Le 8 décembre 2020, dans divers lieux à travers toute la fRance, se déployait une opération judiciaire et policière « antiterroriste ». A l’approche de la date anniversaire, on avait envie de faire rapidement le point et donner des news.
Cette opération fût déclenchée suite à la surveillance systématique par la DGSI de personnes rentrant d’un séjour dans une des zones considérées par les services secrets comme « dangereuses ». Un juge d’instruction du Parquet National Anti-Terroriste s’est alors saisit de ces notes blanches et a enquêté par l’intermédiaire de la DGSI, sur des personnes entourant un camarade revenu justement d’un séjour au Rojava. Cette enquête, un dossier d’instruction de 1800 pages, se solde par une vague d’arrestations le 8/12/20, suivie de toutes les conséquences subies depuis 4 ans dont on fait un rappel non exhaustif ici.
A l’issue des arrestations, 14 lieux sont perquisitionnés. Après 96h de garde à vue dans les locaux de la DGSI, sous les pressions psychologiques, les interrogatoires sous médicaments, des pièces falsifiées ou hors contexte, 7 personnes sont inculpées. Elles sont alors déferrées devant le juge d’instruction et 5 d’entre elleux sont placées en détention provisoire.
L’affaire a également impacté de nombreuses personnes autour. 12 personnes en tout ont passé 4 jours en GAV à la DGSI, avec de nouvelles arrestations en février et septembre 2021. Un total de 29 convocations, dont la plupart ont été la menace pour obtenir un permis de visite en prison. Sans compter la quantité de matériel et de biens personnels ou informatique qui ont été saisis pendant les perquisitions et qui, à ce jour, n’ont pas été rendus.
Jusque là les inculpé.es ont fait 47 mois de prison cumulés, une mise à l’isolement, des fouilles à nu, des interrogatoires interminables, des refus de soin, des galères d’accès aux colis, cantine, courrier, etc… pendant l’instruction.
Des remises en « liberté » au compte-goutte, le PNAT faisant appel de la libération de l’un d’entre eux, un autre réussi à sortir après une grève de la faim de 36 jours, passant d’une sortie de l’isolement carcéral à 6 mois de bracelet électronique dans le cadre de son CJ.
Pour l’ensemble, c’est 277 mois de CJ, comprenant le pointage, la limitation géographique des déplacements, l’obligation de résidence, de travail, les rdv avec « binôme de soutien » (éduc et psy) et le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation)…
Pour finir, c’est un total de près de 150 000e de frais comprenant le paiement des avocat.es, la préparation des colis en prison (habits, revues, livres), la thune pour cantiner, puis tous les frais et les déplacements des soutiens. Et tout ce qui ne se quantifie pas : les séquelles physiques et psychologiques, le mépris, les menaces, les pressions, des relations durablement affectées, la surveillance continue…
Seize après-midi d’audience, soit 1 mois de procès, un rendu 2 mois plus tard et les arguments de la juge donnés 9 mois après le rendu ! Tous.tes sont reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Iels ont été condamné.es en première instance à des peines allant de 2 à 5 ans de prison, dont 15 à 30 mois de sursis probatoire, impliquant un lourd contrôle médico-social : rdv SPIP, suivi addicto, psy, obligation de résidence, obligation de travail, et donc la menace de faire tomber le sursis en cas de manquement.
Pour 6 d’entre elleux une inscription au FIJAIT (Fichier des auteurs d’infraction terroriste) : contrôle des déplacements à l’étranger, pointage, justification de domicile tous les 3 mois et interdiction de travailler dans certains domaines (santé, fonctionnaire, animation…).
Et toujours l’interdiction de communiquer, sauf pour 2 d’entre eux.
Sur les 7 condamné.es, 6 ont choisi de faire appel du rendu du procès, l’audience aura lieu en novembre 2025.
Au delà de la contestation de ce rendu pour les 6 inculpé.es, c’est aussi et surtout le choix de ne pas laisser s’ancrer cette décision comme une jurisprudence qui permettait à l’État de continuer de réprimer plus férocement encore nos luttes et modes de vie.
L’outil anti-terroriste, avec sa législation dite d’exception (qui l’est de moins en moins), reste un outil hyper utile pour l’état. Grâce à cette affaire, comme pour d’autres affaires précédentes, les moyens d’enquête déployés ont permis de faire un instantané de la géographie des relations au sein des groupes militants, anarchistes, anti-autoritaires. Peu importe la finalité, une culpabilité réelle ou non, d’un projet réel ou fantasmé, l’important pour la justice est de maintenir la peur, d’occuper les gens sur de l’antirep. Ainsi il lui est possible d’observer comment les groupes fonctionnent et d’affûter leurs outils de maintien de la paix, le tout grâce à des capacités de surveillance sans limite.
En attendant, l’épée de damoclès judiciaire reste menaçante au dessus de la tête des inculpé.es. On vous invite à aller jeter un oeil sur les blogs, qui contiennent l’historique de cette affaire, les actions mises en place, les comptes rendus du procès et les divers textes d’analyses publiés. On y mettra aussi la suite des évènements, stay tuned !
Nous encourageons toutes les personnes qui se sont retrouvées face à la justice à partager leurs expériences, via la rédaction de brochure ou autres. Parce que raconter comment la justice enquête nous apprend à mieux s’en sortir quand on se retrouve dans ses filets. Parce que réfléchir aux erreurs stratégiques de défense permettra à ce que d’autres puissent les éviter. Parce que discuter de nos expériences de procédures, de procès, de rapport aux avocat.es, de prison, de contrôle judiciaire, nous aide à mieux nous préparer à cette éventualité, pas comme une fatalité mais plutôt comme quelque chose qui peut arriver…
Se soutenir et s’aider dans ces situations nous rend plus fort.es ensemble et évite l’isolement face au rouleau compresseur de la justice.
Restons solidaires !
Les blogs des comités :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.blackblogs.org/
Cagnotte en ligne :
https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9
Evènement à venir :
Soirée anti-répression le vendredi 13/12 en Ardèche / Les Blayons – 07270 Nozières. Prix libre. En soutien à des luttes en cours qui subissent la répression policière et l’autoritarisme judiciaire et politique. Infos / cantine / concerts / tombola !