CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE

ESPIONNAGE DE LIBRE FLOT PAR LA DGSI
2018 – 2020

Une surveillance a été mise en place contre notre ami Libre Flot dès son retour du Rojava, comme pour beaucoup de volontaires internationalistes. « Un camarade parti en vacances en Amérique du Sud se retrouvait accusé d’avoir essayé de nouer des contacts avec une guérilla colombienne, un autre fréquentant la ZAD aurait prétendument tiré une fusée éclairante sur un hélicoptère de la gendarmerie, des dégradations d’antennes téléphoniques, de bornes Vélib ou de fourgons de police nous étaient également associées. Ces fables anxiogènes, parfaitement déconnectées de toute réalité, venaient confirmer ce que nous savions déjà : jusqu’à ce qu’il ait trouvé le coupable idéal, le ministère de l’Intérieur ne renoncerait pas à l’entreprise de diabolisation dont nous faisions l’objet. »

Il y a de fortes raisons de penser que Libre Flot était déjà sous le coup de plusieurs techniques de renseignement : à minima la géolocalisation et sonorisation de son véhicule d’habitation.

ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE
7 février – 20 avril 2020

Le 7 février 2020, la DGSI déballe sa mélasse d’accusations « secret défense » dans un « rapport de judiciarisation » qu’elle transmet au Parquet National Anti-Terrorriste (PNAT). Ce dernier, qui adore les notes blanches, saute à pied-joint dedans. Le jour même, Benjamin CHAMBRE (1er vice procureur) se saisit de l’affaire et requière auprès d’un.e Juge des Libertés et de la Détention (JLD) l’usage des moyens de surveillance les plus intrusifs. Ils seront accordés immédiatement par la JLD Anne-Clémence COSTA.

Des micros dans un camion habité, des interceptions téléphoniques, géolocalisations en temps réel, IMSI catching, filatures, etc.

Ces deux mois permettent à la DGSI d’obtenir suffisamment d’éléments pour qu’une information judiciaire soit ouverte.

INFORMATION JUDICIAIRE
avril – décembre 2020

La surveillance continue. Les inculpé·es font leur vie chacun·e de leur côté.

ARRESTATIONS & INCARCÉRATION
8 décembre 2020 – 7 avril 2022

8 décembre 2020

À 6h du matin, différentes unités d’élite sous la houlette de la DGSI (GAO, RAID) interpellent simultanément neuf personnes aux quatre coins de la France : Toulouse, Rennes, Vitry-sur-Seine, Cubjac (Dordogne), Plestin-les-grèves (Finistère). Les portes sont enfoncées, des dizaines de robocops sur-armés et cagoulés s’engouffrent dans chaque domicile. Les démineurs et la brigade canine sont aussi présents.

Des perquisitions ont lieu toute la journée, jusqu’à 12 heures d’affilée pour certaine.s inculpé.es. Humiliations, violences, les perquisitions s’étendent aux familles des personnes arrêtées.

Les neuf personnes interpellées sont emmenées dans les cellules de la DGSI à Levallois-Perret de différentes manières : entravé·es dans une camisole et cagoule sur la tête, embarqué.es en voiture pour certain.es ; menottée et masque de ski opaque sur les yeux, transportée en train pour l’une ; menottés avec trajet en avion pour d’autres. Tous les moyens sont déployés dans cette opération d’envergure.

S’en suivent alors 4 jours de garde à vue avec de nombreuses auditions. Menaces, insinuations, manipulations, privation de sommeil, de nourriture, transformation et omission dans les procès-verbaux des déclarations des auditionné·es de tout ce qui décrédibilisait le scénario de la DGSI. Des mensonges sont proférés en « off » pour certain·es, afin d’influencer leurs réponses et donner matière à l’accusation.

Deux personnes sont libéré·es sans charge à l’issue de la garde à vue, les sept autres sont inculpé·es et déferré·es devant un juge d’instruction antiterroriste, Jean-Marc Herbaut.

Le contrôle judiciaire est prononcé pour deux d’entre elleux et les cinq autres sont incarcéré·es le 11 décembre 2020 dans cinq prisons différentes d’Île-de-France, sous le statut DPS (détenu·e particulièrement signalé). L’un d’entre-elleux est placé en isolement total.

8 février 2021

Nouvelles interpellations à 6h du matin chez deux personnes à Ustaritz (Euskal Herri) et Festalemps (Dordogne) par le RAID, sur ordre de la DGSI. Pour l’une d’entre-elles, la porte de son studio est pulvérisée. Elle est braquée par des flingues, menottée dans son lit puis emmenée pour 3 jours de GAV. A l’issue de leur garde à vue, elles seront toutes deux libérées sans charges retenues contre elles.

Mars 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est reconduit pour 3 mois.

Le juge d’instruction, Jean-Marc Herbaut, ordonne une dérogation qui donne à la DGSI carte blanche pour auditionner tout l’entourage des inculpé.es (famille, amie.s, collègues…). Cette dérogation ne prendra fin qu’en novembre 2022, au moment de la clôture de l’instruction.

23 avril 2021

Après un nouveau passage devant le juge d’instruction, la demande de mise en liberté (DML) est acceptée pour deux inculpé·es, alors emprisonné.es à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis et à la maison d’arrêt d’Osny.

Iels sont libéré.es sous contrôle judiciaire strict. Iels auront passés plus de 4 mois derrière les barreaux, sous le statut DPS, avec une période

d’isolement total (pas de contact avec d’autres détenues) pendant plusieurs semaines pour l’une d’entre elleux.

Les demandes de liberté des autres inculpés toujours incarcérés sont refusées. L’appel auprès de la cour d’appel de Paris est refusé éga lement. Ils sont encore trois en prison.

Juin 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est reconduit pour 3 mois, malgré les séquelles psychiques et physiques qui ne font que s’accentuer.

Septembre 2021

Le placement à l’isolement de Libre Flot est de nouveau reconduit pour 3 mois.

Une nouvelle arrestation a lieu, une personne est interpellée à son arrivée sur le territoire français après plusieurs mois passés à l’étranger. Bien qu’elle ai attesté plusieurs fois sa volonté d’être auditionnée auprès de la DGSI et du juge d’instruction, elle sera arrêtée à l’aéroport dès son arrivée et passera 2 jours en garde à vue à la DGSI, puis sera relâchée sans charges.

15 octobre 2021

La DML d’un inculpé encore derrière les barreaux est acceptée. Il est libéré sous contrôle judiciaire strict (obligation de travailler, limité

à un seul département pour se déplacer, pointage deux fois par semaine au commissariat). Plus que deux au trou !

Décembre 2021

Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, reconduit la mise à l’isolement du dernier inculpé (Libre Flot) derrière les barreaux. Après 12 mois d’isolement, il revient au ministre de la Justice de prendre la décision de reconduction. La situation de Libre Flot est de plus en plus critique.

Retour du dossier des nullités déposé par les avocat.es quelques mois plus tôt. Toutes les nullités (reposant sur la non-proportionnalité dans l’emploi des techniques de surveillance, sur des erreurs de procès verbaux et autres magouilles) sont catégoriquement refusées.

27 février 2022

La DML de Libre Flot est refusée, malgré un dossier de faisabilité de bracelet électronique validé par les SPIP (services pénitentiaires

d’insertion et de probation) dans deux départements différents.

Il entame une grève de la faim et explique ses revendications qu’il publie dans un texte. Il envoie quotidiennement des demandes de remises en liberté.

27 octobre 2021

Le parquet national anti-terroriste (PNAT) a fait appel de la décision du juge pour la libération de l’inculpé sorti de prison 5 jours plus tôt. Rendez-vous est fixé au 27 octobre 2021, devant la Cour d’Appel de Paris, pour savoir si la libération est maintenue ou si il devra re-

tourner en taule. La Cour d’Appel confirme la décision du juge des libertés, il reste « libre » !

Mars 2022

Dupont-Moretti reconduit l‘isolement alors que Libre Flot est en grève de la faim.

05 novembre 2021

L’inculpé emprisonné à Fleury-Mérogis est libéré sous contrôle judiciaire strict (pointage une fois par semaine, rdv SPIP et psy obligatoires une fois par mois, limite de déplacements à trois départements de la région parisienne). Le PNAT ne fait pas appel, ce coup-ci…

24 mars 2022

Après 25 jours de grève de la faim, Libre Flot est hospitalisé et transféré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes. Il attendait cette hospitalisation médicale pour avoir accès directement à des médecins et aux soins nécessaires.

Ses avocats apprendront quelques jours plus tard que la levée de son régime d’isolement s’est faite le jour du transfert à l’hôpital. Néanmoins malgré la levée de son isolement il n’a pas le droit d’aller à la promenade car il est trop faible. Il obtient également le droit de communiquer avec l’une de ses coaccusé·es.

Cela ne met pas fin à sa grève de la faim puisque son unique revendication est bel et bien la fin de son incarcération. Son état de santé devient critique : il a perdu 16 kilos et est désormais sous

perfusion.

04 avril 2022

Une journée internationale de soutien à Libre Flot est organisée : de nombreux rassemblements ont lieu en France (Lille, Albi, Paris, Toulouse, Limoges, Strasbourg, Rennes et d’autres villes encore), mais aussi dans de nombreux pays d’Europe (Grèce, Suisse, Allemagne, Angleterre, Ukraine, Portugal, Danemark, Finlande…) et au Rojava.

Il décide ce même jour à 18h de stopper sa grève de la faim.

07 avril 2022

C’est avec un grand soulagement que les proches et soutiens apprennent le transfert de Libre Flot dans un hôpital civil de la région parisienne, car il risquait sa vie à tout instant.

Ses médecins s’inquiétant de ne pouvoir assurer son suivi médical ont demandé son transfert dans un autre hôpital. Pour cela il fallait négocier avec la justice pour lui permettre de quitter les services pénitentiaires. Le juge d’instruction accepte après négociation avec les avocat.es sa

libération pour raison médicale.

Il est libéré sous bracelet électronique avec une période de réadaptation dans un hôpital spécialisé dans la nutrition.

CLÔTURE INSTRUCTION
août – novembre 2022

26 août 2022

Jean Marc Herbaut, juge d’instruction, met fin à l’information judiciaire du dossier 8 décembre 2020. Cela met fin à la commission rogatoire qui permettait à la DGSI d’user « de tous les moyens à leur disposition » pour harceler les inculpé·es et leurs proches.

Cela signifie aussi que le dossier se clôt, laissant un délai de 3 mois aux inculpé·es et à leur Défense d’apporter les derniers éléments (demande d’actes, etc.). Passé ce délai, ce sera au PNAT de faire ses réquisitions.

28 septembre 2022

Le juge accepte le retrait du bracelet électronique pour Libre Flot. Il reste néanmoins en contrôle judiciaire strict, comme les autres inculpé.es (obligation de travail, limité dans ses déplacements à un département, pointage une fois par semaine).

Novembre 2022

De nombreux allègements de CJ ont été faits, surtout en ce qui concerne l’élargissement des zones de déplacement. Une nouvelle demande

de communiquer entre deux inculpés a été accepté.

Le PNAT requiert le tribunal correctionnel et non les assisses pour le procès.

PRÉPARATION DU PROCÈS
jusqu’à octobre 2023

04 avril 2023

Pendant son incarcération, Libre Flot a fait de nombreux recours contre son isolement carcéral. L’audience devant le tribunal administratif de Versailles se déroule le 4 avril. L’isolement est reconnu illégal et l’État condamné à 3000€ de dommages et intérêts.

En espérant que cela fasse jurisprudence, bien qu’on doute de l’impact réel sur l’administration pénitentiaire quand on voit la volonté à faire traîner ce genre de procédure.

04 juillet 2023

Audience de fixation. C’est la première fois depuis presque 3 ans que les inculpé·es se voient. C’est aussi la première fois qu’iels rencontrent le PNAT et la Juge qui présidera le procès. Iels demandent que l’interdiction de communiquer soit levée et que les CJ soient élargis. Tout est refusé en bloc par la Juge.