si c’est F. qui a « pris les choses en main ». 

C’est F. qui a proposé la partie d’airsoft, il leur a montré comment s’introduire dans une pièce et la sécuriser, mais en aucun cas il ne leur a transmis un savoir-faire militaire ni tactique, c’était pour s’amuser et passer le temps au bout d’un mois de confinement. Il en a retenu une bonne partie de rigolade.

La juge lui demande s’il était au courant que F. avait d’autres armes à sa disposition, W. lui répond que non. 

S’agissant de la volonté de F. de passer le permis de chasse, W. se rappelle en avoir parlé avec lui, pour des questions d’autonomie alimentaire. La juge cherche à savoir si F. a sollicité W. pour qu’il l’aide à obtenir une arme, il répond que non. 

Elle lit une sonorisation qui aborde le sujet du permis de chasse de F. et du choix de la meilleure arme « pour tuer des poulets », W. répond que c’est une blague, F. ne restant pas souvent sérieux plus de 5 minutes, mais qu’il s’agit d’acheter de quoi chasser le sanglier et du gros gibier. Elle souligne que dans cette conversation ils paraissent déçus de ne pas avoir les moyens d’acheter une arme adaptée, W. répond « qu’en général, on veut ce qui coûte le plus cher ». F. fait une blague sur la Turquie et dit qu’il va « aller à la source pour s’en procurer une ».

La présidente mentionne un appel téléphonique au sujet du permis de chasse que F. aurait faite précédemment chez l’armurier le 5 juin.

Puis la juge demande à W s’il sait si F. a acquis une arme, W. répond qu’il ne sait pas.

Elle cite une conversation avec B. au sujet de l’achat d’une arme pour F., un fusil à pompe, d’un montant de 300 à 400 euros « à la louche ». Elle s’étonne que F. envisage d’acheter une arme avant d’avoir obtenu son permis de chasse, W. explique que c’est parce qu’il s’agissait d’une très bonne affaire (plusieurs centaines d’euros de réduction). B. aurait acheté l’arme pour F. mais a souhaité la garder car il l’aimait bien et s’y était habitué au stand de tir.

Le juge demande à W. s’il était au courant que L. avait fait des rencontres airsoft et s’il avait connaissance des ateliers avec M. et L. : « Non. »

Devant le JI, W. aurait dit de ses camarades qu’ils étaient des « mauvaises fréquentations », ce à quoi W. répond : « Ce n’est pas lui qui a apporté le bordel dans ma vie, c’est l’enquête de la DGSI qui a foutu le bordel dans ma vie ».

La juge aborde « L. et son petit délire survivaliste » et demande si son souhait était de former de petits groupes survivalistes. Elle cite des morceaux de conversation portant sur l’autonomie, un possible crack boursier, le souhait d’occuper une ferme abandonnée, ce à quoi W. répond que dès qu’ils regardaient les informations, ils voyaient des gens « s’entretuer pour du PQ ». 

W. confirme qu’il y avait bien un projet de vivre en autonomie alimentaire et de faire des activités, mais que le reste relève du délire lié au confinement et à ce qui se passait alors dans le monde.

Avec le Covid et le confinement les prix de l’immobilier ont flambé, et il leur était impossible de trouver un terrain ou une bâtisse de l’ordre de ce qu’iels cherchaient. 

Juge assesseuse de droite : 

JA : « F. parle beaucoup de Rojava. Comment passe-t-on du récit à une mise en situation ? » 

W. : « Je ne comprends pas la question ».

La juge cite des déclarations de So. sur le fait « d’apprendre à se déplacer », du fait que F. « était fan de tout ça », « voulait qu’on fasse ses entrainements », « était obnubilé par les armes ». 

W. déclare que cela ne reflette pas du tout ce qu’il a vécu et regrette qu’elle ait vu les choses comme ça. 

Procureure : 

Elle se demande pourquoi faire toutes ces démarches pour obtenir l’autorisation d’une chasse gardée et sous-entend que c’est bizarre.

W. lui rétorque que non, et la remet à sa place en lui expliquant les réalités de la campagne, il ne souhaite pas s’attirer des problèmes en déclarant son terrain « réserve interdite à la chasse » (provoque l’hostilité des chasseurs), il évoque la nécessité de pouvoir chasser les nuisibles sur son terrain, et sa volonté de pouvoir être auto-suffisant en viande.

La proc lui demande quel investissement financier cela représente, autant d’armes !

Il répond que ça ne lui a pas couté très cher, environ 600€, que la plupart de ses fusils ont été donnés ou achetés d’occasion, pas cher du tout. Il se rend à des bourses aux armes et cherche chez les antiquaires.

Elle lui redemande combien de fois par semaine il s’entraîne au tir, même réponse, une à deux fois par semaine.

La proc évoque une conversation entre F., M., et L. au sujet des armes et de la chasse, W. rétorque qu’il n’était pas au courant.

Des soupçons sur la volonté de F. de se procurer une arme alors qu’il serait végétarien : W. estime que si F. cherchait à obtenir une arme sans vouloir chasser, alors il n’aurait pas besoin du permis de chasse,

Il est beaucoup moins coûteux d’aller s’entraîner au stand de tir, c’est donc qu’il s’intéressait à la chasse.

La proc cite alors une sonorisation sur la crainte de la montée du fascisme, W. rétorque que cela n’a aucun rapport, qu’en aucun cas il n’est question de s’armer pour tirer sur des gens.

Elle cite un extrait de conversation entre F. et C. au sujet des parties d’airsoft où F. évoquerait un « partage de connaissances » et ferait le lien avec le Rojava, ce à quoi W. répond qu’il n’y a pas eu de debriefing après les parties d’airsoft et qu’à ses yeux il n’y avait pas de notion de partage d’une expérience particulière.

Au sujet des séances de tir, avec F. ce n’est arrivé qu’une seule fois, parfois W. en faisait tout seul.

La proc cite à nouveau les propos de So. et Ma. sur le fait qu’il s’agissait « d’entraînements paramilitaires », que « tout tournait autour de ça ». Cela semble totalement disproportionné aux yeux de W. qui rappelle que les parties d’airsoft ont eu lieu sur seulement une après-midi. 

Elle insiste et se questionne sur le fait que Ma avait deviné que c’était F. qui avait été arrêté le 8 décembre 2020.

Avocate

L’avocate prend la parole et insiste sur le fait que W. est extrêmement attentif aux questions de sécurité s’agissant de la pratique du tir. 

A la question de savoir pourquoi il pratique le tir, W. répond que ça le détend, qu’il est dans sa bulle, se concentre et qu’il aime ça. Il pratique le tir au stand de tir avec un gendarme, qui préside l’association. Il pourrait avoir fait des démarches pour avoir accès à des armes de catégorie 2 mais cela ne l’intéresse pas.

Le 12 mai 2020, jour du déconfinement, W, F, et B se rendent au bar, font du lèche-vitrines. Ils font un tour à l’armurerie et B acquiert une carabine à poudre noire de 1820. Sur les sonorisations on entend parler de « gratter le numéro de série avec une pièce », W. rétorque que cela n’a aucun sens, on ne parle pas de fusil, ce n’est même pas son calibre, et en aucun cas on ne peut gratter un numéro de série d’une arme avec une pièce.

Sur la question du survivalisme, le  25 mars est « le début de la fin du monde », l’autonomie revêt un caractère pacifiant. Il est question d’acheter un terrain sur lequel faire un potager, avoir l’accès à l’eau, vivre en collectivité et en autosuffisance. L’avocate souligne le fait que cela n’a aucun rapport avec une AMT.

Sur les déclarations de So., W. répond qu’elle n’aime pas du tout les armes, ni les douilles qu’il lui offre. (il a l’habitude de récupérer des douilles usagées et d’en offrir à tout le monde).

« Si on fait le décompte des activités de gauchistes machiavéliques au long du séjour on compte 3 jours de pétards et 1 jour d’airsoft. » déclare-t-il pour remettre un peu les choses à leur place.

Me Bouillon : 

Lors de la GAV, la DGSI a affirmé que l’élément de roquette (tubulaire) servant d’élément de décoration chez vos parents se trouvait chez M. Fraga. Lors de sa perquisition, des armes ont été retrouvées dans le matériel d’airsoft. Vous lui avez-vous prêté ? 

On apprend là qu’un élément de lance-roquette de collection a été laissé pendant la perquiz chez ses parents, puis, avant de partir, un gradé de la DGSI a dit : « Prends, ça peut toujours servir », et que des agents de la DGSI ont utilisé cette « saisie » pour prétendre lors d’une GAV que cette arme avait appartenu à F. et qu’il l’avait stockée chez quelqu’un. W. déclarera : « C’est honteux, c’est ce que j’appelle une barbouzerie ». 

Me Bonaglia : 

Sur la question de posséder un permis de chasse, il est indispensable y compris pour chasser les nuisibles sur son propre terrain. 

Me Meyniard : 

Elle dit que W. est passé d’un monde urbain au monde rural, et qu’il a découvert le monde de l’élevage.

Elle évoque une autre barbouzerie. W était visé par une enquête du SNEAS : il avait écopé d’une condamnation il y a longtemps pour la défense de la cause animale, le SNEAS trouvait ça étrange qu’il obtienne un permis de chasse et a demandé à ce que ses armes lui soient retirées. La DGSI a alors donné pour instruction de ne pas lui confisquer ses armes. C’est à la fois la preuve qu’il n’était pas considéré comme dangereux par la DGSI, mais aussi que la DGSI avait besoin que des armes soient présentes dans le dossier pour habiller les arrestations prévues plus tard.

JEUDI 12 OCTOBRE

L’audience aujourd’hui porte sur la questions des « explosifs » (aussi appelés « pétards »).

WILLIAM

La présidente resitue le contexte en précisant que W. est présent à Parcoul, et cite les personnes présentes à ce moment-là, en avril 2020. Rapidement, elle pose une question qui démontre un parti pris, celui de l’instruction : essayer de mettre à jour un lien entre F et les essais d’explosifs : « Est-ce que vous estimez qu’il y a un lien entre l’arrivée de F. et le début des essais, comme vous l’avez dit en garde à vue ? »

W. précise que non, il n’y a pas de lien avec F. mais que c’est plutôt lié à la vidéo du bateau (un petit bateau en bois brûle sur la rivière avec de la musique style symphonie. Des fusées et pétards partent dans les flammes, très drôle et très amateur :), le tout avec des rires, des chiens qui passent et un commentaire de la personne qui filme « c’est naaaaaaaaaze » ). Il ne se rappelait plus l’élément déclencheur du bateau, cela lui est revenu plus tard. C’est le confinement, il n’y a plus de pétards pour finir de couler le bateau de manière plus glorieuse et iels décident de fabriquer elleux-mêmes des pétards.

Il se saisit de la question de la présidente pour répondre sur les conditions de la garde à vue, et la valeur à accorder à ses paroles dans ce cadre. Il explique que les flics lui ont mis une grosse pression, en off, c’est à dire en coupant la vidéo, en lui disant que F. « était en train de faire de la merde » et qu’il fallait balancer un maximum contre lui pour s’en sortir. Ils ont des moyens de pression : W. dit qu’il manque de courage, qu’il veut voir son grand-père agonisant, qu’il veut voir son chien. Il revient sur la plupart de ses déclarations. Notamment à la question « Est-ce que F. est un leader charismatique ? ». A ce moment-là, il se rend compte que la DGSI veut la tête de F.

La juge oriente ensuite sur la préparation : qui apporte le matériel, qui est à l’initiative des recherches de recettes d’explosifs, qui a le savoir-faire, en orientant encore les suspicions vers F. W. rappelle qu’il s’agissait de faire des pétards, de manière ludique, que l’ambiance était bonne, que c’était sans malice, et plutôt dans une idée féstive suite à la vidéo du bateau. La durée approximative des essais a duré 2-3 après-midi. Que tout le monde allait et venait sur ces tentatives, qu’ils tâtonnaient, ne savaient pas faire, qu’ils ont cherché et trouvé sur internet.

La juge lui fait remarquer que ça aurait été préférable de le dire avant, pendant l’instruction. Elle fait une remarque sur le fait qu’elle comprend que les conditions ne sont pas les mêmes pendant l’instruction, et que bon, « Mieux vaut tard que jamais… » sympa !

Le garage sur le terrain contenait des produits, notamment de l’acétone et de l’acide. Pour ce qui est de la recette nitrate sucre, W. en a déjà entendu parler dans le monde paysan, il n’est pas surpris. 

Elle cite les auditions et lui demande pourquoi étant le seul intéressé par la pyrotechnie (évocation d’une possible formation qui ne s’est jamais faite), il est aussi le seul à n’avoir pas assisté à l’essai final :

« A la base, on confectionnait des pétards, il y a eu des échecs répétés. Quand ça a réussi j’étais avec les chiens, le gros boom, j’ai cru qu’ils étaient tous morts et ils sont revenus tous choqués, ça m’a surpris, le bruit était intense ». Il explique qu’il commençait à se lasser des essais ratés et étant « mono-maniaque de la sécurité », c’était un peu trop « bidouille » à son goût. Il s’en est désintéressé et a préféré aller s’occuper des chiens à ce moment-là. Si cela avait été une question de danger, il n’aurait jamais laissé ses ami.es prendre le moindre risque et les en aurait dissuadé.es.

« Iels rentrent comme des gamins qui ont fait une bêtise et qui se sont faits peur ». 

La présidente l’emmène sur le fait qu’iels n’aient plus discuté du sujet et cherche à savoir s’il y a eu un accord entre elleux pour ne plus en parler. W. explique qu’un accord tacite de passer à autre chose et de ne plus reparler de cet épisode a semblé alors évident à tous.tes.

La juge l’interroge sur les étapes de la recette, W. lui répond que 4 ans plus tard il ne se rappelle plus, ni des circonstances de recherche de la recette, ni des étapes de fabrication. Il se rappelle juste qu’une douille récupérée au stand de tir leur a servi de récipient pour y mettre le résultat final (quantité approximative 2g). 

La juge évoque le fait qu’il voulait faire une formation d’artificier mais qu’il avait évoqué avec S.P. des difficultés administratives.

La présidente relit les déclarations de S.P. en GAV sur la question de l’allumage des cristaux dans des douilles et sur le fait d’avoir le temps de s’éloigner, réflexion à laquelle W. participe. Mme P. dit avoir agi par « effet de groupe ».

La présidente demande si tout le monde se sentait obligé de participer aux activités, W répond que pas du tout, ça allait et venait.

La présidente utilise les déclarations de S.P. pour demander si c’était lourd que F parle régulièrement du Rojava et elle oriente ses questions sur le lien entre sa présence sur une zone de guerre et la fabrication d’explosifs.

W. répond qu’il n’y avait aucun rapport entre les deux, et qu’il n’a jamais posé de questions sur l’expérience de F. au Rojava par pudeur.

Sur les propos de H. en GAV, la présidente cite « la cérémonie du bateau » et cherche à savoir pourquoi l’histoire du bateau n’est pas arrivée plus tôt.

Assesseuse 1 : 

L’assesseuse cherche à savoir comment étaient fêtés les évènements au cours de ce mois et cherche une raison précise à cet épisode du bateau.

Puis elle lui demande ce qui lui a fait peur, W. répond que c’était des bidouillages à l’arrache avec des recettes que personne ne maîtrisait.

Elle lui demande s’il a cherché à trouver des recettes de pétards auprès d’amis pour son projet professionnel, W. répond que non, pas du tout. Au passage, elle se trompe dans sa question et commence par « Vous aviez un artificier avec vous… » puis elle se reprend et se corrige. Elle mélange tout.

Elle lui demande s’il connaissait le TATP, W. répond qu’il ne connait pas le mot TATP et qu’il ne se souvient plus des mots-clés utilisés lors de la recherche sur internet.

Procureure : 

Elle lui rappelle que ce n’était pas sa première garde à vue et qu’il avait été assisté d’un avocat à chaque audition. W répond que ce n’était pas le meilleur.

Elle le décrit comme étant quelqu’un qui paraît très soumis en GAV et cite ses réponses. W répond qu’il était très inquiet pour son chien, que le flic lui en donnait des nouvelles, qu’il était perdu.

La proc cite ses réponses aux auditions devant le JI, à qui W. avait répondu qu’il avait donné noms et adresses et qu’il souhaitait sortir de prison.

Puis elle lui rappelle ses propos sur F. et lui demande qui il est pour lui, « un leader charismatique », s’il a « l’âme d’un leader ». W. répond qu’il s’est déjà exprimé là-dessus, qu’il regrette ses propos qui ont été prononcés parce que c’est ce que le JI avait envie d’entendre et qu’il est aujourd’hui désolé de ce qu’il a dit.

Sur la fabrication d’explosifs, la proc tente de souligner des contradictions entre ses propos en GAV et ses propos actuels sur le caractère festif de ces essais. Elle tente aussi de le piéger sur les propos qu’il aurait tenu sur F. qui aurait été présenté comme le « leader », celui qui donne les instructions. W. rétorque que sur les écoutes on entend clairement que c’est collectif et que tout le monde tâtonne, mais qu’en GAV il cherchait à se dissocier de F. par crainte d’aller en prison.

La proc lui demande d’où venaient les mèches. W. répond que ce sont les siennes, il en avait aussi utilisé pour le bateau.

Elle lui demande alors son degré de connaissance au sujet de l’utilisation d’une spatule en bois pour mélanger des produits chimiques (elle cite une sonorisation), il lui répond que c’était juste de la déduction, de la logique.

La procureur lui ressort encore une fois ses antécédents judiciaires en faisant un parallèle et en mettant en perspective sa déclaration de rester dans la légalité et de ne plus manipuler de produits dangereux. Elle parle d’explosifs, W. lui répond : « J’ai toujours appelé cela des pétards » et lui rappelle, à sa demande,  qu’il n’y avait pas d’explosifs lors de sa condamnation en 2010.

Elle le reprend alors « des explosifs, les mots ont un sens ! », elle en profite pour lui demander s’il est conscient que la manipulation d’explosifs en droit commun peut mener à une peine de 10 ans. 

L’avocate prend la parole : « W. a toujours utilisé le terme pétards ! ».

Questions de l’avocate (Bonvarlet): 

Elle lui demande si c’est sa première GAV anti-terro et s’il en a été informé dès le début.

– « Oui, avec un fusil d’assaut sur la tempe, c’est la panique à tous les étages, je suis terrorisé ».

W explique que son monde s’écroule.

Puis l’avocate le questionne sur le moment « off » en GAV. W. explique que les caméras sont éteintes, que l’inspecteur lui avait dit que F. était « sur le point de faire de la merde », et que son avocat commis d’office lui conseille de balancer le plus possible car il risque 15 ans de prison.

– « A ce moment-là, on vous ment. Quelle valeur ont des déclarations faites suite à une manipulation ? » 

– « Aucune ».

L’avocate revient sur l’épisode du bateau. Elle revient aussi sur les points de vocabulaire entre le terme « pétard » et « explosif ». 

Elle lui demande où se passent les essais, lorsqu’ils jouent avec un briquet, et s’ils ont vraiment conscience du danger, W. répond qu’ils ont lieu dans le camion de F. et dans le jardin à proximité, et qu’ils n’ont pas vraiment conscience du danger.

L’avocate rappelle que l’expert prétend qu’il faut une connaissance incroyable pour la fabrication de tels produits, et qu’il y a 4 chances sur 5 de faire brûler le mélange avant l’étape finale. Ce qui est arrivé.

Elle revient sur l’utilisation de la spatule en bois préconisé par W. alors que F. proposait en métal. Cela prouve bien que F. n’est pas spécialiste.

Questions Me Kempf : 

– « Définissez l’association de malfaiteurs terroriste »

– « Si peut-être on a l’idée de faire quelque chose on se fait arrêter ».

– « Ca c’est une définition critique. Quelle est la définition juridique ? »

– « Je ne sais pas donner de définition de l’AMT ».

– « C’est important de savoir pourquoi on est arrêté, mais même moi en droit je ne sais pas ce que ça veut dire… »

Puis il lui demande de revenir sur les conditions de son transport à Levallois-Perret. 

W. décrit : « de Plestin à Rennes, on m’a mis une camisole et une cagoule sur la tête. En train de Rennes à Paris pareil, camisole et masque de ski opaque, les gens étaient un peu flippés… »

Sur ces conditions de GAV: « Toute petite cellule, hyper glauque, toilettes, caméra, température en dessous de 19°C,  pas de lumière du jour, pas d’heure. Les lumières s’éteignent dans le couloir quand il fait nuit. Juste un jus d’orange au petit dej. On m’a donné un avocat commis d’office mais j’étais dans la paranoïa, je ne savais pas si je pouvais lui parler. Le fait d’être en GAV à la DGSI accusé de terrorisme m’a plongé dans un délire psychologique ».

– « Pourquoi avez-vous refusé de signer vos 4 premières dépositions ? »

– « Pas d’explication rationnelle »

– « Pourriez-vous définir ce qu’est une commission rogatoire ? « 

– « Je ne sais pas »

– « Comprenez-vous les faits reprochés ? Vous souvenez-vous de votre réponse ? « 

– « Non »

Kempf cite la réponse : « Je comprends le sens mais pas en quoi ça me concerne ». 

Au sujet de la pause technique lors de l’interrogatoire : « La DGSI m’a menti en me disant que F. allait « faire de la merde ». Kempf souligne que cela remet potentiellement en cause la légitimité de l’officier de police.

– « C’est ma parole contre la leur vu que c’était en off »

– « Le policier avait des nouvelles du chien, ce n’est pourtant pas mentionné dans les PV. »

– « Non, c’était dans les couloirs, avant de commencer. »

– « Pas de cigarettes alors que vous en demandiez ? « 

– « Non »

– « Vous êtes dépendant. Comment avez-vous réagi au sevrage ? « 

– « J’étais très stressé »

– « Le policier vous a-t-il tutoyé ? »

– « Tout du long. »

– « Pourtant le code de déontologie l’oblige à vous vouvoyer ».

La présidente intervient : 

– « Cela m’interpelle que vous doutiez de l’avocate commise d’office ».

– « J’étais en parano, dans un environnement que je ne connaissais pas, je ne savais pas en qui je pouvais avoir confiance ».

BASTIEN

La juge rapelle que B. a été placé en GAV avec les autres, qu’il a assez rapidement pris le parti de  s’exprimer sur un certain nombre de points, mais qu’il y a des moments de silence sous le coup de l’émotion. Elle précise aussi qu’il était sans avocat tout du long de la GAV, et qu’il a beaucoup pleuré.

B. dit qu’il était paniqué, qu’il ne comprenait pas ce qu’il faisait là : « J’ai beaucoup pleuré en GAV. J’ai demandé à voir un médecin pour mon traitement, que je n’aurais jamais au cours de la GAV. »

La juge rappelle que B. s’est expliqué sur les armes en sa possession, les gens qu’il fréquentait et son séjour à Parcoul.

La juge rappelle que B. a passé une longue période dans ce moulin, qu’il s’y installe avec plusieurs personnes. Elle lui demande par rapport à F., il n’était pas prévu dans ce projet, qui l’avait invité ? Il répond que c’est W., de son côté il ne le connaissait pas, il le rencontre à Parcoul pendant le confinement.

La juge lui demande de resituer les essais d’explosifs. Il se rappelle que c’est après le bateau et après l’arrivée de F.et C.

La juge revient sur ses auditions à la DGSI. Il rappelle que beaucoup de réponses ne viennent pas de lui, il est tétanisé. Il rappelle que tout était concentré sur F., on lui parlait uniquement de sa dangerosité. Il est alors téléguidé dans ses réponses par ce que lui disent les OPJ en face de lui. « En off on m’a dit que F. avait été arrêté le doigt sur la gâchette. Je voulais me détacher de lui et sauver ma peau. »

La juge l’interroge sur les feux d’artifice, si ça le passionne. B. lui répond que ce n’est pas sa passion mais qu’il aimait bien les pétards, de manière ludique.

Elle l’interroge alors sur les méthodes utilisées, la recette pour les essais qui concernent la « pâte marron », demande dans quel ordre les choses ont été testées.

B. lui répond qu’il y a eu plusieurs essais, il ne se rappelle plus très bien, c’était il y a 3 ans. Tout le monde était libre, allait et venait, peut-être qu’il y avait aussi en parallèle le séchage pour les cristaux. Pour la recette du détonateur, il y a eu des recherches collectives mais il ne se rappelle pas de plus. « Pour nous, on faisait des pétards, à côté de nos habitations, avec les chiens autour. On avait pas conscience de faire quelque chose de dangereux. » Il rappelle qu’iels cherchaient à s’occuper, à tuer l’ennui, pendant le confinement.

La juge s’interroge sur la provenance des pétards du bateau, B. lui répond que c’était des vieux pétards qui traînaient. Elle insiste alors sur le lien entre le bateau et la fabrication qui a suivi. B. n’a pas de souvenir d’une conversation qui a mené à ça, mais reste persuadé qu’il y a un lien direct. Il rappelle qu’iels ont passés un mois à faire des activités dans tous les sens, iels ont déliré, se sont bien marré.es et ont réparé plein de trucs.

Elle revient ensuite sur ses déclarations en GAV (toujours), au sujet « d’une grosse détonation, j’étais pas bien du tout, j’ai fait semblant d’être content, F. fanfaronnait ». Il répond qu’il a été impressionné par le bruit et l’écho dans la vallée, il pense que tout le monde a en fait donné le change. Il relativise aujourd’hui en disant qu’il n’y avait pas de cratère ni de dégâts à l’endroit de l’explosion. « Sur le chemin du retour on s’est dit que c’était trop dangereux, qu’on referait jamais ça ».

Elle lui demande alors pourquoi personne n’a sonné la tirette d’alarme? Il lui répond que c’était du jeu et de l’insouciance.

La juge lui parle alors des scellés de son camion et des billes retrouvées. Il explique alors que c’est pour le tir à la poudre noire. Il a le carnet avec la facture et le permis nécessaire. Il ne comprend pas pourquoi cela a été envoyé en expertise explosif et non à l’expert armes. Cela concerne une arme tout à fait légale.

Comme un leitmotiv, la juge revient toujours à ses déclarations en GAV, alors qu’il n’a de cesse de dire de ne pas les prendre en compte. Il redit que toutes les questions portaient sur F. Il a mis beaucoup de temps à remettre en place ses idées, même après la GAV. Quand les questions sont posées de manière très orientée, avec le stress de la GAV, c’est dur d’être cohérent dans ses réponses.

« Je voulais me dissocier de cette personne, c’était un réflexe pour me protéger, de l’autodéfense ».

Assesseuse blonde 

Elle lui demande si il est d’accord avec Will sur le fait que la DGSI a chargé F. Bastien acquiesce.

« Je le connais sur seulement un mois passé ensemble. Je l’ai chargé en GAV et je ne pense pas ce que j’ai dit. Par exemple je leur ai dit que je ne lui confierais jamais ma chienne. C’est complètement faux, je lui confierais ma chienne les yeux fermés ».

A « Donc vous le connaissez ? « 

B « En 1 mois je ne pense pas qu’on puisse connaître quelqu’un ».

A « Donc vous avez dit des mensonges à la DGSI ? »

B « J’ai dit ce qu’ils voulaient entendre ».

A « Ce qui était vrai ou non ? « 

B « Je n’en sais rien ».

A « Merci ».

Procureurs

B. refuse de répondre aux questions, il fait une déclaration spontanée à la juge pour l’en avertir.

La proc se lance alors dans une salve de questions sans réponses :

Quelques extraits : « mauvaises personnes », « martyr », « connaissance explosif et sniper », « essai près d’une falaise »…

Le procureur de son côté lui demande :

« Vous vous évertuez à dire que vous vouliez fabriquer un pétard, je viens de faire la recherche sur le net et le résultat c’est de la poudre noire, mèche et rien d’autre. »

B. reste face à la juge, imperturbable.

Avocats 

Son avocat lui demande de revenir sur sa GAV avec ses mots :

« Je me suis fait arrêter à 6h du mat, ils m’ont plaqué contre le mur, fusil d’assaut sur la tempe. Je suis resté en caleçon, tout le temps de la perquisition de mon camion, dehors, en décembre. On m’a camisolé, on m’a emmené à l’hopital pour vérifier mon état puis de nouveu camisole et direction la gare. J’étais avec L. Ils nous ont changés de wagon parce que les autres usagers étaient terrifiés.

L. m’a demandé si ça allait, j’ai rien répondu, j’étais tétanisé. On nous a emmené ensuite à Levallois-Perret avec une cagoule sur la tête. J’ai subi la première audition puis on m’a donné mon premier repas dans la nuit (à jeun depuis plus de 24h, sans boire non plus). A la fin de ma 3ème audition, j’ai fait un gros malaise, j’avais des douleurs très intenses dans les bras. Les pompiers interviennent, ils parlent du syndrome de l’accoucheur, on me donne de l’Atarax, c’est un anxiolytique, je suis complètement déboussolé et défoncé. L’audition reprend. Dans la cellule il fait froid, il y a une lumière artificielle constante, on ne sait pas quel jour on est. Je ne me rappelle plus toutes les questions qui me sont posées, c’est très orienté sur les idées politiques. C’est le même OPJ tout au long de mes auditions, il me dit qu’il m’écoute depuis 8 mois, qu’il me connait, il essaye même de reprendre notre humour à Will et moi. 

Devant le JI je n’ai pas changé de discours parce que je me sentais bloqué par mes propos tenus devant la DGSI. »

MERCREDI 11 OCTOBRE

11/10

L’audience commence par l’annonce d’un changement de programme:

    – avant de faire intervenir l’expert, la présidente souhaite d’abord entendre tous.tes les inculpés au sujet des explosifs.

    – la journée de jeudi sera consacrée aux armes.

    – les outils de communication cryptées et « projets »ne seront pas traités avant mardi prochain (17.10).

FLO

La présidente appelle ensuite F. à la barre. Elle commence par lui demander comment il a renoué les liens avec S.

F. explique qu’il avait un peu coupé les ponts avec le milieu squats/collectifs/etc. dont S. faisait partie. Quelqu’un lui a dit que S. souhaitait le revoir pour parler du Rojava, ils se sont donc vu en décembre (2019). Lors de ces retrouvailles ils ont parlé de tout et notamment de faire des essais ensemble. F. assume qu’il avait une recette qu’il n’avait pas encore essayé. Celle-ci ne venait absolument pas du Rojava – comme S. a pu le dire (il avait lui même parler de quiproquo vendredi dernier)- mais d’une vidéo visionné avant son départ avec un ami agriculteur. De la vidéo F. dit avoir retenu les proportions d’ »amonitrate » et « sucre » via une blague servant de moyen mnémotechnique. 

« Je n’ai pas la même passion que S., mais j’aime bien les pétards. » D’autant que c’est plutôt banal, dit F., même les agriculteurs utilisent ces produits pour désoucher les arbres.

La présidente demande si il y avait une sorte de répartition entre F. et S. sur qui amenait quoi à ces essais.

F. n’est plus certain de comment ils s’y étaient pris. Il se rappele qu’il avait amené des engrais et S. des spatules.

La juge est curieuse du terrain sur lequel ils ont réalisé ces essais, en terme d’isolement et de sécurité.

F. répond qu’il n’y avait pas de maison à moins de 5 km et que quoi qu’il arrive le bruit ne choquerait personne du fait de la présence régulière de chasseurs. Il rappelle aussi que le weekend passé avec S. n’était pas dédié uniquement aux explosifs. Ils devaient aller à la fromagerie, à la coopérative de vin et passer du bon temps ensemble. Il rapelle qu’il n’avait jamais fait ce genre d’essai auparavant.

De la retranscription des écoutes la juge ressort la phrase « c’était quoi qu’on a fait », prononcée par S. Pour elle cela implique qu’ils auraient déjà fabriqué des explosifs. C’est une erreur de la retranscription de la Dgsi déjà soulignée auparavant (écoute inaudible)

En fait non, S. demandait juste la recette que F. sortait de ses souvenirs de la vidéo. La juge insiste sur le fait qu’il aurait pu avoir déjà fait ou essayer avant. F. dit avoir été tenté de l’essayer auparavant mais qu’il n’avait pas revu son ami agriculteur et qu’il avait attendu de retrouver S.

D’ailleurs, depuis l’interrogatoire de S. à la barre vendredi (6.10) F. sait que ces essais étaient légaux puisque vu le métier de S. il pouvait engager sa responsabilité et ses agréments.

La présidente insiste sur une écoute au sujet d’explosions.

F. répond qu’il a parfois eu besoin de parler de ce qu’il avait vu au Rojava et que cela lui faisait du bien d’en parler avec des ami.es. Il fait le parallèle avec l’airsoft qui peut permettre « d’ancrer quelque chose dans un truc ludique ».

L’interrogatoire continue au sujet des essais avec S. La juge s’interroge sur les difficultés rencontrées.

F. répond que l’aspect de l’engrais ne correspondait pas à ses souvenirs de la vidéo et aux explications de son ami à l’époque. Il insiste aussi sur le fait qu’il y a une part de vantardise dans leurs discussions.

Et la juge d’insister; « on a vraiment l’impression que vous aviez déjà fait ou vu faire des explosifs? ». Ce à quoi F. répond qu’il avait simplement vu la vidéo.

La juge poursuit en demandant quelle urgence F. et S. ressentaient pour aller voler de l’engrais à Gamm Vert. Pour F. ce ne sont que des actes de « grands gamins », des « comportements débiles de mecs » se croyants un peu capables de tout. L’engrais utilisé pour les tests ne correspondait pas à celui de la vidéo et ce n’est pas possible d’en acheter en petite quantité (cela se vend à la tonne)

La présidente interroge ensuite F. au sujet des précautions prises autour de ce weekend d’essai, de la façon dont ils en avaient parlé autour d’eux.

Pour F. c’était surtout concernant le vol. En effet il avait envoyé un message à quelqu’un pour dire que si il ne donnait pas de nouvelles le lendemain c’est qu’il y avait un problème.

F. était au courant que S. allait venir en mode « mystère », un peu caché, du fait de la situation avec sa copine.

« Comment s’est déroulé le vol? »

Pour S. l’alcool est redescendu (conduite) et il s’est dégonflé, F. n’avait pas prévu de faire ça seul.

« Aviez vous des craintes au sujet de la compagne de S.? »

Cela avait traversé l’esprit de F., il ne l’avait pas vu depuis des années.

La présidente enchaine sur une question au sujet de l’aide matérielle que F. sollicitait pour envoyer au Rojava.

F. répond qu’il cherchait du matériel en tout genre, notamment du matériel militaire comme des gilets, des protections, mais pas des armes. Il continue en précisant qu’il n’y avait aucun besoin de fournir des armes aux gentes du Rojava puisqu’elles étaient envoyées par les USA…

La juge questionne F. sur l’intérêt de continuer ces essais infructueux et des retrouvailles avec S. et sa copine quelques mois plus tard en juillet. F. précise qu’ils n’en n’ont pas reparlé car il s’était fait peur entre temps avec l’essai fait à Parcoul.

Sur Parcoul : 

Le séjour s’est fait sur invitation de W.

L’idée était d’améliorer un essai de spectacle proposé par W. pour inaugurer la construction de leur bar au Moulin. C’est un petit bateau qui brûle sur l’eau avec une fusée nautique.

F. dit que c’était juste une proposition, qu’iels n’ont pas fait que ça à Parcoul en un mois.

La vidéo du bateau les a beaucoup amusés mais le résultat était nul, donc iels ont eu l’idée de faire mieux. 

Les essais étaient effectués juste par envie de s’amuser, de jouer, tout simplement. 

« On cherchait à s’occuper pendant le confinement, tout comme on s’occupait des animaux, on sortait faire des balades.

Les essais de Parcoul m’ont fait peur ».

La question est posée sur des recherches effectuées pour fabriquer un détonateur. F. répond que la recherche s’est faite sur internet mais qu’il ne se rappelle plus, iels étaient plusieurs dans la coloc du Moulin. M. était plutôt à part.

L’interrogatoire se poursuit au sujet de la mise en œuvre. 

Un premier essai a été effectué en mélangeant de l’ammonitrate avec du sucre, le mélange s’est enflammé.

Un second essai a été effectué et ressemblait plus à ce qu’on voit sur la vidéo.

Iels recherchent ensuite de quoi faire détoner le mélange, ce qui a mené à des recherches sur internet où une recette a été trouvée, composée d’oxygène, d’acide et d’acétone.

F. décrit ces essais comme des moments de rigolade, et les compare à « une bande de mômes ».

Néanmoins, iels ont fini par réaliser la dangerosité de ce qu’iels étaient en train de faire. Iels étaient dans l’amusement mais aussi inconscients.

La juge insinue que F. donne les instructions et lit une retranscription. F. Lui fait remarquer qu’elle a choisit ce passage mais qu’iels prennent tous l’initiative à tour de rôle. Iels font même un chifoumi

F. se retourne pour regarder W. dans la salle, il est repris par la Présidente. 

Il affirme qu’iels ne savaient pas exactement ce qu’iels faisaient, au cours des étapes des cristaux apparaissaient comme dans les recherches qu’iels avaient effectuées. Iels avaient beau savoir que c’était potentiellement dangereux, sur le moment iels n’avaient pas pleinement conscience du degré de dangerosité de ce qu’iels faisaient. 

Kempf fait remarquer que dans les nouveaux passages cités ce n’est plus F. qui donne les instructions.

Encore une erreur de retranscription des sonorisations, l’un des protagonistes étant surnommé « Melvil » alors qu’il s’agit tout simplement de « mais Will… »

Au sujet du lieu des essais : 

Les essais de détonateurs auraient eu lieu à proximité des camions. L’essai final avec le mélange et détonateur aurait eu lieu près de la forêt (500m de la maison).

L’interrogatoire se poursuit au sujet de prétendus «gilets balistiques ». Il n’a jamais été question de gilets balistiques mais de lunettes balistiques, indispensables lors de la pratique de l’airsoft et qui, dans ce cas permettait juste de se protéger les yeux. F. rapelle que dans le rapport du Pnat ces lunettes balistiques, changés en gilets balistiques au cours de la retranscription de la Dgsi sont alors qualifiés de « gilets explosifs » !!

S’agissant des quantités de produit utilisées, cela reste approximatif, mais se compte en grammes et en millilitres. 

Puis les questions portent sur la « grosse » explosion, afin de comprendre comment elle a eu lieu. F. explique que c’est lorsque le détonateur a fonctionné avec le mélange d’amonitrate. Tout le monde était présent sauf W. et M.

L’interrogatoire en vient à la fabrication de TATP : F. affirme ne jamais avoir entendu ce terme avant la procédure mais se souvenir uniquement des trois produits utilisés pour la fabrication, qui sont des produits courants que l’on peut trouver dans toutes les maisons. 

A aucun moment il n’a parlé de ces essais à S. parce qu’il a eu peur et qu’il ne voulait pas en parler pour son ego. La juge feigne ne pas comprendre et lui fait remarquer qu’il en parle aujourd’hui devant ce tribunal. F. Lui rétorque que les enjeux ne sont pas les mêmes aujourd’hui.

Les personnes présentes étaient à environ 50 mètres de l’explosion, qui les a surprises et leur a fait peur. L’explosion n’a pas fait de dégâts (pas de cratère ni d’arbre abîmé), mais s’est posée la question de ce qui aurait pu arriver s’iels avaient été plus près. Chacun.e est parti.e dans son coin après cet essai. Nous avons décidé que nous n’en parlerions à personne et ne donnerions pas la recette, car cela les rendrait responsable de ce qui pourrait éventuellement se passer. 

A la question de savoir pourquoi ne pas s’être débarrassé du matériel par la suite, F. répond qu’il ne souhaitait plus y penser mais qu’il aurait dû le faire.

Questions du procureur : 

Le procureur demande s’il s’agissait de transmettre un savoir acquis au Rojava, ce à quoi F. répond qu’il n’a rien appris à ce propos là-bas.

Le proc cherche à savoir combien de temps ont duré les essais et combien il y a eu d’échecs. F. ne peut répondre précisément, car iels ont vraiment tâtonné. Le proc fait remarquer que l’explosion était impressionnante, ce à quoi F répond que c’est surtout le bruit de l’explosion qui l’était.

Le proc cherche à savoir si F a cherché à importer un savoir au sujet d’explosifs à son retour du Rojava. Ce à quoi F répond que non, il ne cherchait absolument pas à partager un savoir militaire mais plutôt son expérience sur un plan politique. 

Le proc cherche à comprendre d’où lui vient son expérience, F explique qu’il est simplement bricoleur et a le sens de la logique.

Sur le vol d’engrais, le proc demande si c’est lié au fait de ne pas pouvoir en acheter autrement qu’à la tonne, et pour ne pas être remarqué à acheter du nitrate sans être agriculteur, ce à quoi F répond que non.

Il lui demande combien il en a volé, « un sac à dos ».

Le proc fait remarquer que F utilise un vocabulaire « professionnel » en parlant de « protocole », de surveillance, ce à quoi F répond que c’est pour impressionner.

A la question de savoir pourquoi il avait gardé le matériel, F répond que son camion est sa maison, qu’il y a toutes ses affaires dedans.

Le proc fait remarquer qu’à son arrivée à Parcoul les essais débutent rapidement, ce à quoi F répond qu’il s’est passé une semaine entre son arrivée et les essais et qu’iels ont aussi arrêté très rapidement.

S’agissant de son rôle, le proc désigne F comme étant quelqu’un qui donne des instructions, ce qui contredit ses déclarations affirmant que c’était participatif. Le proc souligne des incohérences avec les déclarations d’autres prévenu.es, F souligne qu’il a donné la recette mais que toustes ont participé.

Sur le fait que l’explosion a surpris et « tétanisé » tout le monde, F reconnaît qu’il a été très surpris et a pensé à ce qui aurait pu arriver si l’explosion avait eue lieu dans un moment incontrôlé.

Le procureur l’amène sur les discussions autour de la « cause », du Kurdistan, et essaie de faire le lien avec les essais d’explosifs. F répond que cela n’a rien à voir. Le proc lit des écoutes, F répond que ce sont là des discussions de gens bourrés, qui « refont le monde » complètement alcoolisés.

Au sujet d’un concert de soutien au Rojava, le proc parle de détournement d’argent pour acheter des armes. F répond que c’était uniquement destiné à acheter du matériel médical et militaire mais certainement pas des armes, puisqu’iels en ont déjà.

Questions Me Bouillon : 

Elle rappelle qu’avant Paulnay (rapport de judiciaire action du 7/02/20), aucune écoute ou surveillance n’est en lien avec les explosifs (Krav maga et air soft dans le rapport). Entre avril 2020 et les arrestations, de nombreuses conversations dans le camion sonorisé mais aucune au sujet des explosifs.

L’avocate lui demande de raconter le vol : j’ai enjamber un petit muret, je me suis rendu sous le préau et j’ai rempli l’engrais depuis le big bag vers mon sac à dos.

Elle revient sur le fait d’evoquer l’appel à un avocat. F. Répond que c’est courant dans les milieux militants lors d’une manifestation ou ouverture de squats.

Elle l’interroge ensuite sur le type d’explosif qu’il a pu observer au Rojava. F.explique qu’il n’a jamais vu la fabrication ni la composition de ceux ci mais à Raqqa, pour éviter les mines posées par Daesh certains explosifs étaient utilisés en prévention lors d’avancée tactique. Ils devaient être composés de poudre métallique car après explosion une poudre de métal brillante se répandait partout.

Questions Me Kempf : 

Me Kempf demande à F s’il se souvient de la nature des questions qui lui ont été posées en GAV, ce à quoi F répond qu’elles portaient essentiellement sur ses opinions politiques, et qu’il pensait que cela outrepassait les lois de juger les gens sur leurs idées politiques. 

Au sujet de l’article de Mediapart (2019), F dit s’être senti désigné et criminalisé. Et surtout il pensait à l’époque que son séjour au Rojava était illégal et n’a appris que plus tard que légalement parlant ça ne l’est pas. 

Kempf demande à écouter des extraits audio pour rétablir la réalité de certaines retranscriptions, la juge ne fait aucun effort et se plaint de rien entendre. La Défense lui demande alors comment rétablir la vérité au sujet des erreurs de retranscriptions. Elle demande donc (saoulée) à la Greffière de prendre note de ces modifications. 

Est souligné le fait qu’à Paulnay, 554 enregistrements ont été effectués et seulement 29 ont été retranscrits depuis le camion. Au cabanon, 5,23% des enregistrements sont retranscrits, et à Parcoul, seul 1,13 % des enregistrements ont été retranscrits.

Au total, 0,72% des enregistrements ont été retranscrits entre février et décembre 2020.

M. B, EXPERT EN EXPLOSIF

L’audience est suspendue. Elle reprend à 19h44 par l’intervention de l’expert en explosifs qui a réalisé deux expertises dans ce dossier. Il commence par prêter serment, main levé et tout et tout…

L’expert commence par expliquer qu’il a réalisé les expertises à partir des scellés, des perquisitions où il était présent (Toulouse, Paulnay) et des retranscriptions de sonorisations et d’écoutes. Il arrive avec un petit power-point… 

On y apprend notamment que le fulminate de mercure est un explosif primaire très sensible. A noter qu’il n’a pas été utilisé lors des essais mais évoqué dans les retranscriptions. Idem pour le nitrate d’amonium/aluminium.

Pour la poudre noire (on connaîtra tous la recette d’ici la fin du procès ^^), il reconnait qu’il y a peu de savoir requis et que l’accès aux produits est assez simple.

Concernant le mélange nitrate d’ammonium fondu & sucre, l’expert estime qu’il faut des compétences et un savoir-faire important, mais peu répandu, pour en fabriquer. En revanche les précurseurs (engrais et sucre) sont simples d’accès. C’est un mélange peu utilisé en France mais plutôt dans la région du Caucase (zone de conflit, on reviendra plus tard la dessus avec les avocats).

L’expert est difficile à suivre, il parle très vite…la juge lui fait remarquer

Au sujet du TATP il estime que le produit est très instable mais qu’il faut très peu de compétences pour en fabriquer et que l’accès aux précurseurs est simple (acétone, eau oxygénée, acide). Il reconnait que les étapes décrites dans les retranscriptions montre que ça tâtonne, réalisé avec difficulté pas à pas.

Globalement il considère que pour le mélange nitrate d’amonium fondu & sucre il faut avoir testé auparavant vu la complexité.

S’en suit un long passage de présentation avec des résultats d’analyse des composants trouvés dans les différents endroits perquisitionnés, dont de l’encens… Puis l’expert projette un grand tableau récapitulant les traces de produits trouvés sur les gazinières, les poêles, les gants, les spatules… Des traces de produits ont été retrouvés sur deux spatules, un plan de travail, la gazinière et des gants, alors que sur une dizaine d’autres objets il n’y a pas de traces.

Vient ensuite un autre montage photo avec des objets pyrotechniques, des inflammateurs, des mèches, des pétard Bison, des fusées de signalisation nautiques… au passage il se permet de commenté « peut être utilisé en manifestation contre les forces de l’ordre.

L’expert note la présence lors des perquis’ d’autres objets pouvant entrer dans la fabrication d’engins explosifs: piles, interrupteur, quincaillerie, fils électriques… cela ressemble plus à une liste de matériaux de bricolages qui trainent chez des personnes bricoleuses.

Enfin il montre à l’écran des factures qui pourraient être liées à une activité d’artificier de divertissement.

Les juges regardent l’écran avec intérêt, les sourcils un peu froncés, en hauchant la tête.

En conclusion: « l’ensemble des éléments qu’on m’a présenté permet d’affirmer que nous sommes en présence de personnes en capacité de fabriquer des engins explosifs, ils ont les connaissances et le matériel ».

Ensuite l’expert fait un pronostic de dégats avec 20kg d’ANFO (explosif à base de nitrate d’amonium et fuel) alors que F. et S. avait 12kg d’amonitrate seul (qui reste un engrais vendu légalement) et 258g d’Anfo (uniquement dans le camion de S.) Sa simulation, conclusion de son rapport, montre les dégâts qu’aurait pu faire une hypothétique explosion Place Vendôme à Paris.

La présentation terminée, la présidente prend la main et démarre avec une question sur le nitrate d’amonium.

L’expert raconte qu’aucun de ses collègues européens n’a jamais vu ce mélange (nitrate sucre). 

Le nitrate d’amonium aurait plutôt été utilisé au 20ème siècle dans le monde agricole pour dé-soucher et briser des roches. Ce n’est pas forcément illégal.

Au sujet du TATP il estime que l’appellation est connue de tous, surtout depuis les attentats de 2015 après lesquels les médias parlaient souvent de ce type d’explosifs. Il note, malgré tout, que son regard est peut-être biaisé par sa profession.

La juge demande à l’expert si l’Anfo peut rentrer dans la catégorie de l’artifice de divertissement. Sans surprise, l’expert en explosif du laboratoire central de police répond à la négative et dit que cela relève du domaine civil avec l’obligation d’un certificat de préposé au tir (CPT) (on a appris depuis que la formation dure une semaine sans pré-requis)

La juge se demande si 2-3 jours d’expérimentations suffisent pour savoir fabriquer du TATP. Ce à quoi l’expert répond que oui, contrairement au nitrate d’amonium fondu qui demande plus de connaissances. Pour lui, il y a 3 chances sur 4 de ne pas réussir l’opération, il parle du « magmatage » difficile a obtenir.

 « Les recettes de TATP peuvent-elles se trouver sur internet? »

Expert – « Oui, en accès libre. »

 « Et la poudre noire? C’est assez facile à fabriquer? »

Expert – « De qualité un peu médiocre, oui. »

Questions du procureur

Les juges laissent la parole à leur cher procureur.

Proc – « Est ce que vous diriez que l’on peut utiliser le TATP dans le monde du divertissement? »

Expert – « Le TATP? Non. »

Il dit ça d’une voix rauque avant d’expliquer que le TATP est trop sensible pour cela et peut exploser rien qu’en le laissant au soleil. En revanche il est facile à fabriquer et donc beaucoup utilisé pour les attentats.

Il en profite pour faire une classification (qui nous parait officiel à ce moment là) des différents types d’artifices et explosifs:

    1. Les produits de divertissement, poudre noire, perclorate, tout ce qui réagit à la flamme, c’est d’après lui le plus sensible mais aussi le plus accessible, il faut alors avoir le F4 T2 (formation artificier) qui permet d’acheter, mettre en oeuvre, transporter…

    2. Les produits militaires : destruction, explosif secondaire, amorçage par détonateur, uniquement dans le domaine militaire

    3. Les produits du domaine civil comme l’ANFO, la dynamite, certains explosifs secondaires, il faut alors un certificat de présupposé au tir (CPT) et certaines autorisations. Carrières, stations de ski…

    4. La fabrication artisanale, c’est illégal

Le procureur lui demande où placerait il là dedans l’ANSU (nitrate/sucre), il lui répond nul part car officiellement ça n’existe pas (????)

Le procureur insiste en lui demandant si dans le cadre des effets spéciaux, pour les films, on peut se permettre certaines expérimentations. D’après l’expert, sur les films (il précise même très gros budget), tous les produits sont officiels, de fabrication industrielle (LOL!!!)

Proc – « F. parle d’une vidéo, montrée par un agriculteur, vue deux ans auparavant. Est-possible qu’il se rappelle de la recette? »

Expert – « Quand on fait de la pyrotechnie ou des explosifs, on ne retient que ce qu’on fait. Alors une vidéo vue il y a deux ou trois ans, non non non, je n’y crois pas. »

Il rajoute que si c’est la vidéo qu’il a vu circuler, elle contenait trop peu de détails pour être utiles.

L’expert enchaine en expliquant que la recette « nitrate d’amonium & sucre » est arrivée par le Caucase dans le milieu Djihadiste. « Mes collègues européens et américains n’ont jamais vu ça sur leur territoire ». A la demande du procureur il dit qu’en 20 ans de métier il n’a jamais vu cette recette en France.

Proc –  » Quels types de dégats peuvent occasionner 400g d’ANSU+ TATP? »

En réponse l’expert montre un trou de 20cm de diamètre et ajoute « madame la présidente ne serait plus capable de continuer le procès, le premier range non plus, tandis que le deuxième rang serait protégé par le premier ».

Questions substitut du procureur

Elle commence par rectifier une grosse erreur de l’expertise, qui se base sur le fait que 2kg d’ANFO ont été retrouvé chez S. Elle reconnait qu’il n’y a que 258g et que le reste était du nitrate d’amonium c’est a dire de l’engrais. Depuis 2h l’expert nous parle de 2kg d’ANFO et cette information est erroné. Elle devance donc les avocates…

« Pouvez-vous me donner un exemple de crime de masse perpétré avec de l’ANFO? »

L’expert répond par de nombreux exemples dont un attentat à Oslo.

Questions des avocat.es

C’est la défense de C. qui commence par une question sur l’urgence du premier rapport. Elle demande si l’expert en avait parlé avec le juge d’instruction à l’époque. L’expert répond que certainement même si il n’en a plus souvenir.

Avocate – « Est-ce fréquent qu’on vous demande de travailler à partir de retranscriptions? »

Expert – « Non, c’est la première fois. »

L’avocate exprime l’étonnement de la défense concernant le fait que l’expert n’ait eu accès ni à l’entièreté des retranscriptions ni aux sons. Ce à quoi l’expert répond que le magistrat lui transmet les pièces qu’il juge nécessaire. L’avocate poursuit en se disant surprise que certains passages de ces retranscriptions aient été préalablement surlignés en jaune. Elle demande à l’expert si cela aussi est fréquent. « Euuuuh, je ne sais plus », répond l’expert en disant que parfois les documents sont épais et que les passages importants sont pointés du doigt, même si évidemment il faut tout regarder.

L’avocate de W. enchaine – « vous travaillez pour la préfecture de police, pour la cours d’appel de Paris. Je voulais savoir si vous aviez des pratiques paysannes monsieur? » Elle veut savoir si il a des connaissances au sujet des explosifs utilisés dans le milieu paysan. Ce à quoi il répond en parlant d’explosifs utilisés contre les taupinières, mais il ne veut pas reconnaitre l’utilisation de l’amonitrate + sucre dans le milieu agricole.

Elle lui montre ensuite une douille, utilisée à Parcoul comme contenant pour le TATP et lui demande quelle quantité max peut on mettre dedans? Il répond environ 2g

Puis elle lui demande le bruit que cela peut faire, il répond « un bruit sec qui va claquer »

C’est l’avocat de B. qui prend la suite.  – « Le mélange nitrate d’amonium et sucre, si ce n’est pas bien réalisé ça n’explose pas? »

Expert – « Si, le melange du sucre et nitrate non fondu explose facilement »

Avocat – « Alors il n’y a pas besoin d’une grande connaissance pour en fabriquer? » Il veut savoir si « une bande de bras cassés », avec des connaissances approximatives, peuvent obtenir une explosion sans être carré sur chaque étape.

L’expert répond en disant que oui mais que selon lui les connaissances n’étaient pas approximatives.

L’avocat de C. demande ensuite simplement si il est possible d’acheter des précurseurs en magasin de bricolage ou en pharmacie pour passer sous les radars.

Expert – « Oui. »

L’avocat demande si acheter un produit précurseur avec un carte bancaire c’est passer sous les radars.

Expert – « Non… »

Au tour de l’avocate de L. de prendre la parole. Elle interroge l’expert sur les artifices de signalisation qu’il a décrit comme pouvant servir dans le nautisme ou en tant que fumigènes mais aussi comme arme de destination contre les « forces de l’ordre ». Elle se demande pourquoi il a mis l’accent sur cette utilisation particulière. De plus elle aimerait savoir de quand datent les objets trouvés lors des perquisitions.

L’expert répond qu’ils sont périmés, pour certains depuis 1971 et qu’il y a une chance sur deux pour qu’ils fonctionnent pas.

C’est maintenant l’avocate de S. qui prend la parole. Elle commence par pointer du doigt le fait que la diapositive de conclusion de la présentation de l’expert est restée plus d’une heure à l’écran dans la salle d’audience (simulation d’explosion). La demande est faite de remettre la diapo à l’écran. On y voit une estimation, réalisée par l’expert, des dommages potentiels de 20kg d’ANFO.

L’avocate demande si l’estimation est faite sur la base des 258gr d’ANFO retrouvés chez S. et des 12kg d’engrais retrouvés chez F. L’expert répond que oui.

L’avocate insiste et s’étonne qu’on parle d’ANFO alors qu’il n’apparait nul part dans les écoutes. Et surtout comment 12kg+258g peuvent donner 20kg?

Il explique alors qu’il est parti sur le mélange amonitrate /aluminium qui avait été cité dans une retranscription et qui est un mélange en proportion 50/50. 

Mais ce mélange n’a jamais été réalisé ni retrouvé dans les scellés? 

Non

Donc votre simulation mélange des produits trouvés, des mélanges évoqués et des tests d’explosifs réalisés sans aucune proportion réaliste?

« Si je devais reprendre cela diminuerait cette simulation par 2 ». Il rappelle que pour l’ANFO (qu’il a pourtant décidé de mettre en avant pour cette simulation), les proportions sont de 94% amonitrate 6% fuel

L’avocate de S. demande ensuite si l’expert était au courant des arrestations et que son expertise était attendu dans ce contexte. Il répond juste qu’il avait connaissance d’une urgence et qu’il a participé aux arrestations.

L’avocate poursuit en se demandant pourquoi il y avait une urgence en Novembre alors que les dernières écoutes dataient de Mai. Ce à quoi l’expert répond qu’il ne sait pas.

Au sujet des essais à Paulnay l’avocate note que l’expert a eu accès aux retranscriptions des 14 et 15 Février et demande si on peut en conclure qu’il n’y a pas eu d’explosifs par la suite.

Expert – « Non »

Avocate – « Dans votre conclusion vous dites que F. et S. ont fabriqué du nitrate d’amonium/sucre et du TATP. Aujourd’hui vous feriez la même conclusion? »

Expert – « Oui. »

Avocate – « Mais ils n’ont pas fabriqué de TATP… »

Expert – « Ah… »

Avocate – « On vous demande d’analyser le bruit des expériences, comment faites vous avec comme base des retranscriptions, sans le son? »

Expert – « Une fois ou deux le bruit était précisé dans les retranscriptions »

Elle l’interroge alors sur le test à la flamme, qui à été effectué par les démineurs sur l’ANFO présent dans le camion de S. et qui n’a rien donné, il se rattrape en disant que c’est une question de sensibilité.

Avocate – « Vos conclusions (rapport) sont un peu hâtives, il n’y a pas eu de TATP à Paulnay et vous concluez qu’ils ont probablement fait des « pipe bomb » alors qu’ils l’évoquent seulement. Comment faites vous monsieur la différence entre ce qui est fait et ce qui est dit? »

Elle le cite ensuite, sur le fait que le mélange amonitrate fondu sucre est difficile à réaliser et que 3 fois sur 4 c’est un échec. Elle lui rappelle que à Paulnay, F et S font 4 tentatives et elles echouent toutes. « On peut conclure de leur inexpérience non? »

L’expert ne veut pas le reconnaitre et dit que cela vient du produit.

L’avocate lui demande pourquoi le taux d’azote a été analysé sur certains scellés seulement. Il répond que les démineurs ont détruits le reste des produits et qu’il n’a pas pu faire l’analyse. C’est uniquement parce qu’il était présent à la perquisition du camion de F que l’amonitrate trouvé a été analysé.

Il reconnait que l’amonitrate est un simple engrais et que tout le monde peut en transporter et en avoir.

Elle l’interroge ensuite sur la classification qu’il a présenté au procureur précédemment (divertissement, militaire, civile, artisanale) et si les mondes peuvent parfois se croiser. Il nous explique alors que c’est pas du tout une classification officiel, c’est lui qui pense comme ça. Pour lui ces différentes branches sont parfaitement distinctes. Pourtant elle lui parle de Ruggieri/Lacroix qui fait du divertissement et fabrique les grenades et autres pour les forces de sécurité.

Elle finit par lui demander pourquoi est il là? L’expert lui répond que c’est à la demande du PNAT et que c’est la première fois de sa vie qu’il témoigne en correctionnel.

C’est au tour de l’avocat de F. de prendre la parole. Il commence par demander pourquoi les bâtonnets d’encens ont leur place dans le rapport de l’expert. Celui-ci répond qu’ils peuvent servir à l’allumage. L’avocat demande si des traces suspectes on été retrouvées dans les casseroles du camion de F.

« Non », répond l’expert.

Avocat – « A quoi sert une casserole? »

Expert – « A cuisiner. »

Avocat – « Pourquoi ne pas l’avoir mentionné dans votre rapport? »

Expert – « Cela ne me semblait pas nécessaire. »

Avocat – « Vous dites que la recette circule dans le conflit Irako-Syrien? Chez les Kurdes? »

Expert – « Je suis accrédité secret-défense, je ne peux pas en parler. »

Avocat – « Si vous ne pouvez étayez vos propos et que vous ne pouvez pas en parler ne le mentionnez pas dans votre rapport alors ! »

Les dernières questions tournent autour du choix de la place Vendôme comme simulation. L’avocate de S. est surprise de ce choix et se demande si ce n’est pas parce que le ministère de la Justice est justement place Vendôme. L’expert semble dire que c’est un pur hasard, qu’il a choisi une place emblématique de Paris (LOL).

Il est 23h, l’audience est levée.

MARDI 10 OCTOBRE

La juge a été destinataire d’un mémoire à propos d’une question de constitutionnalité signée de l’ensemble des avocat.es et reçue à 10h48.

Le procureur dénonce une « manoeuvre inélégante » dans le fait de déposer ce mémoire si tardivement.

Me Simon : l’intérêt de l’audience tient à la richesse des débats, et que tout le monde puisse s’exprimer. Mais les deux agents de la DGSI ne sont toujours pas mandatés.

La précédente demande de renvoi a été refusée. La demande de contrainte également.

Aujourd’hui a été déposée la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), on est devant un mur, on est sur une question prioritaire de constitutionnalité.

Question purement juridique qui se pose. Ne porte pas sur les faits, ce n’est pas l’objet de la QPC.

Lorsque l’huissier s’est présenté à la DGSI, il s’est vu essuyer un refus, la raison invoquée est l’anonymat des agents. Un procès-verbal de difficulté a été dressé.

La loi sur l’anonymisation date de novembre 2015. Lors de l’examen de cette loi, la question avait été posée par le législateur. Le texte ne prévoit pas la possibilité de faire citer un agent comme témoin.

L’objet de la QPC n’est pas de remettre en cause l’anonymat mais de poser la question de l’équilibre entre la nécessité de l’anonymat et les droits de la défense.

Pouvoir interroger un témoin en audience doit justement pouvoir permettre le contradictoire.

Les différents droits de la défense sont énumérés.

Critères de la QPC : mentionner par écrit le dispositif applicable au litige, pose la question de la constitutionnalité.

Article 706-24 : sur décision, certains agents, par exemple de la DGSI, peuvent anonymement être autorisés à déposer et à rédiger des actes, tout ça sous leur matricule. 

C’est le cas aux assises. 

Qu’en est-il de la correctionnelle ? 

La citation est impossible sous l’état-civil de l’agent, c’est illégal. S’il y a divulgation de son identité, cela constitue une infraction. 

Tout le débat porte donc sur les droits de la défense, et cela souligne une incohérence évidente.

Pourquoi pas la même chose en correctionnelle ? 

Parce que c’est rare.

Et alors ? 

Est donc posée la question de la rupture d’égalité des droits de la défense.

Une QPC récente et importante pour la défense : celle de la GAV.

Procureur : 

Il dénonce qu’après « une entrée par la porte, puis par la fenêtre, voici désormais une entrée par la cheminée » pour faire comparaître les agents de la DGSI.

Il souligne la différence entre « droits de la défense » et « faire droit à la défense » (??)

La loi de novembre 2015 a été mise en place après les attentats du 13 juin 2016. Il s’agit d’une réalité du quotidien du fonctionnaire de police (??)

Le ministère public a transmis un/des (?) procès-verbaux de pièces divulguées par les soutiens. Iels ont pris la peine d’anonymiser l’identité des prévenus mais pas celle du juge Herbaut, ce qui pose à nouveau la question de l’anonymat.

Lassé par cette demande, le procureur veut mettre fin à cette question sur la rupture d’égalité entre le PNAT et la défense. Le PNAT n’a pas accès aux identités. 

Réponse a déjà été formulée sur le fond au sujet de l’agent en question,  affirmer que cela constituerait une atteinte aux droits de la défense est faux.

La demande est rejetée.

L’avocate (Me Simon) dit être chagrinée d’avoir été si peu claire que le procureur réponde totalement à côté.

La question n’est pas de contester l’anonymat, mais de rééquilibrer.

Ce n’est pas parce que cette question est renvoyée que les policiers ne seraient plus protégés.

Me Kempf 

L’inconstitutionnalité nous est apparue et malheureusement cette question n’est pas prise au sérieux. On agite le chiffon rouge, en invoquant les attentats de 2016, mais c’est faux, les policiers étaient déjà protégés avant (dés 2015).

Le rapprochement a été fait entre les attentats de Magnanville et la divulgation/diffusion du nom du juge Herbaut, ce parallèle est inacceptable.

La seule chose pouvant être reprochée à celleux qui ont publié les procès-verbaux relève d’une contravention. Si les PV sont lus en audience, l’infraction n’est plus caractérisée.

Pour QPC : audience en 2019, faits de manifestation, citation d’un flic.

Des situations dans lesquelles on peut faire valoir les droits de la défense sans mise en danger des policiers ou agents.

PNAT : a été capable de donner des infos précises inaccessibles pour la défense -> rupture d’égalité très claire.

« Les policiers n’ont pas souhaité déposer ».

Délibéré : 3h !!

Juge :

Sur la forme la requête est recevable.

Sur le fond : pas de contestation sur le litige

Sur la nouveauté : pas de décision rendue postérieurement

Elle refuse car la demande est dépourvue de caractère sérieux

Elle propose à la défense de faire appel de la décision en même temps que l’appel du délibéré de fin de procès

Puis la défense de S. insiste sur la projection des vidéos promises vendredi en fin d’audience, qui portent sur le travail d’artificier et de technicien SFX de leur client. La juge, énervée d’avoir perdue du temps sur son planning veut absolument voir les vidéos pour choisir les extraits avant de les diffuser au public. Le public est prié de sortir de la salle le temps de sélectionner 5 très courts extraits qui seront diffusés avec un mépris affichée de la part de la présidente.

18h30 Tchao à demain

Vendredi 6 OCTOBRE: LES EXPLOSIFS

Demande d’ajout de vidéos au dossier : Les avocates ont sollicité l’ajout de vidéos au dossier, enregistrées  à Parcoul. La séquence, reçue le matin même d’une personne présente sur place, montre un petit bateau sur l’eau produisant un son risible, un pétard. Bien que le procureur ait consenti à l’ajout, il a stipulé que seuls de courts extraits seraient acceptés. La visualisation complète de la vidéo est prévue d’ici le mardi prochain, le 10 octobre.

Questions de la juge à Simon : 

 Métier d’artificier : Simon, spécialiste en feux d’artifice, est interrogé sur son métier et ses essais individuels, soulignant leur caractère artisanal. La juge explore le RDV anticipé avec F en février et énumère les éléments saisis lors des perquisitions, dont des équipements pyrotechniques. Simon informe sur son passage à Paulnay, soulignant la nature amicale de sa visite, survenue dans une période difficile de sa vie, marquée par des problèmes conjugaux et un burnout.

 La juge interroge Simon sur le contexte des retrouvailles en amont de son passage à Paulnay. Il mentionne que F, avec qui il s’était réuni en décembre, était potentiellement fiché S et sous surveillance après son retour du Rojava. Simon précise qu’ils ne s’étaient pas vus depuis au moins deux ans avant le départ de F vers le Rojava. La rencontre de février visait à renouer des liens amicaux dans un contexte personnel complexe pour Simon.

 La juge interroge Simon sur la connexion entre son expertise des explosifs et celle de Flo. Simon explique que ces discussions étaient anodines, centrées sur son intérêt pour les effets pyrotechniques. La découverte d’un explosif de guerre aurait pu lui permettre de découvrir de nouveaux effets, intéressants par exemple pour de la reconstitution, des films de guerre… Durant leur rencontre à Paulnay, Simon a apporté son équipement d’artificier de base, sans connaître les éléments que F allait fournir, et ils ont saisi l’occasion pour expérimenter, un matin.

La juge poursuit en interrogeant Simon sur sa fabrication d’explosifs et les matériaux utilisés. Simon confirme qu’il fabrique des explosifs selon les demandes qu’on lui fait dans le cadre professionnel, en utilisant divers éléments tels que la poudre noire, des chandelles à gâteau, un ventilateur, de l’essence, du gasoil, un mortier ou du gaz. Il regarde beaucoup de vidéos et de tutos sur le sujet.

Ses expérimentations ont lieu en hiver au camping ou sur le terrain de sa mère lorsque les gîtes sont inoccupés, afin de ne déranger personne.

Simon explique également avoir acheté du nitrate de sodium et du potassium (perquisition), nécessaire car, paradoxalement, les artificiers ne peuvent pas acquérir de la poudre noire en armurerie avec leur certificat. La recette de fabrication de la poudre noire a été trouvée sur WikiHow.

Enfin, la juge questionne Simon sur la présence de poudre noire à Paulnay. Simon précise qu’il n’a pas fabriqué la poudre en amont, mais a apporté l’équipement nécessaire. La poudre utilisée était de la poudre d’étoile récupérée à Disneyland, provenant de feux d’artifice défectueux où les étoiles sont des retombées non brûlées.

On précisera que la poudre qui a été trouvée en perquisition, a été fabriquée après Paulnay, donc ça n’a rien à voir…

La juge explore ensuite la question des tentatives de Florian pour fabriquer des explosifs.

Simon pensait que Florian avait cette compétence, mais ce n’était pas le cas. Pour Simon, c’était une opportunité d’apprendre quelque chose de nouveau, bien que le test nitrate d’ammonium et sucre n’ait pas abouti. Il souligne que ses aspirations à apprendre témoignent d’elles-mêmes.

Aviez-vous conscience du danger ?

Simon explique qu’il était conscient des risques pour lui-même, mais il était catégorique sur le fait de ne jamais mettre autrui en danger. Ils sont d’ailleurs tous les deux conscients des risques, lui en raison de son métier, et Florian en raison de son expérience au Rojava.

La juge questionne Simon sur le choix de Paulnay comme lieu de rencontre.

C’est juste un compromis pratique en termes de distance.

La grande question inutile : et comment communiquiez-vous ?

Ils utilisaient l’application Signal. La juge répond que ce mode de communication n’est en effet pas interdit. Maître Kempf demande a la juge de répéter la phrase pour être sûr d’avoir bien entendu 🙂

Puis, concernant ses audiences avec le juge d’instruction puis au tribunal, la juge semble s’interroger sur la peur que ce qu’il dise soit mal interprété.

Simon exprime qu’au début, lors de son premier interrogatoire, il avait cette appréhension, craignant que tout soit retourné contre lui. La pression de la prison et la complexité de la procédure ont également contribué à cette inquiétude. Aujourd’hui, bien qu’il soit plus à l’aise pour discuter, la juge rappelle que ce n’est pas une simple conversation.

Enfin, la juge interroge Simon sur une mission confiée à son amie.

Simon confirme, expliquant qu’il avait demandé à son amie de publier sur Facebook à sa place avec son compte. C’était un stratagème pour créer du mystère autour de leur rencontre afin qu’elle ne lui en veuille pas. Il a éteint son téléphone pendant cette période.

La juge interroge Simon sur le vol d’engrais et ses intentions.

S confirme, « On devait dérober de l’engrais, mais je me suis dégonflé et je suis parti me coucher. » La juge cite un passage d’une retranscription : « C’est maintenant ou jamais qu’il faut se prendre des objectifs ».

S : Oui, c’était le plan, mais j’ai changé d’avis et ai décidé de ne pas participer. La citation reflète probablement mon état d’esprit à ce moment-là.

En ce qui concerne la perspective de se revoir avec Florian, Simon précise qu’ils avaient envisagé de se revoir, mais pas nécessairement pour refaire des essais. 

La juge cite une écoute, à propos d’une tierce personne : « Elle n’est pas du genre à poukav, elle ne connaît même pas ton nom de famille. » À cette période, les inquiétudes tournaient en réalité autour d’un potentiel envoi d’argent au Rojava, pour l’achat d’armes ou d’équipement, mais qui a ensuite évolué vers le soutien à l’association humanitaire Roja Sor. 

La juge revient sur le sujet du vol d’engrais.

Simon relate avoir tenté de contacter une amie au téléphone, C, pour obtenir un alibi, mais n’ayant pas obtenu de réponse, il a renoncé après que l’effet de l’alcool avait diminué, et est parti se coucher. Il reconnaît n’avoir eu aucune connaissance de la provenance du produit recupéré dans le camion de F. 

Concernant la journée du 15/02/2020, la juge cite des sonorisations, relatives à une recette détaillée avec du nitrate d’ammonium et du sucre. 

S. émet des doutes sur les connaissances de Florian, suggérant que ce dernier cherchait davantage à se mettre en avant qu’à contribuer à un véritable apprentissage. Après l’échec initial, ils ont cherché en vain d’autres types de nitrate dans des magasins.

La juge aborde ensuite la journée du 16/02/2020.

Simon explique qu’ils ont discuté de l’échec de la veille, constatant que le produit ne séchait pas comme prévu. Il exprime sa déception et note n’avoir jamais retrouvé cette recette spécifique sur internet.

Quelques courts échanges sur des éléments des écoutes et sonorisations :

La juge interroge Simon sur l’utilisation des talkies.

C’était au cas où pour le vol d’engrais, mais on se chauffe mutuellement.

La juge demande des clarifications sur les mentions de « big brother. »

C’était pour vérifier s’il y avait des caméras.

La juge aborde la question de prévenir les avocats.

C’était au cas où on se ferait prendre.

Sur un truc à cacher ?

Les téléphones portables.

La juge veut des précisions sur la mise au point de certains codes.

Tout cela se réfère uniquement au vol d’engrais.

La discussion porte ensuite sur des propos saisis lors d’écoutes concernant des réactions en manifestation, notamment des propos violents envers les forces de l’ordre.

S : Il s’agit de discussions virilistes, « juste qui a la plus grosse. » Ce ne sont que des fictions, des hypothèses. Dans ce genre de discussion, il faut surenchérir pour être à la hauteur. Et je suis face à quelqu’un que j’admire. Mais ça reste des conversations de gens à moitié bourrés.

L’avocate intervient alors pour signaler qu’il y a 30 minutes de pause entre les 2 conversations dans cette écoute.

De nouvelles questions concernant le couple de S ou portant sur la confiance que Florian pourrait avoir en C., même si on est sensé aborder les faits (explosifs) et si la juge a pris le soin de préciser qu’elle n’était pas là pour questionner ses relations privées, les questions reviennent très souvent sur la vie privé et les relations… 

Questions du procureur à Simon :

Le procureur national antiterroriste interroge Simon sur les circonstances de ses retrouvailles avec Florian.

Simon explique qu’ils trainent de toute façon dans le même milieu, donc forcément, au fil des discussions avec des amis communs, il apprend que Florian est parti au Rojava. Inquiet de son retour, cela devient le catalyseur pour renouer le contact. Le rendez-vous a lieu sur le terrain à Bollène le 08/12/2019. Ces retrouvailles ne sont que des rencontres amicales et des discussions, avec naturellement des sujets liés aux explosifs, domaine professionnel de Simon.

Le procureur argue que les déclarations de Flo ne coïncident pas sur ce sujet. S lui explique donc qu’ils sont de vieux amis et qu’ils parlent d’un peu de tout…

Le procureur interroge Simon sur une écoute où ce dernier évoquerait de manière mystérieuse son intérêt pour le Rojava.

Simon explique qu’il avait déjà effectué des recherches sur la région et s’était posé la question de partir là-bas. Ses discussions avec Florian ont fourni des réponses à ses interrogations, mais finalement, cela l’a dissuadé d’envisager sérieusement cette option.

Le procureur aborde une autre écoute où Simon et Florian mentionneraient « l’ennemi. »

Simon clarifie qu’il s’agissait d’un abus de langage, probablement en référence à Daech.

La discussion se tourne vers une publication Facebook de Simon : « 2020, pas mal de décisions à prendre »

Simon souligne que c’est typiquement le genre de phrase (qui l’énerve parce que depuis le début on nous refuse des accès aux écoutes pour des questions de respect de la vie privée, et là, vous l’étalez et le détournez) peut aisément être détournée ! Il explique qu’en l’occurrence cette déclaration était relative à des problèmes de couple, sans aucun lien avec des activités suspectes.

Le procureur questionne Simon sur une conversation portant sur des tests d’ammonitrate antérieurs.

Simon rejette ces allégations en soulignant les différences notables entre les enregistrements audio et les retranscriptions de la DGSI.

Le procureur aborde le sujet de potentielles discussions sur des violences contre l’Etat.

Simon admet qu’il s’agissait simplement d’une conversation entre deux personnes sous l’influence de l’alcool, échangeant des propos virils sans réelle intention d’action : « Mettez deux gauchistes ensemble dans un camion avec des bières et voilà ! »(rires dans la salle)

Le procureur cite les déclarations d’un autre artificier interrogé par la DGSI.

Simon lui expose la loi en matière de transport de matière active, en sa qualité d’artificier. C’est assez agréable de voir le prévenu expliquer la loi au procureur ! 

Un artificier a le droit de transporter jusqu’à 333 kg de matières actives.

S précise que l’ammonitrate est en vente libre, que ses projets de tests étaient conformes aux règles, même si il est aussi parfois en dehors des clous. Un artificier de niveau 2 engage sa propre responsabilité lors de tests, réalisables sur tout type de terrain. Lui faisait les siens une fois le camping fermé, pour ne déranger personne.

Le procureur veut alors savoir si S est au courant de potentiels « buts » de Flo…

S se dit qu’il voulait peut-être s’entraîner pour retourner au Rojava. Mais le fait que les essais ne marchent pas n’est pas étonnant, il reconnait mieux là son vieux pote, c’est plus logique.

Le procureur, peu convaincu sur ses volontés d’apprentissage, souligne qu’on dirait que c’est plus lui qui vient lui donner des coups de main que l’inverse. En fait, S. et F. se voyaient en effet, et S. pouvait lui filer des coups de main, mais c’était pour organiser des concerts de soutien pour le peuple du Rojava. 

Questions des avocates à Simon :

    Maitre Camille Souleil Balducci remet en évidence l’origine douteuse des sonorisations du terrain de Paulnay :

La DGSI apprend l’existence de ce terrain quatre jours avant la venue de F et S sur les lieux et demande dans la foulée la sonorisation et la pose de caméras sur ce terrain en justifiant qu’ils vont certainement s’y rendre et probablement tester des explosifs… La DGSI aurait donc des dons de médium? Ou bien nous n’avons pas connaissance de l’entièreté de la surveillance qui leur était imputée.

    Deuxième point soulevé par l’avocate, la vidéo prise a Paulnay par la DGSI est récupérée sur les lieux le 17/02/20. Des mois s’écoulent et le 30/11/20, à la veille des arrestations, alors que la vidéo devrait être expertisé, retranscrite et mise sous scellés depuis longtemps, la DGSI écrit un PV pour signaler que cette vidéo a été effacée suite à une erreur, et qu’il n’y a jamais eu de retranscription. Du jamais vu…

    Autre question sur des hypothétiques « tirs de rafale », séquence de « tirs d’airsoft » qui apparaissent dans les rapports de surveillance des agents alors que les retranscriptions des écoutes stipulent des bruits de marteaux et de spatules. (ce qui correspond aux tests de fabrication en cours). Ces tirs en rafale ont largement été repris par le PNAT alors qu’il était évident à la lecture des PV que c’était une erreur de retranscription.

    Maitre Alice Becker interroge Simon sur une conversation avec Carglass intercepté durant son séjour à Paulnay au sujet d’une explosion de vitre et qui a engendré de la part de la DGSI des filatures multiples les jours suivants. Simon explique que pour un projet de court métrage, la demande était de faire exploser une vitre de voiture et qu’il a appelé Carglass pour se renseigner sur les débris de glace et autres précautions à prendre.

    Autre question de l’avocate, au sujet d’une photo considérée comme suspecte par la DGSI : un empaquetage, entouré de scotch marron avec des tiges de métal qui en sortent = PIPE BOMB ?? et bien non, c’est un colis reçu quelques jours avant composé des tiges de métal pour construire une étagère industrielle en kit.

  Fin des 4h d’interrogatoire.

JEUDI 5 OCTOBRE

3ème journée d’audience, débutée exceptionnellement à 14h30. Cette journée sera consacrée à l’audition de 4 prévenus non entendus, comme prévu, la veille : F, W, S et L.

Avant le début des auditions, petite menace de la Cour : le Procureur veut que « le monsieur qui respire fort » et qui applaudit (expulsé la veille), ne revienne pas dans la salle. La Juge y va de sa morale au public : c’est le dernier avertissement, sinon elle fera évacuer la salle. 

Dans ce théâtre, seuls les initié-e-s sont autorisé-e-s à commenter ou réagir. Les autres sont spectateurices d’une justice qu’on rend « en leur nom ».

Les auditions commencent.

FLORIAN

 On commence par les mentions au casier judiciaire : deux, sur lesquelles F s’expliquera après avoir fait une déclaration.

 Il se sent insulté par cette accusation, il est ému, stressé, et dans l’appréhension.

 Il s’explique ensuite sur les deux mentions au casier : un usage de stupéfiants (cannabis) et un outrage. 

 [A noter que depuis 2020, la consommation de stupéfiants est punie d’une amende forfaitaire délictuelle – bientôt payable en liquide ou en carte bancaire direct aux flics ! – et que ça remplit bien les caisses de l’Etat…]

Concernant l’outrage, cela se passe à Calais, il est malade, il sort de la salle de classe où il donne des cours de français à des jeunes réfugié•es et crache par terre. Les flics le prennent pour eux, l’accusent d’être ivre, alors que le test alcoolémie est négatif. F a toujours réfuté cette accusation.

La présidente entame avec l’enquête de personnalité, elle cite une déclaration de F suite au dernier interrogatoire de fond en février 2022 : « Quand je vois le dossier, je ne reconnais pas 1% de ma personnalité. »

F explique le contexte de l’enquête de personnalité et pourquoi il y était d’abord réticent : il est incarcéré, à l’isolement total. On va au parloir, on s’attend à y voir un visage qu’on connait et on se retrouve avec un inconnu en face. 

A cette évocation beaucoup d’émotion.

La juge, évidemment, défend l’intérêt de cette enquête de personnalité. Par la suite, il s’est plié à l’exercice : « Vous vous êtes montré tout à fait… « adapté ». En langage de juge, va savoir ce que ça veut dire…

Evocation ensuite du parcours scolaire, formation durant laquelle il rencontre M., des boulots et début de la vie itinérante et l’orga de concerts. Cette vie itinérante a duré jusqu’à l’arrestation. Acquisition d’un terrain en 2009 avec sa partenaire de l’époque, relevée par la juge, explications sur le souhait de pouvoir se poser en camion, faire pousser des légumes. Puis reprise de la vie itinérante au bout d’un certain temps. Evocation des dépendances.

F revient sur les interrogatoires : « dès le premier interrogatoire on reformulait tout ce que je disais, ça ne m’a pas mis en confiance ». La juge enchaine sur sa discrétion à propos de ses amis, à quoi F fait valoir qu’il se sent insulté par cette procédure, qu’il est critique sur la manière dont l’enquête a été menée et qu’il ne souhaite pas mêler ses amis à ça. »

Les questions vont maintenant pointer certains lieux de vie, choisis par les juges.

Sivens : passages sur des temps plutôt longs, de janvier au début d’été 2014 : des rencontres, participation à des constructions, des échanges, des liens qui se créent et qui permettent « à sa sensibilité de s’exprimer ». Un second passage en août 2014, pendant lequel il se concentre plus sur l’aspect légal de l’occupation. Pas présent pour le début de l’évacuation, mais revenu parce qu’il était touché de ce que vivaient les copaines sur place. Puis il est reparti parce que trop dur de voir la foret être rasée et de se sentir impuissant. Il évoque quelques actions de désobéissance civile qu’il a faites.

Calais : Y est allé sans trop savoir ce qu’il allait y faire. Au départ distribution de vetements, puis ensuite donne des cours de français, le contact est plus humain plus proche, cela donne du sens à sa présence là-bas.

On en vient, on s’en doutait, au Rojava.

La juge interroge sur la raison du départ.

F. explique que cela fait suite aux attentats de Charlie Hebdo ; à ce moment là qu’il prend conscience de ce qu’est Daesh. Il lit tout ce qu’il peut et découvre le mouvement kurde, la politique mise en place. Ce que Daesh fait ici, mais aussi ce qu’ils font ailleurs. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. 

– « Si vous voulez les raisons de mon départ, ça va forcément gratter au fond des tripes ». F est très ému. 

La juge d’en conclure : « Le fait que ça vous émeuve à ce point est une démonstration de votre personnalité »…

F explique avoir eu envie de voir concrètement ce qu’il se passait là-bas, s’être documenté, lire tout ce qu’il pouvait, puis avoir informé sa famille quand sa décision était prise, malgré la peur que cela pouvait leur causer.

Il dit très nettement qu’il se sent piégé dans cette affaire : parce qu’il a des idées politiques, parce qu’il est allé au Rojava et qu’il y a manié des armes, que cette affaire n’existe que parce qu’il est allé au Rojava. 

La juge prétend à nouveau qu’il n’est pas mis en examen pour son engagement au Rojava (rires étouffés dans la salle). Il rétorque que la DGSI prétendait la même chose, tout en ne lui parlant que du Rojava. « Si on ne me reproche pas le Rojava, alors ne parlons pas du Rojava. »

Avec finesse, la juge enchaine : « Vous avez manipulé des armes au Rojava ? »

-« J’ai rejoint une unité de force armée, je n’avais aucun entrainement militaire. J’ai récupéré une arme pour m’entrainer parce que je n’avais jamais tiré un seul coup de feu. »

– « Vous avez pris un grand risque. »

– « Oui. C’est quelque chose un peu fou. Je prenais beaucoup de temps pour réfléchir, méditer, être sûr de ce que j’allais faire. A mon arrivée j’ai eu un mois de formation sur l’histoire du mouvement, la langue, un peu d’entrainement. »

– « Pourquoi êtes-vous rentré ? »

– « Vous ne voulez pas que je vous raconte ce que j’ai fait là-bas ?? »

– « Dans votre personnalité c’est votre arrivée et votre départ qui m’intéressent. » (cette réponse de la juge, comment la comprendre ? C’est d’une violence incroyable. F a raison, la seule chose qui importe ici c’est d’être allé au Rojava).

F d’expliquer qu’il avait promis à ses proches qu’à une certaine date il rentrerait, et qu’au bout d’un moment on n’en peut plus. 

La juge va insister avec plusieurs questions ensuite sur le traumatisme, sur la nécessité  d’accompagnement psychologique après cette expérience. F se dit conscient à son retour d’être chanceux, de ne pas avoir vu le pire, il ne se sent pas traumatisé, ne fait pas de cauchemars. Il parle, mais avec des ami-e-s.

Incrédulité de la juge : « Comment on peut reprendre une vie normale après ça ? »

F explique que la vie normale, il a bien essayé, reprendre les vendanges, voir des ami.es, se rapprocher de Toulouse, mais qu’il n’est pas serein par rapport à la police. Les contrôles sont différents, les flics pâlissent, ça dure longtemps, ils s’enferment dans leur voiture. Il sent qu’il y a quelque chose de pas normal. Il comprend pourquoi.  

– « Ce n’était pas le cas avant ? » 

Avant l’interpellation il a senti la pression policière, il se sent sur la sellette. Il a peur d’être criminalisé à cause de son séjour au Rojava, et c’est exactement ce qu’il se passe actuellement. Il dit à sa mère « J’ai peur de finir en prison ou qu’on me tue. »

La juge tique sur le fait qu’il ait peur qu’on lui « nuise ».

Elle le questionne sur ses projets après ça.

– « J’essaye de partager sur le Rojava, mais je n’y arrive pas, parce que j’ai l’impression de faire monsieur-j’ai-tout-vu. Je me laisse aller par le courant. Je vais au squat de Toulouse. j’ai pas de projet ».

– Juge : « Est-ce que vous rencontrez des gens pour les conseiller sur le Rojava ?

–  » Je ne les conseillais pas, je leur racontais. Je n’avais pas envie que les gens partent sans savoir où il mettaient les pieds. Qu’ils ne partent pas sur un coup de tête, une idée romantique. Les mettre au courant sur ce qui les attend ».

– Juge  : Vous vous considérez comme une personne violente ? 

– Non, je ne suis pas impulsif. Les seuls actes violents que j’ai posé c’était contre Daesh.

Il n’a pu voir de psy en détention malgré ses demandes incessantes

Une assesseuse veut revenir sur une condamnation antérieure. Kempf intervient et note qu’elle est réhabilité de plein droit, donc son client ne répondra pas.

— Assesseuse de droite : Période de la Grèce. 2 mois avant le départ. 

– « Un sas entre l’annonce du départ à mes proches et le départ. Des personnes rencontrées à Calais m’ont accueillies. C’était sur le chemin. J’ai fait un peu d’aide à des migrants, des cantines collectives. Mais sans trop m’engager, car j’avais la tête prise vers où j’allais ».

Elle note une contradiction entre le fait qu’il voulait parler du Rojava aux personnes qui voulaient en partir, mais pas les conseiller. 

– « Je n’ai pas de conseil à donner, ils ont fait leur choix. Je ne suis pas un soldat. Je n’ai pas grand chose à dire à part mes expériences et mes mises en gardes. 

– « Qu’avez-vous dit à Manu ? » 

– « Il a dit qu’il continuait sa route tout seul. Il voulait faire son expérience. Sur les sonorisations on nous entend surtout parler de où trouver des bons piments au marché ». 

– « Avez-vous dit des trucs pour comment faire ? Des conseils plus techniques ? Sur le maniement des armes ? »

–  » Non ».

— Asseusseuse de gauche : 

– « Comment ça se passe de passer d’un terrain à l’autre, d’un terrain de solidarité à un terrain de guerre ? Les destructions, ça ne vous a pas dissuadé de partir ? » 

– « Pas de lien entre les 2. Ce sont des choses différentes ».

Procureur :

– « Est-ce qu’il vous est arrivé de participer à des violences sur les ZAD par exemple ? » 

– « Non ». 

– « Manif ? » 

– « Non. La seule chose que j’ai fait lors des expulsions c’est une attitude de guignol, de faire courir les flics, pour faire perdre du temps à la destruction ».

– « On a trouvé chez votre mère des épaulettes, jambières, bouclier de policier ». 

– « C’est pour du jeu de rôle. » Le PNAT a en effet fait fuiter ces éléments dans la presse d’extrême-droite à plusieurs reprises, en laissant entendre que c’étaient des équipements de flics. F revient méthodiquement sur chaque élément en démontrant que ce ne sont pas ceux de flics. Il explique les jeux de rôles.

– « C’est de la violence, mais ludique, c’est ça ? » 

– « Ca s’appelle jouer. »

Le procureur cite une écoute de discussion. 

« Il s’agit d’un moment où je vois des personnes en manif qui se prennent en photo ». 

Flo le remet en contexte : « Il s’agit plus du fond que de la personnalité. Et il faudrait reprendre toute la conversation. »

– « Vous avez dit que votre motivation de partir au Rojava était en lien avec les attentats de Paris ». 

– « C’est un des éléments mais ce n’est pas le seul. »

– « Ce n’est pas neutre le combat, et il y a d’autres façons d’aider ! » 

– « Et ? »

– « Comment se fait-il que vous ayez réagi de cette manière aux attentats : à cette période, les écoles d’infirmiers se sont remplies, les rangs de la police aussi… Pourquoi vous avez considéré que c’était la meilleure réaction ? Vous êtes une personne non-violente et vous choisissez de donner la mort. C’est une situation où vous risquez la mort et risquez de la donner ». 

– Oui il y a différentes façons d’aider, mais c’est celle que j’ai choisi. Je ne pense pas que vous demanderiez cela à un militaire.

– L’armée c’est encadré.

-J’étais avec la coalition internationale.

– Non, c’est informel, ce n’est pas comme l’armée où vous êtes salarié. Ce n’est pas l’armée d’un État.

– Si, on était avec la coalition internationale.

–Avocat.es

Bouillon revient sur la relation proche entre F. et sa mère. Il y a un an, lors d’une audience pour modification de CJ pour demander de pouvoir se rapprocher de sa mère suite à des problèmes de santé, le procureur (Benjamin Chambre) a osé dire « il se souciait moins de la santé de sa mère quand il est parti au Rojava ou quand il a fait une grève de la faim!  » et la demande de modification a été refusé. Le procureur n’assume pas du tout et refute ce qu’avance Coline Bouillon. Le procureur n’est pas du tout a l’aise, il passe pour un gros con…

Kempf revient sur la ZAD de Sivens et lui demande comment cela s’est terminé. Flo rapelle la mort de Rémi Fraisse et le projet de barrage reconnu illégal deux ans plus tard.

Kempf revient sur l’engagement auprès des YPG et rappelle qu’ils étaient sur le terrain, en lien étroit avec la Coalition Internationale, qu’il  » travaillait en bonne intelligence  » avec les militaires.

Il enchaine sur le pourquoi repartir au Rojava en 2019, F explique que même si Daesh est officiellement vaincu à cette époque, ils restent actifs dans certaines régions.

Will

La juge commence par parler des parents de W. en expliquant qu’ils sont tout les deux dans l’armée, et demande si c’est bien ses parents qui lui ont donné le gout pour la collection d’armes. Puis dit qu’elle n’en dira pas plus avant de le questionner sur ses études en affirmant qu’il a eu un parcours universitaire poussé.

W. atteste qu’il détient un master en Géographie et Environnement. Il détaille un peu les cours, à sa demande. Elle demande pourquoi il n’a pas exercé ensuite. « On se faisait passer devant par les personnes sortant des écoles privées. Face à eux, un vulgaire cursus universitaire ne valait pas grand chose. »  » Ce n’est pas vulgaire ! » « En tout cas face aux employeurs… » La juge hoche la tête, puis se veut rassurante :  » la fac c’est avant tout pour la réflexion personnelle… » La juge demande à W. de confirmer qu’il a tiré de ses études des choses sur le plan culturel mais peu sur le plan professionnel. W. confirme qu’il n’a pas travaillé en lien avec son cursus.

 Puis elle continue à le questionner sur son parcours et demande ce qu’il a fait à la suite de ses études .

W explique que après 3 mois chez ses parents, la Zad de Sivens est en train de se monter début 2014 et qu’il s’y rend par curiosité.

La juge questionne sur le temps qu’il y a passé et affirme qu’il s’agit d’une  » période qui vous a marqué »

W explique y être resté 2 mois, puis 1 mois , et être revenu le week-end de la mort de Rémi Fraisse.

La juge s’étonne qu’il ne soit pas présent lors des affrontements « je dormais » précise t’il.

Vient les questions sur Cubjac, et la suite du parcours de W. 

Il explique avoir entendu parler de Cubjac et du collectif par Loic. Qu’il ne connaissait aucun autre lieu collectif et qu’il n’avait pas de projet. Il explique qu’il était trop triste après Sivens « après avoir vu la forêt se faire raser »

La juge commence par se questionner sur les ressources dont il disposait pour vivre, puis se met à le questionner sur le fonctionnement dans un collectif et sur le partage des ressources entre les habitants. elle semble curieuse, en pleine expérience sociologique.  « Comment fonctionnez vous dans ce collectif ….. au niveau des ressources…?

W. n’y répond pas tellement mais explique faire les saisons et vivre du RSA. Et d’être parti après 1 an et demi / 2 ans passés à Cubjac

Il explique être parti en camion et fait chemin avec B.

 » Et c’etait quoi, le projet ? » 

W. explique avoir le projet d’un lieu collectif en autonomie et de tendre vers l’auto suffisance qui se concrétise en trouvant le moulin avec un potager et la forêt.

La juge: Vous souhaitiez acheter le bâtiment ?

W : Non c’était une colocation

La juge : « Qu’est ce qui vous guidait ? « 

W . : La possibilité de faire des saisons 

Puis la juge se prend pour une conseillère pôle emploi et lui demande pourquoi il n’a pas cherché à valorisé son diplôme , pourquoi il n’a pas postulé comme chargé d’environnement , pourquoi il n’a pas voulu compléter par une formation en horticulture… 

Il doit lui expliquer que la législation en environnement évolue tellement vite que ces connaissances se sont vite retrouvées caduques. Quand elle dit qu’il aurait pu faire une remise à niveau, il rétorque que ça n’aurait pas changé le problème de départ qui était que son diplôme ne faisait pas le poids avec certains autres.

Mais qu’il a eu une formation pour s’occuper des animaux domestiques.

La juge s’étonne: Domestiques ?

  » Oui, les chiens, les chats, chinchillas … » ( Rires) 

 « On me prêtait une maison en Bretagne où se trouvait une pension pour chiens ou je pouvais aider. »

Il cherchait plus de confort : « Quand tu commences à avoir des stalactites dans ta chambre, tu commences à te poser des questions. » 

Vient alors l’incessante question de la juge sur les dépendances.

W. répond qu’il n’a pas de problème d’alcool . «  C’est pas parce que ne n’ai pas de problème d’alcool, que je n’aime pas picoler non plus »

La Cour s’intéresse ensuite au régime alimentaire de Will

W : j’ai repris à manger de la viande, lié à différentes rencontres en fermes, techniques d’élevage et production, mais je garde une sensibilité. Aujourd’hui, je préfère passer par des producteurs locaux. Mais je m’oppose tout de même à certains aspects de l’exploitation animale.

Il précise qu’il parle de corrida et d’expérimentation animale. Avant, la mort le dérangeait alors il ne mangeais plus de viande, pour ne pas être hypocrite. 

Elle la questionne sur son rapport aux armes.

W : « J’ai fait du tir à l’arc au collège et lycée. A côté du Moulin de pommier, il y avait un stand de tir, et du coup j’y suis allé, c’était une bonne occasion pour commencer. Je n’ai pas d’armes en ma possession . Mon père m’avait proposé de tirer au stand plus jeune, mais je n’avais pas le temps avec mes études. »

La juge : »Je sens que vous n’avez pas envie de parler de vous…

W. C’est surtout que je ne sais pas comment… Mais allez y !  [rires de la juge, et de la salle]

J. Je vais le faire par moi-même, ne vous inquiétez pas, et je m’arrêterai quand je voudrai. » 

Elle veut bien être gentille, mais c’est elle qui a le pouvoir et ça, personne ne l’oublie.

La juge enchaine par la lecture et témoignage de la mère et de la copine. Cette dernière est très élogieuse, notamment sur son intelligence, et sur la manière de s’exprimer décrite comme érudite, et que les autres ne comprennent pas toujours. Il commente : « ça la fait passer pour une cruche, mais ce n’est pas le cas » (RIRES dans la salle)

« Est-ce que c’est pour cela que vous vous exprimez peu, pour éviter d’être mal compris ? » Non.

Elle évoque la réaction des parents qui ont essayé d’imaginer pourquoi il aurait participé aux actes qui lui sont reprochés. L’un.e dit qu’il est influençable, l’autre non. « Diriez-vous que vous êtes influençable ? » Non.

La juge soulève qu’à une époque il a voulu s’inscrire dans une formation d’artificier.

W : « Vu que le projet d’installation n’avançait pas, et que j’en avait marre de me casser le dos aux vendanges, que j’aime bien le spectacle, je me suis dit que c’était une bonne solution financière, et que ça serait moins dur physiquement. J’ai toujours aimé les pétards, et cela me permettait de garder mon mode de vie. Au final ça ne s’est pas fait »

La juge pose son éternel question sur l’anxiosité pendant la période de confinement.

W : « Ca nous touchait pas trop, puisqu’on était à la campagne… On était un peu inquiet pour les grands-parents. »

Juge Assesseure de droite :  « Vous avez des parents militaires, qui ont eu un poste en Allemagne à Baden Baden et vous avez vécu en caserne durant votre enfance, pendant 3 ans. En avez-vous gardé quelque chose ? » 

W : « Un peu d’allemand . On n’était pas séparé de la ville, ce n’était pas une caserne mais une base militaire. » 

Elle insiste longuement sur le fait que pour elle ça n’est pas anodin de vivre avec des militaires, elle creuse, elle s’embourbe… 

W : « Je ne me souviens pas d’être entouré de militaires, j’avais entre 6 et 8 ans !… »

J : « Vous avez déjà été à la ZAD de NDDL ? »

W : « Je suis allé aider aux troupeaux qui avaient peur lors de l’expulsion, et qui s’étaient dispersés.

J : Est ce que cet épisode de ZAD, a impacté votre vie ? »

W : « Dans le cadre de faire une activité avec des gens, mener une vie tranquille, en collectivité

J : Etes vous allés aux affrontements ? »

W : « Non, je ne suis pas du tout attiré par la violence »

JA : « Etes vous allés dans les stands de tirs à plusieurs ? »

W : « Oui, avec Bastien « 

JA : « Oui, on a compris que vous étiez ensemble »

W : « C’est Pumba! » (RIRES dans la salle)

Procureure : 

Elle le questionne sur des propos qu’il aurait eu auprès du juge d’instruction, sur un fossé idéologique entre différentes formes de lutte, différentes postures militantes. Il répond qu’il ne saurait pas du tout développer. Elle insiste en disant que ce sont ses mots. « Je pense que j’ai eu des propos pédants devant ce juge d’instruction… »

P : »Est-ce que vous avez tiré une leçon depuis votre arrestation (antécédent judiciaire 2010)?  » W : « Rester dans la légalité ».

Evocation d’une ou plusieurs action(s) de libération animale : revendiquées comme des actions de FLA = Front de Libération Animale. Il assume ces actes mais dit qu’il ne la revendiquée ALF que par mimétisme des actions de l’époque, sans faire parti de ce mouvement.

« Diriez-vous que vous êtes antispéciste ? »

« Non »

Avocates :

A propos de son activité au stand de tir, il répond que c’est une activité de loisir, cela lui procure la même sensation que le tir à l’arc, détente, concentration…

L’avocate revient sur la formation d’artificier envisagé un temps, il répond que ces antécédents judiciaires lui aurait empêcher de mener à bien ce projet.

Simon

—- S débute par une déclaration spontanée :

    « Je ne me reconnais pas dans les accusations portés contre moi. Ma vie a été brisée sur le plan professionnel, amical et personnel. Depuis l’arrestation, où je me suis retrouvé braqué par un fusil d’assaut à 10cm du visage, à la détention jusqu’à aujourd’hui, j’en garde des séquelles irréparables. J’espère que ce procès pourra, à moi ainsi qu’aux autres prévenu.es, nous permettre de retrouver un semblant de dignité. »

La juge revient sur l’expertise psy en prison

Simon dit s’être fait piéger ce jour là car il attendait un rdv médical et s’est en fait retrouvé coincé avec l’experte psy. Il a ressenti qu’elle n’était pas là pour l’aider dans une démarche de soin, il a donc refusé le rdv suivant.

Les conclusions de l’experte lues par la juge :

        – parle facilement

        – n’a pas conscience des conséquences de ses actes

        – image de « rebelle » qu’il se donne

        – engagement professionnel dans le milieu du spectacle

        – tatouages

        -« énervé »

Lors de l’expertise, vous aviez envie d’exprimer au juge ce que vous pensiez des policiers, que vous souhaitiez pouvoir critiquer les institutions.

La juge le questionne alors sur le tatouage « d’une expression peu favorable à la police », ACAB, il lui répond : « Je l’ai fait quand j’avais 22 ans, période où on pouvait encore provoquer, ce qui est l’essence du punk. Ça permettait d’engager des discussions avec des gendarmes ou autres et de pouvoir partager les critiques de l’institution. Depuis les Gilets Jaunes en gros, je le cache pour éviter de me faire casser la gueule, l’époque a changé. » 

La juge revient sur le rapport psy qui catalogue S comme « personne énervée », mais admet qu’il n’est pas connu pour faits de violences.

Intervention de Becker : elle considère que l’experte est arrivé avec des préjugés. Elle rappelle la conclusion de l’expertise confirmant que S. est dans le dialogue, la communication et le questionnement.

La juge reprend ces questions à propos de l’itinérance, à laquelle il répond que ces différentes étapes de sa vie l’ont ensuite amené à plus de stabilité.

A propos de ses envies de travailler dans le spectacle, il explique que cela remonte à très tôt. On lui demande alors d’expliquer le fonctionnement du Lycée autogéré de Paris (LAP).

ll explique que le LAP est « d’un type particulier ». Il y a de nombreuses réunions où on apprend à débattre avec les profs (« on s’engueulait beaucoup »), il y avait une salle de répétition c’est là qu’il commence à se former

S mentionne une amie du LAP qui ne veut plus lui parler plus parce que son copain « s’est fait terroriser par la DGSI ». « C’est un interrogatoire qu’il a très mal vécu, ça lui a fait très peur ». cette personne sera citée plus tard par le procureur.

La juge aborde son métier. Elle le questionne sur les produits explosifs dans le cadre de son métier. 

S explique ce qu’est le travail d’artificier, dans lequel y a plusieurs spécialités. Il travaille comme technicien SFX sur les spectacles Disney et comme artificier pour Ruggieri qui a en charge le feu d’artifice tous les soirs à Disney. A côté, il travaille comme technicien SFX sur les tournages de cinéma, clips et pubs.

Il distingue deux manières d’exercer ce métier. Les feux d’artifices classiques, comme il fait à Disney, ne demandent pas de mélange de produits car les produits sont fabriqués en usine, et ont des champs d’application précis, définis. En revanche, pour les effets spéciaux, on doit utiliser des produits extérieurs. Dans ce domaine, il est courant de détourner des produits d’usage, pour essayer de faire des effets. En tant qu’indépendant, chaque artificier est amené à se constituer un portfolio d’effets spéciaux, pour pouvoir répondre au plus de demandes possibles. Il doit donc s’entrainer, faire des tests, pour mieux maîtriser les produits, et avoir toute une gamme d’effets à proposer, en s’adaptant aux budgets. 

Il évoque le travail avec sa compagne, qui est vidéaste, avec qui il fait des clips.

La juge lui demande s’il a des problèmes de santé.

S mentionne un accident adolescent avec multiples fractures et liste les problèmes engendrés par l’accident. Lors de sa détention, l’état de son genou se dégrade.

Puis elle lui demande s’il a un problème avec l’alcool.

Il lui répond qu’il n’a pas de problème particulier et que parfois il ne bois pas d’alcool pour être plus vite bourré par la suite. RIRES

La Juge Assesseure de gauche veut revenir sur l’accident de scooter mentionné auparavant. « Vous avez été victime d’un policier ? »

S explique que le policier en question était hors service mais que des policiers sont venus le voir à l’hôpital pour tenter de lui faire avouer que c’était lui qui avait grillé le stop.

JA : « Vous ne l’avez pas dit pour éviter qu’on ne fasse un raccourci et qu’on dise que ça aurait pu nourrir une volonté de vengeance ? « 

Elle insiste sur ses tatouages ACAB et les trois points et lui demande s’il les a faits juste après. Il rappelle qu’il les a faits alors qu’il était âgé de 22 ans.

Puis elle reparle de son père, alors que S avait clairement spécifié qu’il ne voulait pas en parler. Elle lui dit qu’il aurait de bonnes raisons d’être contre la violence. Elle insiste, alors que ça le tend visiblement, et la salle aussi. « C’est plutôt à décharge ! » dit-elle

C’est au tour de la Juge Assesseure de droite  : « Vous avez été arrêté en manifestation avec des vêtements noirs dans votre sac ».

Simon répond qu’il est content de pouvoir parler de ça pour faire arrêter ces fantasmes.

Je suis toujours habillé en noir, comme beaucoup de gens dans mon métier (spectacle). Ce serait un peu stupide [si j’étais un blackbloc] de se changer de noir pour noir, et qui plus est d’échanger un pull noir avec un t-shirt noir en hiver.

Procureur

Vous avez fait une formation d’artificier dans laquelle vous avez appris les règles de sécurité ?

S : la formation était de 5 jours

Vous reconnaissez que c’est une activité à risque ?

S : Pas si c’est fait correctement.

P : Mais on ne se procure pas soi-même des produits ?

S : Bah… Si. 

Il demande à son avocate de lui amener le document dispensé lors de sa formation 

P : On se procure pas soi-même les ingrédients ? Vous amenez toujours des inflammateurs, des mèches… sur un chantier?

S : Si il faut [liste] … Je peux vous retrouver la liste des choses à emmener.

Questions et réponses sur les règles de sécu, les différences de règles en live ou sur un tournage…

S : les règles sur un tournage sont floues, ça passe… jusqu’à ce qu’il y ait un problème. (évoque un accident aux USA avec une arme chargée sur un tournage )

P : Mais si on utilise du matériel factice, il ne devrait pas y avoir d’accident ?

S : Si, même avec du matériel factice, si c’est mal utilisé il peut y avoir des accidents. (exemple arme à blanc) 

Avocates :

Av : PMA vs en êtes où ?

S : Je ne suis pas papa, merci de m’avoir fait perdre un an avec la détention.

Av : Sur la prétendue animosité de S. suite à l’accident de scooter : votre mère parle d’un policier qui loue son gîte, et à qui vous avez donné une place pour un feu d’artifice.

S : Oui, il s’est fait fouiller le sac à l’entrée du feu d’artifice je lui ai demandé « ça fait quoi de se faire fouiller ? ».

Av : Quand avez-vous obtenu votre agrément d’artificier ?

S : Je l’ai obtenu le 31/07/2020

Av : vous ne trouvez pas ça étrange ? alors que vous êtes, sans le savoir, dans une instruction pour terrorisme?

S : Un peu paradoxal oui…

Av : Quelle est votre explication ?

S : C’est normal que j’ai eu mon agrément, la préfecture a mené son enquête et me l’a donné.

Av : Vous ne représentiez donc pas un danger à cette date ?

S : C’est ce qui écrit oui.

Av : Mme la présidente vous a questionné sur l’accident et vous a laissé le choix d’en dire plus. Puis Mme l’assesseur a précisé que l’auteur de l’accident était policier. Auriez-vous peur que cet évènement dont vous êtes la victime puisse vous être reproché ?

S : Oui, on a peur que ce genre d’évènement se retourne contre soi puis devienne un élément à charge.

Av : En avez-vous nourri un ressentiment ?

S (rire) : Non, ça reste un accident banal. 

Av : Comment vous situez-vous ? Comment définiriez-vous vos opinions politiques ? Vous dites être de gauche et d’extrême-gauche sur certains sujets.

S : J’aime pas me définir dans tel ou tel courant politique. On fait ses propres choix.

Av : Et vous travaillez pour Disney ?

S : J’aime l’autoflagellation. Il y a Disney et les personnes qui y travaillent c’est différent

Av : C’est là la preuve de l’homme de compromis que vous êtes.

LOIC

Permis de conduire retiré à cause d’usage de stupéfiants

– « J’en consommais de manière très irrégulière ».

Rapport de personnalité. 

– « Vous êtes dans cette commune de Cubjac où vous avez grandi et toujours habité avec votre mère ? 

Projet professionnel ? » 

– « Lycée du bâtiment, pour faire maçon comme mon père. Je n’aspire pas à grand chose à part avoir plus de liberté, je voulais juste passer à la vie active.

– « Vous avez beaucoup voyagé avec vos grands parents ».

– « Oui, iels ont pris le rôle de mon père absent ».

– « Vous êtes particulièrement sensibles aux effets du cannabis. Quand vous en êtes-vous rendu compte ? »

– « Vers 18 ans ».

– « C’est pour manifester la colère que vous étiez dans le mouvement punk ? »

– « J’ai une tendance à être anxieux des humains, je developpe d’abord une forme de retrait puis quand je me sens en sécurité je suis très sociable. 

La période de la rue a duré 2 ans, puis il y a eu le camion en 2011/12, j’avais fais le choix de faire une rupture avec ma famille, trop colérique ».

– « Vous êtes devenu sédentaire ? » 

– « Premier appart en Ariège en 2017. Pour la première fois je m’entendais penser et j’ai pu me pencher sur mon développement personnel ».

– « Passage à Sivens ? »

– « Après le collectif à Cubjac. J’en ai marre de ce lieu et de ma mère, je me rapproche de Toulouse pour faire du maraîchage, j’entends alors parler de Sivens comme d’une nouvelle aventure, les gens étaient sympas alors j’y suis allé. » 

– « Vous êtes en colère à ce moment là ? » 

– « Colérique oui mais violent non. Il y avait une cause qui permettait de canaliser cette énergie dans un projet constructif ».

– « Projet de fabriquer du jus de fruit ? avec W et B ? »

– « Oui, mais le projet n’est pas arrivé au bout car trop de désaccords sur la manière de s’y prendre, même si nous étions tous d’accords sur le fond. »

– « Pourquoi ce projet n’a pas abouti ? »

– « De manière générale, les choses ont du mal à aboutir dans mon parcours ».

– « Alcool ? »

– « Auto sevré petit à petit ».

– « Le confinement, quelle a été votre réaction ? » 

– « Paradoxale. A la fois c’était une période où j’allais bien, où j’étais dans un endroit que j’aimais, et à la fois chaque fois que j’allumais la télé ou internet ou que je parlais avec des gens j’avais l’impression que tout allait mal ».

– « La collectivité ? Vous aimez bien ? Vous la subissez ? » 

– « Un peu de tout ».

– « airsoft ? entraînements ? » 

– « On joue. Je ne peux pas qualifier d’entraînement une initiation de quelques heures ».

– « Problèmes de santé ? » 

– « J’ai une tendance à somatiser beaucoup, surtout depuis le début de cette enquête.

Avec les arrestations et la répression, j’ai développé des douleurs aux cervicales ». 

– « Armes ? »

– « J’ai essayé une fois avec W à Parcoul »

Assesseuse :

– « Association « la passion des amies » : délire de survivalisme ? » 

– « C’est le jeu dans lequel je me suis mis pour faire ça, j’avais envie de passer du temps avec mes potes. Je n’ai jamais pris ça au sérieux

– « Zad sivens / nddl ? contexte d’affrontements ? » 

– « Ca m’a donné encore plus envie de déplorer cette violence, des deux côtés, car elle fait du mal des deux côtés. J’en retire une grande expérience militante, des valeurs, du lien social, mais aussi des séquelles par rapport à la mort de Rémi. Après ce qui lui est arrivé je ne pouvais plus écouter un feu d’artifice sans avoir les larmes qui coulent ». 

Procureure :

– « Je crois que ce que vous avez dit est très intéressant et que vous vous êtes pas mal livré.

Vous répétez beaucoup « fatiguant », cette lutte vous a t elle pesée ? »

– « Un peu. A ce moment là j’ai envie de faire une rupture avec tout ». 

Est-ce que cette rupture avec vos ami•es à ce moment peut être liée avec une volontés de rompre avec une atmosphère de violence et de haine envers la police et l’État ?

L répond sur son cheminement personnel et émotionnel, il parle de valeurs humaines et non d’idéologie.

– « Quel est votre problème avec la trahison ? »

– « C’est de l’anxiété, anxiété que des proches puissent faire des choses à mon encontre, anxiété générale. Une fois que je fais confiance, s’il y a quelque chose qui entrave cette confiance je peux me sentir trahi ».

L’avocate fait le rapprochement entre ce sentiment de trahison et la petite enfance.

L : « C’est évident ».

L’avocate reprend la déclaration de personnalité de sa mère: qu’a-t-elle dit sur vous ? 

L: Que j’etais chiant?

Elle a déclaré que vous étiez le meilleur fils du monde. 

Liens : 

    M 2020

    S pas du tout

    F 2013

    W sivens

    B sivens

Déclaration : « Si j’ai gardé lien avec F W et B c’est parce qu’ils ont quelque chose que je n’ai pas, c’est leur humour. C’est eux qui m’ont fait découvrir le plaisir de jouer ». 

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RASSEMBLEMENT DU 3 OCTOBRE 2023 (ouverture du procès)

EDIT DU 3/10

Quelques images… Merci !! On se retrouve le 27 !

Appels à rassemblement à 12h devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, Porte de Clichy

Ce mardi 3 octobre 2023, s’ouvrira le procès de l’affaire dite du 8 décembre. Ce sera le premier procès « antiterroriste » visant des militant.e.s de gauche depuis le fiasco de l’affaire Tarnac.

Ce procès nous concerne toutes et tous. A l’heure où les contestations locales se font toujours plus nombreuses et toujours plus fortes, ce que procès n’a qu’un objectif. Obtenir, coûte que coûte, une condamnation pour « terrorisme » de militant.e.s de gauche pour installer l’amalgame entre luttes sociales et terrorisme. Et mieux les réprimer.

Mais à l’approche du procès, le pouvoir est fébrile. Il sait que le dossier d’accusation est vide, le parquet et le juge d’instruction ayant d’ores et déjà avoué que l’instruction n’a pu mettre à jour le moindre « projet terroriste ».

Lundi dernier, un article du journal Le Monde évoquant les « contradictions fondamentales » d’un dossier aux « bases fragiles » est venu jeter le discrédit sur l’accusation, donnant ainsi un large écho à ce que nous dénonçons avec force depuis presque trois ans maintenant!

Malgré toutes les violences que les inculpé.es ont subies, nous pouvons, à travers ce procès, mettre en échec la volonté du pouvoir d’étendre l’antiterrorisme à la répression des luttes sociales.

C’est pourquoi nous appellons à une mobilisation massive le 3 octobre pour l’ouverture du procès!

Si ce procès sera le procès de l’antiterrorisme, il sera aussi un moment d’expression de solidarité où résonnera notre soutien à la lutte internationaliste, au peuple kurde et à toutes celles et ceux qui subissent la violence d’un Etat autoritaire quel qu’il soit.

Nous envoyons cette invitation à des camarades, collectifs ou organisations qui ont une expérience de la répression antiterroriste et ses outils (en France et à l’étranger), ainsi que des violences d’Etat, de la répression ou de la surveillance.

Le timing étant court, nous vous invitons à participer de différentes manières :

  • par une présence au rassemblement (avec prise de parole ou non) le mardi 3 octobre prochain devant le Tribunal de Paris à partir de 12h
  • par la transmission d’un communiqué ou d’un témoignage (que nous lirons sur place)
  • par la diffusion de cette invitation à toute personne/collectif/orga qui vous semblerait concernée

Par ailleurs, le procès est public et se tiendra tous les après-midi à partir de 13h30 du mardi au vendredi du 3 au 27 octobre. Nous vous invitons donc à venir nombreux.ses quand vous le pouvez tout le long du mois d’octobre, en espérant que tout le monde puisse rentrer à l’intérieur.

Salutations camarades,

Le comité IDF, le comité ToulouseTarn, le comité Ardéchois


Solidarité féministe face à la répression