MARDI 24 OCTOBRE

24/10

Début 13h45.                                   

Maître Bonvarlet (Avocate W.) demande une date de délibéré : la juge répond qu’on ne saura que vendredi. 

BASTIEN

La juge indique que B. a donné ses codes de chiffrement. 

Juge : Dans votre ordinateur, on a trouvé un document : « L’informatique : se défendre et attaquer ».

B : Je n’ai pas de souvenir de ce document. J’ai envie d’avoir une meilleure hygiène informatique, j’utilise Gmail, Facebook, Windows… 

Juge : Vous utilisez très peu signal. 

B : Oui

La juge revient sur l’atelier Tails à Parcoul, où il s’est fait une clé. Vous en avez fait quelque chose ? 

B : Non. J’ai oublié le mot de passe. 

J : Et Tor, vous l’utilisez ?

B : J’ai essayé quelques fois par curiosité. J’utilise l’informatique surtout pour les jeux vidéos et la bureautique.

Juge : Vous avez une brochure « Refuser le fichage ADN » qui se trouve dans un dossier sur quoi faire en cas de GAV. Pourtant, ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire pendant votre propre GAV.

B : Comme quoi, c’est pas parce qu’on a un document sur son ordinateur qu’on suit ce qui est écrit dedans. J’ai aussi une bibliothèque d’une soixantaine de bouquins qui n’ont pas été saisis.

Elle cite deux brochures de « Mauvaises intentions ». Vous sentiez-vous proche de ce qui est écrit dedans ? Avez-vous oui ou non un intérêt particulier pour les actions violentes ? 

B : J’ai été sur écoute pendant 8 mois. Il n’y a aucune retranscription qui parle d’action violente. 

Elle insiste lourdement sur ses brochures sur l’antiterrorisme, « L’histoire de l’anarchie », « Rojava et Chiapas, 2…. » « Manuel de sabotage ».

B : Je n’avais pas que ça dans mes dossiers ! 

J : Oui, on choisit de quoi on parle. 

La juge insiste sur une brochure « Étude d’un dossier d’instruction antiterroriste » : « Vous êtes sûr que vous ne voyez pas de quoi il s’agit, cette affaire antiterroriste qui date de 2008, des gens dont vous pourriez vous sentir proche ? »

B : Non je ne vois pas.

J : Vous vous rendez bien compte du lien que j’essaye de faire. C’est quand même ciblé, tout le monde n’a pas des documents sur l’antiterrorisme sur son disque dur.

B : J’avais 1 tera de données sur mon disque dur…

Juge : Vous avez une brochure sur « Les secrets du crochetage » : n’est-elle pas en lien avec la conversation sur la  réquisition de maisons, dans le cas où ce serait « le chaos » ? 

B. répond que c’était sur le ton de la plaisanterie. Pourquoi vous ne parlez pas des 99% de mes conversations, où je parle de l’envie d’acheter un terrain. ça c’est mon projet réel !!! (Rires dans la salle, enfin un projet !) 

Pour savoir qui on est vraiment, il faut parler de ces conversations là !! 

Juge : Vous savez, selon le Code de Procédure Pénale, on ne peut pas tout retranscrire car il y a le respect de la vie privée (lol, on hallucine). Mais oui ce projet d’achat de maison a été mentionné dans la synthèse. 

B : Ma vie privée, on s’est pas mal assis dessus dans ce dossier, donc autant tout mettre, comme ça on sait vraiment qui je suis. 

La juge ressort ce qu’il a dit en GAV (où il a dit que Flo aurait parlé de tuer des policiers, qu’ils étaient en désaccord sur la stratégie, qu’il avait peur de lui redonner l’arme que vous aviez achetée).

B. recontextualise 2 conversations :

– avec Flo, ils ont eu une conversation sur quoi faire après le confinement / en cas d’effondrement et ils avaient des envies différentes : s’installer à la campagne tranquillement VS aider les autres par d’autres moyens.

– un peu plus tard et bourrés ils ont eu une autre conversation où ils ont dit tout et n’importe quoi.

Il rappelle s’être déjà expliqué sur ce qu’il a pu dire en GAV sous la pression et les mensonges. 

La juge reparle ensuite des plans du dispositif du 14 juillet retrouvés dans son téléphone. 

B. dit s’être souvenu de ces images : c’était un meme, un détournement du plan pour lui donner une forme de pénis. 

B : Par contre, les images qui sont dans le dossier ne sont pas celles que j’ai reçues par message. 

J : Mais l’enquêteur dit que ces images étaient téléchargeables sur le site du ministère de l’intérieur ? 

B : Je doute qu’on y trouve l’image du détournement que j’ai reçu. Ce n’est pas possible que j’ai eu les vraies images sur mon téléphone. Quel sens ça aurait ? Je n’étais pas à Paris, je m’en fous royalement du défilé du 14 juillet ! 

La procureure prend la parole. Des petits bruits dans la salle : elle demande d’arrêter les sifflements de serpent.

La Présidente vide la salle « jusqu’à que je décide que vous puissiez re-rentrer », uniquement les familles restent au premier rang.

Maître Bonvarlet intervient et rappelle que beaucoup d’audiences sont beaucoup plus bruyantes que celle-ci.

Maître Bonaglia prend la parole pour demander à avoir accès au téléphone et aux MMS afin de lever le doute. Il précise que la DGSI a fait un résumé du NIS et ne l’a pas retranscrit.

Assesseure de droite 

AD : Les brochures, vous vous rappelez les avoir téléchargées ?

B : Elles sont sur mon ordinateur. 

AD : Sur la base de quelles recherches ? 

B : Je ne vois pas quoi vous dire. 

Procureure  

Pr : C’était pourtant dans le dossier : Projet → Brochure.

B : Et qu’y avait-il d’autre dans ce dossier ?

Pr : c ‘est écrit dans l’arborescence. 

Maître Bonaglia : encore une fois non, l’arborescence est tronquée, nous n’y avons pas accès.

La procureure revient sur la conversation qu’il aurait eu avec F. au sujet de « tuer les policiers ». Qu’a dit F. ce soir-là ? 

B : Ce sont les mots de la DGSI que j’ai sorti ce jour là. Je ne me rappelle pas ce qu’a dit F. 

Pr : Pourtant vous avez dit des choses très précises. A-t-il dit oui ou non qu’il voulait tuer des flics ou des militaires ?

B: Je ne l’ai jamais entendu parler d’un projet réel. 

Pr : Pourquoi ne vouliez-vous plus vendre le fusil d’assaut à F. ?

B : Juste parce qu’il me plaisait et que je voulais en fait le garder, le reste est faux (référence à ses propos tenus en GAV).

La proc relit un extrait de la GAV de W. 

Pr : Est-ce un hasard qu’il dise la même chose que vous ?

B : Je ne commenterai pas des propos tenus par d’autres en GAV. 

La proc lit soi-disant un extrait de So., alors que ce n’est pas du tout elle qui a dit ça. Elle finit par le reconnaître (« ah oui autant pour moi, pardon, autant pour moi….).

Pr : Pourquoi ce serait incompatible d’aider les migrants et d’avoir un terrain avec un potager ?

B : Je ne comprends pas votre question.

Avocate de F. (Maître Bouillon )

A : Cette audience n’a pour but que de parler de F. 

Est-ce que vous emprunteriez de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur ? 

B : non

A : Si vous aviez emprunté de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur, est-ce que votre priorité ne serait pas de le rembourser ? 

B : Oui

Vous aviez l’argent pour le rembourser ? Vous avez même acheté une autre arme.

B : Oui. 

Avocat de B. (Me Bonaglia)

Maître Bonaglia revient sur les plans du défilé du 14 juillet et sur le soi-disant projet d’attaque, qu’il trouve particulièrement risible. Il précise ce que la DGSI sous-entend, à savoir que posséder les plans du défilé, acheter des drones et effectuer des essais d’explosifs seraient une preuve de projet de tentative d’attentat contre le défilé. Il dit que si la DGSI avait eu le moindre doute sur la véracité de cette accusation elle serait intervenue bien avant, d’autant plus qu’ils avaient les identités des deux protagonistes de la conversation. Le fait qu’il ne se soit rien passé prouve en soi-même le ridicule de cette accusation.

Maître Bonaglia : En quoi les propos de F. vous ont fait ressentir que vous étiez perçu comme un lâche ?

B : C’était plutôt un ressenti, peut-être dû au fait qu’on peut avoir l’impression d’être moins actif qu’en vivant en squat en ville dans le milieu militant. 

Maître Bonaglia rappelle que le téléphone et l’ordinateur n’ont pas de code d’accès, qu’il y a 67000 fichiers sur son ordi.

Av : Pensez-vous que dans une démocratie, on a le droit de lire, de se documenter, d’avoir un esprit critique ?  

B : Oui.

Av : Au sujet du crochetage de serrure, avez-vous déjà ouvert un squat ? 

B : Non

Av : Saviez-vous qu’il n’est illégal de rentrer dans une maison principale que depuis 2023 ? (projet de loi porté par LREM) 

Av : Pensez-vous qu’il y a d’autres moyens d’ouvrir une porte que le crochetage ? 

B : Oui.

Av : Au sujet de la 5ème audition lors de sa GAV, à la dernière question, « Avez vous autre chose à ajouter ? » vous répondez « Non, j’étais à 1000 lieux de cette histoire, ça me rappelle des vieux bouquins de groupes armés ». Pourquoi parlez vous de ça alors que ce n’est apparu nulle part dans les questions précédentes ? 

B : Encore une fois, ce sont les mots de la DGSI dans ma bouche.

Levée de séance.

Les personnes évacuées vont pouvoir revenir. La présidente précise que la personne qui a chanté « On est là ! » au moment de l’exclusion ne pourra pas revenir.

Reprise de l’audience à 15h10. 

CAMILLE

La juge revient sur une écoute qui date de juillet 2020. 

Elle est au téléphone avec une amie : « J’ai envie de cramer toutes les banques, tous les keufs et cracher à la gueule du premier connard qui me dit de mettre mon masque ».

C : J’étais en colère, j’exprime un énervement et rien de concret. J’avais un sentiment d’injustice à ce moment-là.

La juge s’étonne que C puisse s’énerver « au vu de son comportement ces dernières semaines ».

C explique qu’il y avait une ambiance assez anxiogène et oppressante à Rennes à ce moment-là.

La juge sous-entend qu’on n’était pas au plus fort des restrictions.

C : Nos sentiments de saturation ne s’expriment pas tous au même moment. 

Avocat de C. (Me Arnaud)

Av : depuis combien de temps étiez-vous à cette banque ?

C : plus de 20 ans.

Av : Avez-vous changé de banque depuis cet événement ? 

C : Non, tout va bien.

Av : Pas d’envie de meurtre ?

C : Non

Av : Avez-vous fait de l’athlétisme ? Du lancer de poids ? 

C : J’étais très nulle.

Av : Je doute très fort de la capacité de C. à dégommer des drones avec des cailloux.

FLO

Juge : Cet entretien sera peut être plus long que celui de C.

F : Je m’en doutais, je suis la cible.

La juge revient sur la conversation à Paulnay au sujet des manifestations des Gilets jaunes avec S. : « Les Français sont un peu mous, sans culture historique. La Révolution je la conchie. Les valeurs républicaines je les conchie… ».

J : C’est un extrait qui pose question. 

F : Je ne me rappelle pas tout ce qu’on s’est dit il y a 4 ans. S. parle des Gilets jaunes, mouvement dans lequel je n’étais pas. Je le redis, c’est une conversation où « on se renifle le cul ». 

J : Je ne comprends pas cette expression vulgaire. 

F : On essaie de se valoriser, on est 2 mecs cis dans un camion qui se sont pas vus depuis longtemps, c’est un pamphlet qui ne tient pas la route. 

D’ailleurs, moi ce que j’ai lu sur la Révolution, c’est Kropotkine et il parle de la « Grande Révolution ». 

Elle bascule sur l’article de Médiapart sorti en septembre 2019. Elle lui redemande s’il se sent surveillé avant de prendre connaissance de cet article. F. lui répond que oui, du fait des contrôles routiers suspects, notamment lors de son voyage en Grèce. 

Elle revient sur « Je conchie les valeurs républicaines » : F. redit qu’ils sont dans l’escalade de la discussion, qu’ils parlent dans le vent. 

Elle parle de la conversation où ils parlent de « si un membre des forces de l’ordre était par terre, moi franchement je l’achève ».

F. répète la même chose. 

J : C’est toujours votre réponse. 

F : Oui, ce sont les mêmes questions ! Dans les FAITS, quand je me suis retrouvé face à des policiers je n’ai jamais eu d’action violente envers eux, j’ai joué au chat et à la souris, couru autour des machines, suis monté tout nu sur une caravane, mais je n’ai jamais attaqué un CRS.

La juge reparle de la conversation avec B., sur leur désaccord et la lâcheté dont il accuserait son ami. 

F répond : « Je ne pense pas avoir dit le mot « lâche », ce n’est pas dans mon vocabulaire. Je pense qu’on a parlé de privilège. Quand on a le privilège d’avoir un terrain pour produire des légumes, on peut essayer d’en faire profiter les autres ». 

La juge parle de la conversation qu’il a eu avec C. et Y., un jour où ils passaient devant une gendarmerie : « Tu vois toutes ces voitures, on pourrait les brûler de nuit ». 

F : Je n’ai pas cramé ces voitures. 

J : Mais quel genre de réflexe ça peut être d’imaginer de brûler des voitures de police ? 

F : J’ai eu un réflexe de séduction à deux balles, faire le mariole, le rebelle, dans le milieu militant c’est courant. C’est pas parce qu’on est engagé qu’on a confiance en soi. La question, c’est « Est-ce que j’ai vraiment voulu les brûler ou est-ce que c’est des conneries que je dis ? » 

J : Je ne sais pas si ça passe dans la tête de tant de monde que ça, de brûler des voitures qui sont là. 

Sans commentaire. 

La juge revient sur la discussion sur la ZAD de Sivens, lors de laquelle F. évoque le fait qu’il désapprouve l’inégal rapport de force au niveau des armes. 

F. répond qu’il passe du coq-à-l’âne dans cette conversation, qu’il switche sur le Rojava, qu’il revient, qu’il n’avait pas parlé de prendre les armes illégalement. Que la guérilla, ce n’est pas son projet, qu’il est irréaliste de croire qu’on peut avoir les mêmes armes que l’armée, qu’il dit tout et son contraire. 

F : Ca ne me fait pas plaisir d’avoir dit ça.

J : Ca ne fait plaisir à personne de voir qu’on a dit des choses d’une grande violence.

F : Et d’une prétention à 2 balles, surtout.

Juge : Revenons sur vos supports numériques. Vous avez une brochure de « La conspiration des cellules de feu » sur votre disque dur. 

F : Dans un dossier Infokiosque avec plusieurs centaines de brochures. Je ne l’ai pas lue. Je mûris ma réflexion par des lectures. Je m’intéresse aux différents mouvements de l’anarchisme. 

Ce que je défends, c’est le confédéralisme démocratique, le fait d’avoir une idée de ce qu’on veut construire comme société. J’ai lu la brochure dont vous parlez suite à l’instruction, et je ne suis pas d’accord avec ce qui est exprimé dedans. Je suis contre la déstabilisation politique sans accord majoritaire pour un projet politique fort derrière. Car sinon c’est la loi du plus fort, je l’ai vécu avec DAESH que j’ai dû combattre. En GAV on m’a demandé ce que je pensais du chaos, je suis contre le chaos car c’est les plus pauvres et les plus faibles qui trinquent.

J : Mais quand même il y a un point commun, vous ne voulez pas de décisions qui seraient prises par une seule personne. 

F : Tous les milieux anti-autoritaires pensent ça ! Je viens de dire que je suis en désaccord avec le texte et vous me parlez de point commun… C’est un piège. 

Ils se mettent quand même d’accord sur le fait que F. peut être décrit comme un rat de bibliothèque. 

La juge évoque ses voyages dans plusieurs pays pour aller rencontrer des personnes qui souhaitaient se rendre au Rojava. Elle essaie de lui faire dire qu’il a fait de la prévention mais aussi qu’il leur a dit que c’était super. 

F. répond qu’il veut partager son expérience sans encourager ni dissuader. Que lui a beaucoup réfléchi avant de s’y rendre, et que ça lui faisait peur de se dire que les personnes y allaient sans vraiment avoir d’idée sur ce qui se passait là bas. Il a vu des gens y aller pour un « romantisme révolutionnaire » et craquer très rapidement, en se mettant en danger et en mettant les autres en danger. Il y a des choses magnifiques et il émet aussi des critiques. 

La juge revient sur ses pratiques d’hygiène numérique. 

F. rappelle qu’il aime préserver sa vie privée et qu’il se préoccupait d’être surveillé, inquiété, lui ou ses proches, par Daesh ou les services secrets turcs.

Il rappelle aussi qu’il a un mail très classique, auquel la DGSI a eu accès, et qu’ils n’en n’ont rien sorti, car ça ne devait pas être intéressant pour le dossier.

La juge revient sur l’atelier Tails qui a été fait à Parcoul pendant le confinement.

F : Les activités qu’on a faites n’étaient pas prévues. On a pris les clés que les gens avaient. 

Les 10 clés identiques trouvées dans son camion ne sont pas les clés qui ont été utilisées à Parcoul. 

Ces 10 clés viennent d’un événement de partage de savoirs qui a eu lieu au squat, auquel F. a participé (mais qu’il n’a pas organisé) et comme la personne qui faisait l’atelier a oublié les clés, F. les a gardées car c’était le seul habitant présent à l’atelier. 

J : Etiez-vous à l’origine de l’atelier de Parcoul ? 

F : Je ne sais plus, je n’étais pas le seul à avoir ces compétences. 

J : Vous refusez de donner vos codes de chiffrement, notamment pour protéger des personnes qui sont en photos sur votre clé Tails (c’est ce que vous dites au juge d’instruction). 

F : Je refuse par principe de donner mes codes. Après en plus, effectivement, j’avais des photos du Rojava et je ne voulais pas mettre en danger des personnes des forces démocratiques syriennes.

La juge revient sur le fait que son abonnement téléphonique est pris au nom d’une autre personne, que F. l’a remboursée mais qu’il ne voulait pas que son nom apparaisse. « Je me pose la question de cette anxiété, vous n’étiez pas dans une semi-clandestinité, mais dans une angoisse… ».

F : Je refuse le terme de semi-clandestinité. Je protégeais mon téléphone. Pour le reste, je payais avec ma carte bancaire, je prenais mes billets d’avion à mon nom… 

J : Et le routeur ? 

F : Vous ne savez sûrement pas ce que c’est, mais en camion, surtout l’hiver, l’électricité c’est galère. Avoir un routeur qui permet de moins consommer, c’est… la Révolution ! (rires). 

J : Mais comment vous imaginiez la suite de votre vie ? 

F : Je ne sais pas, j’étais flippé. 

Procureur  

Pr : En GAV vous avez refusé de donner vos codes ?

F : Non, j’ai usé de mon droit à garder le silence.

Pr : Et devant le juge d’instruction ?

F : J’ai  refusé. 

Pr : Vous parlez de droit à la vie privée, mais c’est un délit. 

F : J’ai des principes. 

Pr : Etiez-vous à l’initiative de l’atelier Tails à Parcoul ? 

F : Je ne sais plus.

Pr : Êtes-vous de façon habituelle, à l’initiative de temps d’ateliers de formation à l’hygiène numérique ? 

F : Pas de souvenir particulier, mais pas impossible que je l’ai fait. 

Pr : Lorsque vous revenez de Grèce, le 1er message que vous envoyez sur le compte collectif du squat, c’est « Si des personnes veulent faire un atelier sur l’hygiène numérique, je suis toujours là ».

F : On en avait parlé, j’étais le seul à avoir participé à l’atelier, et je ne suis pas sûr que c’était le premier message que j’ai envoyé, c’est surtout le message que vous avez choisi… 

Pr : Connaissiez-vous la « conspiration des cellules de feu » ? Leurs passages à l’acte, leurs attentats… Dans le document, on retrouve des points de similitudes avec vos actions, avec ce que vous prônez… la DESTRUCTION… des dominations (!!), les actions violentes, la guérilla urbaine.. 

Vous êtes à l’initiative d’ateliers de fabrication d’explosifs, d’ateliers de formation sur le numérique, de parties d’airsoft… ça ressemble beaucoup quand même. 

F : quand on prend que ce qu’on veut voir, on ne voit pas autre chose. Je ne prône pas la guérilla, je prône le confédéralisme démocratique. Ca n’a rien à voir avec l’airsoft ou la confection d’explosifs, ce n’est pas lié à ma vision politique, c’est dans un cadre ludique ! 

Pr : Parlons de votre obsession pour les actions violentes, qui reviennent toujours dans vos conversations. 

F : C’est sûr, quand on met bout-à-bout tout ce qui en parle et rien d’autre… Je ne vois que votre obsession à vous ! Je l’ai déjà dit, ce n’est pas parce qu’on répète les mêmes mensonges que ça les rend plus vrais. 

Pr : Si vous deviez faire comme un Tekmil… Avez-vous des auto-critiques à vous faire ? 

F : Normalement, leTekmil ça se fait entre personnes égales, ce qui n’est pas le cas ici. Je reconnais les délits que j’ai fait et je ne vous ai pas attendu pour arrêter de faire des explosifs. Oui j’ai fait des erreurs et j’ai eu des comportements débiles. 

Pr : Pensiez-vous que vous étiez important à ce point que vous deviez craindre les services secrets turcs ? 

F : Je ne sais pas, je n’ai pas envie de ne pas me protéger au cas où. 

Avocate de S. (Me Becker) 

Elle rappelle que S. a donné tous ses codes et que sur les 8 To, aucun élement n’a été retenu à décharge… 

Avocate de C. (Me Challot) 

Av : Vous pensez que vous avez séduit C. avec votre fanfaronnade sur les voitures de police ? 

F : Non. 

Av : Et vous êtes passé à autre chose ?

F : Oui. 

Avocate de M. (Me Simon)  

Av : Avez vous mis en lien M. avec certains de vos contacts ? Avec des membres des conspirations des cellules de feu ?  

F : Non

Avocate de M. (Me Vannier) 

Av : Vous dites avoir lu Kropotkine, avez-vous lu L’Entraide ?

F : Oui, ça parle du fait que l’entraide est ce qui nous permet d’évoluer.

Av : Que pensez-vous du terrorisme ? 

F : On ne va pas faire la même chose que ceux à qui on le reproche. 

Avocate de F. (Me Bouillon) 

– Savez-vous combien de fois il y a le mot inaudible dans les deux pages de retranscriptions de la conversation avec S. ? 25 fois. 

Elle revient sur l’interprétation des phrases de F. sur le bolchévisme, et démontre que cela joue en sa faveur, car F. dénonce la vision autoritaire. 

Me Bouillon revient également sur le fait que combattre Daesh n’est pas anodin, contrairement à ce qu’a insinué le procureur. 

Avocat de F. (Me Kempf) 

Me Kempf revient également sur le fait que ce n’est pas ridicule de penser qu’on est sous surveillance.

Il demande d’expliquer le terme de « mec cis » et F. explique ce qu’est l’éducation genrée et le fait que les personnes socialisés comme hommes se doivent d’être virils, bagarreurs, beaux parleurs…

Me Kempf revient sur les envolées de F. sur la Révolution française, rappelle qu’il parle de l’après-révolution, donc la Terreur, l’Empire, la Monarchie… 

Me Kempf  précise que le fait de préférer prendre des décisions à plus d’une personne n’est pas l’apanage des anarchistes. Il revient sur les brochures autour de l’anarchie, dit qu’on n’en connaît pas le nombre exact. Il cite des brochures qu’il a trouvé en cherchant sur Infokiosques à la rubrique « anarchie » « il y avait Emma Goldman, Élisée Reclus, Michel Foucault… »

Il demande si c’est illégal de posséder des brochures ? 

F : Non.

Av : Et même celle sur les « conspirations de feux » ?

F : Je pense que oui, vu que même Mein Kampf est légal.

L’avocat demande si c’est illégal d’avoir les conversations que F. a pu avoir dans le cadre privé ? 

F : Non.

Av : Doit-on s’interdire certaines paroles dans des échanges privés ? 

WILLIAM

J : Vous avez fourni le code de la carte SIM. Les DATA depuis 2020 ont été exploitées.

Aucune application cryptée n’apparait.

J : Sur Tails, vous vous êtes expliqué (« Tor : je l’ai déja utilisé mais ça m’a paru trop lent à mon goût »), sur l’ordinateur, vous avez commencé par refuser.

W : J’étais dans un moment de ma GAV où je gardais le silence. Mais il n’y avait pas de mot de passe sur mon ordi.

J : Devant le juge d’instruction vous avez confirmé que votre disque dur n’était pas crypté.

W: Mon utilisation d’internet se résume à regarder des séries.

J : A Parcoul vous avez expliqué qu’il y avait eu une présentation Tails faites par F., vous n’y voyiez rien d’illégal ni d’inquiétant. Vous dites avoir perdu la clef contenant tails depuis. 

W : Ce que je vous dis, c’est que l’utilisation de mon ordi c’est séries et jeux vidéos. Sur la sécu j’ai complètement capitulé, les GAFAM prennent ce qu’ils veulent, même si ça m’inquiète.

Sur l’ordinateur :

La juge aborde les photos sur la cause animale trouvées dans son ordinateur : « Ce sont des causes qui vous tiennent à coeur ».

Elle mentionne un autre dossier contenant plusieurs brochures, sur les techniques de survie et les méthodes de guérillas (sur les munitions, les techniques de l’armée) qui a plus particulièrement retenu l’attention, ainsi qu’un répertoire téléphonique.         

J : « Avez-vous souvenir de ce dossier ? »

W : Ce dossier-là venait sûrement de Sivens, vu la temporalité. Il y a des choses sur le disque que je ne savais pas que j’avais et d’autres que je n’ai jamais ouvertes.

J: Il y a des mentions d’entrainement militaire et de guérillas urbaines.

W : Il y a tout un foutra de trucs.

J : Il y a aussi une conférence sur l’empire du béton.

W : Je ne sais pas, je n’ai jamais ouvert ce dossier

J : Ce disque dur n’est pas sorti du néant, il était dans votre chambre. Il contient un dossier sur les techniques de fabrication de munitions. Vous ne saviez pas non plus ?

W : Non sinon je ne serai pas allé sur internet pour savoir comment finir de couler ce bateau.

J : (cite un dossier) « Le James Bond du pauvre, recette d’explosifs & autre »

W : Ca non plus ça ne me dit rien

J : Il y avait aussi les mêmes documents que chez M., le « Manuel pour créer et entraîner une milice ».

W : Pareil, je ne savais pas ce qu’il y avait dans le dossier. Je pense que ça vient de Sivens.

J : Mais tout ceci ça ne vous intéresse pas ? Vous ne vous êtes pas dit, ça ne m’intéresse pas donc je m’en débarrasse ?

W: J’ai 1 Tera sur mon disque dur, donc tant que c’est pas plein, je ne vire rien.

J : Donc vous n’avez pas d’intérêt pour la fabrication d’objets incendiaires, et vous ne voulez pas monter de guérillas ? Ces sujets ne vous intéressent pas?

W : Non, à la rigueur la brochure « Trouver son chemin » (techniques de survie en forêt). Je ne pensais plus jamais me retrouver en GAV.

J : Concernant le répertoire trouvé dans le disque dur. Sa seule exploitation c’est 2 numéros avec marqué « Flo crête » et 1 autre avec écrit « Flo (+une mention) », mais peut être est-ce la même personne ?

Elle cite la côte D460 en GAV, 

J : Vous avez déjà parlé de vos conditions de GAV mais vous avez dit « je ne peux pas vous dire si c’était un projet ? Et si c’en était un je me désolidarise complètement de ce projet… ».

W : Quand j’ai dis ça je mangeais la merde de la DGSI (la juge le reprend sur son vocabulaire).

W : Maintenant je sais qu’il n’y avait pas de projet.

J : Et sur la conversation incriminante (discussion de fin de soirée) ?

W : Je répète que c’était le concours de celui qui pisserait le plus loin.

Porcureur 

La procureure cite une écoute et l’interroge sur les désaccords relevés entre F. et W. et B. 

W : C’était un débat sur « Si le monde s’effondre, qu’est-ce qu’il se passe ? ». On disait que les fachos allaient reprendre le pouvoir. Dans cette projection là, B. et moi on disait qu’il fallait juste se barrer dans les montagnes et planter des choux, et F. disait qu’il fallait rester pour aider les genstes… tout ça n’avait pas vraiment de sens

P : Pourquoi ne pas avoir expliqué ça en GAV ou devant le JI ?

W :Je voulais juste sortir de là.

P : Et devant la juge ?

W : Devant la juge ça n’était pas le fête du slip non plus !

P : Lors de votre GAV, il y a plusieurs citations sur le fait que F. voulait s’en prendre à des policiers. Votre raisonnement c’est que vous êtes en GAV, et au lieu de dire que c’était une discussion alcoolisée, vous dites à la DGSI que F. avait des projets violents.

W : J’ai donné comme un lâche ce que la DGSI voulait.

P :  Mais néanmoins vous ne vous désolidarisez pas complètement, car vous dites qu’il est sympathique, agréable à vivre. Je ne comprends pas vos propos.

W : Non car c’est mon ami, je n’arrive pas à y croire. En GAV j’étais perdu, j’ai donné ce que la DGSI voulait pour revoir mon chien.

P : Sur la conversation « tuer des flics ». lorsque vous comparaissez, vous mettez cette discussion sur le même plan que « des syndicalistes qui parlent de pendre des patrons avec une réunion de la CGT ». Est-ce que vous pensez que c’est la même chose?

W : Ce soir-là on a dit plein de bêtises, c’est des âneries de mecs bourrés comme on en entend dans tout les PMU de province.

P : J’en conclut que vous ne voulez pas répondre à cette question.

Avocate de W. (Me Bonvarlet)

Av : A votre 2ème interrogatoire vous dites que la DGSI vous avait informé que F. était sur le point de commettre des attentats. La DGSI ne vous a pas laissé le choix que de valider ces thèses. Elle n’a pas posé de questions ouvertes sur la nature de ce projet, mais a orienté ses questions sur l’attaque de policiers ou de militaires. La question qui vous est posée est : est-ce que F a déjà parlé de tuer des flics ? 

W : Oui et c’est la panique, je cherche dans ma mémoire ce qui peut se rapprocher de « tuer un flic », c’est-à-dire ce qu’ils voulent entendre.

Elle parle du contexte de leur discussion (fin du confinement), que c’est dans le cadre d’une projection de « guerre civile », donc quelque chose sur leurs comportements hypothétiques dans une situation qu’ils n’ont jamais vécue.

Av : Connaissez-vous le mécanisme de la réinterprétation ? Je vais vous expliquer, on va faire un jeu. Imaginons que je vienne chez vous au milieu de la nuit en vous disant « J’en ai trop marre de mon compagnon, je vais le buter ». Qu’est-ce que vous me répondez ?

W : Je vous propose un Picon-bière.

Av : 6 mois plus tard, vous apprenez que j’ai tué mon compagnon. Comment réagissez-vous ?

W : Je m’en veux de ne pas avoir réagi auparavant.

Av: Je précise qu’on ne s’est pas vu pendant ces 6 mois.  Et vous vous mettez à douter de moi ? 

W : Oui

Av : Le projet était-il crédible 6 mois auparavant quand je suis venu chez vous la première fois ?

W : Non, pas du tout, c’était des paroles en l’air sans préméditation.

Av : Tout comme l’étaient ces paroles parlant de « tuer des flics », il n’y avait pas de préméditation.

Av : Est-ce que vous savez comment fonctionne la justice anti-terroriste, pour qualifier une affaire comme telle ? Qu’il faut justifier d’actes préparatoires, d’une planification, d’un projet…

W : Non

Av : Et bien vous n’êtes pas le seul apparemment. 

Av : Le dossier de votre disque dur contenant lesdits dossiers cités par Madame la Présidente n’est pas passé par la recherche de métadonnées. Il y a la possibilité de savoir quand un dossier a été créé, modifié et ouvert pour la dernière fois. Il suffit de faire clic droit. Or, il n’est pas indiqué cette information dans le rapport de la DGSI, alors que c’est une opération toute simple. Actuellement, le disque dur est toujours sous scellé, et même si nous y avons accès maintenant, à votre avis quelle serait la date de la dernière ouverture du dossier ?

W : La date où la DGSI l’a consulté.

A : Vous avez 47 recettes différentes sur votre disque dur d’explosifs et compagnie, dont certaines extrêmement simples (plus simples que celle que vous avez essayée). Pourtant, vous ne les avez pas utilisées, on est d’accord ?

W : Oui

Av : Si vous aviez à enregistrer votre propre numéro de téléphone, vous le mettriez à quel nom dans votre répertoire  ?

W : A « moi »        

Av : Pourtant dans ce répertoire, le numéro « moi » ne correspond pas à votre numéro, le vôtre est noté à « Will zad Testet » (Testet= ZAD de Sivens). Et il y a 43 autres contacts avec la mention « Testet ». Est-ce qu’on peut raisonnablement penser que ce répertoire n’est pas le vôtre ? 

W : Oui effectivement. 

Demande de Me Bonaglia de casser le scellé du téléphone. Il revient sur le rapport de la DGSI sur B. qui dit retrouver dans son téléphone des images de plans du défilé du 14 juillet (alors que B. se souvient plutôt d’un meme qu’on lui aurait envoyé d’une satyre de la photo, où un pénis est dessiné dans le ciel). Il fait état d’éventuelles « captures d’écran » des messages sur Signal (avant leur suppression automatique), puis dans le rapport suivant, plus rien. Il insiste sur l’importance de vérifier ces informations, pour que tout le monde puisse constater de la transparence de la justice…

 Refus du Parquet.

SIMON

J : à propos de la retranscription de l’écoute où on vous entend vous et F. parler du mouvement des GJ.  On entend F. s’énerver à propos des différents symboles de la république repris dans ces manifestations (le drapeau français notamment), qui seraient utilisés sans réel savoir historique sur leur provenance. Il finit par dire qu’il hait la république. Vous n’avez rien à dire là-dessus?

S : C’est juste une surenchère, à celui qui se dit le plus fort. C’est a l’image des 4 jours passés ensemble, où chacun sort sa pseudo-science…

J : Vous évoquez le Pink Block en Allemagne, vous parlez des manifestations en France et F. dérive le sujet vers son expérience au Rojava. Pourquoi ?

S: On parle de sujets qu’on ne maitrise ni l’un ni l’autre. (les GJ).

De mon côté je n’ai pas participé au mouvement des GJ au début. J’étais plutôt sceptique. Notre comportement se rapproche de celui de 2 primates, à celui qui est le plus fort, c’était de la virilité mal placée.

J : Vous semblez vous rejoindre sur un point, si un policier est à terre , vous dites vouloir le piétiner, et F. « le buter »?

S : C’ est déconnecté de la personne que je suis. Je suis quelqu’un de flippé en manif, je vais pas du tout à l’affrontement. C’est toujours le même problème, les conversations entières ne sont pas là.

J : Vous utilisez Signal et Telegram. Pourquoi ?

S : C’est pratique, ma messagerie est automatiquement gérée par Signal.

J : Sur une conversation avec D., on vous entend préconiser l’utilisation de l’application Signal (plutôt que Silence), et vous envoyez par la suite le lien de téléchargement.

S : Oui c’est plus simple pour communiquer. Il y a plus de gens sur Signal et pas grand monde sur Silence.

J : Vous avez trois adresses mail, une gmail, une laposte et une protonmail. Pourquoi?

S : J’avais envie de repartir à zéro avec protonmail, qui est plus sécurisé en terme de protection des données privées, mais je n’ai pas transféré tous mes contacts alors j’ai gardé les deux autres.

La juge lui demande quelles étaient les causes que F. mettaient le plus en avant. S répond le Rojava. Elle le questionne ensuite sur son intention de lui-même s’y rendre.

S : Oui ça m’a traversé l’esprit mais je savais que je n’étais pas un combattant (et je ne savais pas comment d’y m’investir autrement). Les discussions avec lui on fini d’achever mes doutes, malgré lui, il a fait de la prévention.

J : A aucun moment vous n’avez douté de l’utilisation de F. de vos expérimentations pyrotechniques? Vous ne pensiez pas qu’il avait un plan caché ?

S : « Non, pas du tout ».

Stupeur : pas de questions du PNAT !

Avocate de S. (Me Becker)

Av : Savez-vous depuis quand vous êtes surveillé par la DGSI ?

S : Officiellement, 2 jours avant Paulnay. Officieusement, depuis décembre quand j’ai revu F.

L’avocate précise qu’il est resté sous surveillance « jusqu’à vos parloirs »

Av : Combien de conversations incriminantes ont été retenues contre vous ?

S : Beaucoup, car il y a des conversations retenues qui sont des conversations dans le cadre de mon travail (il énumère).

Av : Dans les messages retenus : une conversation échangée avec quelqu’un de Libertalia: Rojasor, Make Rojava Green Again.

S : Oui c’était ça le projet, mais je n’ai pas eu le temps car je donne la priorité à mon taf et à mon couple. Puis il y a eu l’arrestation.

L’avocate l’interroge sur l’accusation de détourner du matériel pyrotechnique. S. dit ne pas détourner du matériel pour des gens qu’il ne connaît pas. L’avocate parle de la déposition d’un collègue à lui à la DGSI. Elle cite une partie de sa déposition où il change de comportement à partir du moment où les policiers lui parlent de 2kg de charge active supposément retrouvé dans l’appartement de S. (Il n’y avait que 258g).

Elle récite plus tard cette personne sur une écoute téléphonique « on va faire des essais dans un champ à l’arrache », alors qu’il dit l’inverse à la DGSI.

Cette déposition est à charge alors qu’elle est basée sur de l’intimidation et des bases fausses. L’avocate l’interroge sur la manière dont S. peut récupérer du matériel. 

S : « Sur les chantiers d’artifice c’est festival, on pouvait récupérer du matériel défectueux. Lors des tournages, il explique que les productions de film payent pour acheter plus de matériel que nécessaire car parfois il faut refaire la prise, une, deux ou trois fois si il y a un défaut dans l’effet pyrotechnique. Il prend en exemple le film « La proie » et le clip des cascades dont il a réalisé les effets. 

L’avocate l’interroge sur un achat qu’il aurait fait avec les papiers d’un de ses collègues. S. explique qu’il n’avait pas encore reçu l’agrément pour acheter un produit pour un effet. Il pense qu’il a tardé à recevoir cet agrément car il pense être fiché S. Finalement il n’a pas pu acheter ledit produit car les papiers de son collègue n’étaient pas valides non plus, et il a acheté autre chose.

Av : Pourquoi pensez-vous être fiché S à ce moment là?

S : Pour être un « artificier gaucho qui va en manif et est allé déjà 4 fois au Maroc ». A l’époque c’était la blague, maintenant ça me fait moins rire.

Av: le 6 décembre 2019, suite à une manifestation, 300 personnes sont arrêtées, dont vous. On contrôle vos antécédents, vous êtes alors déjà fiché S. 

Me Souleil Balducci rappelle que Simon est sous surveillance de février à décembre 2020. Un appel du 26/05 est ajouté au dossier, Simon se renseigne pour l’agrément d’artificier qu’il attend, c’est une procédure de la préfécture qui vérifie que tout est ok et fait une enquête sur les personnes (vis à vis du terrorisme toussa…). Il l’obtiendra finalement en juillet 2020

L’avocate montre une page qui retranscrit le passage devant le juge d’instruction. Sa question – sur le « projet » – prend toute la page et la réponse tient en une ligne.

Av : Quel était le ton du juge?

S : Je ne saurai pas dire, mais j’étais terrorisé.

Une page de détails sur Paulnay.

S : Je sais que nous avions prévu de nous revoir, j’étais curieux de revoir mon pote qui était allé au Rojava »

Réponse du juge d’instruction à l’époque: « Vous avez évidemment le droit de mentir ou de garder le silence mais vous feriez mieux de dire la vérité ». Qu’est ce que vous pensez maintenant de la réponse du juge ?

S : c’était un coup de pression

A : Et pourtant vos réponses n’ont jamais variées.

L’avocate revient sur la conversation autour des GJ et lui demande s’il a honte de ses propos. 

S : « Non, enfin certains propos sont mal exprimés, à cause de l’alcool ».

Elle cite Jakobson sur la fonction emphatique du langage, qui serait parfois de juste établir un lien avec l’autre, la discussion comme fin en soi. « Parler pour parler » résume elle-même la présidente. 

L’avocate revient sur le contexte de cette discussion. Ils se sont retrouvés à 17h, il est 23h lorsque l’évocation de « tuer des flics » arrive.

Elle lit la fin de la conversation :

S : « Je vais me coucher… »

F : Attends j’ai pas fini… » (rires à la barre et dans la salle)

S : Ah oui oui, on a atteint le point de non retour de la connerie.

Elle revient sur le dossier de judiciarisation et la phrase que S aurait dit: « je pourrais aller en prison ou mourrir » « On a entendu par 2 fois cette phrase à l’audience de la bouche de F. qui l’a dit aussi à sa mère. On peut dire qu’il est possible que cette phrase ne vous appartienne pas, non? »

Sur la clandestinité qu’on lui reproche, notamment lors de leurs retrouvailles à Paulnay, elle rétorque que S. paye toujours par carte bleue et qu’il va voir les voisins plusieurs fois pendant les essais avec les explosifs.

L’avocate évoque la réception de 1100 euros, que S. a placés sur son Livret A (après s’être enquis auprès de Pôle Emploi qu’il n’y avait pas d’erreur), ce qui prouve qu’il n’a pas utilisé cet argent pour un quelconque « projet ».

Av : A combien de manifestations êtes-vous allé ?

S : Impossible à dire, mais beaucoup…

Av: Vous n’êtes jamais allé à l’affrontement ?

S : Non je suis cassé de partout, je ne vais pas jouer à un jeu auquel je ne peux pas jouer.

MANU

Sur l’ordinateur est retrouvée une image, représentant un photomontage de M. qui jette un cocktail molotov en direction de CRSS (détourné d’une image où il jette un bâton à ses chiens).

J : Avez-vous une attirance pour les black bloc ? jpp

M : Je n’ai rien à dire là-dessus, c’est juste un photomontage un peu bébette (il explique la photo d’origine).

La juge mentionne une autre image, qui évoque le black bloc.

M : Je ne sais pas ce que c’est cette image, c’est sans doute en téléchargeant de la musique que je l’ai récupérée.

J : Vous avez aussi été à Athènes et vous avez un dessin  d’Exarchia avec un A d’anarchie et un engin incendiaire. Elle fait le lien avec Exarchia en tant que quartier anarchiste révolutionnaire et violent. 

M : Je ne connaissais pas forcément ce quartier.

J : Avez-vous rencontré des individu.es violent.es à Exarchia, ou en Grèce  ?

M : Pas du tout.

J : Le fait de prendre des notes tout le temps, pour vous ça n’a pas de lien avec une forme de projet ?

M : absolument, il n’y a rien dans mon carnet qui parle d’un projet terroriste, j’ai l’habitude de prendre des notes, c’est tout.

La juge insinue qu’il note quand même beaucoup de choses.

M. se défend en disant qu’il n’y a rien dans ses notes, tout comme il n’y a rien dans les écoutes, qui parle d’un quelconque projet ou de s’en prendre à qui que ce soit (il cite une retranscription où il parle des « chiens de garde ») : « Pour moi il y a une différence entre lutter et vouloir tuer ».

Assesseure de droite : rappelle la conversation à propos des drônes

Avocates de M. (Me Simon puis Me Vannier) 

Avocate : Pouvez-vous me donner une définition de « l’ultra-gauche » ?

M : Je ne sais pas, peut-être il faut-il demander au parquet la définition.

Av : Par rapport au dessin d’Exarchia : la date de téléchargement est le 12 septembre 2019. C’était avant ou après votre voyage en Grèce ?

M : Je ne sais pas… C’est après.

Av : Est-ce que F. vous a incité à acheter une arme ?

M : Non.

Av : F. vous a-t-il incité à donner de l’argent pour une arme ?

M : Non.

Av : Étiez-vous à Parcoul ?

M : Non.

Av : Avez-vous fabriqué des explosifs ?

M : Non.

Av : Vous avez donné vos codes de téléphone. Il n’y avait rien à part des photos. Sur les 1400 il n’y en avait que 2,3 à charge (le montage photo, une photo avec un chien (??) et une photo d’un véhicule de gendarmerie, qui provient d’un autre téléphone, sûrement envoyée). Sur un autre téléphone, les seuls éléments gardés à charge sont des messages concernant des colis alimentaires du Samu. Elle revient sur le photomontage qui est daté d’il y a longtemps.

Av : Avez-vous une aversion envers les forces de l’ordre ?

M : Je critique les abus de pouvoir mais je suis dans la bienveillance et le dialogue… Je dis même bonjour aux policiers dans la salle…

Av : Pouvez-vous nous parler de l’inscription « BB » (que la DGSI a interprétée comme Black Bloc) avec des cœurs, sur fond d’une toile d’araignée? 

M : c’est juste une sérigraphie récupérée lors d’un atelier sérigraphie.

LOIC

La présidente énumère des scellés mais ne lui pose pas de questions. Rien n’a été retenu à charge sur le disque dur.

Personne n’a de questions.

Contrôles judiciaires et projets d’avenir…

Les co-prévenu.es sont appelé.es à la barre chacun.e à leur tour. 

La juge rappelle le temps de leur détention, leur date de sortie, décrit leurs CJ respectifs et les (rares) aménagements qu’iels ont pu obtenir. 

Aucun problème n’a été constaté au niveau du respect des CJ. 

Elle leur demande quels sont leurs projets d’avenir. 

Ce temps va permettre à plusieurs des co-prévenu.es d’évoquer leurs conditions de détention et leurs conséquences. Les récits sont poignants et douloureux. 

Sont rappelées les humiliations injustifiables des fouilles à nu avant et après les parloirs. 

Sont rapportées les conditions écoeurantes de détention, que ce soit au niveau de l’insalubrité ou des impossibilités de bénéficier d’activités et de soins. 

Sont évoquées les douleurs physiques et autres problèmes de santé qui ont suivi les détentions.

La juge se montre presque surprise devant la volonté d’un prévenu de continuer le suivi psychologique alors qu’il n’y est pas obligé. Se rend-elle un tout petit peu compte de l’impact dévastateur de toute cette procédure ??! (Elle se permet aussi des phrases comme : « des fouilles pas forcément indispensables »).

Les avocat.es de LibreFlot reviennent sur son isolement, complètement illégal et qui a pourtant été renouvelé encore et encore. « C’était le tombeau, l’isolement. J’allais y perdre la vie ou la tête, ce qui revient au même.. J’ai dû risquer la mort pour rester en vie ».

Plusieurs co-prévenu.es expriment comment leur vie a été brisée par la procédure, comment leur socialisation a été affectée, comment leur avenir est suspendu à ce procès. 

Durant tout ce temps, les procHORREUR sont sur leurs téléphones ou parlent et rigolent entre elleux. Iels seront invité.es à poser des questions après chaque personne mais n’en poseront aucune. 

Me Kempf résumera bien cette violence avec une question à F. sous forme de QCM :

« Demain, les procureur.es s’exprimeront sur la volonté ou non de vous renvoyer en prison, pourtant ils n’ont posé aucune question sur vos conditions de détention. Pourquoi ? »

1. parce qu’il est tard et que tout le monde est fatigué

2. parce qu’ils ne pensent pas vous remettre en prison

3. parce qu’ils pensent vous remettre en prison mais se fichent de vos conditions de détention

Réponse de F. : la troisième.

L’audience se termine à 22h55.