RADIO PARLEUR / RIEN A DECLARER : 5 podcasts sur l’affaire du 8.12

En passant

Un spectre hante aujourd’hui la République et la DGSI : « l’ultragauche ».  En ce moment, au tribunal de Paris, se déroule le procès de l’affaire « du 8 décembre 2020 ». Sept personnes, qui ne se connaissent pas toutes, sont accusées de vouloir « déstabiliser les institutions républicaines par l’intimidation et la terreur » sans qu’il y ait pour autant de « projet terroriste ». Une affaire qui a nécessité tout l’arsenal anti-terroriste et les moyens les plus liberticides, sans jugement, sans défense.

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Une analyse de l’enquête préliminaire dans l’ « Affaire du 8 Décembre », diligentée par le Parquet National Antiterroriste et menée par la DGSI.

En passant

Coucou! Le document que vous avez entre les mains n’est pas un résumé ni une analyse politique de l’opération antiterroriste du 8 décembre 2020.

Ce document décrit les faits et gestes des acteurs répressifs, que ce soit les flics ou les magistrats. Nous souhaitons rendre intelligible et publique leurs méthodes de travail pour apprendre à s’en protéger.

Ce document est incomplet. Il manque encore à l’analyse la suite de l’information judiciaire, les arrestations/perquisitions, la détention, les exploitations de scellés, les contrôles judiciaire, le procès, le sursis probatoire, le jugement, etc.

On parlera essentiellement de l’enquête préliminaire qui s’étend sur plus de 2 mois (du 7 février 2020 au 20 avril 2022), même si on va parfois évoquer des éléments de procédure de ce qui précède (du renseignement opéré par la DGSI) et de ce qui suit (l’ouverture d’une information judiciaire, le procès, etc.).

Nous évoquerons des aspects de procédure (qui fait quoi quand) mais surtout des détails de la mise en place des moyens de surveillance et de renseignement et ce qu’ils en obtiennent. On ne s’attardera pas sur ce que les camarades visées par l’enquête auraient fait ou pas fait. Cela relève de la Défense des inculpé·es.

Face à la répression, notre solidarité se doit d’être sans faille.

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4 ANS DE REPRESSION ET L’APPEL A VENIR

En passant

Le 8 décembre 2020, dans divers lieux à travers toute la fRance, se déployait une opération judiciaire et policière « antiterroriste ». A l’approche de la date anniversaire, on avait envie de faire rapidement le point et donner des news.

Cette opération fût déclenchée suite à la surveillance systématique par la DGSI de personnes rentrant d’un séjour dans une des zones considérées par les services secrets comme « dangereuses ». Un juge d’instruction du Parquet National Anti-Terroriste s’est alors saisit de ces notes blanches et a enquêté ​​par l’intermédiaire de la DGSI, sur des personnes entourant un camarade revenu justement d’un séjour au Rojava. Cette enquête, un dossier d’instruction de 1800 pages, se solde par une vague d’arrestations le 8/12/20, suivie de toutes les conséquences subies depuis 4 ans dont on fait un rappel non exhaustif ici.

A l’issue des arrestations, 14 lieux sont perquisitionnés. Après 96h de garde à vue dans les locaux de la DGSI, sous les pressions psychologiques, les interrogatoires sous médicaments, des pièces falsifiées ou hors contexte, 7 personnes sont inculpées. Elles sont alors déferrées devant le juge d’instruction et 5 d’entre elleux sont placées en détention provisoire.

L’affaire a également impacté de nombreuses personnes autour. 12 personnes en tout ont passé 4 jours en GAV à la DGSI, avec de nouvelles arrestations en février et septembre 2021. Un total de 29 convocations, dont la plupart ont été la menace pour obtenir un permis de visite en prison. Sans compter la quantité de matériel et de biens personnels ou informatique qui ont été saisis pendant les perquisitions et qui, à ce jour, n’ont pas été rendus.

Jusque là les inculpé.es ont fait 47 mois de prison cumulés, une mise à l’isolement, des fouilles à nu, des interrogatoires interminables, des refus de soin, des galères d’accès aux colis, cantine, courrier, etc… pendant l’instruction.

Des remises en « liberté » au compte-goutte, le PNAT faisant appel de la libération de l’un d’entre eux, un autre réussi à sortir après une grève de la faim de 36 jours, passant d’une sortie de l’isolement carcéral à 6 mois de bracelet électronique dans le cadre de son CJ.
Pour l’ensemble, c’est 277 mois de CJ, comprenant le pointage, la limitation géographique des déplacements, l’obligation de résidence, de travail, les rdv avec « binôme de soutien » (éduc et psy) et le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation)…

Pour finir, c’est un total de près de 150 000e de frais comprenant le paiement des avocat.es, la préparation des colis en prison (habits, revues, livres), la thune pour cantiner, puis tous les frais et les déplacements des soutiens. Et tout ce qui ne se quantifie pas : les séquelles physiques et psychologiques, le mépris, les menaces, les pressions, des relations durablement affectées, la surveillance continue…

Seize après-midi d’audience, soit 1 mois de procès, un rendu 2 mois plus tard et les arguments de la juge donnés 9 mois après le rendu ! Tous.tes sont reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Iels ont été condamné.es en première instance à des peines allant de 2 à 5 ans de prison, dont 15 à 30 mois de sursis probatoire, impliquant un lourd contrôle médico-social : rdv SPIP, suivi addicto, psy, obligation de résidence, obligation de travail, et donc la menace de faire tomber le sursis en cas de manquement.

Pour 6 d’entre elleux une inscription au FIJAIT (Fichier des auteurs d’infraction terroriste) : contrôle des déplacements à l’étranger, pointage, justification de domicile tous les 3 mois et interdiction de travailler dans certains domaines (santé, fonctionnaire, animation…).

Et toujours l’interdiction de communiquer, sauf pour 2 d’entre eux.

Sur les 7 condamné.es, 6 ont choisi de faire appel du rendu du procès, l’audience aura lieu en novembre 2025.

Au delà de la contestation de ce rendu pour les 6 inculpé.es, c’est aussi et surtout le choix de ne pas laisser s’ancrer cette décision comme une jurisprudence qui permettait à l’État de continuer de réprimer plus férocement encore nos luttes et modes de vie.

L’outil anti-terroriste, avec sa législation dite d’exception (qui l’est de moins en moins), reste un outil hyper utile pour l’état. Grâce à cette affaire, comme pour d’autres affaires précédentes, les moyens d’enquête déployés ont permis de faire un instantané de la géographie des relations au sein des groupes militants, anarchistes, anti-autoritaires. Peu importe la finalité, une culpabilité réelle ou non, d’un projet réel ou fantasmé, l’important pour la justice est de maintenir la peur, d’occuper les gens sur de l’antirep. Ainsi il lui est possible d’observer comment les groupes fonctionnent et d’affûter leurs outils de maintien de la paix, le tout grâce à des capacités de surveillance sans limite.

En attendant, l’épée de damoclès judiciaire reste menaçante au dessus de la tête des inculpé.es. On vous invite à aller jeter un oeil sur les blogs, qui contiennent l’historique de cette affaire, les actions mises en place, les comptes rendus du procès et les divers textes d’analyses publiés. On y mettra aussi la suite des évènements, stay tuned !

Nous encourageons toutes les personnes qui se sont retrouvées face à la justice à partager leurs expériences, via la rédaction de brochure ou autres. Parce que raconter comment la justice enquête nous apprend à mieux s’en sortir quand on se retrouve dans ses filets. Parce que réfléchir aux erreurs stratégiques de défense permettra à ce que d’autres puissent les éviter. Parce que discuter de nos expériences de procédures, de procès, de rapport aux avocat.es, de prison, de contrôle judiciaire, nous aide à mieux nous préparer à cette éventualité, pas comme une fatalité mais plutôt comme quelque chose qui peut arriver…

Se soutenir et s’aider dans ces situations nous rend plus fort.es ensemble et évite l’isolement face au rouleau compresseur de la justice.

Restons solidaires !

Les blogs des comités :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.blackblogs.org/

Cagnotte en ligne :

https://www.helloasso.com/associations/l-asso-lulle-de-feu/collectes/cagnotte-de-soutien-aux-inculpe-es-du-8-decembre

Affaire du 8 décembre : poursuivre la mobilisation

En passant

Cinq mois après l’infâme procès contre les sept « inculpé.es du 8 décembre 2020 », trois mois après un verdict d’une grande sévérité dépassant les réquisitoires du Parquet National Antiterroriste (PNAT), le combat n’est toujours pas fini pour nos compagnon.es. Alors que presque toustes ont fait appel, notre soutien financier et politique leur reste indispensable.

Un verdict abject

Les quatre semaines de procès durant lesquelles les inculpé.es et leurs avocat.es ont travaillé à démonter une instruction entièrement à charge n’ont absolument rien changé. Rien ne semble avoir imprimé dans l’oreille d’une juge qui est allée jusqu’à refuser de faire citer les flics responsables de l’enquête pour s’expliquer de leurs méthodes. Les sept accusé.es sont donc reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont une partie en sursis probatoire. Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es. Compte tenu du temps qu’iels ont déjà passé incarcéré.es en préventive, il leur reste entre 8 et 12 mois de ferme à purger, aménageable sous forme de bracelet électronique, auxquels viendra donc s’ajouter une période de sursis probatoire.

L’inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), qui leur promet 20 ans de surveillance, d’obligation de pointer et d’impossibilité de se déplacer comme bon leur semble, est actée pour 6 des 7 inculpé.es.
Est également prononcée l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, invention sadique de la juge qui n’était pas demandée par le parquet. À cela s’ajoute encore un panel de mesures de contrôle médico-social (obligation de soins, de travailler, de résidence fixe…) faisant de leur vie une longue série de rendez-vous chez le psy, l’addicto, le SPIP, l’éducateur.ice… pour s’assurer de leur « réinsertion ».

Nous n’entrerons pas plus ici dans les détails du jugement pour chacun.e. On les trouvera, avec les comptes-rendus d’audience, sur le blog des soutiens.

Les inculpé.es font appel

Après quelques jours de réflexion, les six inculpé.es condamné.es à du sursis probatoire et à l’inscription au FIJAIT ont décidé de faire appel de la décision de justice. Quand aura lieu cet appel ? Personne n’en sait rien. Douze mois, quinze mois, plus, moins, les paris sont ouverts. Cela n’empêche de toute façon pas nos camarades de commencer à purger leur peine, l’appel n’étant pas suspensif.

Pourquoi alors prendre le risque d’un alourdissement de celle-ci, alors que nous n’avons pas plus confiance dans la Cour d’appel que dans celle de première instance ? Parce qu’au delà du besoin personnel de ne pas se laisser traîner dans la boue et ruiner sa vie sans réagir, il y a un besoin collectif de ne pas laisser graver dans le marbre une telle jurisprudence. Celle-ci laisserait toujours plus de champ libre à l’État pour utiliser les moyens de l’antiterrorisme pour réprimer des pratiques révolutionnaires, de lutte, ou même simplement des paroles et des idées. Tous les recours seront donc utilisés jusqu’au bout, n’en déplaise au PNAT [1].

…Et dans tous les cas, la thune.

Oui mais voilà, tout cela coûte du fric. Malgré un paquet d’événements de soutien depuis 3 ans, ainsi qu’une cagnotte et tout un tas d’aides en nature (logement, bouffe, trajets…) – on ne remerciera jamais assez toutes celleux qui ont mis la main à la pâte, et iels sont nombreuses ! – cette affaire a déjà coûté beaucoup d’argent aux inculpé.es et à leur soutien : en frais de justice, en déplacement, etc. Pour se donner une idée, chacun.e des inculpé.es a déjà déboursé plus de 10 000€ de frais d’avocat.es, frais qui ont été partiellement financés par la solidarité collective, mais pas totalement, loin de là. Et ce n’est pas fini.

C’est pourquoi on lance, la mort dans l’âme, une nouvelle cagnotte pour recueillir les sous des soutiens. Voici son adresse : https://www.helloasso.com/associations/l-asso-lulle-de-feu/collectes/cagnotte-de-soutien-aux-inculpe-es-du-8-decembre
Diffusons-la partout, remplissons-la quand on le peut. Encore et encore, organisons des événements de soutien, et informons sur l’affaire du 8 décembre !

En bref

On fait appel de la décision rendue par une justice de classe qu’on dégueule, on fait appel à un soutien financier avec cette nouvelle cagnotte même si ça nous fait sacrément chier de toujours demander de la thune, et on appelle à continuer d’être solidaire de toutes celles et ceux qui subissent la répression parce qu’iels ont décidé de pas se laisser bouffer par ce monde de merde !!!

Note

Infos et suivi des mobilisations ici :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.net/

Notes

[1] L’appel n’étant pas le seul recours. Le 12 mars, Florian alias Libre Flot sera devant le Conseil d’État pour contester la légalité de la surveillance hors de toute procédure dont il a fait l’objet avant février 2020.

Affaire du 8/12: le devenir terroriste des luttes

En passant

(22 décembre 2023, délibéré procès)

Une belle solidarité !

Plus de 200 personnes sont présentes au rassemblement pour soutenir les ami.es. Une présence chaleureuse et solidaire, avec banderoles, pinata, boissons chaudes, gâteaux, tee-shirts, stickers et batucada. Le rassemblement sera bref, presque tout le monde s’engouffre dans cet immense immeuble de verre et de béton armé, pilier du pouvoir d’État qui trône Porte de Clichy à Paris.

La salle est pleine à craquer, la tension palpable.

Les inculpé·es entrent petit à petit et des applaudissements retentissent en guise d’encouragements.

Des proches sont présent.es, la famille et les ami·es, et également beaucoup de soutiens politiques.

Rejet des demandes de la Défense

L’alarme sonne, le Tribunal entre et exige le garde-à-vous de la salle. L’audience démarre. Brigitte Roux – la présidente -, le regard sévère, ouvre rapidement les hostilités : toutes les demandes de la Défense sont rejetées une par une.

La Question Prioritaire de Constitutionnalité (à propos de la possibilité de faire citer des agents du renseignement) : « Pas transmise ».

La récupération des données sous scellé (accès à divers supports de stockage détenus par la DGSI pour vérifier des éléments d’accusation) : « Il n’y a pas lieu vue la complétude des débats ».

Faire citer les agents 856SI et 1207SI : « pas nécessaire ».

Déclassifier les informations  « secret-défense » de l’expert en explosifs de la Préfecture de Police: « Les parties ont pu débattre », donc c’est non. 

Écarter l’expertise si les sources ne sont pas déclassifiées (car cela pose un problème de « contradictoire ») : « Il n’existe aucune disposition pénale qui permettrait d’écarter les rapports », c’est possible au Civil mais pas dans le cadre d’une procédure pénale.

Demander à la DGSI de transmettre les vidéos des GAV (durant lesquelles de nombreux actes illégaux ont été dénoncés) : « Les inculpé·es n’auraient pas exprimé une « contestation des propos », mais uniquement une dénonciation des conditions de GAV, donc c’est non ».

Ces réponses radicales et arbitraires illustrent l’orientation politique du Tribunal : tout doit être fait pour sauver cette procédure montée par la DGSI pour le Ministère de l’Intérieur.

La QPC aurait pu inscrire dans le Droit la possibilité pour le Tribunal Correctionnel de faire citer des agents du renseignement sans lever leur anonymat.

La restitution des scellés aurait permis de récupérer de nombreux éléments à décharge. Cela aurait également permis de contextualiser la détention de brochures présentées comme « la matrice idéologique » du présumé « groupe » et utilisées pour caractériser des intentions terroristes. Au lieu de cela, le Tribunal a ordonné la destruction de ces scellés afin que la vérité ne puisse définitivement plus être démontrée.

La citation des agents de la DGSI était primordiale pour mettre à jour les procédés manipulatoires et les irrégularités constatés tout au long de l’instruction. Ces agents avaient déjà été convoqués par la Défense et s’étaient soustraits à leurs obligations légales à comparaître. Dans le cadre du procès la Défense aurait pu notamment les questionner sur la suppression d’une vidéo à décharge, les erreurs de retranscription des sonorisations, les faux procès-verbaux, les nombreux horodatages irréguliers constatés, et autres barbouzeries dénoncées par les inculpé·es.

Les informations « secret-défense » concernaient la provenance de la recette de l’ANSU (ammonitrate + sucre). L’expert affirmait en effet que cette recette proviendrait de la zone irako-syrienne (Kurdistan), serait utilisée par DAESH puis aurait été apprise par les YPG. Cela lui permettait de contredire les témoignages d’anciens combattants du Rojava (qui n’acquièrent aucune compétence en confection d’explosifs sur le terrain) et aussi de Libre Flot qui affirmait que cette recette est connue de tous·tes dans le milieu agricole. La levée du secret-défense aurait permis de contredire l’affirmation inexacte de l’expert.

Enfin, le refus de verser aux débats les vidéos des GAV est l’illustration la plus perverse de la volonté politique du Tribunal. L’argument avancé par la Présidente (qu’il n’y aurait pas eu de contestation des propos tenus eux-mêmes mais seulement une dénonciation des conditions dans lesquelles ils ont été prononcés) est un mensonge pur et simple. Les propos tenus en GAV ont été contestés à de nombreuses reprises par plusieurs mis.es en examen. « Je conteste absolument tout ce que j’ai dit en garde à vue » avait déclaré Bastien. Mais là encore, l’unique preuve que ces propos ont bien été tenus mot pour mot réside dans les notes d’audience, prises par une greffière que l’on voyait somnoler régulièrement, et devant être signées par la Présidente elle-même. (Ces notes ont été transmises à la Défense plusieurs semaines après le délibéré.)

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[L’envolée] émission du 24/12/23 : Affaire du 8 décembre, le procès de « l’utragauche

En passant

On passe un enregistrement qui parle de l’affaire dite du 8 décembre dans laquelle 7 personnes seront jugées à Paris du 3 au 27 octobre 2023 pour « association de malfaiteurs terroristes ». Le 8 décembre 2020, 9 personnes étaient arrêtées un peu partout en France et passaient 96h en garde à vue. Plusieurs ont fait de la détention provisoire, notamment Libre Flot qui a été enfermé 16 mois à l’isolement et dont on peut retrouver les lettres dans les émissions et les journaux de l’Envolée. Le dossier monté par la DGSI sur la base d’écoutes fabrique un groupe rassemblé autour d’un présumé chef. Ils prétendent s’attaquer à « l’ultragauche » pour justifier la surveillance et la répression de groupes militants. Mais il vise aussi à criminaliser les personnes parties soutenir les Kurdes du Rojava face à Daech.

à écouter ici : https://lenvolee.net/2023/09/24/la-bagarre-de-sandra/

Analyse des méthodes de la justice dans le procès anti-terro des inculpé.es du 8.12

En passant

 Nous allons tenter ici d’exposer les différentes méthodes des juges et des procureur.es au cours du procès des inculpé.es du 8.12 qui s’est déroulé du 3 au 27 octobre 2023 à la 16ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Nous ne reviendrons pas sur les aberrations que comporte le dossier en lui-même, que ce soit le rapport du juge d’instruction ou celui du PNAT, ni sur les mensonges et manipulations de la DGSI, car tout ceci mériterait un autre texte au vu de la quantité de matière à développer. 

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VENDREDI 27 OCTOBRE

En passant

27/10

13h40, reprise de l’audience.

MATEO BONAGLIA (BASTIEN)

Nous avons eu une longue procédure administrative, une longue procédure judiciaire, avec un spectre : la résurgence du terrorisme d’ultra-gauche.

On nous dit : « Si F. n’avait pas été arrêté, peut-être, un jour, il se serait probablement passé un acte potentiel ».

Je ne vais pas défendre F., parce que mes consœurs et confrères le feront très bien, et parce que sinon le parquet nous dira que nous faisons bloc derrière « le camarade F. ».

Tout cette procédure est d’une grande violence pour B. 

La peine est infâmante. Infâmante par proximité, par capillarité.

On nous dit : « Voilà des gauchistes incapables de la moindre distance avec la violence politique, qui n’attendent qu’une chose, une personne, pour pouvoir s’y engouffrer ».

C’est violent également car quand mon client conteste les modalités de recueil de ses paroles par la DGSI – cette parole dont on nous dit dès la première année de droit qu’il nous faut nous en méfier – quand on la conteste, alors on nous dit qu’on instrumentalise.

Pourquoi B. est un malfaiteur terroriste ? Parce qu’il aurait dû deviner qu’il y avait un hypothétique passage à l’acte supposé ? 

« Non, non, non. », nous dit le PNAT. « C’est avéré. Pas dans les enregistrements. Mais dans les paroles des agents de la DGSI. Et si vous avez un doute, regardez les brochures ! Et puis à peine le confinement levé, il se précipite dans une armurerie pour acheter une arme avec son permis de chasse ! Et puis il y a le « Djihad des classes » ! »

N’en jetez plus, la culpabilité est pleine et avérée !

L’accusation se contente de peu.

C’est exact que l’information judiciaire a montré des comportements « limites ». Et c’est tout à fait exact que les faits sont reconnus.

B. reconnait avoir fait des explosifs. Et il n’a pas attendu la DGSI et le PNAT pour arrêter.

Ce que conteste B., c’est le récit de l’accusation.

Parce que c’est d’une grande malhonnêteté intellectuelle de dire qu’il s’agit d’une instrumentalisation de la défense.

Les actes, sans le récit, ne sont que ce qu’ils sont : un vol, des armes et la fabrication d’explosifs.

On colore les actions par les opinions a posteriori.

« La recherche de la vérité se base sur des preuves » : il est bienheureux que le PNAT le rappelle !

Mais ici, on n’a que des potentialités : il va falloir les démontrer !

B. ne connait pas F. avant le confinement. 

Elle est quand même extrêmement contagieuse cette velléité de F. Je m’inquiète pour moi-même, qui vient de passer un mois avec lui, ne vais-je pas me précipiter pour m’en prendre à un représentant des forces de l’ordre en sortant du tribunal ? Rassurez-vous…

L’AMT débouche de l’interprétation magique des faits passibles du tribunal correctionnel.

L’agenda politique permet d’interroger la notion de terrorisme.

La marque d’une démocratie c’est de pointer les biais d’interprétation.

Et ici au aurait un complot judéo-bolcho-gaucho-maçonnique !

On voudrait vous pousser à suivre une fausse lecture faite par l’accusation.

La défense va se concentrer maintenant à pointer les différentes lacunes et les nombreuses interprétations dans le dossier concernant B.

Ce qui relève du lapsus d’abord, et qu’on laissera pour ce qu’il est : le procureur parle de « tourisme » pour dire « terrorisme ».

Ce qui relève de l’erreur de la procédure ensuite, et doit être entendu :

    – dans l’exploitation du téléphone de B. : s’agissant de l’application Signal, les techniciens ont trouvé 54 captures d’écran, lesquelles, dans les mains des fonctionnaires de la DGSI, deviennent alors « aucun échange sur Signal ». C’est une carence conséquente, quand on sait que les accusations sont en partie basées sur l’usage de cette application.

    – B. n’aurait jamais évoqué sa consommation d’alcool, il aurait fallu attendre une défense collective pour que cela apparaisse, or c’est faux. On en a d’autres mentions dans ce dossier.

Ce qui relève du biais enfin, et qu’il faut entendre comme des préjugés, des contournements, qui nous éloignent de la vérité : 

    – lors de la perquisition de Cubjac, un fonctionnaire de police trouve un carnet placé dans l’isolation ; tout à son empressement, il note « carnet note manuscrite, mouvance ultra-gauche ». Étonnant de voir que quand un autre fonctionnaire l’exploite, il s’avère que c’est le carnet d’un gendarme !

    – l’expert en explosifs nous explique, sur la base d’une mauvaise sonorisation, que ce sont des explosifs très difficiles à faire, qu’il n’a jamais vu ça sur le territoire français, qu’il faut nécessairement avoir des contacts à l’étranger pour y parvenir. Le biais c’est d’apprendre qu’en réalité ça n’est pas compliqué. Et que ça fait boum, même si c’est mal fait ! C’est un biais de l’investigation, il faut l’écarter d’un revers de main. En « source ouverte » – elle est drôle l’utilisation de cette notion, c’est comme si c’était un peu mystérieux, en fait ça veut dire « Google », ou ici « YouTube » – quand vous tapez « ANSU », vous trouvez de nombreuses vidéos décrivant la fabrication de ce mélange, particulièrement dans le milieu agricole.

    – Les billes de plomb retrouvées : selon l’expert, ajoutées au mélange, cela serait susceptible de faire des dégâts humains considérables. Sauf que c’est un raccourci malhonnête, parce qu’elles n’ont pas été retrouvées au même endroit. Elles ont été retrouvées à leur place, à côté de l’arme, parfaitement entretenue, pour lesquelles elles sont faites.

    – quand on nous dit « le PDF sur l’anarchie a été retrouvé dans un dossier projet », on omet de dire que dans ce dossier il y a aussi de nombreuses photos de famille.

    – quand on dit B. savait ce qu’il faisait, qu’il avait une brochure sur la justice antiterroriste, qu’il était préparé à la GAV, c’est fallacieux. N’importe quel trotskiste de première année s’en serait mieux sorti que lui en GAV, il n’a pas gardé le silence, il a refusé de voir le médecin, il a donné ses codes de téléphone et son ADN ! Il a parlé, face aux suggestions des interrogateurs de la DGSI, avec l’idée de s’en sortir le plus vite possible. Il conteste ce qu’il a dit en GAV, et on cite tout le temps les GAV !

    – on trouve également un biais idéologique dans ce dossier : dès février 2020, le PNAT est destinataire d’un document de la DGSI « mouvance ultra-gauche radicale » : c’est une compétition de superlatifs.

A écouter le PNAT, la DGSI et Darmanin, la contestation institutionnelle, dans l’arc républicain, ce serait le Parti Socialiste ; la contestation institutionnelle hors de l’arc républicain, ce serait la France Insoumise. Mais là, comme on n’est jamais avare de superlatifs, on parle « d’ultra-gauche radicale’ !

Cette note de la DGSI se poursuit : ces « activistes français ont un « leader », ayant combattu au Rojava auprès des YPG, considéré par la Turquie comme des terroristes ». Se référer aux qualifications utilisées par la Turquie, sérieusement ? Un état oppressif, qui a limogé 4000 juges et magistrats pour contestation, c’est ça l’indicateur fiable de la DGSI pour déterminer ce qui relève du terrorisme sur le territoire français ?

« Iels n’ont aucune cible, mais un passage à l’acte violent, conforme à leurs idées, n’est pas exclu. » : voilà pourquoi il a fallu trois heures au Proc pour essayer de nous en convaincre !

Sans la filiation avec Action Directe, le PNAT est bien en peine pour qualifier la potentialité !

Et ce ne sont que quelques PDF qui viendraient changer les choses ? Ce sont des brochures sur le polyamour et sur le crochetage de serrures ?

Je n’irai pas jusqu’à affirmer que l’accusation est nostalgique des années de plomb, mais le PNAT érige ici la contestation sociale en tant « qu’ennemi intérieur ». Vous allez devoir faire attention. L’ennemi intérieur ici ce serait une cooptation entre des zadistes, des féminisites, des écolos, un ultra-jaune et un combattant du Rojava.

Il faut rappeler que la DGSI et le PNAT sont les courroies de transmission du pouvoir politique.

Ce qui caractérise l’AMT : la DGSI aurait-elle l’exclusivité de la désignation de ce qu’est l’AMT et serait la seule à pouvoir la définir ?

« Il faut en finir avec le fantasme de la persécution » dit le Procureur.

Il s’agit ici de permettre la critique. La justice se doit de contrôler ce qu’est une justice d’exception et policière.

Isabelle Sommier, chercheuse au CNRS – qui n’est pas un haut lieu de l’ultra-gauche ! – exprime les mêmes craintes que nous s’agissant de la criminalisation de la critique des institutions et de l’Etat. Dans un article du 16 décembre 2020, elle appelle à la prudence : « Ce coup de filet arrive à point nommé, en pleine discussion à l’Assemblée nationale autour de la loi « Sécurité globale ». Attention, il faut être très prudent.es lorsqu’on agite cette menace ! ».

Si toute pensée contestataire peut désormais être qualifiée de terroriste, alors mesdames les juges, vous allez crouler sous les dossiers de terrorisme d’ultra-gauche !

On fait de F. une figure quasi christique, il réunirait ses apôtres, pour les armer. Pourtant ici tout est flou.

Les prévenu.es ont plutôt semblé convaincu.es d’un effondrement dans un avenir proche, iels ont perçu la police comme étant une alliée du fascisme, dont au pire il fallait se défendre, et face à laquelle il était nécessaire de s’organiser, par solidarité. Les faits prennent place en pleine crise du Covid. Et c’est cela qui ressort des discussions. 

Plus iels sont bourré.es, plus il y a onanisme intellectuel dans leurs discussions, et plus la DGSI a cru à une attaque potentielle.

S’agissant de la seconde discussion, après le départ de Camille, elle a été utilisée à tort et à travers par l’accusation. Son objet n’est pas de trouver des armes, son objet est « comment on s’organise si les fachos arrivent au pouvoir ». Dans n’importe quel bar, aux 4 coins du pays, on peut entendre ce genre de discussion.

La somme de pas grand chose, avec une lecture postérieure de la DGSI, c’est cela qui donne l’AMT.

Moi, la nature terroriste du groupe, je la cherche encore.

Pour B., ce qui lui est reproché n’est pas clair, y compris pour les juges : 

    – « se former militairement » : où ça ? Sauf peut-être avec les parents de Will ?

    – « survivalisme » ? Nous préférons parler de la recherche d’autonomie par l’acquisition d’un terrain.

Ils parlent de réquisition de maisons bourgeoises, ce sont les plus motivés pour acheter ensemble un terrain (B., W. et L.), ils travaillent à un montage financier pour ça, leurs parents en ont témoigné.

On dit : « Il y a contradiction entre défense de la cause animale et permis de chasse » : B. a passé son permis de chasse avant de rencontrer le « dangereux leader » F., il n’a pas d’intérêt pour les armes de catégories B, plutôt pour les armes de catégories C. Il est méticuleux et soigné avec ses armes, il prend la sécurité très au sérieux. Elles sont toutes parfaitement entretenues, et très bien rangées. S’il a toujours été dégoutté par la chasse sportive, il a toujours dit qu’il était en accord avec une chasse éthique, dans le cadre de l’autonomie liée à l’acquisition d’un terrain. Quant à ses entrainements au stand de tir, ils sont légaux !

S’il y a un projet d’atteinte à la sécurité de l’Etat, reposant sur la possession d’une carabine 3 coups et des mousquets, ce n’est vraiment pas gagné !

Sur la question de la volonté de F. de les recruter : c’est une suggestion de l’enquêteur de la DGSI lors de son 5ème interrogatoire. B. va s’y engouffrer, pensant ainsi pouvoir mettre fin à son calvaire.

Et puis, quelle volonté de F. est apparue ?

Dans l’arbitrage que vous devrez faire, choisissez les paroles qu’il a tenues devant vous.

L’airsoft a suffisamment été plaidé ici. C’est dans le cadre d’un moment ludique, il est à peu près clair pour tout le monde que tout cela a tourné à la franche rigolade.

S’agissant des explosifs : il est heureux que ces bras cassés n’aient pas perdu une main !

L’aide apportée à F. pour acquérir une arme ? Cette arme n’a jamais été rétrocédée. Pourquoi, si le but réel était bien de s’armer, cette arme ne lui a-t-elle pas été rendue plus tôt ? Elle a été retrouvée en perquisition chez B.

Quant au cryptage, il ne peut être retenu parce qu’il n’a pas été exploité.

Enfin, il n’y a aucune connaissance d’un éventuel projet de F.

Les déclarations en GAV seraient supérieures à celles tenues devant ce tribunal ? Ne faites pas comme l’accusation qui ne souffre pas la défense, et n’a jamais douté de la DGSI.

Vous ne pouvez pas détourner les yeux des conditions de GAV. Ce ne sont pas des larmes de crocodile ! Elles sont inhérentes au chef d’inculpation terroriste et aux conditions de recueil de la parole.

B. a été adressé à un psychiatre qui a conclu que, indépendamment du contenu même de ces déclarations, si les conditions de la GAV décrites sont exactes, alors il tend à douter sérieusement de la véracité de propos obtenus dans de telles conditions.

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dans un rapport sur les biais des gardes à vue, et plus précisément sur les GAV anti-terroristes, alerte elle aussi sur la possibilité de déclenchement d’un choc traumatique, lié aux conditions de détention : cellules aseptisées et déshumanisantes, seuls interlocuteurs armés, violation de l’intimité lors des douches aux parois vitrées et sous le regard constant d’agents, transport au vu et su de toustes, avec un sac sur la tête.

Vous comprendrez alors les réactions de B. en GAV, et le fait qu’il ait cherché à dire ce qui était attendu par la DGSI.

Vous le relaxerez de l’AMT. Il reconnaît la fabrication d’explosifs, ce fait n’est pas contesté, mais pas en bande organisée. Et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire afin qu’il puisse continuer le tir sportif. Les conditions pour qu’il puisse continuer à posséder une arme sont réunies.

CAMILLE SOULEIL-BALDUCCI (SIMON)

Que retiendrez-vous de ces quatre semaines ? De ces longues réquisitions ?

Où est ce projet ? Où est le passage à l’acte ?

Ils n’étaient « pas à exclure », et néanmoins ils n’étaient pas établis après Paulnay. On n’avait pas besoin d’attendre l’expert ! On le sait depuis avril 2020. On sait qu’il y a des discussions. Tout est déjà retranscrit depuis février 2020.

La DGSI à ce moment-là nous dit : « aucun projet défini ». Et maintenant on nous dit que Paulnay démontre un projet !

Huit mois d’information judiciaire. Qu’en résulte-t-il  de plus précis ? Rien !

Force est de constater qu’après les réquisitions, on n’est pas plus avancé.es.

Pour le procureur, le but ici serait « d’importer la guérilla ». F. est porteur d’un projet. Puis on a glissé : il n’y a plus « un projet », mais des projets d’actions violentes ou mortifères. A quel moment dans le dossier on a constaté un passage à l’acte ?

Il faut s’y résoudre, cette procédure n’a débouché sur rien.

Nous ne faisons pas ici le procès de la DGSI.

Ce n’est pas elle qui est sur ce banc, pas elle qui a été humiliée, pas elle qu’on interroge sur ses idées, ses valeurs, ses opinions… Ce n’est pas elle qui a vécu ces trois années terribles, qui a été incarcérée, qui a été isolée, qui a souffert.

Il est vrai que nous nourrissons à l’égard de cette procédure des critiques féroces et sérieuses. Elle méconnait gravement les principes du contradictoire, de l’égalité des armes.

On nous a dit « point Godwin » au sujet de l’article 6 de la CEDH : cela me met en colère ! Ce texte a vocation à asseoir le Droit humain. 

Cela montre – hélas ! – qu’il est loin le jour où la défense et l’accusation seront à armes égales.

Cette procédure est à charge, il s’agit d’un procès déloyal dans l’administration de la preuve.

Ce procès ne repose que sur la défiance.

Contre F. d’abord. Comme si le Rojava était transposable ici.

Défiance à l’égard de toustes les autres, lié.es par amitié, par leurs idées de gauche, présentées comme « extrêmes », « ultra »…, qui nourrissent des critiques à l’égard du monde, et tentent d’y répondre par des solutions politiques, dont toute société a besoin pour débattre et grandir.

Défiance à l’égard des juges, à qui il reviendra de statuer. On leur avait réservé les Assises !

Vous serez arbitres, mais on biaise les règles. On vous donne des miettes, un dossier incomplet, pour aller dans le sens de l’enquête. On vous prend par la main, à l’image de cet expert à qui on a souligné des passages à lire. Vous devez sortir de ces lignes toutes tracées par le Ministère public.

La charge la plus importante, ce n’est pas l’ANFO, ce n’est pas le TATP. La charge la plus importante, c’est l’enquête. Elle est l’endroit où se logent les déloyautés : l’infime quantité des retranscriptions, où l’on fait dire aux mots ce qu’ils ne signifient pas, la suppression de la vidéo, les perquisitions…

Selon l’article 706-95-18 de la procédure pénale, il y a une obligation à « transcrire les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité », et non uniquement les éléments à charge. Pour S., on a 5% de ce qu’il a dit. 26 conversations retenues sur 600 enregistrées. 50 et quelques sur les 999 enregistrements de la sonorisation du cabanon.

Dans ces sonorisations, il n’y a pas de discussion de plus de trois phrases. 

Comment comprendre ce qui s’y dit vraiment quand on nous en donne un part si congrue ? Comment s’en satisfaire ?

Ce procédé, il doit vous interpeller.

Prenons l’affaire de Viry-Chatillon, où les prévenus ont finalement été acquittés. L’ancienne procureure générale de Paris déclarait : « Avoir fait une sélection a été de nature à décrédibiliser l’enquête. La question sera de savoir si les retranscriptions sont à ce point réduites qu’elles en deviennent mensongères ».

Ce qu’on vous transmet ne suffit pas.

La procureure nous a dit : « Pour tout comprendre, il faut prendre le tout » ; nous sommes bien d’accord.

Surtout quand ce « tout » résiderait uniquement dans l’intention.

On nous cite des morceaux, des bribes de conversation, une phrase, pour prouver une conspiration. Une phrase isolée de son contexte ne veut rien dire !

On nous dit : « Ça suffit cette excuse de l’ivresse ». On vient diffuser un morceau de conversation, en prétendant qu’ils n’auraient pas une élocution altérée ? Et le bruit de la bouteille de vin qui fait glouglou en fin de conversation ? On ne diffuse pas le passage ou S. et F. chantent en chœur du Johnny Halliday. Quand deux punks en viennent à chanter Johnny !!!…(RIRES)

Il faut prendre les phrases dans leur contexte.

J’en passe. Vous avez compris.

Vous ne pourrez pas juger sans comprendre leur langage. Parler, ici, c’est un divertissement. On fait tous ça. A quoi passe-t-on notre temps ? A parler ! Le but n’est rien d’autre qu’entretenir la conversation.

Après Jakobson, on peut aller plus loin. Erving Goffman, lorsqu’il étudie les « small talk », qu’est-ce qu’il nous dit ? Accrochez-vous, Jakobson, c’était facile ! Il met en avant que dans l’interaction sociale qu’est le langage, le dévoilement n’est pas forcément authentique, ni même sincère, parce qu’on ne dévoile que ce que l’on croit positif pour l’autre. Le dévoilement est parfois un voilement. Les paroles, les interactions sociales ont tant de sens, tant de sincérités. Évidemment qu’ils ne vont pas parler de pavillons ou de PMA mais, puisqu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps, ils vont parler de leur avant : des propos politiques. Ce qu’on peut tirer des paroles et des mots, c’est uniquement des paroles et des mots.

Comment aurait-on traité dans ce tribunal les propos suivants : « C’est un usage bien établi, dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. En voyant ces braves pandores à deux doigts de succomber, moi j’bichais, car je les adore sous la forme de macchabés ». Ces mots sont ceux de Georges Brassens, grand prix de poésie de l’Académie française.

Arrêtons de nous offusquer pour des mots !

Ce n’est pas notre seule critique s’agissant de cette enquête.

Dans ce dossier, nous faisons face à quelques éléments administratifs à la chronologie mystérieuse.

On découvre le terrain de Paulnay le 10 février 2020. On diligente une enquête fiscale pour vérifier à quel point F. en est propriétaire. 

Toutes ces réquisitions sont sous scellés. On n’a rien dans ce dossier ! Il faut faire des demandes d’actes pour obtenir les éléments de la procédure ! On demande.

Ce qui nous gêne dans cette demande, c’est la date de la réponse de l’administration, le 11 février 2020, pour le document imprimé.

On a un PV du 10 février 2020 pour une demande qui est faite le 11 février… Le terrain de Paulnay est sonorisé grâce à cette information, et le PV est antérieur à l’information. 

Le 12 février, ils savent déjà ce qu’est ce terrain, ils l’ont repéré.

Et la DGSI nous dit « il nous paraît probable que ce terrain puisse servir aux explosifs et aux entrainements ». Comment fait la DGSI ????

Dans ce dossier, la casquette de la DGSI n’a jamais été ôtée.

La chambre d’instruction nous dit : « Pas de problème, le dossier peut ne pas être lu par nous ou vous. »cad que certaines demandes du dossier n’y figure pas, la DGSI peut contacter des organismes et recevoir des réponses sans que cela apparaisse au dossier. 

Comment accepter qu’une partie du dossier nous soit cachée ?

Et sur la vidéo de Paulnay : qui bande les yeux de ce tribunal ?

La séquence vidéo dure du 13 au 17 février 2020. Elle permet de signaler les présences des prévenus. Sauf que son placement sous scellés ne se fait pas. Plus grave, la séquence ne sera placée sous scellés que le 23 novembre 2020, soit quatre jours après qu’ait été lancée l’opération visant à l’interpellation.

Pourquoi le juge Herbaut n’a pas la vidéo dans son dossier ? On ne fait pas de copie. On ne fait pas de transcription. Alors qu’on en a l’obligation ! Et en prime on efface la vidéo…

Il en a fallu de l’énergie du côté de la défense pour obtenir des réponses. On fait des demandes en juin 2022, puis en septembre. De qui se moque-t-on ?

Celui qui a effacé la vidéo, c’est celui-là même qui va répondre au juge d’instruction pour dire ce qui s’est passé : un effacement non intentionnel.

Ce n’est pas satisfaisant ! Ni pour nous, ni pour vous !

Sur l’absence des deux agents de la DGSI à l’audience : ce n’est pas pour rien que nous avons demandé leur présence. Iels sont à l’origine de l’écrasante majorité des PV de l’enquête, et à l’origine de ce PV sur la vidéo de Paulnay. On veut remplir les vides !

– Comment fait-on pour écrire un PV de renseignement avec des renseignements qu’on n’a pas encore demandés ?

– Pourquoi on détruit l’engrais retrouvé chez Simon ? (pas de comparaison possible avec l’engrais de F.)

– Pourquoi dites-vous « pas de projet défini » en avril 2020, pour ensuite prétendre que le projet date de Paulnay?

– Pourquoi démonte-t-on le dispositif de sonorisation du terrain de Paulnay ? Comment savez-vous qu’ils ne reviendront pas ?

– Pourquoi, alors que les écoutes disent qu’il va y avoir un vol au GammVert, la surveillance du terrain est interrompue ?

Autant de questions sans réponse, dont la liste démontre que leur présence étaient nécessaires à votre juridiction.

Nous sommes dans la déloyauté de l’administration de la preuve.

On détourne, on vicie la preuve. On trie, on coupe, on cache, on supprime.

Vous devrez sanctionner ce procédé.

Voilà notre critique sur ce qu’a été cette procédure.

Beaucoup d’éléments sont interprétés avec mauvaise foi. Vous les écarterez.

Sur l’application Telegram : le 10 décembre 2020, S. donne ses codes pour y accéder. On note : « Etrangement, aucune communication avec les autres n’est constatée. Pour rappel, il est possible de supprimer un appel. »

Ainsi, même quand il n’y a rien, il pourrait tout de même y avoir quelque chose. Comment s’en sort-on ?

Sur les outils et fichiers numériques : j’ai compté 382.641 fichiers, pour ceux qui ont été relevés. Et pourtant on ne trouvera rien ! Rien !

Alors on extrait une photo, qui me fâche beaucoup. Un colis entouré de scotch, contenant des tuyaux métalliques. On dit « précisons que de tels tuyaux sont susceptibles de servir dans la réalisation de bombes tuyaux ». On parle ici d’une étagère en kit ! 

Les efforts qu’il faut employer pour se défaire de leur manières de présenter les choses !

Le rapport du PNAT (RDTC) pour dire qui sont K. (sa compagne) et S. : K. est présentée comme étant connue pour vol (multi-récidiviste). Non ! En réalité elle en a été victime ! S. va en manif avec un masque à gaz : c’est une preuve qu’il serait un « Black Bloc ». Mais… Oui ça devient difficile de nos jours, les manifs. On en voit moins des poussettes, on y sent le gaz lacrymogène à des kilomètres.

Comment croire que cette enquête sert la manifestation de la vérité ?

On n’a rien. Alors on va aller chercher un projet.

Lors de la 6ème audition de GAV, Simon garde le silence.

On lui dit : « Vous avez pleuré. Pourquoi ? Vous vous inquiétez pour vous ? Vous estimez que votre place est avec nous en GAV ? Vous pleurez ». 

« Votre petite amie est elle impliquée dans tout cela ? Quel projet de vie avez vous avec elle ? Comprenez-vous que la situation est très difficile pour elle, actuellement gardée à vue ? Est-ce que cela vous pose problème de faire risquer la prison à votre compagne si vous la dédouanez pas ? Vous pleurez. « 

(Silence dans la salle, c’est hardcore…)

Il est où le droit au silence ?

On a gardé K. en GAV pour faire craquer S. La GAV c’est pas seulement « inconfortable » ! On essaie d’obtenir des aveux aux forceps.

Nous posons une question : cette procédure déloyale est-elle inévitable ? 

Est-ce que cette procédure vous apporte des preuves ? 

Les agents de la DGSI auraient pu venir témoigner devant ce tribunal. Nous l’avons demandé.

Aucune condamnation ne peut se fonder sur les accusations d’agents anonymisés. Le procureur nous dit que ce serait « une interprétation personnelle du droit ». 

Ce que nous y lisons : les témoignages de la DGSI sont anonymes, on ne peut pas fonder une condamnation uniquement dessus.

Vous seule, Madame la Juge, avez le pouvoir de transformer ces éléments non probants en preuves.

La défense ne peut être garante seule de l’équité de ce procès.

C’est votre responsabilité !

Cette procédure ne repose que sur la base d’éléments qui ne constituent pas des preuves.

Les mathématiques sont formelles : 

1 PV anonyme ne vaut rien.

1400 PV anonymes ne valent rien.

Qu’est-ce qu’il reste ?

L’expert en explosifs, M. B., cité par le Ministère public, est finalement le meilleur témoin de la défense. 

Il a fallu qu’il nous explique qu’il avait tout mélangé. Quelle est la rigueur scientifique de cette expertise ? Et le fait de prendre pour exemple pour sa simulation la place Vendôme ? Pas la place Beauvau ! La place Vendôme ! Celle de votre ministère, de notre ministère. C’est à vous qu’on veut faire peur !

Cette expertise, vous la dénoncerez.

Vous ne trouverez pas de TATP chez Simon. Vous ne retiendrez pas les pipe-bombs.

Vous ne pourrez pas retenir l’ANFO. Cela réagit négativement à la flamme quand les démineurs s’y intéressent. Le procureur parle d’une poudre, il n’en est rien, ce sont juste des billes d’engrais baignant dans du fuel qui ont été trouvées !

Dans les scellés, il y aurait une recette ? Faux ! Une page wikipédia. Rien qui ne permette sa fabrication.

Qu’est-ce qu’il reste ? Quatre essais manqués, après lesquels on ne persiste pas.

C’est finalement ardu de contredire le vide.

Il n’y a eu qu’une tentative de fabrication d’explosifs. 

Pour cette raison vous ne l’inscrirez pas au FIJAIT, et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire.

On nous a dit d’elleux qu’iels ne se remettaient pas en cause ; mais c’est la qualification qui doit être remise en cause.

ALICE BECKER (SIMON)

La référence répétée à Action Directe, qui n’a aucun rapport avec les inculpé.es, est un procédé malhonnête. 

Et puis, lorsqu’on fait référence à une affaire plus récente, l’affaire Tarnac, on devrait remarquer que les journalistes sentaient venir le fiasco. Le parquet dénonçait la mansuétude des journalistes.

(elle cite les articles des media actuels sur l’affaire 8.12) 

J’ai trouvé choquant que le procureur attaque la défense sur sa stratégie de défense. 

S. est décrit comme un « punk à chien »: crête, boisson, musique… C’est assez cocasse qu’un punk rêve d’ascension sociale… chez Disney. Il vivent en couple avec K. depuis 17 ans… Elle revient sur son message dans lequel il dit en avoir « marre des normes », datant du 31 décembre 2019, alors qu’il travaille ce soir-là a Disney (paye ton punk anarchiste).

Le mouvement des Gilets Jaunes, pour n’importe quelle personne concernée, c’était un bol d’air.

S. se fait arrêter en manif lors du mouvement de 2019 contre la réforme des retraites et subit une GAV qui aboutit sur un rappel à la loi à cause de la présence d’un masque à gaz dans son sac.

S. s’intéresse au Rojava, et son pote de longue date F. en revient justement. Ils prévoient de se voir, se voient, puis ils rentrent chacun chez eux. 

Le week-end avec son pote : il va faire 2h50 de route et non pas « traverser la France » comme a pu le dire le PNAT. Il va acheter une spatule, et ils vont faire des explosifs (ce n’est un secret pour personne). A partir des enregistrements sonores, on ressent que c’est la première fois qu’ils se retrouvent depuis longtemps. Ils sont ivres, leurs propos doivent être analysés sous ce prisme-là. Ils parlent de la révolution, des valeurs de la République que l’on « conchie ». Je trouve ça surprenant pour une conversation, plutôt modérée à mon goût, qu’on ne puisse pas critiquer la révolution française. (elle énonce les détails de la conversation). Ils parlent des manifs des Gilets Jaunes et S. regrette de ne pas avoir profité des manifs. 

La journée du lendemain, lorsqu’ils font des essais, ils blaguent : « tant pis pour la nature… ». Ces propos sont interprétés comme étant de « l’écoterrorisme » !

On se dit qu’il y a quelque chose qui va se passer, ils parlent du vol à GammVert. Alors pourquoi, les flics partent-ils et les enregistrements prennent-ils fin ?

Par la suite a lieu leur départ à la cave de Controis en Sologne pour deux jours avec des ami.es, puis il rentre chez lui.

Week-end conspiratif ? On a parlé des tests, des copines, des frustrations… La tentative de production d’explosifs n’est pas répréhensible.

S. s’inquiète de ne pas avoir l’agrément à temps pour un évènement. Cela tarde, il insiste, il le reçoit finalement. Cet agrément est une vérification de la préfécture en prévention du risque terroriste. Il l’obtient alors qu’il est sous une instruction terroriste. Et puis plus rien ne se passe.

D’autres professionnels l’ont confirmé, le métier d’artificier, y’a pas d’école pour ça, il faut apprendre en faisant des tests.

Lors des perquisitions chez lui, on trouve des inflammateurs, des mèches et des déclencheurs, de la poudre noire. Il n’y a pas de TATP – mais des éléments qui sont utilisés pour sa profession et pour les travaux de la maison.

Il y a bien des armes chez lui : trois carabines, sans munitions, donc cela en fait de simples objets. Elles ont été récupérées bien avant de revoir F.

Elle demande la relaxe.

RAPHAEL KEMPF (FLO)

Sifflement lorsque les procureur·es rentrent pour la reprise de l’audience. La juge, agacée, indique au public qu’elle va faire inscrire cet incident à la note d’audience. 

Reprise de l’audience, Kempf se lève pour commencer sa plaidoirie : 

K – J’ai noté que vous avez ajouté à la note d’audience les sifflements. 

Je me demande une chose. À quoi va-t-elle servir, cette note ? 

Qui va pouvoir la lire ? Pas nous, a priori, cela nous a été refusé quand nous avons demandé les comptes-rendus d’audience.

Peut-être sera-t-elle étudiée dans plusieurs années, lorsque des historien·nes se pencheront sur l’histoire de la répression politique en France. 

C’est sur la base de ce genre d’archives qu’il est possible de réaliser un film sur le procès Goldman.

La Justice ne vit pas en autarcie. Elle vit avec la société. Si le PNAT provoque un sentiment de défiance, je pense qu’il faut l’entendre. Parce que la confiance ne se décrète pas. Les institutions  sont respectables parce qu’elles montrent qu’elles respectent le droit.

Il y a deux jours, madame la procureure, dans la deuxième partie des réquisitions, a annoncé qu’elle allait examiner la situation prévenu.e par prévenu.e. Les temps accordés à chacun.e sont éloquents : 

F. : 1 heure et 57 minutes

S. : 4 minutes

W., B. : 3 minutes

C. : 2 minutes

M., L. : 1 minute 

Si nos défenses étaient proportionnelles à ces temps, Mme la Présidente, nous en aurions pour très longtemps..

Du procès d’un groupe, et cela a été largement rappellé par mes consoeurs·frères, on est passé au procès d’un homme, F. 

On a beaucoup parlé de récit, y compris du côté de la défense. 

Un récit, c’est une relation de faits, réels ou imaginaires. 

Et en l’espèce, le récit du PNAT comporte une part d’imaginaire : on vous demande d’imaginer ce qui serait arrivé si les prévenu.es n’avaient pas été interpellé.es. Ce qu’on ne voit pas est plus inquiétant que ce que l’on voit. 

Ce dossier ne sera pas à traiter en terrorisme. 

Il ne s’agit pas d’humilier qui que ce soit. Le jugement est à rendre en Droit, et nous espérons que personne n’aura à faire appel, car le jugement sera juste.

Hier, Me Tort a dit qu’elle avait confiance en vous pour vous confier son client. 

Ces mots résonnent en moi. Je me demande, en tant qu’avocat de F., si moi aussi j’ai confiance en vous. 

En toute sincérité, non, je n’ai pas confiance.

Il fait une citation de Thierry Lévy :     

« L’audience apparaît non pas comme un moment de vérité, mais comme l’adaptation sonore d’un texte déjà écrit ».

J’ai dit au premier jour que ce procès avait mal commencé,  et je le redis au dernier jour : ce procès a mal continué. 

Je suis obligé de le repréciser, mais dans ce procès, on a porté atteinte à l’article 6 de la CEDH s’agissant des droits de la défense ! Dans ce dossier, on nous a dit « non » à à peu près à tout. Impossible de porter un regard neuf sur le dossier, d’y amener certains de nos éléments. 

Moi ce que je sais, c’est qu’à partir du moment où la personne sait qu’elle a été surveillée, il n’y a pas de raisons que les méthodes de surveillance utilisées à son encontre et que les pièces ainsi récupérées restent dans l’ombre. 

Au cours de cette audience, s’agissant des GAV, on a entendu toustes les prévenu.es dire qu’elles s’étaient mal passées. Sont-ils tous en train de mentir ? N’y a-t-il pas une part de vérité ? Votre rôle est de l’entendre ! 

Je vais revenir sur la loi du 9 septembre 1986. Le PNAT en a parlé dans son réquisitoire. C’est elle qui fait passer la GAV antiterroriste à 4 jours au lieu de 2. Pourquoi ? Pourquoi 2 jours de plus ? 

Je pense que c’est uniquement pour obtenir des aveux ou des dénonciations. Sinon cela n’aurait aucun sens. 

On sait que la privation sensorielle et la privation de liberté n’ont que cet objectif. 

D’après les travaux parlementaires qui ont eu lieu lors de la préparation de cette loi, ce qui a motivé l’enregistrement vidéo des GAV atiterroristes, c’est la volonté de protéger les enquêteurs des dénonciations calomnieuses.  

Mais c’est exactement pour ces mêmes raisons que nous aussi demandons l’accès à ces vidéos. C’est peut-être pour montrer à la salle qu’iels se trompent, que la DGSI a raison. (ironique)

C’est votre rôle, dans le cadre du délibéré, de savoir si cette affaire est ou non terroriste. 

Nous le contestons, bien sûr. 

Le ministère public s’offusque lorsqu’un professeur d’Université refuse d’utiliser le terme de « terrorisme », et en fait un argument tendant à dire que tout son témoignage serait à jeter à la poubelle. Mais heureusement que des universitaires dénoncent l’emploi de ce terme ! On ne peut passer à côté de ce fait social et massif de l’emploi à outrance de la qualification de « terrorisme », qui est utilisée pour désigner des ennemis. C’est une notion malléable qui a pour conséquence qu’il n’y a pas de dialogue possible. 

Et je constate que cette définition ne fait pas l’unanimité, pour l’ensemble des acteurs de cette procédure.

Dans la 6ème déclaration de F., en avant-dernière page, l’enquêteur lui donne une définition du terrorisme : ce n’est pas la définition donnée par le Code Pénal. C’est donc que le droit n’est pas leur boussole. Ils ont d’autres motivations, des biais. On en a tous des biais, un regard particulier sur le monde, singulier. 

En 1986, le député qui a rapporté la loi a déclaré : « Nous nous sommes borné.es à constater le terrorisme, pas à en donner une définition. » 

Puis Me Kempf fait une citation de Jean François Ricard, le premier procureur du PNAT, dans laquelle il dit que le PNAT a établi une série de critères permettant de distinguer ce qui relève du terrorisme ou de l’action radicale violente. Cette doctrine n’est pas publique.

Le PNAT nous a donné un indice : il a fait une distinction entre « haute intensité » et « basse intensité  » d’action… C’est quoi ça ? De quoi parle-t-on ?

Il n’y a pas cette distinction dans le Code Pénal en terrorisme. 

Une dégradation peut y figurer au même niveau qu’un fait de violence sur les personnes. 

De la même manière, le reclassement de cette affaire pour être jugée au tribunal correctionnel a été justifié par l’absence de projet d’action imminente. Cette notion d’action imminente n’existe pas non plus en droit ! 

Le PNAT s’est autonomisé de la loi, pour définir de façon arbitraire ce qui relève du terrorisme ou non. 

Mais la qualification de terrorisme viendrait ici du fait de vouloir s’en prendre à des policiers…

Quelle est la jurisprudence quant à ces accusations-là ? 

On a évoqué des manifs, avec des situations plus ou moins graves. 

Lorsque lors du mouvement des Gilets Jaunes un tractopelle a défoncé la porte du ministère de M. Griveaux, cela a été qualifié en « trouble à l’ordre public », pas en acte de terrorisme. 

De même s’agissant de l’incendie d’une caserne de gendarmerie à Grenoble en 2017, qui a été jugé en droit commun. 

Tout acte contre les policiers n’est pas qualifié de terrorisme.

Et nous, dans cette affaire, on a juste des bribes de conversations et des interprétations d’intentions, et c’est qualifié comme étant du terrorisme…

La question des engagements des prévenu·es reste centrale dans ce dossier. On nous dit que ce n’est pas le procès d’opinions politiques. Pourtant, de multiples questions sont posées aux prévenu.es en GAV sur leurs idées politiques. Le parquet nous dit : « C’est normal, on doit connaitre leurs idées ». D’accord, donc le fait que la DGSI soit une police politique est reconnue par le parquet, au moins on avance.

Des parallèles ont été faits avec les djihadistes. Il n’y a pas vraiment de liens. 

Du côté de la défense, on a un peu du mal à définir ce terme d’ultra-gauche… (on a essayé d’amalgamer des éléments épars ensemble, mais ça n’a rien donné…)

On a donc demandé à Jean-Marc Herbaut de nous dire ce que cela signifiait pour lui. 

Et cela a donné une recherche en source ouverte de Enedeka Maska… qui serait la définition de l’ultra-gauche. 

On a par la suite eu des éléments un peu plus fournis : ZAD, lutte contre les OGM, revues, maisons d’édition (La Fabrique). 

Qu’est ce qu’on doit comprendre de tout ça?  Que maintenant quand on va lire ou écouter certains contenus, cela va radicaliser les gens et leur faire commettre des meurtres ? 

F. serait dans un engagement violent. Sinon ce procès n’aurait pas lieu d’être. 

Alors, si on reprend ses engagements : 

    – Sivens. Oui, ça a été difficile là-bas, mais il a dit ne pas y avoir commis de violences. Et je le crois, il n’a pas été poursuivi pour ce fait ! 

    Et une deuxième chose : celleux qui à un moment ont occupé la ZAD de Sivens, iels avaient raison ! Iels avaient raison avant tout le monde, et même en droit !! Et si ça avait été compris plus tôt, Rémi Fraisse ne serait peut-être pas mort ! 

Imaginons que, comme pour l’isolement de F., on se rende compte a posteriori que cela ne servait à rien ? Et bien ce sera trop tard, le mal aura déjà été fait… (Il refait le même style de phrases concernant les peines requises par le PNAT). 

– On sait qu’il était dans la jungle de Calais, qu’il y donnait des cours dans une école. 

Et c’est tout à son honneur !

Le défenseur des droits a dénoncé de nombreuses fois les conditions de vie indignes dans la jungle de Calais.

Voilà le parcours militant d’un homme qui se conjugue avec la Justice et le droit. 

Sur les objets récupérés chez sa mère (bouclier et Tonfa), nous affirmons que c’est parce qu’il était acteur (jeux de rôle). 

De fait, F. n’a jamais été interpellé pour des faits de violence avec ces objets et les Black Blocs ne viennent pas en manifestation avec des boucliers. 

Les enquêteurs voient que F. et son ami·e collent une affiche sur un mur, le 6 mars 2020 à Toulouse. On ne sait toujours pas de quelle affiche il s’agit, quel est son contenu. Est-ce qu’elle avait pour but et aurait permis de recruter des gens pour la lutte armée ?… Ou est-ce plutôt le signe d’un engagement militant banal ? On ne le saura pas, la DGSI n’ayant pas pris de photo de cette affiche lors de sa filature. 

Est ce que participer à l’ouverture de squats est un engagement violent ou est-ce banal ?

Le récit de la DGSI, relayé par le PNAT, c’est l’idée selon laquelle les volontaire au Rojava viendraient ramener la guérilla en fRance. 

Ce que je suis obligé de constater, c’est qu’en suivant cette idée, ils véhiculent un récit qui est fait à ce propos depuis 2016. Et aujourd’hui le seul moyen de véhiculer ou de confirmer cette idée, c’est le PNAT et in fine, c’est vous. 

Ils ont tenté un premier canal pour véhiculer cette idée. André Hebert s’est vu confisquer son passeport pour l’empêcher de retourner au Rojava, sous prétexte de vouloir retourner les armes contre l’Etat. Le tribunal administratif a statué et reconnu l’erreur de la DGSI.

Par ailleurs je rappelle ici que, contrairement à ce qu’a dit le PNAT, les YPG, le PKK et le terrorisme sont des choses distinctes qu’il est important de ne pas mettre sur le même plan. 

Le deuxième canal utilisé pour véhiculer cette idée a été Médiapart. L’article au sujet des « revenants » du Rojava montre bien qu’il n’y a pas que F. qui est visé, mais que cette idée concerne tout le monde : les « revenants » reviennent en France pour perpétrer des attaques, pour faire du terrorisme. 

Et le troisième canal, c’est ce procès. 

Une fois qu’on adhère à cette idée, ce récit, est-ce qu’on a des éléments qui permettent de le justifier ? 

Non. 

Olivier Grojean est venu présenter à cette barre les résultats d’un travail scientifique, d’une étude réalisée qui se base sur plusieurs entretiens. 

De quelle manière raisonnent ces combattants? 

« Lucidité », « distance », « critique du romantisme révolutionnaire », « critique de la lutte armée ». Il n’y en a pas un qui souhaite ou qui se soit engagé dans la lutte armée. 

Il n’y a pas d’éléments. 

André Hébert a répondu ici à vos questions, sur ses opinions : oui il est « anti-capitaliste », c’est son droit, mais non il ne croit pas à la lutte armée.

Ce récit ne tient pas.

Alors pourquoi ce récit ? La DGSI fait quand même un travail sérieux, elle taffe et tout…

Elle est confrontée à du terrorisme djihadiste depuis des années. Ses agents ont donc un schéma de pensée. À force de voir le monde ainsi, ils ont ce biais, ce mode de réflexion et d’interprétation là. 

« Returny », c’est une idée qui vient du djihadisme. Et on retrouve ce terme ici, dans le contexte de combattants volontaires du Rojava… 

Il cite une déclaration de Flo  » j’ai lu, je me suis intéressé à la lutte kurde… » 

Et selon le PNAT F. serait parti juste pour apprendre le maniement des armes et se serait fait retourner le cerveau par Öcalan… 

Dans le dossier, on a des photos d’un certain nombre de livres présents dans son camion. Mais pourtant la DGSI ne va se focaliser que sur un fichier PDF que F. n’a même pas lu. Par contre, les bouquins, on s’en fout ! 

Par exemple, s’y trouvait un livre de Serhildan, « Le soulèvement au Kurdistan » (aux éditions Niet si ça intéresse du monde). C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de PV d’exploitation de ce livre dans le dossier !

Ce livre était sur la table de chevet de F., et il vient confimer tout ce qu’il a dit à cette barre !

Mais manifestement, l’accusation n’a pas souhaité en faire état. 

0,72% des sonorisations constituent se dossier… Ce chiffre n’a pas été contesté, ce qui est intéressant ! 

C’est donc le rôle de la défense de remplir les 99% manquants. 

C’était quoi la bataille de Raqqa en 2017 ? C’était quoi de libérer une ville du joug islamiste ? 

Ici F. a été incapable de se livrer, et je peux totalement le comprendre, car dans un lieu pareil, on peut constamment avoir peur de « déraper », et que des personnes puissent se méprendre sur le sens de vos mots. Pour raconter cette expérience, il faut une qualité d’écoute qui n’exsite pas ici. Il n’a pas pu dire comment il a procédé à Raqqa, dans le détail du geste. Je l’ai déjà dit, et ça a fait sourire le PNAT, mais sur place il a combattu au sein de la Coalition internationale, aux côtés de l’armée française !

Quelle crédibilité peut-on accorder aux propos déclarant qu’il veut s’en prendre aux institutions alors qu’il a agit en bonne intelligence avec l’armée française ?

Et le ministère public a déclaré cette Coalition internationale comme étant « informelle », ce qu’elle n’est pas !

Et F. voulait y repartir… C’était pas j’y vais, j’apprends et je reviens pour tout casser ! Voilà l’idée de F. au Rojava.

Ce dossier, cette enquête, donnent une image de ce qu’est « l’impressionnisme judiciaire » : on a des points, et on trace des traits entre chaque, sauf qu’à la fin ça ne ressemble pas à grand chose… 

Cette expression a été utilisée par Nicolas Braconnay, l’avocat général durant les plaidoiries du procès des attentats du 13 novembre 2015. 

Il cite des extraits d’un article du Monde (Au procès des attentats du 13-Novembre, des plaidoiries contre « l’impressionnisme judiciaire ») : « Il faut refuser les constructions fumeuses », « L’impressionnisme judiciaire n’a rien d’artistique », « C’est un péril pour l’intitution judiciaire elle-même ».

 Il parle de l’alcoolisation des personnes écoutées dans la majorité des sonorisations utilisées à charge.

Il rappelle que les prévenu.es sont accusé.es de ne pas avoir évoqué volontairementle terme « TATP », alors qu’iels n’en connaissaient pas le nom. Pour l’ANSU, F. dit ne jamais en avoir fait avant. Le Parquet, lui, affirme qu’il en aurait déjà fait. André Hébert a pourtant bien répété qu’il n’a jamais été question de cela au Rojava. 

Pour continuer sur la confection des explosifs, à Parcoul (des tests infructueux) et Paulnay, F. a participé aux essais pour en fabriquer, mais ensuite il décide de ne plus y revenir. 

Il est dit par le parquet que soi-disant F. sélectionnerait des personnes qui pourraient le suivre et participer à une révolution armée. Or dans une écoute du 2 avril 2020, avant qu’il aille à Parcoul, il n’y a aucune certitude sur l’endroit où F. va passer le confinement. Il y avait 2 possibilités, et il dit vouloir aller à Parcoul « s’iels (les habitant·es) sont sympas ». Est-ce que je recrute des gens dans le but de mener une lutte armée parce que je les trouvent « sympas » ? (se retournant vers les inculpé-e-s :  « Voilà, il vous a trouvées sympas… Et vous êtes là ! »)

Pour moi, il ne les sélectionne pas, parce qu’il est allé chez elleux un peu par hasard. 

Sur la confection d’explosifs qui a eu lieu, tout le monde met la main à la pâte. Et moi, ce que je retiens de tout ça, c’est que F. n’a plus du tout envie d’en refaire. 

Du côté du ministère public, la seule preuve de sa prétendue volonté d’en refaire, c’est que dans son camion il gardait les éléments pouvant servir d’ingrédients. Moi, je pense que tout cela y a été juste oublié. 

Dans le deuxième rapport de l’expert, à la dernière page, le résultat d’analyse de la cuisinière du camion est négatif. Il est dit que potentiellement, si la manipulation date d’il y a plusieurs mois, les traces deviennent moins visibles, voire imperceptibles. F. n’en a donc pas refait depuis plusieurs mois… On va régler la question de la restitution des scellés maintenant, ce sera fait : on voudrait récupérer les poèles, une marmite intégrale et les bâtons d’encens.

Moi ce que je vois, c’est qu’il n’est pas mentionné dans le dossier que F. aurait refait des essais d’explosifs. On vous demande de condamner F. là-dessus alors qu’il n’en a pas refait, et que visiblement il n’en avait pas l’intention. 

Dans le réquisitoire, au début le projet serait la « destruction de la civilisation ». Et maintenant, qu’est-ce qu’on a comme éléments pour établir ce fameux objectif ?  Un texte en grec pour l’ouverture de squats ? (il fait le lien avec un livre).

Il évoque un manifeste : « Le soleil se lève toujours ». Jusque-là, ce manifeste n’avait pas intéressé et maintenant il devient la colonne vertébrale de ce dossier ! On en apprend l’existence en août 2021, lors d’une exploitation de scellés. Et on nous dit : « Tout est là ! ». Il s’agit d’un fichier sur les plus de 1400 fichiers PDF que contenait ce scellé. 

D’ailleurs, on mentionne aussi que s’y trouve un dossier nommé « pour aller plus loin », qui contient un livre sur la révolution au Rojava, un livre de Michel Foucault… 

Dans ce dossier on a 2 types de sonorisations :

– certaines où on décrit une action

– des conversations à une certaine heure et dans un certain état, alcoolisé

Ces manifestations d’opinions interviennent dans un cadre privé, intime, et ne sont pas suivies de faits. Le trait qui permet de relier les points ce sont les sonorisations. 

Mais moi je me demande : est-ce que c’est légal ou non d’avoir des discussions en privé ? Parce que pour moi, ces propos ne tombent pas sous le coup de la loi. 

Ça arrive à chacun dans un cadre privé de tenir des propos virulents.

Quand Nicoals Sarkosy dit à Jacques Chirac au restaurant qu’il souhaiterait pendre De Villepin à un croc de boucher, est-ce que c’est un délit ? Je ne crois pas.

Il ajoute : « Avec mes consoeurs et confrères le soir quand on a bu un coup, est-ce qu’on a pas déjà dit qu’on voulait abolir le PNAT ? ». (rires dans la salle)

Les conversations à propos « des chiens de garde » sont pleines de trous. De très nombreuses mentions sont inaudibles. Kempf s’est « amusé » à remplir ces trous avec d’autres propos pour que la conversation ait un sens. C’est bluffant, cela change complètement le sens donné par la DGSI et le PNAT. Cela vient démontrer à quel point ce dossier ne se base que sur de l’interprétation.

Me Kempf :  « Nous allons remplir les trous nous-mêmes ».

Juge : « C’est une proposition ? » 

Kempf : « Oui, c’est une proposition ! Je n’ai pas non plus les bons mots à ma disposition ! 

Ça donne une toute autre teneur à la conversation. 

Il n’y a pas de projet. Pas de terrorisme. 

Au sujet d’une prétendue volonté de « dissimulation » : il y en a beaucoup dans le dossier. Il montre une photo de F. avec un sac sous le bras. « On dit qu’il « dissimule un sac », au lieu de dire simplement qu’il porte un sac sous son bras.

Il dit que F. a été très affecté par ce procès, et lui aussi. 

Il a terminé sa plaidoirie. A côté de la plaque, la présidente demande comment a été effectué le calcul qui a été donné par la défense concernant la proportion des sonorisations qui ont été transmises. Il lui explique qu’il a simplement pris les chiffres et appliqué le produit en croix comme pour toute règle de trois, c’est magique…

COLINE BOUILLON (FLO)

Je préfère vous prévenir que je vais être très longue.

Tout d’abord, sachez que c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour défendre F.

Dans un 1ᵉʳ temps : il n’y a jamais d’entrainement militaire par F. Il n’y a rien qui montre que F ait incité les autres inculpé.es à acheter une arme. Quel.les sont celleux qui ont déjà en possession leurs armes avant de le rencontrer ou de le revoir? Toustes.

L’accusation a construit un récit, et je vais vous le démontrer.

F. n’a jamais fait d’airsoft avant son départ au Rojava, mais il l’a pratiqué après. Donc ce n’est pas lui qui incite, car d’autres en avaient déjà fait avant.

Le PNAT se fonde sur deux parties d’airsoft pour établir qu’il s’agirait d’un entrainement paramilitaire. L’airsoft a été utilisé pour colorer le dossier de l’accusation. Il y a seulement trois parties d’airsoft sur une durée de quatre mois, puis plus rien (huit mois s’écoulent), jusqu’aux arrestations, et on le transforme en « entrainement para-militaire ». Ce dossier me permet de me reconsidérer moi-même, avec mes 4 séances de footing au printemps, en fait je me prépare au Marathon de Paris !

Il suffit d’une seule session d’airsoft à Parcoul-Chenaud, et la DGSI romantise déjà un groupe radical. Pour la DGSI et le PNAT, il est parfaitement crédible de confondre le bruit d’une spatule dans une casserole avec un bruit de tir en rafale. On a voulu vous donner coûte que coûte une version, fantasmée par la DGSI.

Sur le site web des jeux d’airsoft, « Airsoft attitude », on peut trouver une vingtaine de scénarios, tels que « Comment commander un trinôme ? ». On y retrouve les notions de « chef d’équipe », de « débriefing » et de « pédagogie ».

Ensuite, il nous est dit que C. n’a pas apprécié cette partie d’airsoft, je la comprends, ce n’est pas évident lorsqu’on ne connait pas bien. C’est un jeu à la fois ludique et complexe. C’est un jeu de rôle avec une implication intense.

L’association « La passion des ami.es » aurait été utilisée pour cacher des activités ? Il n’y a aucune activité. Parfois, dans la rue, il peut nous arriver de voir une vitrine où le mannequin n’a plus de vêtement. Là, il n’y a même pas de mannequin ! Vous la percevez comme une vitrine vide ? L’association ne fait pas d’évènements, même pas de réunion. Elle n’a servi à rien. Pourquoi autant s’accrocher à cet élément dans ce cas ? 

Car pour le PNAT, c’est elle qui fait tenir le scénario dans lequel, F. serait revenu du Rojava pour mener une guérilla terroriste. C’est une honte d’imposer cette image au sujet d’un homme qui a combattu Daesh pendant 10 mois.

Cette association a été créée en 2018. Dans la chronologie c’est un élément utile pour le scénario de la DGSI. On vous explique que cette association cache des choses, on s’y accroche parce que l’accusation ne veut pas perdre la face, elle permet de relier les deux ans entre son retour du Rojava et le début de la procédure.

Serait-il rassurant que F. arrive à mettre de côté ses expériences du Rojava ?

Devons-nous nous étonner que l’airsoft soit utilisé comme une catharsis ? Le ministère de l’intérieur dit qu’il faut mettre en place des suivi psy pour les vétérans. 

Un autre vétéran du Rojava a témoigné à la barre, pour nous dire qu’il aurait aimé faire des séances de tir lorsqu’il est revenu en France, mais ce ne fût pas possible car cela lui a été interdit par l’État français. Pour F., c’est un exutoire, il fait continuellement des switchs. 

En France, il y a 10 millions d’armes illégales, F. en avait une. Cachée ? Oui, il vivait dans son camion (c’est sa maison), ce qui expose aux insécurités et au vol. Pour le PNAT, tout est bon pour incriminer F. Il ne s’est pas procuré d’armes illégales entre 2018 et 2020, pourquoi ne le fait-il pas s’il a pour but de « renverser la civilisation » ?

Il aurait essayé de se cacher de plus en plus, d’entrer dans la clandestinité, alors qu’il a fait les démarches pour passer son permis chasse ?! Il a passé son permis de chasse parce qu’il a passé du temps avec B. et W. et pas l’inverse ! Il est donc dans une recherche de légalité par rapport à la détention d’armes, il souhaite faire la déclaration en préfecture, etc…

Qu’est-ce qui arrive après qu’il ait « recruté » des personnes ? Une séance de tir ?

Pourquoi B. ne voulait pas lui donner le fusil comme prévu ? W. et B. nous ont dit que B. s’était habitué à cette arme et ne souhaitait plus la donner.

Il n’y a pas eu de phase d’interpellation internationale, alors qu’il est mis en examen pour des faits qu’il aurait pu commettre en Belgique, Croatie, République Tchèque, Grèce… Dans ces différents pays, il s’y rend avec son camion ou en avion, avec des billets achetés avec sa carte bleue, et effectue de nombreux retraits avec sa CB. 

Elle raconte comment elle a rencontré F.. Elle n’a jamais pu s’entretenir avec lui en GAV (auditions de l’après-midi uniquement) donc elle l’a découvert d’une part dans la description faite par la DGSI (leader, emprise sur les autres…) et d’autre part à travers les descriptions des autres inculpé.es en GAV (plein d’énergie, bout-en-train, joyeux, guilleret…)

Les conditions d’incarcération et particulièrement en quartier d’isolement sont très dures. Lors de sa première visite à la prison de Bois-d’Arcy, dans le quartier d’isolement, elle a été frappée par les cris permanents des détenus. Des cris qui ne cessent jamais. Elle fait part de sa sidération lorsqu’elle a vu à quoi ressemblait la « promenade », cet espace réduit et grillagé d’où on ne peut voir le ciel. Elle décrit des conditions de vie indignes, sans accès au soin. Tout le monde s’en foutait… sauf les soutiens de F. L’isolement requiert un accès au soin immédiat. Sa santé en a pâti, comme il a pu le décrire dans ses lettres. Elle en lit plusieurs extraits : “je n’arrive pas à matérialiser mes pensées”, “j’ai des pertes de mémoire […] je n’arrive pas à faire certaines connexions dans mon cerveau”. Il n’a vu personne de décembre 2020 à mars 2022. Elle décrit les séquelles qu’elle observe avec le temps, elle ne cache pas comment ça l’a profondément touchée, humainement.

Pour 16 mois de traitement inhumain, reconnu comme illégal, il a reçu une compensation de 3000 euros de la part de l’Etat.

Elle revient sur ce qu’elle nomme la prison « au carré », la prison dans la prison qu’est l’isolement.

Une tribune a été publiée avec de nombreux signataires pour dénoncer ses conditions d’incarcération. Cette période visiblement dérange, car il n’y en a strictement aucune mention dans vos rapports. La dimension humaine de F. n’intéresse pas le procureur, il s’en est même moquée lorsqu’il a affirmé : « ils ont osé parler de « torture blanche ». Au contraire, il cherche constamment à le déshumaniser. Le terme “torture blanche” est utilisé précisément pour décrire des conditions d’isolement inhumaines. Lorsque l’isolement est infligé pendant des longues périodes, cela produit une altération des sens, des décompensations psychologiques, une détérioration grave de la santé de l’individu.e. 

La Commission des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe met en garde : l’isolement doit être appliqué « uniquement en dernier recours et pendant de courtes périodes ». Le terme « torture blanche » est également utilisé par Amnesty International.

Au long de ces 16 mois, F. a effectué 75 recours pour tenter de sortir d’isolement avant d’entamer une grève de la faim. Une grève de la faim de 37 jours, lors de laquelle il a failli perdre la vie. Son pronostic vital était engagé. La situation s’est aggravée jusqu’à la menace d’une réanimation, et il a dû être transféré dans un hôpital comprenant un service spécialisé car l’hôpital pénitentiaire de Fresnes n’était plus en mesure de le prendre en charge. Au terme de cette grève de la faim, il a enfin pu être libéré.

Nous contestons l’association de malfaiteurs. Il y a certaines infractions qu’il reconnait, et nous savons qu’il y aura condamnation. 

Depuis le début du procès, j’apprécie de le voir en dehors de la prison. Me Bouillon explique alors l’avoir mieux découvert depuis la fin de sa détention. Elle décrit son évolution, son cheminement, humain, militant, elle découvre quelqu’un qui souhaite un monde sans oppressions, sans répression, une personne généreuse, altruiste, loyale, qui mesure la valeur de la vie, investie auprès des autres. Une personne qui tient à ses proches.

Depuis qu’il est sorti de prison, il a renoncé au mode de vie qui était le sien, certes dur par certains aspects car il vivait en camion et pas dans le confort matériel, mais un mode de vie qu’il vivait par conviction, en accord avec ses valeurs et ses principes. Il est très difficile de renoncer à tout cela. 

A sa sortie, il a trouvé un travail, et pas n’importe quel travail, un travail qui lui plaît et fait sens pour lui ; il s’est occupé de sa santé. Et ce, malgré les nombreux contrôles et contraintes qui rythment son temps, sans répit. 

Tout cela mérite d’être salué, et pas seulement par la défense. 

Le magistrat instructeur a remarqué son respect de l’ARSE et son implication pour se “ré-insérer”. Il en a résulté qu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il retourne en prison, il lui a même fait retirer son bracelet électronique il y a un an. 

A écouter le PNAT, F. n’a jamais pris conscience de la dangerosité de ce qu’il faisait. Ce n’est pas vrai et il en a témoigné à de multiples reprises. Le traumatisme que porte aujourd’hui F. lui vient de son temps passé à l’isolement, et non du Rojava.

Lorsque le PNAT, dit : “On ne prend pas en compte le mode de vie des un.es et des autres”, de qui se moque-t-on ? Le PNAT n’a aucunement considéré la grève de la faim (sauf pour dire que c’était bien là la preuve qu’il était « jusqu’au-boutiste » donc dangereux), les risques et la souffrance qu’elle a engendrés.  

Le parquet vous a requis une peine qui n’est pas aménageable. On le sait bien en droit, qu’en matière de terrorisme la peine n’est pas aménageable. C’est une peine d’exécution. Est-ce une peine à la juste valeur des faits ?! Sans aucun rapport avec l’orientation politique « d’ultra-gauche » ?! J’ai failli en tomber de ma chaise ! On lui requiert une peine plus élevée que pour les Barjols (groupe d’extrême-droite jugé pour AMT et soupçonnés d’avoir fomenté des attentats contre Macron, des élu.es, des migrant et, des mosquées) ! Nous n’avons pas besoin de peine pour l’exemple.

Nous vous demandons une peine mixte (sans retour en prison) qui exclurait tout suivi socio-judiciaire et pas d’inscription au FIJAIT.

Procureur : A la demande de la juge nous répondons quant au fichier de son casier judiciaire : il n’y aura pas d’exclusion du B2.

DECLARATION INCULPE.ES

Nous ferons un résumé ici des déclarations des inculpé.es. Iels peuvent prendre la parole en dernier. Il y a des applaudissements après chaque déclaration et la Présidente essaye à chaque fois de faire taire la salle en la grondant.

B. nous parle de sa vie actuelle, de sa reconstruction après le traumatisme de la GAV et de la procédure.

W. rappelle l’impact que les 4 mois de détention ont eu sur lui, qu’il n’a pas pu communiquer avec ses meilleurs amis pendant plusieurs années. Il demande à ce qu’on le laisse tranquille et finit en rappelant que personne dans cette salle n’est un-e terroriste.

F. s’excuse pour son comportement auprès des femmes présentes à Parcoul : C., S., M. et H. et a hâte de rentrer chez lui pour se reconstruire. 

L. regrette ne pas avoir pu offrir le fond de sa pensée, auprès des potes aussi, n’aurait jamais imaginé que quelque chose comme cette affaire entre un jour dans sa vie et finit sur sa conviction que nous sommes toutes et tous complémentaires, qu’il est évident que l’on peut fonctionner ensemble.

C. : Ces 3 dernières années ont été les plus dures de sa vie, beaucoup d’inquiétude face aux caricatures portées dans ce dossier et ses répercussions. Elle rappelle qu’elle n’a jamais été une terroriste, mais qu’elle est fière des luttes politiques qu’elle porte et des idées qu’elle défend. « Je sais qui je suis et je partirai de ce tribunal avec ça. »

S. rappelle qu’il a fait 11 mois de détention, 3 ans d’instruction pour une accusation portant sur 3h de tentatives ratées d’explosifs : « Ma passion débordante a débordée « . Et que, si l’accusation terroriste est maintenue, il devra pointer tous les 3 mois, pendant 10 ou 20 ans et si une nouvelle loi d’exception passe, ce sera toute sa vie, « coupable devant l’éternel ». Il ajoute qu’il n’a jamais eu besoin de quelconque injonction pour travailler et que le Fijait nuirait à son projet professionnel, notamment pour les déplacements.

M. commence par  » 2 ans, 324 jours et 15h depuis que l’on s’est fait arrêté… on est tou-tes fatigué-es ». Il préfère ne pas faire perdre plus de temps et  conclura par une phrase des Béru :  » L’AVENIR C’EST PAS LA VIOLENCE, C’EST LA SOLIDARITÉ ! »

Verdict du délibéré le 22 décembre à 10 heures

JEUDI 26 OCTOBRE

En passant

26/10

LOUISE TORT (LOIC)

Tout d’abord, je veux vous dire : Pardon, pardon, pardon. Si j’ai parfois mal parlé, si mon langage a été approximatif, si j’ai été agressive, excessive, pardon.

Le tribunal a pu me voir avec une mine défaite. Je suis venue avec mon sac à dos, fourré de mon vécu, 45 ans de vie, 20 ans de barreau, de ce que j’ai appris dans les tribunaux.

L. est arrivé les yeux tout ronds, il disait « je suis perdu ». Je l’ai connu comme un garçon qui pense à l’autre, un garçon qui n’est jamais en retard, qui n’aime pas le bras de fer, qui aime l’autre.

Je connais la 16ème chambre, je connais les dossiers terroristes, celui ci ne ressemble à aucun autre, le déséquilibre est si grand, les audiences sont lourdes.

Du dérogatoire du dérogatoire, de l’exceptionnel à l’exceptionnel. Les accusations qui pèsent sur lui sont trop lourdes. Mon désespoir a pris beaucoup de place, comme le sien.

La première semaine je ne pouvais pas m’asseoir. La deuxième semaine je ne pouvais pas respirer. La troisième semaine j’ai été touchée par un problème personnel, mon sac à dos était trop lourd. Je ne voulais plus venir. Mon lapin est au chevet de la mort mais j’ai tenu parce que j’ai confiance dans mon vétérinaire. J’ai confiance parce que je n’ai que ça.

Moi j’ai confiance en vous, même si ma défense a pu être excessive, emportée, j’ai confiance. Je me suis emportée quand leur amitié a été attaquée. Mais je sais que vous la reconnaissez, cette valeur de l’amitié.

Même si je m’exprime mal, même si je suis venue avec mon sac à dos, je sais que vous saurez trouver la vérité qui est qu’il n’y a pas d’association de malfaiteurs terroriste. 

Je me suis emportée face à cette espèce de tautologie consistant à dire que puisque la DGSI dit quelque chose, il n’y a aucune raison de remettre en question ses paroles. Tautologie aussi du fait qu’on ne puisse pas avoir les témoins demandés. Il aurait été nécessaire d’entendre ces témoins pour éclaircir tout ça. Il serait intéressant de savoir ce que pensent ces agents. La parole du PNAT ne suffit pas. Ils disent « la DGSI est une autorité indépendante ! Pas du tout liée à l’exécutif ! ». 

Ils nous disent qu’ils sont débordés de travail. Le PNAT c’est Superman le jour, Batman la nuit !

Leur chronologie d’hier (réquisitions de la proc), je n’ai pas tout compris : « on a supposé des choses » (F.+S.), on a vu que c’était pire (à Parcoul s’agissant de la fabrication d’explosifs), on s’est empressés de ne rien faire ».

A ce moment-là c’est une période particulière, 2019-2020 : la sortie d’une année de Gilets Jaunes. Vous croyez que « Personne ne parle comme ça de la police » ?! Même dans les 10 000 fiché.es de Darmanin, dont les 3000 fiché S de l’ultra-gauche, ils ne sont pas tous fichés ceux qui disent des choses sur la police. George Floyd, Adama Traoré, la loi sécurité globale. Il y en a des slogans, ça manifeste de partout. Alors il semblerait qu’il s’agissait de criminaliser ces mouvements. Le contexte social de l’époque est une réalité dans ce dossier.

On prend du rien, on ajoute du rien, et puis on va les secouer. Pas de démonstration, pas de preuves, pas de volonté violente. c’est une inversion de charge de la preuve. Les arguments sont faiblards voir déloyaux. L’enquête et l’accusation partent d’un prisme.

Les termes que vous avez utilisés sur L. à-propos de son CJ sont : « élogieux ». On a beaucoup parlé de sa GAV. Si le droit de garder le silence devient un élément criminalisant, c’est de l’hypocrisie. Tordre la vérité en faisant de la manipulation, en termes de manifestation de la vérité, c’est obtenir des dénonciations en cassant le bras de quelqu’un… Moi, je ne garantis pas que j’aurais eu ce courage.

Comme il n’y a pas de projet, on est obligé d’aller plus encore dans ce qu’on sait des personnes. Ce qu’on sait c’est que sa mère est engagée pour s’occuper des autres. C’est un garçon qui a vécu beaucoup de souffrance, qui a engendré en lui de la peur. Il s’est confronté à autant de solitude que celle qu’il avait dans sa tête. Néanmoins on ne trouve aucune trace d’acte violent dans sa vie.

En 2017 c’est un tournant, et il change, il devient celui qu’il est aujourd’hui. Pour être plus en contact avec lui-même, il s’engage dans la PNL. Il cherche de vrai ami.e.s L. a tendance à être grognon. Mais je le vois avec les autres, il investit les relations.

On a ensuite eu un espèce de glissement, du syllogisme : « Vous étiez à Sivens, il y avait des violents à Sivens, donc vous êtes un violent ». Enfin on ne le dit pas, mais on le dit quand même.

Le survivalisme, le terreau des terro ?

3 écoutes entre le 15 et le 20 mars, alors là les gens sont frais, confiants, vont bien, il y a eu des analyses du capitalisme avec une amie. 

Le dernier élément : « Ils ont une défense collective, donc c’est la preuve qu’ils sont ensemble ». Alors il faudrait qu’on s’arrange pour être en désaccord pour faire plaisir au parquet ?

Il se trouve qu’on voit les choses de la même manière. Pour faire plaisir au parquet, la défense ne devrait servir à rien. Evidemment qu’il y a des points où iels sont d’accords ! Ils ne vont quand même pas faire exprès de se tirer dans les pattes ! L’absurdité est la même pour toustes.

En ce qui concerne l’association « La passion des ami.es », l’airsoft fait partie des activités possibles de cette association. Là-dessus on est d’accord. Puis il est déclaré que c’est une association d’airsoft. On a interrogé une personne, l’ex-compagne de L., qui arrive avec un bébé de 1 mois, sans avocat. A la première question elle répond : « Ça fait longtemps que j’ai quitté cette association », sans qu’on lui pose de question sur cette association. Encore une fois on assiste à la démonstration du « off ». Puis elle dit que l’airsoft était une « activité parmi d’autres ». On n’a pas pris en compte ce que cette témoin a dit.

En février 2020, c’est la seule fois qu’il a joué à l’airsoft. Le lien de causalité me semble douteux. 

On ne peut pas dire « Quand il n’y a pas, il y a peut-être, parce qu’il y a mystère ». Non, quand il n’y a rien il n’y a rien. Le temps passe, depuis le début de la surveillance, il ne se passe rien.

Il ne veut pas qu’on regarde son téléphone, quoi d’étonnant avec ces manières de faire. Il y a des extraits de discussions qui seraient supposées être une réunion d’organisation. Il y a des mots en commun entre des gens qui font et des gens qui ne font rien.  Il n’y a pas de preuves matérielles, Il n’y a rien.

Les 1500€ je les prends, mais je ne prends rien de plus, je demande la relaxe. L’inscription au FIJAIT, pourquoi ? Les rapports de CJ sont élogieux ! Il a été surveillé pendant des années. Cette qualification est infâmante. Tout ça pour un principe de précaution ? S’agissant de son téléphone, il n’a pas donné ses codes, c’est un délit, mais le reste je veux le récupérer. Tout à été exploité. Il y a un disque dur, rendez-le. 

LUCIE SIMON et CAMILLE VANNIER (MANU) :

Quel étrange procès ! M. Darmanin qui déclare avoir « déjoué un attentat contre les forces de l’ordre”. Quel est le projet ? Vous n’avez rien découvert. D’ailleurs, au cours de cette audience, on a passé moins d’une demi-journée sur ce supposé projet. 

Je demande la relaxe car il n’y a aucun projet. 

Ils ont fait des comparaisons avec Daesh, qui ont terrorisé la France. Le groupe existe, et prône des valeurs communes.

A la question de l’existence d’une organisation terroriste, il n’y a rien de ce genre. Il ne s’agit que de pratiquer la terreur et l’intimidation.

Le parquet a fait une comparaison avec l’organisation la nouvelle OAS : des revendications, des cibles claires, une organisation hiérarchisée. Ici, rien de tout ça, on a une organisation basée sur des critères totalement subjectifs.

On cherche à caractériser « l’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste ».

Vous avez dans ce dossier un énorme problème juridique que vous ne pourrez pas contourner : il n’y a pas de groupe, pas de nom de groupe. Le nom qui va être donné par les enquêteurs est « le dossier des punks à chiens » et vu que c’est l’ultra-gauche on n’a pas besoin de hiérarchie. Mais il faut quand même des éléments pour faire groupe. Donc il n’y a aucune AMT ici.

Pour démontrer d’une certaine filiation idéologique, le parquet est revenu sur l’histoire de l’ultra-gauche. On n’est plus dans les années 70 ! Il y a un caractère distendu (de cette analyse). Étant donné qu’il n’y a rien de récent, le parquet va chercher des éléments plus récents : le « Manifeste de la conspiration des cellules de feu ».

Il n’y a eu aucun mort en relation à ce manifeste, aucune filiation, aucune revendication d’actions violentes.

La seule chose qu’on a c’est que F. a rejoint les YPG, qui est factuellement un groupe anti-terroriste. Ils se sont battus contre Daesh et AVEC la coalition internationale. Personne n’est en lien avec des terroristes dans ce dossier.

Le parquet a tenté hier de faire un lien direct avec le PKK et son appartenance aux groupes terroristes d’après la Turquie.

M. voulait aller au Rojava

Quatre éléments sont repris dans le rapport d’instruction.

L’association d’airsoft, dans le but d’entrainement militaire, aucun lien entre M. et cette association.

F. dispose d’un terrain, également pour soi-disant s’entraîner. M. n’y a jamais mis les pieds. Il n’y a d’ailleurs jamais eu d’airsoft là-bas.

M. est représenté comme quelqu’un qui va rejoindre une révolution lorsqu’il part en Colombie. Ce n’est pas du tout le cas, il part en voyage.

Les armes. Il n’en a pas. Tout ces éléments sont faux.

La DGSI, qui l’écoute, tire la conclusion qu’un passage à l’acte violent n’est pas à exclure. Est-ce qu’on en est au même point aujourd’hui ? Lorsqu’ils se font arrêter, il y a un enlisement de l’enquête. On peut se demander en quoi est-ce une question d’urgence ? Il n’y avait pas d’éléments nouveaux depuis longtemps. Aurait-elle supporté plus d’inaction ? 

M., vous l’avez vu, il prend des notes tout le temps. On l’appelle l’écrivain. S’agissant des notes parlant de la réunion internationale, il liste une série de thèmes qui s’enchaînent, néanmoins c’est réunion à laquelle il ne ‘est jamais rendu.

Sur la thématique des avocats : il ne connaissait aucun avocat et n’a pas de connaissances préalable des processus de droit.

Le projet de départ au Rojava c’est important pour lui, ça lui tient à cœur. Cette idée donne une double dimensions à l’airsoft, comme étant un loisir / jeu mais également utilisé dans une perspective de départ, pour se familiariser avec ce que ça fait. 

Sur la temporalité : il n’a fait que 2 parties d’airsoft. Peut-on considérer ça comme un vrai entraînement militaire? Une vrai préparation à la guérilla ?

C’est parce qu’on n’a pas assez d’éléments qu’on va chercher la brochure sur « la création d’une milice », qu’on se base sur des vieux documents de Sivens, qui circulaient déjà en 2014. Ce document qui pose question, il ne l’a jamais lu. Et cela devient la feuille de route, le dictionnaire au travers lequel on lit leur réalité. Dans le document on parle de guerre. Cela ne caractérise pas un acte ou un fait.

On a 5 bouts de conversations, il est 20h, ils ont déjà beaucoup bu. Dans ces conversations, le mot « chien de garde » semble inquiéter énormément. Ce terme peut dénoncer la complaisance des médias ou autre chose, on ne saura jamais. Est-ce pour autant du terrorisme intellectuel ? Les mots et la critique doivent avoir leur place ! On peut l’assumer, ce sont des mots, ils sont critiques. Il est important de pouvoir critiquer. 

Ils disent vouloir “Attendre que la société soit prête”. Est-ce que c’est ça un projet terroriste? Attendre que la société soit prête ?

L’amalgame est fait entre l’affaire Tarnac et l’affaire du 8 décembre, l’accusation la présente comme le match retour de Tarnac. Les inculpé.e.s auraient les mêmes motivations que celleux de Tarnac : “la lutte armé n’est qu’un passage à une autre société”. Au tribunal, on conclut sur l’affaire Tarnac que « il ne faut surtout pas confondre la violence politique et la violence terroriste”.

Il n’y a pas de lien, pas de préparation, pas de projet.

Ils ont peut-être certaines idées révolutionnaires, mais clairement pas de projet révolutionnaire. La procureure daffirme que « M. est une personne violente, c’est évident, il  n’y a pas besoin de le démontrer ». D’où ? 

Oui on a retrouvé un patch « black bloc »avec des coeurs, un photo-montage avec M. sur la plage en train de lancer un bâton à ses chiens qui devient une bouteille enflammée. Si chaque personne qui tague des ACAB dans les toilettes d’un bar sont prêtes à commettre des attentats terroristes, le parquet anti-terroriste à de beaux jours devant lui.

En l’absence de projet, on lui reproche la clandestinité. Dans son téléphone se trouvaient des photos de sa compagne, de ses voyages, etc., il n’avait rien à cacher. Le fait d’utiliser Signal ? Oui, comme des millions de gens.

Il n’a pas donné ses clés de chiffrement car il a la volonté de protéger sa vie privé. Quand on ne sait pas on s’imagine… Mais ici, dans ce tribunal, on doit juger sur des faits et des preuves.

Est-ce qu’on a la connaissance d’un projet terroriste ? Non, aucun projet du tout. S’il n’y a pas d’éléments matériels, il n’y a pas d’éléments intentionnels non plus.

Le Fijait, c’est un fichage pour 20 ans et il aurait l’obligation pendant 10 ans de déclarer tous ses déplacements, ses changements d’adresses, d’aller pointer tous les 3 mois. Nous demandons qu’il ne soit pas fiché au Fijait, vis-à-vis de son style de vie. 

CHLOE CHALLOT (CAMILLE)

    Au moment des éléments constitutifs, le ministère Public a dit qu’il fallait dissiper le fantasme qui disait que C. était réduite à être la compagne de F , ce qui laisse à penser que ce serait acquis au débat. 

    C’est facile de dire que ce ne serait qu’un fantasme, qui vienne de la défense. Je n’oublierai pas que c’est de cette façon qu’elle est présentée dans le réquisitoire.  » C., compagne de F », ce n’est pas une hallucination, c’est ce qui est écrit dans le rapport judiciaire. On les interroge sur leur souhait de mariage. 

   On dit de C. qu’elle n’aurait pas toute sa lucidité de penser. Elle est appréhendée sous le prisme d’un aveuglement amoureux. Et on la dit déterminée par la passion plutôt que par la raison.

L’historienne F. Brugeon dit que sans cesse on présente les femmes comme étant déterminées par les émotions plutôt que par la raison.

Dans l’ORTC, on retrouve tout le champ lexical de l’hystérie et on mentionne qu’« elle vole au secours de son ami, » alors qu’elle ne fait que dire ce qu’elle pense. 

Le procureur dit que C. serait d’une loyauté sans pareil, que ses paroles et ses pensées seraient en lien avec celles de F. On lui nie toute indépendance. Cet argument vous permet de vous dispenser de l’examen d’intention violente. Il y a ici un syllogisme implicite  : elle lui est fidèle donc elle est forcément en lien avec les intentions de F.

Recourir à la loyauté sentimentale, c’est le dernier argument qu’on a quand les arguments matériels ne résistent pas à l’épreuve de la réalité . Cela rend « inaudible ce qu’elle porte ». Elle a essayé de dépasser son statut de compagne. Elle a amené un combat sur la sémantique en parlant de la performativité du langage : « leader », « entrainement »…

Elle a cherché à amener de la complexité et revendique son droit à la nuance personnelle, elle a cherché à déconstruire des projections et des étiquettes qui ont été calquées sur les gens. 

1% des écoutes sont retranscrites et versées au dossier : c’est cela qui constitue le dossier.

« C. est l’informaticienne ». Cela a été démenti. Chacun joue son prétendu rôle, il y a l’artificier, le lieutenant, et l’informaticienne, et puis on constate qu’elle a moult brochures et livres. Oui, elle ne s’est pas laissée faire, elle reprend le magistrat instructeur.

D’informaticienne, elle devient celle dotée d’un certain bagage intellectuel et idéologique.

Elle s’autorise des réflexions, notamment au niveau du comportement de la Justice par son courrier refusant les expertises. Elle ne se laisse pas faire et essaie de reprendre prise. Quand elle devient l’intellectuelle, elle glisse vers cette femme qui remet tout en cause.

Se questionner est différent de remettre en cause.

 C’est certain qu’elle fait tout pour ne pas subir cette procédure. Ça pourrait être intéressant, mais c’est un peu trop grave, car vous venez de la condamner à 3 ans, c’est très significatif, je n’ai pas envie qu’on se cache derrière le sursis probatoire, non justifié, associé à ces 3 ans. 

L’ORTC reprend sa « virulence » quant aux institutions et le fait qu’elle puisse contester le fonctionnement de la justice. On évoque son positionnement et sa façon d’exercer ses droits. Cela participe de la démonstration d’infraction. Une position qui vient caractériser une infraction antérieure. 

 Les arguments sont limites faiblards. 

J’insiste sur la nécessité de caractériser la participation de chacun.e.s des prévenu.e.s dans l’AMT. Il faut une volonté identifiée pour chacun. Le but de cette alliance doit être connue. C’est la distinction entre un élément moral et un mobile. Ce sont les éléments matériels qui comptent. Il faut une volonté personnelle de s’inscrire dans une entreprise terroriste pour qualifier une AMT. Ce n’est pas une idée qui doit le justifier. Il faut dire si les actes commis le sont dans un but terroriste.

Ici il n’y a qu’un élément matériel : la participation à la confection d’explosifs. Le seul comportement délictuel qui peut lui être reproché. Elle n’est pas en mesure de rapporter toutes les étapes de la fabrication. Son intérêt n’est pas porté vers ce genre de choses et se tourne plutôt vers les sciences humaines. 

Il n’y a jamais eu de sa part de volonté de dissimulation.

On vient soupçonner qu’iels cachent leurs connaissances du mot TATP, alors que dans les écoutes le mot n’est jamais prononcé. Elle ne cache pas sa participation, elle dit elle-même qu’elle a acheté de l’eau oxygénée. On déclare qu’elle l’a acheté avec sa carte bleue. Mais aucune trace d’investigation. Cela devient un achat de produit précurseur et on vient après coup en faire un élément déterminant. 

Tous décrivent le moment de la confection d’explosifs de la même manière, parce que c’est la vérité. Iels tâtonnent et se demandent comment absorber de l’humidité (ce qu’iels font à l’aide de papier-toilette, comme des amateurs).

C’est 15275SI qui est l’auteur des PV retranscrits entre le 12 et le 15 février 2020, qui sont par la suite envoyés au PNAT le 17 février 2020. L’ouverture de l’enquête a lieu le 20 février. Le ministère public dit que ce serait la charge de travail des enquêteurs qui a fait que les arrestations ne sont pas faites immédiatement. Si on entend des gens fabriquer des explosifs et qu’on ne les arrête pas immédiatement, c’est peut-être parce qu’iels ne sont pas dangereux? Pourquoi ne pas les arrêter alors qu’ils sont tous ensemble à Parcoul ? Pourquoi on ordonne un rapport d’expertise en même temps qu’on décide du jour des arrestations ?

Après ce moment, elle ne reverra que F. et W.

L’expert est mandaté le 19 novembre 2020, le jour où la décision de les arrêter est prise. « Faites rapidement cette expertise, on doit les avoir dans les prochains jours » déclare le PNAT.

On vous l’a dit : c’est rare les sonorisations, mais il n’a que les retranscriptions. C’est la première fois qu’il travaille ainsi. 

Oui, C. participe à la confection d’explosifs, mais cela est insuffisant, il faut un projet. Seul, un comportement ne suffit pas, il doit s’inscrire dans un but, un projet. Pas de projet, pas de terreur.

Fin août 2020 on retrouve deux manifestations d’humeur de C. Elle n’a pas pu déposer son chèque auprès de sa banque. Elle dit qu’elle a envie de « brûler les banques ». Puis elle pète un câble avec les restrictions sanitaires. Elle dit un peu n’importe quoi, qu’elle pourrait péter des drones, qu’elle pourrait caillasser des flics, elle pourrait….

Selon un sondage IFOP de 2023, 32% des français ont un sentiment d’hostilité envers la police. Et si elle faisait partie des 32 % ? On a le droit d’avoir une vision critique, des lectures politiques, engagées, et même subversives.

On l’a interrogée ici : « Mme B., est ce que vous cautionnez la violence ? » 

Elle l’a dit dès la GAV, elle ne cautionne pas le fait de s’en prendre à des policiers. Elle a même le droit à des lectures subversives si ça lui fait plaisir, cela  ne constitue pas des faits matériels, qui eux-mêmes doivent être caractérisés par l’adhésion à une idéologie.

Il ne suffit pas de commettre un acte violent au nom de ses idées pour verser dans le terrorisme.

Vous ne pouvez pas la réduire à un extrait de la liste de ses brochures. Elle a le droit à des lectures subversives si elle en a envie. Lecture ne vaut pas adhésion.

La « Conspiration des cellules de feu » est un pdf présent dans les scellés numériques de ses co-prévenu.es. Dans ses PDF à elle il y a une lettre écrite par des membres d’AD. Les disques durs résonnent entre eux. Les pdf des uns et des autres résonnent entre eux (elle se fout de la gueule du PNAT qui disait la veille qu’i y avait résonance entre tous les fichiers retrouvés sur les ordi des uns et des autres);

Après un mois, lorsqu’elle déménage dans le Limousin, elle fait modifier son contrôle judiciaire, le 25 juillet 2022. Une note est écrite en août, dans laquelle est mentionné le fait qu’elle habite dans la même rue que Julien Coupat. 

Ce n’est pas le fort de la DGSI, la nuance politique et elle déplore le manque de subtilité dans l’analyse des courants politiques. Je ne peux donc qu’espérer qu’elle suive le même sort que Julien Coupat.

 Les mots justes qui s’imposent pour elle : la Relaxe !

GUILLAUME ARNAUD (CAMILLE)

Je ne vais que marteler, répéter, car le matériel brut est terriblement pauvre et est vérolé. 

On parle de secret, de chuchotements. ( il parle en s’éloignant pour démonter le fait que dans les écoutes, on parle de chuchotement quand il s’agit simplement qu’on s’éloigne du micro); 

 On dit à C. : « Votre vie est tournée vers un projet fantomatique ponctué d’évènements violents ». 

Je me suis plongé dans « Comment créer une unité milicienne » chapitre 3. Il s’agit d’atteindre une forme physique. Cela doit se faire en deux étapes : le renforcement physique, en deux semaines, puis une lente amélioration. A Parcoul-Chenaud, iels ont eu un mois. Je ne comprends pas pourquoi ils ne respectent pas ce qui est écrit. Si vous êtes pris par des préceptes, essayez au moins de respecter la 6ème page !!

C. a une ambition, elle veut rendre visible les luttes, comme dans le collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, mort de cinq balles de la BAC ou Angelo Garrand, mort sous les balles du GIGN. Elle se demande comment on en arrive à mourir dans ces conditions. Elle questionne la légitime défense et l’usage d’armes létales par les forces de l’ordre. Ces drames ont donné lieu à des marches blanches. 

Mardi 10 octobre 2023 : un rapport a été approuvé en commission par 44 voix. L’Assemblée nationale se dit inquiète de l’action des forces de l’ordre en manifestation, elle dit qu’il faut pouvoir compter les blessé.es, les recenser. 

Puis Me Arnaud cite Didier Fassin qui a une critique très dure de la police, aussi dure que « celle-ci » peut le faire. 

C. vient critiquer le confort bourgeois, ce n’est pas le plus agréable à entendre pour vous – ni pour moi. 

Au sujet des institutions. Elle en respecte les contours puisqu’elle accompagne des personnes en procédure, alors qu’on l’accuse d’être « plus encline à remettre en cause la procédure que son propre comportement » selon le procureur. 

Les éléments matériels ? On parle d’une « multiplication d’entraînements paramilitaires ». Néanmoins aucune référence à des entrainements antérieurs ne se trouve dans les sonorisations. 

Elle serait une spécialiste de l’art du camouflage ? Des retranscriptions ne seraient pas retransmises pour « protéger son intimité » ? Il parle ici de blague.

Maitre Arnaud tient à noter qu’on a spécifié pour C. qu’elle n’avait pas d’enfant alors qu’on ne l’a même pas dit pour S. alors que pour lui il s’agit d’un projet de vie. Sans doute, dit-il, que cela tient-il à sa capacité à enfanter. 

Au sujet de Parcoul-Chenaud : « le lieu de l’entente ». On compte 21 jours entre les essais de fabrication d’explosifs et la partie d’airsoft. S’iels étaient réellement tendus par des intentions de recrutement, ils en parleraient, mais rien, aucune conversation n’est versée au dossier.

Le 05 avril 2020 à 21h46, F. cherche le chemin pour venir à Parcoul. Le 11 avril 2020 : c’est la retranscription suivante. Entre les deux ? Iels n’en parleraient pas. 

Un autre point sur Parcoul-Chenaud, C. aurait participé à une discussion où il s’agirait de s’en prendre à la police. Elle affirme que « non, elle n’en n’a pas été témoin », les autres prévenu.es ont aussi précisé qu’elle n’était pas présente, mais le parquet remet cela en doute.

Puis il est question de questionnements sur ville/campagne, autarcie/automomie, c’est une discussion récurrente. 

Discussion à Bollène où F. dit qu’il veut cramer toutes les voitures de police. Il faut prendre en compte le côté irréalisable des énoncés. Le commissariat est en face de l’Intermarché qui est équipé de 17 caméras. Il est dit qu’elle aurait rencontré S., non, elle ne l’a pas rencontré. 

Au sujet de la conversation « debrief » après la partie d’Airsoft : Elle a une connaissance assez fine de ce qu’on pourrait appeler le Retex. (Retour d’Expérience) Elle vient questionner comment on vit ensemble et pas comment on se tue les uns les autres, elle se questionne sur les rapports d’oppression, les places de chacun.e dans les groupes (W. et B. prennent beaucoup de place dans le groupe, notamment niveau sonore.. ).

Starhawk : activiste éco-fémininiste qui décrit les places, les rôles et comportements des groupes. Maitre Arnaud déclare qu’elle lui a fait lire Starhawk.

C’est ça qui l’a intéressé chez C., c’était son champ de réflexion. A Parcoul, elle est attentive à chacun pour pour que tout le monde se sente bien. « Les mecs virils ca n’arrive pas à se déplacer tout seul » et c’est ce qui l’interessait, les déplacer. 

Elle ne lâche rien !  On lui reproche d’avoir gardé le silence. Cela ne devrait pas être sujet à débat : c’est le droit au silence. Sa première demande d’accès au dossier a été refusée ! Tout le monde n’avait pas encore été arrété et auditionné, il était entendable de ne pas faire appel.

Deuxième demande d’accès au dossier : encore refusée ! Elle fait alors appel et obtiendra le droit d’accès par la Cour d’Appel.

Lors de ses premiers interrogatoire, il y a une construction dans les auditions avec des trous dans la raquette. A ce procès, dans le chapitre sur les armes, on la questionne sur l’airsoft. Elle dit qu’elle ne comprend pas le rapport. Il y a donc bien une construction en GAV.

Fijait : c’est incroyable que ce soit demandé. Pas de manigance ni de déformation de la réalité de la part de la défense. Pas d’écran de fumée. 

Il faut garder la juste mesure dans ce dossier : je demande donc qu’il n’y ait pas d’inscription au FIJAIT.

Parcoul-Chenaud : c’est aussi là qu’a eu lieu la formation à Tails . Elle va être claire en interrogatoire, elle veut être maître de son ordi, de sa propre vie. 

La brochure qu’elle a, qui fait référence à Action Directe : il y a des adresses mail de personnes qui l’ont diffusée. C’est écrit « Contribution » et c’est traduit « manifeste » par le PNAT.

Ça n’a aucun sens.

La brochure « Brule ton école », ce sont des contes satiriques. Il y a notamment l’histoire des sciences, c’est une contribution critique. « Cette violence révolutionnaire, on la retrouve dans le dossier » dira le PNAT. Une fois qu’on passe le prisme du passage à l’acte, c’est tout flou, on fait avec ce qu’on a.

A été mentionné un groupe Signal, « Trêve de fête » sur lequel plusieurs prévenu.es sont. 

En GAV, elle donne son ADN , alors qu’elle ne voulait pas. Mais elle dit : « Je ne veux pas donner toute mon intimité, jusqu’au bout des orteils »  Donc à un moment STOP. Elle n’a rien à cacher, mais à un moment elle dit stop après avoir donné son ADN.

Il évoque encore une brochure, de Zehra Degan : elle a été placée en détention en Turquie, puis relaxée.Elle a été inculpée pour « propagande terroriste » à cause de la diffusion d’une photo d’une femme kurde en prison. Elle ira jusqu’à la CEDH, la Cour reconnait les torts de l’état turc, qui est obligé de l’indemniser. 

« Ce n’est pas très grave tout ça » et on rappelle que « lire ce n’est pas adhérer ».

Il demande à pouvoir récupérer le téléphone de sa mère, son dernier ordinateur, les clés USB.

La grand-mère de C. a envoyé un article du Canard enchainé : «  La rébellion, c’est ne jamais être d’accord avec le monde tel qu’il est ».

Conseil donné aux gens ici :« Ne soyez jamais d’accord avec le monde tel qu’il est ! »

EMILIE BONVARLET (WILLIAM)

D89012 : 1er interrogatoire « Je ne voulais pas qu’on fasse un raccourci entre mon engagement pour les animaux et mes entrainements au stand de tir, qui sont des choses totalement différentes. »

Ce fut un coup de massue de voir qu’il a été décrit comme dangereux . Dur de voir qu’il est impossible de s’en défendre. La procédure ne présente aucune forme de partialité. La Défense a t elle une office auprès du parquet ? Et vous mesdames les juges, avez vous encore une office auprès du parquet ?

Ce qu’on veut, c’est qu’on soit dans l’état de sidération dans lequel était le prévenu le 08 décembre 2020.

Vous avez plus de 2 ans de surveillance administrative, 11 mois d’enquête, 2 ans d’instruction. 

25000 sonorisations, des centaines de milliers d’appels. Et là, aucun élément matériel. Vous avez seulement une infraction pénale.

Gloubi-boulga du PNAT : La fabrication d’explosifs est reconnue. L’anarchisme est fantasmé par le PNAT. Le PNAT et la DGSI s’auto-alimentent. On oublie les personnes, leurs vécus, leurs débats. « Les conditions d’émergence par capillarité » : on oublie les personnes, les nuances. Peu importe l’alcoolisation, l’humour, le conditionnel. Peu importe, puisque la DGSI est convaincue . Tout est affirmation, réduction : Iels sont anarchistes, donc dangereux.ses, donc ayant pour objectif de tuer des policiers.

Le PNAT dit que les projets sont invariables : il s’agit d’attaquer des policiers. Le PNAT dit que si le rapport est un renseignement anonyme ou une plainte, dans ces cas on peut contester, s’en défendre. Là, non, c’est la valeur de la parole du commissaire. 

On a voulu interroger les policiers. Je n’ai pas compris que le PNAT défende que leur enquête soit sans faille, je n’ai pas compris qu’ils ne les fassent pas venir. Ca n’a pas été possible, car ce n’a pas été souhaité. Nous avions besoin de leur poser des questions. Ils ne veulent rien remettre en cause. L’objectivité est par conséquent  illusoire.

– La notion de danger est elle présente ? 

– Les lapsus  (glissement sémantique de « lunettes balistiques » à « gilet balistique » puis à « à gilet explosif »)

La défense souhaitait les interroger sur leur choix de sélection des écoutes, choix faits par elleux seuls.

A l’issue de cette enquête, vous n’avez ni cible, ni moyens, ni projet d’ailleurs. Vous n’avez que des mots.

Revenons sur des paroles.

Nous devons y revenir car on ne peut que reconnaître la violence de ces interpellations à 6h du matin pendant le confinement : cagoule, train, regards des passants, 4ème sous-sol du PNAT…

Lors du 1er interrogatoire : on constate qu’une pause technique n’est pas référencée.

Or il existe une jurisprudence ayant censuré un interrogatoire se déroulant en cellule, en pointant le fait que c’est une procédure déloyale.

Avait-il déjà évoqué le fait qu’on lui ait dit que F. voulait tuer des policiers ou des militaires avant que la question ne lui soit posée ? Or à ce sujet on lui pose une question fermée, il ne faut donc pas qu’on ne s’étonne qu’il reprenne les termes de la question.

La DGSI informe W. que F. était sur le point de commettre un crime extrêmement grave. Dans ce contexte, que vaut une réponse ? Est-ce normal pour des enquêteurs de prêcher le faux pour obtenir des paroles ? 

Rien n’est gravé dans le marbre en droit pénal. Même des aveux peuvent être rétractés. 

Même avec ces déclarations W. résiste. « Je ne peux pas dire si c’était une opinion ou un projet ». Intellectuellement, il résiste à l’idée qui lui a été mise dans la tête. 

Il a fait une déclaration dès qu’il en a eu l’occasion, pour resituer ces paroles dans leur contexte : « Il s’agit d’une beuverie où chacun en rajoutait ».

On sent qu’on est dans un abandon du droit pénal où la question de l’intentionnalité est centrale. Il y a un point important en droit : la présomption d’innocence. Une AMT ne justifie pas l’inverse.

Au sujet de cette discussion, iels sont cohérents et disent que C. n’était pas présente.

Dans cette discussion, il y avait un désaccord, une opposition. Camille aurait été débriefée… puisqu’ils avaient l’habitude de le faire pour un peu tout Or C. et F. n’y ont jamais fait référence ensuite.

C. a fait référence à une discussion entre F., W. et B., qu’elle a entendue, et dans laquelle ils parlaient de leurs projets de vie, de la question de l’autonomie à la campagne, de l’autarcie (B. et W.) ou de la lutte contre une extrême-droite qui s’arme et se renforce. « Tu combats ou pas ? » « Où vas-tu trouver une arme ? »

Le PNAT a entretenu une confusion volontaire entre ces 2 conversations. Avec des si, on ne fait pas de l’intentionnalité.

Vous les avez vu à cette audience, ils ne sont pas capable de se tenir alors qu’ils encourent 10 ans. Tout est prétexte à une mise à distance. Iels font de l’humour, tout le temps.

W. aime ce qui fait boum. Il explose des objets en terre cuite. Il a toujours dit qu’il voulait faire des pétards. 

S’agissant de l’airsoft : iels étaient intenables ! C’était du théâtre. Tout le monde l’a dit, tous les témoins,  toustes les personnes présentes.

L’unique argument du PNAT pour contrer cette idée que c’était une ambiance de colo est le fait qu’une témoin a déclaré qu’elle avait pensé à F. quand elle a vu les arrestations à la TV. (Florian D. ex volontaire au Rojava, le raccourci est pas si difficile à faire ).

Le fichier AAAqui contenait les fichiers pdf n’a pas été exploité comme il faudrait. Le PNAT n’est pas revenu sur l’argument de la défense qui est que dans l’exploitation du fichier, il n’avait pas été vérifié la dernière ouverture du fichier. Le dossier contenant ce fichier est daté de Sivens.

Au sujet du survivalisme : quel.le parisien.ne n’a pas eu cette discussion avec un ami en 2020 ? : « Viens, on trouve un bout de terrain, on met des poules et on se casse de cette ville ! »

Quel rapport avec une AMT terroriste ? 

L’action qu’il a effectuée pour la cause antispéciste ? Il avait 20 ans ! C’était il y a plus de dix ans, les faits remontent à 2010, ont été jugés en 2016 et lui ont valu 4 années en contrôle judiciaire, qu’il a respecté. 

« Une action qui met en danger la vie d’autrui ».  C’est la nuit, il n’y a personne. Il met le feu à un camion. Le seul qu’il a mis en danger, c’est lui-même.

Il s’est mis à la chasse, il a obtenu le permis en 2019. Il a un rapport sensible aux animaux, il ne se cache pas derrière les emballages plastiques. Il n’a pas le droit d’évoluer ?

En stand de tir, il cherche une occasion de concentration, comme avec le tir à l’arc. On n’est pas face à une personne qui va se défouler avec une Kalachnikov !

On lui reproche d’accumuler des armes. Il en possède cinq, dont une qu’il revend. 

Au sujet de la communication du 20 août 2020 : la colocation à Parcoul est terminée. Il souhaite vendre ses armes. Une seule est reprise dans le dépôt-vente. Les autres ne sont pas achetées assez cher, donc il les garde. La communication est enregistrée. C’est fou de dire qu’il était dans une logique d’accumulation ! 

Oui il aime le tir et il en parle, il a avoué qu’il a donné envie à d’autres de le pratiquer. 

Entre pratiquer au stand de tir et passer le permis de chasse, le plus simple c’est le stand de tir. Pour le permis de chasse, il faut se signaler à la préfecture, c’est de l’administratif. Mais l’intérêt du permis de chasse, c’est de chasser. On lui reproche de ne pas avoir chassé ? Il s’entraine au tir pour ne pas blesser un animal, mais réussir à le tuer directement.

Sur la formation d’artificier : il ne l’a pas faite car il ne voulait pas être simplement aide-artificier, ce qu’il aurait été à cause de ses antécédents judiciaires. Donc il ne voulait pas « juste des compétences en explosifs ». Il voulait une réelle formation professionnelle pour pouvoir travailler dans ce domaine.

Je ne suis pas d’accord avec l’accusation : on est face à des potes qui se bourrent la gueule et qui refont le monde. Donc je vous demande de ne pas retenir la qualification d’AMT.

SERVANE MEYNIARD (WILLIAM)

Pas de « A », pas de « M », pas de « T » (pour « association de malfaiteurs terroriste »).

Mais pas de « O » non plus, ni de « B » (pour « bande organisée »)

La jurisprudence est plus ferme pour définir ce qu’est la bande organisée. Il est nécessaire qu’il y ait « prémiditation et organisation structurée entre ses membres ».

Le bateau qui brûle avec la petite fusée qui fait « pfuiiiit ! » est à l’image de ce dossier. Il est fait référence à de multiples reprises dans les écoutes de ce bâteau et d’un futur bateau ! 

Il n’y a pas de préméditation ! 

Le PNAT dit que F. vient avec tout le matériel, ce qui n’est pas exact, ni avec toute la recette.  L’eau oxygénée vient après, les mèches aussi. Pour la recette, ils font des recherches.

Lapsus du PNAT : le proc a utilisé le terme « tourisme » pour « terrorisme ». Oui ce sont bien des touristes des explosifs ! 

Ce qui les rassemble, c’est le Covid.

Ils tâtonnent, étudient de manière empirique. Ca veut dire qu’ils essayent et que ça ne fonctionne pas. L’expert se moque d’eux. Il dit qu’iels sont incompétent.es. Le PNAT dit qu’iels étaient conscient.es des risques encourus s’agissant de ces explosifs. Iels fabriquent des explosifs dans un camion qui est le lieu de vie de F., avec les chiens qui sont très proches. 

Iels allument leurs briquets dans le camion. Iels passent leur temps à rire, à chantonner. Iels proposent même de mettre une allumette dessus. « Ya pas de raison que ça marche ». « Si on se protégeait avec ton ordinateur ? ».

Aucune trace de trou dans le sol n’a été constatée selon les dires des personnes présentes (la DGSI n’a d’ailleurs pas contesté). La seule fois où iels ont conscience d’un danger, c’est après le « Boum ». D’ailleurs, après iels arrêtent leurs essais.

L’agent 1527 est absent à ce procès. La retranscription des sonorisations a été effectuée deux fois pour la même journée, il a retranscrit le 11.04 en date du 12 et du 14.04 (le lundi de Pâques, rien). Et après on nous dit que les agents sont débordés…

Le 14 avril 2020, l’agent pose le mot TATP lui-même, puis fait remonter l’information au parquet le 16 avril.

On ne demande à l’expert que le 19 novembre 2020. Entre ces essais et l’interpellation, il y a 241 jours.  Cela prouve bien qu’iels n’étaient pas dangereux.ses, sinon on serait venu les arrêter plus tôt.

S’agissant des armes : le SNEAS avait entamé une démarche pour empêcher W. de les conserver. La DGSI leur a répondu de ne surtout pas lui retirer ses armes. Donc où est la dangerosité ? C’est bien là la preuve que même la DGSI pense qu’il n’est pas dangereux.

L’année 2011-2012, W. commence son Master, il se rend en ZAD par la suite. Il n’abandonne pas ses convictions. Il évolue. Il apprend d’autres manières de faire. Il n’est pas comme l’ORTC l’a déclaré « en totale contradiction avec son passé d’antispéciste ». Il lui est impossible de trahir ses convictions profondes.

Le permis de chasse lui permet de déclarer son terrain en chasse gardée. Sa mère le déclarera : « Il y a un certain respect entre les chasseurs à ce niveau là ». 

Sa passion pour le tir, la façon dont il en parle, dans la prolongation du tir à l’arc, pour se concentrer, calmement. Il en parle à plein de personnes, « qui ne remarquent rien de déviant ».

Il en a une pratique régulière et sérieuse. Il s’est rendu 20 fois au stand de tir. Concernant la collection d’armes, c’est une tradition familiale. 

La peine requise comporte un sursis probatoire, comprenant une obligation de soin et de travail. Pourquoi ? Ce n’est pas justifié . « Ce sont des gauchistes, il faut bien les éduquer ».

L’interdiction de port d’arme n’a aucun lien avec l’infraction concernant les explosifs donc je demande de ne pas inscrire sa condamnation au B2 pour qu’il puisse continuer la pratique de son sport. Il ne faut pas que sa passion pour le tir sportif ne soit mise à mal. 

Me Meyniard demande également la restitution de tous les scellés.